Je lève mon verre à monsieur Lauren

En proposant à quelques grands élégants de réaliser les milanaises aux revers de leurs vestes, je vois défiler dans mon petit atelier nombre de vestes de grands faiseurs, dernièrement Caruso, Oxxford, Zegna et bien d’autres.

Et récemment, une veste Polo Ralph Lauren. A priori, pas une veste palpitante, un simple thermocollé certainement vendu hors de prix. Et puis, je l’ai regardé, bien aidé par l’ouvrage que je devais y exécuter. Les revers étaient généreux, presque 14cm (sur une taille 56 tout de même) et le cran haut. Mais le tissu – un banal laine et soie – était parcouru d’un carreau type prince de galles marron/beige fenêtré rose. Et quand je dis carreau, c’en était bien un, d’une dimension proprement extravagante, au moins 12cm de haut par 10 de large. Le tout avait l’air d’avoir fait le voyage aux Indes dans une malle des années 30. Insensé.

Et même si j’étais réservé par rapport à la qualité générale, je ne pus m’empêcher d’être subjuguer par ce que j’avais devant les yeux. Je ne regardais plus tellement le produit, mais l’imaginaire qui y était rattaché. Et ça, c’est précisément génial.

Je me demande toujours à propos de l’aménagement de telle ou telle boutique s’il est propice à la vente voire même au vagabondage d’esprit. Pour les plus parisiens d’entre nous, êtes vous allé au flagship Ralph Lauren du boulevard Sait Germain ? Un vrai musée – enfin tout de même pas. Une expérience plutôt où l’on ne se rend même plus pour acheter, mais pour flâner, pour humer. Je m’interroge alors. Entre une boutique Canali ou Hugo Boss à la ‘déco’ très institutionnelle et un tel lieu, lequel je préfère ? Dans le même genre, pour m’être déjà présenté une ou deux fois chez monsieur Marc Guyot, je trouvai l’endroit un peu encombré. Bien au contraire me répondent des clients en commun, c’est une caverne d’Ali Baba. Indeed. Ça a son charme.

Alors, les hommes préfèrent-ils acheter des vêtements dans un lieu qui ne ressemble pas à une boutique de vêtement ? Peut-être. Est-ce plus masculin que féminin? L’aspect club – où l’on achète accessoirement – est-il plus vendeur ?

Je salue en tout cas la netteté de cette ‘œuvre’ car cet empire en est presque qu’une! Ralph Lauren est à la tête d’une petite entreprise dont le corpus référentiel est très homogène, presque ciselé. Et je suis sidéré par sa capacité à vendre pour tous les segments. Combien de marques arrivent en effet à vendre à différentes clientèles, des plus argentées à celles qui le sont moins ? Le B-A-BA du marketing n’est-il pas de cibler au contraire ? Or chez Ralph Lauren, on trouve du prix bas/moyen (aux USA en particuliers) avec Blue Label (autre nom de Polo Ralph Lauren), double RL & Co, Denim & Supply, RLX et autres ; et des prix hauts avec Black Label et Purple Label ; en passant par la joaillerie, les montres, les accessoires, les lignes féminines et la gamme pour la maison. Le tout dans un univers référentiel très aristocratie côtes Est américaines. Je tiens du reste à saluer la ligne Purple Label qui constitue pour moi un exemple de qualité indéniable, pour un prix presque maîtrisé. Une épure de style anglais presque.

Cette démarche parait typiquement anglo-saxonne. Prendre des références disparates et constituer avec un ensemble unitaire, faire du neuf avec du vieux semble être le secret de cette maison. Nous pourrions constater que les grandes maisons françaises ne fonctionnent pas comme cela. Typiquement, le naufrage d’Old England en est un exemple frappant, alors que le lieu était le plus propice ‘à un bazar’ charmant, rempli de thé du Ceylan, d’écharpes en Yak et autres pantalons en cachemire. Ceci dit, Hermès ou Lanvin ont l’histoire de leur côté, c’est un point aussi essentiel. Permettant peut-être d’aller plus loin dans le style ?

Pour ma part, je me demande encore si j’affectionne plus les salons de Ralph Lauren ou ceux d’Hermès. Je me questionne. Et vous? Ceci dit, entre la boutique de monsieur Lauren et les boutiques Sandro ou Comme des Garçons, j’ai vite fait mon choix. Et je rajouterai même que la moins convenue des trois n’est pas celle que l’on croit …

Julien Scavini

13 réflexions sur “Je lève mon verre à monsieur Lauren

  1. Romain 1 octobre 2012 / 23:07

    Pour ma part c’est dans la boutique de Brooks Brothers que j’aime flâner / acheter, peut être l’aspect club, la moquette épaisse, le bois qui orne la boutique.. cela lui confère une « vraie » atmosphère

    • Julien Scavini 2 octobre 2012 / 08:35

      Absolument, mais plus petite. J’avais déjà fait un article dessus si je ne me trompe pas. J’aime beaucoup leur production également !

  2. Guillaume 2 octobre 2012 / 19:01

    Je ne connais pas particulièrement les boutiques parisiennes, mais il y a à Bruxelles quelques « cavernes » de ce type (en particulier Degand et son hôtel particulier dédié à l’élégance masculine) qui sont particulièrement agréables à visiter.
    Car en effet, dans ce genre de boutiques, c’est un vrai plaisir de se promener, regarder, toucher, sentir, admirer les confections et l’atmosphère particulière qui dégage du lieu. Et puis c’est également une source de connaissance et d’inspiration de découvrir de tels lieux. Il m’arrive d’ailleurs régulièrement, lorsqu’en plein voyage, un vendeur me sort de mon rêve, de lui annoncer que « je ne cherche que l’inspiration ».

    • Julien Scavini 3 octobre 2012 / 10:38

      Ah cette maison semble renommée ! Vraiment. Mais je n’ai jamais eu le plaisir de la visiter autrement que par internet interposé !

  3. Le Paradigme de l'Elegance 4 octobre 2012 / 12:15

    Bonjour Julien,

    Tout comme Romain dans un commentaire précédent, je préfère nettement la boutique de Brooks Brothers, car l’entreprise possède une véritable Histoire.
    Si les boutiques Ralph Lauren sont effectivement belles et stimulent l’imagination, je trouve qu’elles manquent cruellement d’authenticité. Je ne suis pas dupe lorsque je m’y rends : j’ai l’impression de me promener dans un gigantesque parc à thèmes et qui, comme tout parc à thèmes, est en carton pâte et exacerbe le réel, le travestit. Et puis, les nombreux détails des décors ne signifient rien. Qui sont ces personnes dont les portraits sont suspendus dans la cage d’escalier de la boutique St Germain, par exemple ? Ils n’ont aucun lien de parenté avec RL ; ils sont là pour « donner une impression » de respectabilité, d’Histoire.
    Ralph Lifschitz, ou tout du moins ses employés, sont effectivement très performants sur le plan du marketing : ils arrivent à vendre n’importe quoi à n’importe qui. Mais voilà, nous retombons dans les travers des marques qui vendent d’abord une image, et ensuite un produit. Alors je n’ai aucune admiration pour eux !

    Amicalement,

    M.

    • Julien Scavini 4 octobre 2012 / 21:58

      Je reconnais bien là ton inflexibilité 🙂

    • Julien Scavini 5 octobre 2012 / 17:22

      Ceci dit, je vais quand même apporter des arguments contradictoires 🙂 On va faire comme à l’Union ^^

      Bref, on pourrait objecter que :
      1- tout le monde n’a pas la chance d’hériter d’une belle marque, et que dès lors, les nouveaux créateurs doivent bien se faire un place. Évidemment que RL est jeune. Elle a l’âge du bonhomme.
      2- l’on peut trouver plus de satisfaction à savoir que le créateur est toujours aux commandes, à la différence de BB, racheté je ne sais combien de fois et qui n’est qu’une marque parmi un catalogue de son propriétaire ..?

      Alors réponses ? 🙂

      • Le Paradigme de l'Elegance 9 octobre 2012 / 14:16

        Cher Julien,

        Désolé de répondre aussi tard.

        C’est sûr, une enseigne doit se construire sur un héritage historique, et les « marques » n’ont pas toutes ce capital. Est-ce pour autant qu’il faut brûler les étapes, en s’inventant un passé historique grandiose et faste, comme le fait RL ? Le « business » d’aujourd’hui veut engranger des profits immédiats, mais cela veut dire qu’il leur est impossible de démarrer de manière discrète et de commencer un processus de création qui, dans des dizaines d’années, voire plus de cent ans, deviendra un héritage dont on pourra se prévaloir. Je préfère pour ma part remettre les gains à plus tard, et établir l’enseigne sur de véritables et solides fondamentaux historiques. Mais c’est une position très idéaliste, je te l’accorde !

  4. WLSPENCER 8 octobre 2012 / 20:02

    Bonsoir Julien,

    Je dois avouer que même si les boutiques RL sont une invitation au voyage, j’ai énormément de mal à me dire que je vais payer une coquette somme tout ça pour financer une marque et des budgets de communication colossaux, mais nous dirions qu’il en faut pour tous les goûts et je rejoins un peu LPDE. Une de mes boutiques préférées restant la mythique charvet, qui sait allier élégance sobre (contrairement au logo de RL toujours visible), noblesse des matières, authenticité dans la fabrication (AH leurs cravates…) et un prix pas beaucoup plus élevé que certains géants de la planète mode ; avouons que ce cocktail ne peut que faire rêver.

  5. Arthur 20 octobre 2012 / 12:36

    En parlant de milanaises, sauriez-vous me dire où un amateur peut en trouver (du cable ou cordon je ne connais pas le terme le plus approprié), de préférence en ligne car j’habite Namur en Belgique et ne pourrez donc pas aller faire des emplettes à Paris aussi facilement que je le souhaiterais.

    • Julien Scavini 20 octobre 2012 / 13:05

      Bonjour,

      hélas en ligne, aucune idée. Sinon Lafayette Saltiel en propose, de la milanaise, c’est le nom. Vous pouvez leur envoyer un mail, ils vous l’expédieront sans problèmes. En de nombreuses couleurs.

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