Le sujet est assez courant et de nombreux clients me posent la question. Que ce soit pour leur mariage ou un évènement particulier, quelle chemise faire ou acheter pour mettre avec le papillon noir? (ou bleu selon.)
La question principale qui revient souvent est l’usage ou non du col cassé. Les français, curieusement, restent assez attachés à cette variante typée et ancienne. Autant le dire, je suis contre et je trouve cela moche! Avec un smoking, le mieux est de jouer la carte de la simplicité. C’est l’essence même de ce vêtement, créé pour la haute aristocratie dans les années 1880, qui voulait quelque chose de plus simple que la queue de pie, très empesée.
Mais que l’on se comprenne bien. Je suis contre le faux col-cassé, celui qui fait corps avec la chemise, qui est petit et tout mou (image de gauche). C’est la version ridicule du vrai col cassé, celui qui est séparé de la chemise et que l’on rapporte avec deux goujons métalliques. Ce col cassé est généralement en très fin coton et est amidonné à l’ancienne, c’est à dire qu’il est rendu dur et cassant comme une mince lame de bois (image de droite). Évidemment, plus personne ne sait amidonner comme cela. Car c’est une technique qui n’a rien à voir avec la bombe Fabulon! Non, là il faut une table en marbre de confiseur, une casserole, une sorte de petite truelle et surtout le savoir-faire, pour couler l’amidon chauffé sur la mince lamelle de coton, puis la mettre en forme en séchant. L’amidon colle tout, il faut alors procéder dans un chambre presque stérile. Bref, un dur labeur oublié, sauf chez Wartner à St Cloud dit-on, qui réaliser l’amidonnage des cols durs de Karl Lagerfeld. Ça, c’est un vrai col cassé. Le reste, c’est du pipi de chat.
Alors autant faire simple. Les James Bond, notamment les premiers avec Sean Connery consacrent le smoking. C’est l’habit de 007! Et quel est le col? Un col classique avec retombée. Pour les anglais éduqués, le col de chemise du ‘dinner jacket’, c’est le col avec retombée. Pas le col cassé, qui fait très ‘charly‘ comme dirait James Darwen dans ‘Le chic anglais‘.
Passé ce détail, que dire de plus sur la chemise du smoking? Et bien tout simplement que vous pouvez utiliser un modèle très simple, dans un popeline luxueuse. Les boutons en nacre se voient? Et alors, ce n’est pas grave.
L’autre option, c’est la gorge cachée (image ci-dessous). Une étroite bande de tissu recouvre les boutons. A vrai dire, je trouve l’astuce empesée. Elle est plus voyante encore que les boutons de nacre visibles. Elle a ses adeptes, pourquoi pas.
Sinon, les boutons peuvent être noirs. Il existe trois trucs à ce sujet :
1- les caches boutons, qui se clippent sur la nacre, comme les dessus des punaises colorées
2- les boutons perles, ou simili, qui sont cousus à la chemise.
3- les vrais goujons métalliques qui se vissent. Le devant de la chemise est alors dépourvu sur des quatre premiers boutons. A la place, il y a une boutonnière. Les deux boutonnières sont alignées et le goujon y est vissé. Un goujon, ou stud en anglais, ressemble un peu à un pin’s en plus plat.

Les goujons du smoking sont en argent avec insert de nacre noir. Les goujons de la queue de pie sont dorés, avec insert de nacre blanche.
Enfin, la question se pose de savoir s’il faut un plastron ou non. Là encore, la simplicité me pousse à dire sans. Mais l’histoire aime le plastron. Il s’agit d’un empiècement, sur le devant, qui épaissit la chemise. Le tissu du plastron peut être le même que la chemise, ou un tissu plus épais, plus luxueux (image de gauche).
Evidemment, au siècle dernier, les plastrons étaient amidonnés, sur la même technique que précédemment. Très compliqué à entretenir, cet apparat vestimentaire s’est perdu. Parfois, le plastron était amovible, se fixant au col cassé et aux bretelles, en étant maintenant en bas dans le gilet. Un amusant pour les pauvres qui ne pouvaient se payer une vraie chemise dédiée avec le plastron cousu. Une astuce typique des dessins animés, Tom & Jerry ou autre, où le chef d’orchestre se prend dans le menton le plastron qui rebique!
Dans les années 60, le plastron avec des petits plissés était apprécié (image de droite ci-dessus). C’est un type intéressant et sobre. Parfois, le plastron est réalisé en coton gaufré type marcela. J’aime moyennement cette variante, qui empiète sur la queue de pie, mais à la limite, ce n’est pas grave.

Quelle chemise type se dégage finalement de ce portrait? Ce n’est pas facile à dire et cela dépend beaucoup des goûts et des couleurs. Passé le détail du faux col cassé que vraiment, j’ai du mal à aimer, tout le reste se discute et se sous-pèse. Pour ma part, j’aurais tendance à porter une chemise très simple. Presque même une chemise blanche de costume. La question qui reste en suspend dans mon esprit est la question des boutons. La gorge cachée, je n’aime pas. Alors je prendrais les goujons. Peut-être. A voir.
Bonne semaine, Julien Scavini