Une robe de chambre ?

Qui aurait pensé vivre un confinement général ? Nous fûmes bien obligés de rester cloitrer, à travailler devant un ordinateur. L’année dernière, Le Figaro m’avait demandé une petite série d’articles sur les vêtements d’intérieur. J’avais fait les slippers. Puis le pyjama. Le bonnet de nuit. Et la robe de chambre. Avec amusement, je m’étais prêté à l’exercice et pour cette dernière, j’avais pris un plaisir particulier.

On l’appelait banyan au XVIIIème siècle. Nombreuses sont les personnalités à s’être fait portraiturer ainsi vêtu, en Grand décontracté. Le XIXème siècle bourgeois l’avait dignement réinterprété, avec force brandebourgs et collets matelassés. Dans les années 50, un certain art de vivre l’amène dans les foyers les plus divers. Jean-Pierre Stevens, le mari de Ma Sorcière Bien Aimée en porte une assez souvent, même si la matière « vinyleuse » est affreuse. Cela dit, elle s’esquive très vite. La faute au chauffage probablement. ll en reste le peignoir, ou sortie-de-bain, façon grand hôtel.

La robe de chambre, voilà bien un vêtement rare et peu ordinaire. On n’en voit que dans les films. Il est vrai qu’un tel vêtement pose un personnage. Cette robe opulente, tellement accessoire dans une garde robe, est plutôt un vêtement d’homme argenté. Elle vient après le reste et de fait, il est logique que tout un chacun oriente ses deniers vers des habits plus essentiels. Il faut dire aussi que les tarifs sont relativement élevés. Chez les anglais spécialisés, comme New & Lingwood (admirez les somptuosités proposées !), les tarifs sont stratosphériques, comme chez Charvet à Paris. Sinon, pour quelques centaines d’euros, on peut dénicher des robes de chambre en tissu de chemise, simples et légères, comme chez Derek Rose. Mais elles sont alors plus un article d’élégance qu’un vêtement fait pour donner chaud.

Car fabriquer une robe de chambre est relativement onéreux. La consommation de tissu est très conséquente par rapport à une veste, ou même un manteau, et il n’y a pas beaucoup d’atelier pour faire cela. Et puis il faut le trouver le tissu adapté.

Coincé à la maison à travailler devant mon ordinateur, je m’étais interrogé donc sur la robe de chambre, et j’avais compilé quelques modèles qui me faisaient envie. Avec le déconfinement, j’ai pu trouver un atelier en France et y réfléchir plus avant, vraiment pour le plaisir. Après un premier prototype en flanelle, tissu vraiment simple, je me suis fait la réflexion que c’était un peu léger. Qu’une fois sur le dos, sans trop de chauffage, cela ne donnait pas vraiment chaud. Trop de fluidité aussi. Comme beaucoup de modèles de robes de chambre du XIXème siècle présentaient des revers matelassés, j’ai eu l’idée d’en employer aussi. Sur les revers au début, puis seulement à l’intérieur ensuite. Tellement amusé par ce prototype, je me suis dit, et bien pourquoi pas en faire quelques unes ? Et voilà le résultat. Évidement, il eut été plus intelligent de les vendre bien avant Noël pour quelques cadeaux bien sentis. Mais la faute à la crise des matières premières, les retards se sont enchainés, du tissu de chez Vitale Barberis à la production chez Hervier. Mais enfin, elle est arrivée. Tout vient à point qui sait attendre.

Voici donc ma première robe de chambre. Flanelle bleu marine italienne 100% laine, petite ganse argentée en satin et doublure italienne matelassée rouge en coton et viscose, mate pour une esthétique un peu ancienne. Fin du fin, un joli pompon au bout des ceintures. Pour le tarif, nous avons fait au mieux, 460€. Je souhaite que cela vous amuse et vous intéresse. Ce sera l’occasion d’en faire d’autres dans le futur.

Il me reste à vous souhaiter de belles fêtes de fin d’année. Faîtes bonne tablée et pensez-y toujours : l’élégance compte, même dans l’assiette. Soyez raffinés avec vos aspics, chapons et châtaignes. Belle semaine, et à bientôt. Julien Scavini

Être ou ne pas être un jeune dandy

Il y a peut-être trois ans de cela, un client d’un certain âge, pour ne pas dire d’un âge certain, avec qui je discutais de notre sujet préféré, me lança tout de go qu’il trouvait assez ridicule ou au moins risible « ces jeunes freluquets se pavanant dans des costumes de milords avec pochette, habillés à vingt ans comme s’ils dirigeaient une banque d’affaire internationale. »

J’avais bien rigolé de la boutade. Au fond de moi, je voyais exactement à quoi il faisait allusion. Et même, je le prenais un peu pour moi d’une certaine manière. C’est vrai que je fus si fier lorsque j’achetai mon premier costume chez Hackett, avec bien entendu, une jolie pochette blanche bien disposée. J’avais vingt un ans ou quelque chose comme ça. N’était-ce pas trop? N’était-ce pas un exagéré? A chaque honorable jeune que j’habillais ainsi, à qui je conseillais même le choix de telle rayure plus prestigieuse qu’une autre, je me remémorais cette tirade. N’étions-nous pas en train de concevoir non pas un costume, mais un accoutrement ridiculement outré ?

Cette sentence – si seulement je n’avais entendu que celle-ci dans ma courte expérience de tailleur! – résonnait depuis dans ma tête. D’autant plus finalement qu’au quotidien je suis moi-même plutôt discret, costume marine, souliers noirs. J’aime m’habiller, mais je n’aime pas en faire des tonnes. A part le papillon. C’est pourquoi je fus dubitatif sur l’esthétique très ostentatoire de SuitSupply. J’aime les choses raisonnables.

Avec le temps, j’étais tiraillé intérieurement. Avait-il raison? Des jeunes dandys à peine sortis de la fac devraient-ils en remontrer? Et étaler leur panache, et l’argent investit aussi. Un moment je décidai de m’en ficher et de me dire que s’était de l’amusement. Au fond, un amusement bien innocent. Mais cette conclusion ne me plaisait pas. Elle n’était pas satisfaisante. Trop gratuite pour contenter ma philosophie. Et je continuai d’y penser.

Autre réponse. Ne devrait-on pas attendre d’être vraiment ce que ces vêtements signifient? C’est à dire un homme victorieux bien installé dans son confort, triomphant de lui-même et des autres? Qui en remontre? Mais cette voie explicative ne me plaisait pas non plus. Trop sociologique, elle renvoie le costume à un signifiant de lutte des classes, ce que j’aime encore moins, car c’est totalement faux. Le costume et sa pochette sont des expressions du beau. Point. « La question elle est vite répondue. »

Merci à Jamais Vulgaire pour cette photo.

Mais enfin, allais-je trouver un jour une réponse? Ou arriver à trancher cette question? Cela m’agaçait car je balançais d’un jour à l’autre, un coup d’accord avec lui « trop c’est trop, il a raison » et le suivant à me dire « mais non il faut s’amuser contre la monotonie, le beau a tous les droits . »

Et puis cette été en pensant à rien d’autre qu’à l’heure idéale pour descendre dans la piscine de l’hôtel, une idée me traversa l’esprit. Mais heureusement que les jeunes font cela. Ce sont bien les seuls en fait. Et ils donnent envie ! ENVIE.

Ce qui me fit repenser à un ouvrage lu il y a quelques années et dont je n’ai aucune trace du titre ou de l’auteur. Le propos soutenait que le costume était à chaque génération comme régénéré par la jeune génération, dans une lutte permanente entre Ancien et Moderne. Que la longévité du costume dans le temps est toujours due aux jeunes qui le réinventent. Et se l’approprient. Et de prendre comme exemple les années 70, où le bon vieux costume anglais hérité de la guerre et à peine remanié dans les 60’s avait connu un engouement totalement inattendu chez la jeune génération. Que les cuisses moulées et les pattes d’eph, les revers pelle-à-tarte et les épaulettes épaisses avaient été propulsés par les jeunes, qui ce faisant, se réappropriaient le traditionnel costume dans une nouvelle version, à leur goût. Surtout en lui donnait une nouvelle espérance de vie.

Je dois vous dire que j’étais bien content d’avoir connecté deux neurones entre eux sur le sujet, car enfin, cette réponse me satisfaisait. Oui, c’est très utile que les jeunes se sapent comme des milords. Car ce faisant, ils montrent aux générations supérieures qu’ils réinterprètent leur habit. Et en font quelque chose de nouveau. Et je suis persuadé que ce faisant, dans la rue et sur papier glacé, cette esthétique puisse trouver parmi des hommes qui n’osent plus ou qui n’osent pas un certain écho. Que cela pousse certains à faire mieux. A s’amuser ou à rechercher un peu le beau.

Lorsque dans une entreprise un jeune qui arrive ose une pochette dans sa veste, je suis sûr que quelques dames et quelques collègues masculins plus âgés ou pas le remarquent. Le jalousent un peu peut-être, et puis s’y mettent aussi. Parcequ’ils ont eu la preuve flagrante que finalement, bien se saper ne tue personne. Et qu’au contraire, c’est très sympathique !

Chers amies et amis, sur ces quelques belles prophéties, je vous souhaite à tous une excellente rentrée. Portez-vous bien. Julien Scavini

Le costume, une religion?

Cela fait bien longtemps, en étudiant l’histoire, et en observant le présent, que je ne me fais guère d’illusion sur la durée d’usage du costume, ce vêtement unique, si élégant, et dans un certain sens si pratique. Le patron France d’un drapier bien connu me disait tabler sur une bonne vingtaine d’années encore. « Vingt années véritable boulevard pour les tailleurs » rajoutait-il, durant lesquelles le marché du prêt-à-porter allait continuer sa « consolidation », comprenez son attrition, et les tailleurs prendre une solide emprise sur cette élégante niche. Le terme niche n’est pas forcément joli. C’est celle du chien. En architecture classique heureusement, c’est souvent une cavité élégante toutefois.

Pour les clients, de plus en plus rares à porter quotidiennement le costume, le besoin de qualité va croissant. Le costume plus que jamais est un achat réfléchi, ordonné dans le temps. Une dépense qui compte et intéresse au plus haut point, parfois même avec l’aval de madame, comme une voiture. Pour les tailleurs essayant de faire ce travail avec conscience, c’est un bonheur. Il est évident que tout commerçant préfère cent fois discuter avec des amateurs éclairés. La relation commerciale n’en est que meilleure. L’objet réalisé est porteur d’un supplément d’âme. Qui s’appelle l’envie.

Pour revenir à mon propos initial sur la durée de vie du costume, j’étais assez d’accord avec ce drapier. Sortez de Paris, de La Défense, sortez de quelques hyper-centres régionaux (Bordeaux, Lyon, Lille, Strasbourg, Rennes et Nantes ?) et le costume est bien rare. Je ne peux pas dire que chez moi à Bayonne il y ait beaucoup de costumes visibles. A la mairie peut-être ? Quelques directeurs ça et là. Aux guichets des banques ?

Les mariages soutiennent encore bien le marché. Ainsi n’étais-je pas étonner lorsqu’au cours d’une visite cet été à la grande galerie marchande Carrefour d’Anglet, le magasin « Father and sons » mettait en avant une immense vitrine composée de costumes divers, avec en slogan « un été de mariages ». Un ballon d’oxygène impératif. Un cas pas typiquement français. En 2016, l’anglais Austin Reed, tailleur de Churchill, annoncait la fermeture immédiate de ses 120 boutiques et la suppression de 1000 postes. Ce printemps, TM Lewin annonçait lui fermer ses 66 boutiques d’un coup, coupant 770 emplois pour ne conserver que le marché online. Et aux Etats-Unis, Brooks Brothers s’est placé sous la protection des juges, faute à un marché du « tailoring » déboussolé. Les gens ne s’habillent plus.

Évidemment, le tableau est bien sombre. Pourquoi d’ailleurs en emplir les colonnes de StiffCollar, un blog plutôt heureux du classique costume ?

Pour remercier ceux qui, jour après jour, continuent de porter avec plaisir le costume. Ou à tout le moins, des ensembles dépareillés composés d’une veste et de pantalons « sartoriales ». Un client me disait récemment, jeune avocat, ne plus du tout être obligé, en télé-travail et même au cabinet, de porter le complet. Cela toutefois lui faisait plaisir, en complément de quelques vestes à la lisière du blouson.

Finalement, s’annoncer chaque matin au monde dans une si élégante tenue, c’est témoigner. C’est montrer que l’on croit en cette digne ordonnance. Un plaisir pour soi, et une générosité pour les autres, ceux qui voient. Un peu comme en architecture. Il y a ceux qui vivent DANS le bâtiment. Qui veulent de la commodité. Et il y a ceux qui vivent EN FACE du bâtiment, et qui aimeraient voir un peu autre chose que du béton brut.

Le vêtement tailleur est un ornement, une beauté pour le corps. J’irais même plus loin pour finir. Le vêtement tailleur est finalement, et peut-être, une sorte de religion. Chaque porteur du costume est en fait porteur d’une bonne parole. Qu’en pensez-vous? C’est pas plus mal de se croire faisant parti d’un peuple élu n’est-il pas? Je dis cela avec une pointe d’amusement et d’ironie. Le fait est qu’il faut chérir cette petite touche de différence qu’apporte le costume. Il faut avoir conscience de la bonne valeur de ce dernier et de son importance, plus que formelle, mentale.

Vous allez me dire, de quelle bonne parole le costume serait le marqueur? Et bien que la beauté compte un peu encore. Que l’harmonie aussi, et le charme peut-être. Et qu’à travers cet habit supérieur, une lutte contre l’ordinaire s’engage. Tout un débat. Bonne réflexion sur le sujet !

Bonne rentrée et portez vous bien !

Bonne semaine, Julien Scavini

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Question aux lecteurs suisses. Ou de la proche frontière française. A la demande de quelques clients, je pense venir faire un saut à Genève, probablement deux jours fin novembre, le 23/24 par exemple. Au cours de ce trunk-show, je serai en mesure de proposer mon service de demi-mesure. Avec un retour pour essayages en janvier. Y aurait-il des intéressés ? Faites tourner l’idée autour de vous.

Écrivez moi > tailleur@scavini.fr pour vous inscrire.

Nouvelle grille tarifaire

Chers lecteurs, chers amis,

j’évite autant que faire se peut de parler de mon activité commerciale sur le blog, préférant toujours garder Stiff Collar à l’abri des vicissitudes de l’économie. Pour ne parler que d’élégance, et rester un peu en retrait du monde « ordinaire ». Ce sera donc un rare billet concernant mon activité « mesure ».

Depuis mon installation en 2011, les affaires se sont développées à un rythme agréable et les projets se sont bien enchainés. Il y a quelques années maintenant, j’ai eu l’idée de lancer une division dédiée aux pantalons, en prêt-à-porter. L’idée était de palier la double difficulté, 1- de l’offre existante en confection, et 2- de vendre des pantalons en mesure. Je suis très content, car avec le temps, mon petit bateau a bien grossi et « Les Pantalons Scavini » sont maintenant bien installés dans le paysage, de Paris et ailleurs, puisque ma ligne est même vendue dans une boutique de Peeble Beach en Californie. Sympathique reconnaissance d’un travail de persévérance, tout en simplicité.

Reconnaissance aussi d’un site internet bien conçu puisque les mois de confinements furent l’occasion d’excellents résultats, au dessus des attentes. L’envie était là pour de bons produits, (de beaux produits?), vendus à un prix que j’essaye le plus serré possible compte tenue des tissus achetés. J’ai tellement de plaisir chaque saison à sélectionner les étoffes à droite et à gauche. Pour sortir un peu des éternels chinos de coton et pantalons gris. Je vous en parlerai bientôt, du « comment ça marche ».

Parallèlement, l’activité mesure n’a jamais cessé de croitre, et c’est un plaisir de pouvoir chaque jour répondre aux envies de costumes, de vestes et de manteaux, d’élégants d’horizons divers. Que ce soit pour les mariages, ou pour le travail, je suis heureux de pouvoir trouver, avec Raphaël et Quentin, mes collaborateurs, les justes réponses, au calme de salons jamais trop débordés.

Les bons résultats là encore m’ont permis peu à peu d’avoir les coudés un peu plus franches, d’abord sur mes cahiers des charges, pour qu’un costume Scavini ressemble à un costume Scavini, dans ses détails, sa finesse et son esprit général. Ce n’est pas simple à partir d’outils industriels d’obtenir sa propre marque de fabrique, sa propre délicatesse.

La vivacité du marché, permise par un abaissement de la qualité du prêt-à-porter, a porté de plus en plus d’élégants à franchir la porte, intimidante, de ma boutique de tailleur. Et plus j’ai produit de costumes, plus je me suis amélioré. C’est par la répétition que l’on apprend et que l’on se forge une idée plus précise de la manière de travailler les bases et de comprendre les différentes psychologies.

L’augmentation des volumes dernièrement m’a permis de négocier un accord commercial intéressant avec mes deux principaux drapiers, Loro Piana et surtout Holland & Sherry. De ces bonnes pratiques commerciales, j’ai pu tirer une nouvelle grille tarifaire pour la mesure, pour toujours et encore, faire plaisir à mes clients, peut-être à vous, et aussi un peu à moi. Quel plaisir quotidien en effet de pouvoir sortir de beaux costumes. Tout simplement.

FIG258

J’ai également introduit une nouvelle manière de construire les vestes, la méthode traditionnelle semi-entoilée. Oui, je sais, ce fameux thermocollage partiel de l’intérieur des vestes. Pendant longtemps je ne voulais pas en faire. Mais je me suis laissé convaincre par ses progrès. Dans le cadre d’une utilisation normale, la vieillissement est généralement inférieur au vieillissement du tissu lui-même… Si je crois toujours au bienfait de l’entoilé intégral, souple et fluide, je sais aussi que le semi-entoilage permet un gain de temps et d’argent.

Considérant l’entoilage total comme très beau, je suis content de pouvoir proposer aussi et tout simplement, du beau, un peu moins onéreux, pour diverses occasions, et le plaisir de toutes les bourses. Car avec cette méthode, je suis en mesure de proposer des vestes 100% laine dès 550€  et des costumes 100% laine dès 700€. Il y a toujours moins cher, c’est certain, mais le plaisir d’un rendez personnalisé et exclusif, dans un joli salon, ne peut pas être totalement bradé. J’arrive même à 740€ le manteau 100% laine Loro Piana. Pour l’hiver, quoi de mieux par rapport au prêt-à-porter? Une belle fripe peut-être, mais le Vestiaire du Renard a fermé hélas.

En montage semi-entoilé, et grâce à la bonne volonté de Loro Piana et Holland & Sherry, je suis aussi content de pouvoir proposer des costumes dans les 800/850€, en super 150’s ou en laine lourde et même flanelle. Et ça en prenant toujours le temps durant la prise de mesure, pour trouver le « fit » qui convient. Combien de clients heureux ai-je pu avoir, trouvant incroyable le confort après d’autres expériences désastreuses dans de grandes chaines de demi-mesure ! Et oui, donner suffisamment de cuisse à celui qui en veut, ou une taille bien pincée à tel autre ne s’improvise pas, et demande un peu de temps et de calme.

En entoilé total, le tarif évolue un peu à la baisse avec Loro Piana et Holland & Sherry, donnant des costumes vers 1000€. Avec un tarif de base à 863€ sur quelques lainages Vitale Barberis toujours en stock.

En bref, je suis content d’avoir pu serrer mes tarifs, pour toujours et encore trouver l’élégante réponse aux recherches les plus diverses. Sans perdre de vue que la Grande-Mesure est toujours et plus que jamais disponible pour les plus précis. Dans ma boutique, j’essaye toujours de proposer du très très beau, du très beau, et maintenant du beau ! Les prix sont par là : http://www.scavini.fr/scavini-tailleur-tarifs.htm

Merci de m’avoir lu. Je vous souhaite une excellente rentrée, placée sous le sceau du courage et de la persévérance. La grippe de Wuhan (elle est plus charmante appelée ainsi, personne n’en veut aux espagnols pour la grippe espagnole!) sera un jour un mauvais souvenir. Serrons les dents, serrons les rangs et faisons au mieux. Portez-vous bien. Et soyez élégants !

Bonne semaine, Julien Scavini

 

L’image du jour

Chers amis, quelle époque! Je suis désolé de n’avoir rien écrit hier. Mais j’ai été si pris par les derniers réglages pour fermer mon commerce et mettre en congés mes quatre employés que j’ai oublié Stiff Collar. De toute manière, j’ai une petite envie seulement d’écrire. Tout est si bizarre en ce moment. Comme un mauvais rêve dont on aimerait se réveiller vite!

Depuis un peu plus de deux ans tout de même, c’est le pompon sur le plan commercial. En 2018, le printemps fut une course d’obstacles avec la fameuse grève perlée de la SNCF. Deux jours avec, trois jours sans. En 2019, ce sont les gilets jaunes qui sabotaient le moral, et qui me cassaient les vitrines accessoirement. Fin 2019, c’était une grève sans précédent de la RATP. Et maintenant la grippe de Wuhan. Décidément. Bref.

En faisant une petite recherche sur wikimédia commons, une source fabuleuse de belles photos libres de droit, je suis tombé sur cette peinture sublime Samuel de Wilde (1748-1832). Elle représente l’acteur Samuel Thomas Russell dans la pièce de théâtre humoristique, « The Mayor of Garratt ».

Samuel_Thomas_Russell_in_Samuel_Footes_The_Mayor_of_Garratt,_by_Samuel_de_Wilde_(1748-1832)

Pourquoi ai-je sélectionné cette image? Pour les couleurs d’abord. Mais pas seulement.

Pour illustrer la question de l’aisance. Le paradigme développé par les tailleurs durant les années 1920 fut ‘la perfection du tombé’ par l’importance du volume et de l’aisance. Un paradigme qui a culminé des années 30 aux années 90, avec des vêtements opulents.

De nos jours, beaucoup moquent ceux qui à l’inverse, affichent ostensiblement des vêtements fait pour galber leurs corps, en particulier des pantalons ‘skinny’ et des vestes ‘slim’. Observez les jambes, les bras et le haut du buste de Samuel Thomas Russell. Qu’en pensez-vous?

Je ne cherche pas à justifier l’actualité stylistique. Je la relativise juste. Du point de vue historique, l’aisance et la largeur sont des envies qui vont et viennent. Suivant l’instant, des tranches d’âges apprécient telle ou telle manière de se vêtir. Comme l’expliquer vraiment, je ne sais pas. En tout cas, l’étroit n’est pas ridicule, il est historique!

Cela me permet d’affronter très sereinement en tout cas les quelques clients qui veulent des costumes super étroits. Dernièrement, alors que le garçon faisait un bon 54 presque 56 car musclé, j’ai basé mes mesures sur 50. Bon, lui et ses amis y tenaient, alors. Le tout est de faire plaisir et de bien faire. Quand je vois la peinture de Samuel de Wilde, je me dis que ce n’est pas impossible!

Dernière remarque sur cette peinture. Regardez attentivement le col de la chemise. Il est rabattu vers le bas, à la mode d’aujourd’hui. Intéressant point qui renvoie à mes précédent articles! Quelle belle peinture décidément!

Courage et bonne semaine de confinement!

Julien Scavini

Prendre plaisir à s’habiller sans costume cravate

Continuons sur les lancées précédentes pour étudier comment rester chic et se faire plaisir lorsque la cravate, voire le costume également, n’est plus en odeur de sainteté dans les couloirs du bureau. C’est ma philosophie, il faut toujours essayer de chercher un biais positif dans chaque situation. Pour la rendre vivable et en retirer un petit quelque chose, plaisir si infime soit-il.

Et je le pense, il est tout à fait possible de trouver un pré-carré chic et à soi, sans costume-cravate.

Je ne vais pas évoquer la veste seule, qui représente bien sûr un territoire d’expérimentation immense. Veste à carreaux, veste unie, veste simple, veste avant-gardiste, tout est possible suivant le niveau d’acceptation dans votre travail. J’avais fait un article en 2017 sur le plaisir de la veste sport, et quels étaient les tissus disponibles. Le choix est vaste. Toutefois, j’ai tendance à le penser, si le costume n’est pas utile, j’ai bien peur que la veste ne le soit pas plus en fait.

L’hiver, vous pouvez alors vous rabattre sur de beaux manteaux. Pourquoi se contenter d’un seul modèle marine? Au contraire, si vous êtes soulagé de la contrainte budgétaire du costume, faîtes vous plaisir sur le reste de la penderie. Et les beaux manteaux sont légions et variés ces temps-ci. Ils peuvent être droit ou croisé. Marine ou poil de chameau. Pourquoi pas de larges pieds-de-poule gris? Le polo-coat avec sa forme typée et le trench sont diamétralement opposés en style, ils peuvent donc dans une garde-robe vous apporter une grande mixité d’usages et d’occasions. Certains peuvent être très longs, d’autres trois-quarts. Vous voyez, si vous n’avez pas recours à la veste, vous pouvez vous amuser avec des manteaux, que vous pouvez faire ajuster de manière à les porter à même un pull, sans aisance importante.

Dans la continuité, il existe une énorme variété de pièces chaudes que l’on ne peut appeler manteau car ils sont courts, comme le blouson de cuir et autres fields-jacket pléthorique dans la garde robe preppy américaine, à la Steve McQuenn. Il y a aussi Barbour et ses copies. Ce sont des pièces avec un panache moindre par rapport à un grand manteau tailleur, mais elles complètent ces derniers et vous donnent de la souplesse au quotidien, suivant le temps et l’humeur.

Premier point donc, les pardessus et dérivés. Voyez ces exemples variés, il est possible de tous les avoir !

 

Sans veste, et avant d’attaquer la chemise, pensons ensuite aux pulls. La maille représente un terrain infini et pour les industriels du textile un eldorado. Peu chère à fabriquer, sans beaucoup de main d’œuvre, le tricotage leur plait. Côté consommateur, c’est l’occasion de s’amuser avec de la couleur. J’ai tendance à penser que l’impératif de la garde robe est un bon pull, en mérinos, en laine d’agneau voire en cachemire s’il est très bon, bleu marine comme base universelle. Il est ensuite possible de démultiplier les possibles en apportant un peu d’ocre, du prune, du bordeaux, du vert sapin etc… Soyez inventif et laissez-vous aller. N’achetez pas en revanche des camelotes en coton tout fin. Pour la maille comme pour le reste, il est préférentiel d’investir dans de la bonne qualité, bien taillée. Cela vous donnera une plus grande satisfaction sur le long terme. Inutile d’avoir 10 pulls médiocres, autant en avoir 4 de top niveau.

Ensuite, au delà de la couleur, il y a la forme. Les pulls se présentent de multiples manières. Il y a les cols ronds et les cols V dont on nous apprend à longueur de magazine féminin quelle le plus tendance. Mais il y a aussi les exquis cols roulés, qui eux aussi vont et viennent au rythme des marées. Et puis encore, les cardigans, avec ou sans manche. Vous voyez, quelle panoplie possible.

Je pense aussi à deux trouvailles de l’ère contemporaine que j’apprécie, le col zippé et la sur-chemise genre polo manche-longue. Je possède le premier en rouge, en grosse côte de coton de chez Gant depuis plus de 10ans et il n’a pas bougé. Très pratique et distingué le week-end. Et j’avais trouvé également un polo manche longue type sur-chemise en cachemire bleu ciel en Italie qui fait aussi merveille, ces deux modèles d’ailleurs tolérant assez bien une cravate ou un papillon du fait de leur ouverture prononcée à l’encolure.

Deuxième point très vaste vous le voyez donc, qui laisse de quoi passer d’un grand faiseur à un autre, qui laisse de quoi s’amuser par de vastes couleurs et formes. J’ai ici sélectionné quelques formes permettant d’exprimer votre personnalité et de chaque jour renouveler votre élégance :

 

Ensuite, il y a la chemise. Je l’avais déjà dit cet été. Que de possibilité sans veste! Faîtes vous plaisir et ne vous contentez pas de simples unis. Si vous ne voulez pas être en t-shirt au bureau et que vous n’avez pas d’utilité d’une veste, foncez sur la chemise, le vêtement de dessus du XXIème siècle me semble-t-il.

En mesure ou en prêt-à-porter, l’offre est pléthorique. Vous pouvez varier les cols et les types de poignets : col italien, col rond, col boutonné, poignet avec ou sans boutons de manchettes. Et au delà, les matières : certains seront plus estivales, d’autres par l’épaisseur et l’aspect plus hivernales. Quand aux couleurs, diantre que c’est drôle : rayé bleu ciel, largement rayé rouge, multiples rayures grises d’intensité variables, chevrons qui irisent, denim, velours fin, flanelle de coton et oxford moelleux, vichy vert ou jaune citron.

Avoisiner les 30 chemises dans la penderie devient possible et il ne faut pas hésiter. C’est un amusement. Et vous pouvez naviguer entre les soldes chez Ralph Lauren et une très belle façon chez Howard’s ou Courtot à Paris, par exemple. Laissez vous là encore porter par la couleur. Les autres portent des t-shirt avec des gros logos. Certains même vont chez Desigual ou SuperDry. Donc vous ne serait pas en reste avec vos rayures de confiseurs!

Troisième ensemble très vaste donc. PS : une chemise bien repassée peut déjà suffire dans un couloir où la médiocrité règne, à en mettre plein la vue! Petite avalanche ci-dessous, qui pourtant n’est qu’une infime fraction des possibles!

 

Quatrième point, mon plaisir par ailleurs, le pantalon. Ah, j’ai tant écrit sur le sujet. Franchement, tous ces jeans et ces chinos vendus à longueur d’étalages et de boutiques en ligne, vantant toute le super basic ou l’essentiel ultime, et qui finalement toutes vendent le même produit, vaguement avachi, sans forme et perdant la couleur en deux coups de cuillère à pot.

Au delà de la simplicité du chino ou de jean, un bon moyen de se différencier dans les couloirs, même en baskets à la rigueur, c’est de porter un beau pantalon, en laine ou en mélange précieux. Et s’il n’y a plus de veste, de pouvoir oser un carreaux ou un prince-de-galles en bas, sans problématique de raccord compliqué.

Le registre des pantalons est très vaste et très saisonnier, laine froide contre flanelle, lin contre tweed. Régalez-vous et composez là aussi une penderie importante. D’autant que le pantalon s’use, alors autant en avoir un certain nombre, ils s’useront d’autant moins.

Et les couleurs là aussi ne sont pas en reste. Du velours écarlate au cavalry twill beige, vous pouvez moduler les effets et les combinaisons.

Enfin, deux grands points restent encore à étudier : les chaussettes et les souliers. Pas de costume-cravate? Qu’à cela ne tienne, mettez-en plein la vue avec des chaussettes bicolores et irisées, avec des richelieus glacés ou des mocassins très fins. Les maisons, vous le savez bien, sont nombreuses, de Bresciani à Mazarin, de Malfroid à Laszlo Vass. Et il est même possible d’apprécier les baskets patinés de chez Loding ou Weston.

Mais attention, il faut aller pianissimo tout de même. Le tapage est vite arrivé lorsque l’on est plein d’entrain. Il faut veiller à l’ambiance du bureau et s’y fondre avec délicatesse. Il faut faire contre mauvaise fortune bon cœur. Il faut se faire doucement remarquer et non mal-voir. Les français sont assez jaloux ou envieux. Truman Capote en son temps l’avait remarqué. Faut-il parfois faire plus envie que pitié? Question.

Toutefois, savoir refuser le jean t-shirt est impératif. C’est une marque d’amour propre. L’élégance est un plaisir à partager, il faut toujours s’en rappeler. Elle n’est pas là d’ailleurs pour écraser celui qui n’en a pas. Mais lui montrer comme disait Saint Laurent, comment « vivre en beauté« !

Bonne semaine, Julien Scavini

Le costume cravate est mort?

A la suite des deux derniers articles, le débat est posé de savoir si la disparition de la cravate est un drame ou une évolution logique et heureuse. Intéressons-nous à cette dernière conclusion. Car ce qui ressort des commentaires et des discussions que j’ai pu avoir ça et là, c’est qu’au fond, peut-être, la cravate était le signe d’un asservissement. La cravate ET le costume-cravate était le symbole du joug de la classe supérieure. D’autres argumentent que c’était un symbole de beauté, et d’une façon d’être élégante.

Maxime C. de son côté essayait de dire que la cravate n’était pas un signe d’asservissement. Qu’au contraire en fait, le non-dit en entreprise obligeant à être simplement habillé, à être ‘casual’ est au contraire, une forme d’asservissement, de dégradation, en retirant au salarié la capacité à être beau.

Mais en fait, je pense que le débat est posé en de mauvais termes. En fait des deux côtés, il est possible de crier à la dictature. Quand le costume-cravate est obligé, il est ressenti comme une souffrance par une frange des salariés. Lorsque c’est le ‘casual’ qui est imposé, il est ressenti par une autre frange comme une obligation abjecte. Ce qu’il faut plutôt voir, c’est où est l’acceptation des salariés. A ce titre, il serait très intéressant de voir les résultats d’un référendum s’il était mené au sein de grands groupes. Quelle serait la réponse dans une tour de bureau de la Défense et dans une grosse PME de province? Dans le secteur des services et dans celui de l’industrie? « Souhaitez-vous conservez le costume-cravate ou souhaitez-vous venir comme vous êtes? » Je ne suis d’ailleurs pas sûr de la réponse. Il y a là matière à une bonne étude sociologique. La réponse n’est pas si évidente que cela…

Pour avancer, comme je le disais, il peut y avoir dictature dans les deux cas. Mais si tout le monde est d’accord pour l’une ou l’autre des réponses, ce n’est pas une dictature, c’est au contraire l’expression de la volonté générale. Presque en somme une démocratie. Toute la question est de savoir si la minorité doit se conformer à l’ordonnancement général? Politiquement, c’est un sujet glissant dirais-je avec humour! Questionnement qui au fond envahit tout l’espace médiatique ces temps-ci… La grand approche ouverte, appelée multiculturelle, souffre de la présence du cravaté comme Maxime C. l’avait dit.

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L’abandon de la cravate et du costume pour le ‘casual’ peut être jugé comme un délitement idéologique, l’abandon d’une forme de morale et un renoncement au beau. On peut avoir ce jugement. Mais on peut aussi se dire que le vêtement n’est que l’expression a-symbolique du quotidien.

Le costume-cravate peut être vu comme une expression doctrinale.

Le costume-cravate peut aussi tout simplement, je pense que c’est le sens de l’histoire, être vu comme la manière quotidienne de s’habiller à une époque donnée.

On ne s’habillait pas autrement qu’en costume-cravate autrefois, donc il n’était pas question de savoir s’il était un asservissement de la personne ou pas, car on s’habillait comme ça! Dans les années 20, dans les années 30, dans les années 40, à part les ouvriers dans les usines, tout homme employé dans un bureau portait de toute manière un costume, car il n’y avait rien d’autre à mettre. Cette tenue était l’ordinaire, au travail et à la ville.

Le costume-cravate fut un temps la tenue simple et classique de l’homme occidental. Un pantalon, une veste, peut-être dépareillée, plus une cravate, c’était ainsi que le vestiaire était composé. A partir des années 50, le sportwear à la marge prend de l’ampleur. Il faut attendre les années 70 pour l’ancrer plus dans la réalité. Il faut réfléchir à la période où l’on commence à se poser la question « est-il nécessaire de venir travailler en costume-cravate?« . Ce sont les décennies 1975-2005 je dirais. Le costume est encore porté de manière volontaire dans les années 90, mais déjà une frange importante des salariés s’en dispense. Le costume ne devient plus alors une tenue normale pour une partie de la population. Le costume devient alors en effet un uniforme. Il n’est plus l’alpha et l’oméga de la penderie, il en devient une section seulement. Il n’est plus ordinaire, il devient extra-ordinaire.

Pas une marque ne pouvait se passer de vendre des costumes > bien des marques se permettent de ne plus vendre de costumes! La nuance est là.

Nous sommes ou sortons donc d’une période de transition, où l’on voudrait totalement se débarrasser non pas d’un symbole, mais d’un vêtement du passé, d’un usage du passé. C’est sûr que lorsque l’on travaille dans une boite d’ingénierie ou de services informatiques, et même parfois si l’on est avec des clients, quel besoin d’un costume-cravate? Moi qui vient du Pays-Basque, c’est sûr que je n’en ai pas vu beaucoup étant adolescent. A part peut-être dans les banques, mais à la limite ils sont là si minables les costumes-cravates, que je préférerais ne pas en voir.

Au fond, la question n’est pas tellement de savoir s’il y a asservissement plus en costume-cravate qu’en t-shirt. De toute manière, il y a subordination dans une entreprise. C’est ainsi. Certains diront que la cravate permet à l’homme d’exprimer son goût et son humeur, d’autres que le t-shirt est une simplicité bien heureuse dans une époque compliquée. Certes.

Il est difficile de prendre la justification du vêtement par l’angle dogmatique. L’histoire du vêtement est très souvent faite, non pas de dogmes (sauf dans les cours royales), mais de praticité. C’est le fondement même du vêtement. Son aspect pratique : couvrir, isoler, réchauffer. Donc je pense qu’au final, le débat doit plutôt se poser sur la façon de vivre ensemble. Vit-on en entreprise comme on vit chez soi? Le premier point de débat est là : est-ce que l’entreprise est la continuité de la vie, ou est-ce qu’il doit y avoir une césure? Faut-il marquer une différence entre ces deux temps?

Il est vrai que ce qui était beau dans le costume-cravate, c’était l’homogénéité, l’ordonnance comme dans une rue haussmannienne. Le costume-cravate porte en lui quelques règles permettant de broder une allure générique et en même temps personnifiée. Mais cette envie, elle est mienne, je le conçois. Certains autres argumenteront que la beauté nait d’une immense diversité, finalement paradigme de nos sociétés occidentales. On veut de nos jours laisser exprimer des personnalités et non un ordre des choses. Les vies individuelles comptent plus que la vie collective. L’ordinaire de chacun devient expression générique. Sans plus de questionnement du sens.

Que faire alors?

Le costume-cravate pouvait être porteur d’une certaine expression des moyens. Il y avait ceux qui allaient chez le tailleur, ceux qui s’offraient des costumes Lanvin ou Cerruti. Et puis il y avait ceux qui se contentaient de Bayard ou d’Armand Thierry. Pensez-vous que ce signe extérieur de richesse vestimentaire ait cessé? Que nenni. Dans l’entreprise, il y a toujours ceux qui arborent des chemises Ralph Lauren, Paul & Shark ou La Martina et ceux qui  portent du no-name. C’est donc qu’il y a toujours un sens au vêtement, plus au costume-cravate, mais à ce qui le remplace. De même sur le parking, les gros Audi Q7, BMW X5 et autres SUV sont la marque de « l’élégance contemporaine ».

Notre société a remplacé la richesse d’un morceau de soie monté-main à 100€ par le tapage de logos brodés et de grosses cylindrées à 60k€.

En contrepartie de cela, il faut chercher aux élégants le moyen d’exprimer leur plaisir sans le costume-cravate. C’est tout à fait possible de mon point de vue. Il suffit pour cela de faire confiance à de très bons faiseurs, de se vêtir avec tact. De constituer une penderie pleine de goût, perpétuellement améliorée. Et parfois même, il suffit juste de porter des vêtements bien repassés pour faire la différence dans les couloirs. Quelle époque! La semaine prochaine, j’essaierai de réfléchir à des stratégies pour être chic sans se faire voir ou mal-voir!

Bonne semaine, Julien Scavini

Stiff Collar a 10 ans

Le 3 septembre 2009, car je n’avais pas eu le temps le 2, je rédigeais et publiais le premier article du blog, en commençant bêtement par expliquer la signification du titre. Depuis, que de temps comme un clignement d’œil pourtant, s’est écoulé. Les vieilles personnes disent qu’elles n’ont rien le temps de faire. Si le rythme s’accélère à ce rythme, je les comprends mille fois.

Que s’est-il passé en 10 ans? La fameuse crise s’est éloignée en perdurant pourtant dans les esprits. D’une crise économique ponctuelle et cyclique, nous sommes passés à une crise permanente, où le climat et l’état de la planète occupent de manière anxieuse une bonne partie de l’esprit contemporain. Mais, Stiff Collar n’est pas une plateforme de réflexion sociétale. Stiff Collar s’amuse à parler chiffon. Parait-il l’une des industries les plus polluantes.

Toutefois ici, la penderie du gentleman est plutôt celle de la pérennité et de la constance. De la qualité plus de que la quantité. Il parait d’ailleurs que les français consomment moins mais mieux. C’est tant mieux.

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Mon regard

En 10 ans, les lecteurs assidus du blog l’ont probablement constaté, ma vision très rigoriste des débuts s’est adoucie, s’est émoussée. Il y a la théorie, il y a la pratique. Mais une chose n’a pas changé, c’est la vision aimable du vêtement. Qui ne doit jamais être un snobisme ou une revanche sociale, qui ne doit jamais être jeté à la figure d’autrui comme une revendication. Le vêtement est un plaisir personnel et une amabilité faite aux autres. Qu’ils l’apprécient ou pas. Les cons se moquent toujours, les gens intelligents cherchent à comprendre.

Il y a la théorie et il y a la pratique ai-je dit. Il y a aussi le commerce. J’ai été confronté à des clients. A leurs désirs, à la parcours, à leurs façons de faire. Il n’existe pas un client pareil. C’est là l’extrême difficulté du métier. Ce n’est pas une question de mesures. C’est une question d’affect. De personnalité. L’élégance masculine n’est pas un canon unique. Elle est multiple. D’un côté le vieux dans un style vieux, de l’autre le vieux avec un style jeune. D’un côté le jeune avec un style vieux, de l’autre le jeune avec un style jeune / très jeune. Comment comprendre? Comment réagir? Comment lire?

La segmentation du marché en général se retrouve en particulier chez le tailleur. Même en grande-mesure. Je me souviens en particulier de ce client sortant de Cifonelli qui n’avait pas compris le costume et ne l’avait jamais mis. « C’est tout près du corps, ce n’est pas pour moi! » s’exclamait-il en commandant un simple pantalon à double pince grand comme une toile de tente. Dès lors j’ai arrêté de totalement réfléchir, en tout cas de penser à mon goût avant celui du client.

Ce faisant et surtout ici, j’ai fui les visions trop marquées, les idées reçues. J’évite autant que possible d’être dans le bien et le mal. Le plaisir du vêtement est la nuance. Et toutes les règles au fond ont de belles exceptions.  Je partage ici mon goût et mes réflexions au delà de mon métier.

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D’autres blogs

En 10 ans, les plateformes de discussions sur le vêtement masculin élégant ont changé en profondeur. Nombreuses et amusantes, légères et spontanées, elles se sont mues ou ont disparu. Car évidemment, l’écriture sur le beau vêtement et les codes anglais présente deux écueils : redire et rigidifier.

Redire, car les règles au fond ne sont pas si nombreuses. Et le vestiaire une fois constitué n’a que peu de raison de grandement évoluer. Le smoking reste le smoking. La belle chemise reste la belle chemise. Pauvre presse masculine qui doit sans cesse donner le goût de la nouveauté.

Ensuite, rigidifier, c’est redire en stéréotypant. Il est aisé d’outrepasser le sens des règles anciennes en voulant les calquer à une époque et des personnes autres. C’est le risque de l’exégèse religieuse. A trop tourner en rond, on se fatigue et on s’énerve. Il faut avancer. Concernant le vêtement, la remarque de Cioran colle merveilleusement : « n’a de conviction que celui qui n’a rien approfondi« . Le Chic Anglais est une joyeuseté, mais il ne faut rien prendre au pied de la lettre. Il faut se confronter à la réalité.

C’est le sens de Stiff Collar depuis de nombreux mois. Comment trouver dans la force de l’élégance ancienne, plein de rationalité et d’ordonnance, une allure du temps présent, pas empesée, souple et pratique. Sans tomber dans la facilité. Chaque semaine, j’essaye avec un plaisir renouvelé, d’exposer et d’aider. Petite touche par petite touche, au fil de réflexions de clients parfois. Mes articles du Figaro Magazine, chaque samedi, en 1400 signes très serrés, sont par ailleurs l’occasion d’étendre le propos. Une chronique qui connait un succès croissant. Je m’en félicite, cela veut dire que des hommes et des femmes, sans internet et sur un large spectre, s’amusent et s’intéressent aux vêtements, le premier des signifiants.

En 10 ans donc, de nombreux blogs et sites ont disparu. Difficile de toujours se renouveler. Et par ailleurs, d’autres sont apparus, plus énervés, plus invectivant, plus à l’affût du rapport qualité-prix, graal contemporain dépourvu de toute humanité. Plusieurs associations de mots sont alors devenus des repères à fuir : « guide + ultime » ou  » nouveau  + style + accessible ». De blog sérieux et bénévoles, comme une grande partie de l’Internet des débuts au fond, nous sommes passés à un environnement de structures de conseil très dans le « je dis que » et souvent à versant commercial inavoué.

Toutefois, et c’est heureux, ces nouvelles plateformes d’évangélisation masculine ne fonctionnent pas dans le même sens qu’auparavant dirais-je. Dans les années 90 et 2000, ceux qui écrivaient sur le canon classique représentaient plutôt une élite savante et globale, qui faisait descendre vers le bas son éducation. Aujourd’hui, cette réappropriation culturelle part du bas, de gens qui ne font pas la différence entre du coton et de la laine, mais qui veulent s’intéresser et professer. C’est au fond mon cas, n’ayant pas eu dans ma jeunesse une attention particulière au sujet vestimentaire.

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Crête de vague?

En 10 ans, nous avons peut-être aussi assisté sans nous en rendre compte au passage de la vague. Tous les 15/20 ans, la mode s’enthousiasme puis s’essouffle. Les années 50 s’enthousiasmèrent pour la modernité du surplus américain, premier sportwear. Les années 70 s’enthousiasmèrent pour la modernité de l’ère spatiale, plastiques et teintes nouvelles. Les années 90 s’enthousiasmèrent pour la grande allure du banquier, à la limite du parrain respectable. Les années 2010 s’enthousiasmèrent pour  … ? Trop tôt pour juger clairement.

Un indice réside dans l’étonnant appétit de la jeunesse pour le chic et une allure orthodoxe. La marque The Kooples comme les films Kingsman répondent de ce même phénomène. En 2010/2012/2014, l’engouement était partout, à longueur d’internet et de livres spécialisés. Un plaisir partagé et vulgarisé. Avoir une belle veste, un pantalon bien coupé, une chaussette montante, un soulier endurant, tant d’envies!

Ma plus grande capacité à lire le passé plutôt qu’à inventer l’avenir me fait souvent prendre peur d’une retombée du soufflé. Après l’enthousiasme, il y a l’essoufflement. J’ai déjà tendance à le lire dans mes propres résultats économiques, corrélés à ceux de mes confrères et amis. Dans une niche costumière protégée et qui grossit tout de même, le costume business, le costume du quotidien, tendanciellement diminue. Et le costume de mariage maintient de nombreuses affaires hors de l’eau. Sans la cohorte de mariés, l’écosystème serait menacé. Le vêtement formel dans son ensemble souffre.

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Environnement économique dense

En 10 ans, d’un engouement théorique nous sommes passés à un engouement économique. Les blogs, les commentateurs sont devenus entrepreneurs. Une myriade de maisons et de marques. Une enseigne hollandaise tapageuse et bien connue s’est frayée un chemin avec un concept simple : un produit typé et de niche et un prix wholesale monstrueusement bas. Idée farfelue qui va à l’encontre des théories du commerce. Dans un premier temps – actuellement – le concept fait florès. La vision court/moyen-terme est intéressante. La qualité d’une telle offre ne peut que pousser ses concurrent à s’améliorer. La vision long-terme est plus sombre. Une fois tout l’environnement économique carbonisé sur le plan tarifaire, il ne reste rien. Ce seul acteur devient en fait … un chant du cygne. Lorsque des petites maisons s’essayent à cette démarche disruptive, en cassant les intermédiaires, en révélant les niveaux de marges et les lieux de production, l’effet court-terme est le même, positif et attractif, mais l’effet long terme interroge. So what comme dirait l’autre.

A la course tarifaire, le prix moyen acceptable du marché baisse et c’est terrible pour l’ensemble des acteurs du marché. L’argument prix est dangereux car on peut toujours faire moins cher ! En demi-mesure c’est la même chose, où l’on assiste comme l’a souvent dit Hugo Jacomet à une éjection du tailleur de son propre métier. Les quelques chaines qui se développent dans le marché misent avant tout sur un prix. C’est un argument marketing, en lieu et place d’un argument de technique et de services.

Je suis très heureux toutefois de constater une évolution heureuse du prêt-à-porter. Je me suis surpris récemment à acheter deux articles chez Celio. J’apprécie rentrer chez Devred. J’aime voir ce que font Jules, Dockers ou Uniqlo. Les couleurs, les matières, les montages parfois s’améliorent. Les allures sont plus travaillées, plus élégantes. Les petites maisons citadines aiguillonnent le marché et le poussent dans ses retranchement. Faire mieux ou disparaitre. C’est un fait notable et j’en suis heureux. ll y a une volonté de faire mieux partout.

En 10 ans, la société a changé. Elle est de plus en plus en attente d’exemplarité, de responsabilité sociale et environnementale. La mode au sens large s’adapte difficilement. Mais du coup, cela met largement la balance en faveur de notre si chère démarche traditionnelle où le produit est justement rémunéré, où le tissu est produit localement, où l’article possède un long cycle de vie. Il y a plus de réflexion sur le second-hand aussi, autrefois regardé avec suspicion, mais qui aujourd’hui représente une chance économique.

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Enfin, être patient

Qui trop embrasse mal étreint dit l’adage. C’est au fond le meilleur apprentissage de 10 ans de blog. Il faut parfois savoir rester loin de ses désirs et les laisser vivre doucement. Rêver d’un costume est une chose. L’avoir immédiatement est sans effort en est une autre. L’envie du moment ne sera plus l’envie d’après. Sauf à l’avoir fait … mûrir! Le plaisir du train électrique réside dans le fait de faire son réseau. Une fois le set terminé, c’est lassant. De même et plus grave : le lévrier court après le lapin mécanique au champs de course. Mais s’il l’attrape un jour, plus jamais il ne voudra courir!

En 10 ans, le blog s’est construit gentiment par agrégat d’idées. Tant de billets, tant de remarques, tant d’apprentissages, tant de dessins. Rien n’est jamais parfait, parfois tel article est boiteux. A d’autre moment, les retours sont positifs. Les semaines se suivent, les idées évoluent. C’est une vraie détente. Essayons alors de continuer quelques mois? années?

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Bonne semaine, bonne reprise. Julien Scavini

La veste Maubourg

Ce nom ne vous dit encore rien? Attendez un peu…

Petit retour en arrière.

La veste d’homme est une création de la fin du XIXème siècle, que l’on appelait veste courte à l’époque par opposition aux fracs et autres jaquettes alors en vigueur. Arrondie dans le bas et avec des revers découvrant le haut du buste, elle est symbole de l’english-man. Son adoption pour la pratique des sports anciens et nouveaux, équitation et vélo, golf et automobile, fut rapide. Elle passe à la ville dans les années 10. La première guerre mondiale met définitivement au placard les longs habits empesés.

La veste anglaise, avec ses revers débarque sur le continent où elle ne jouit pas immédiatement d’une grand notoriété. Les hautes sphères, gagnées par l’anglomanie depuis le second empire, l’affectionnent bien sûr. Mais dans les campagnes et dans les usines, on porte jusqu’aux années 70 un autre type de veste, à bas carré et à encolure cheminée ou chemisière. Les photos en noir et blanc des campagnes françaises montrent assez souvent des sortes de vestes tuniques, parfois assez proches des vestes autrichiennes modernes.

Ces dernières années, ce vestiaire renommé ‘workwear’ pour le rendre plus bourgeois que le simple ‘vêtement de travail’ connait un incroyable essor. Caterpillar, Carhartt, Belstaff ou même Barbour jouent sur cette fibre qui plait bien, synonyme de vêtement pratique et robuste.

C’est une réponse à un besoin du marché, pour plus de décontraction que les vestes anglaises et pour autre chose que le blouson et la parka. Parfois la veste classique peut paraître inadaptée car trop habillée ou trop apprêtée. L’ouverture devant, ménagé par l’évasement des revers peut apparaître curieuse si aucune cravate n’habille la chemise. Prendre l’avion, partir en voiture ou faire une balade en forêt sont autant de moments où une solution intermédiaire est possible.

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D’où un regard en arrière vers ces anciennes tuniques carrées à col de chemise ou officier, souvent faites de gros velours. Praticité rimait avec solidité. Arnys a bien vu cet héritage et créa la veste forestière dès 1947. Elle était inspirée des vestes de gardes-chasses de Sologne malgré une coupe kimono radicalement différente et très ample. Bien d’autres marchands ont senti cet esprit. C’est le cas de Franck Namani qui propose aussi depuis longtemps des modèles hybrides, mi-blouson mi-veste. Les petits détails en matières contrastantes, les poches aux formes variées, les matières techniques ou luxueuses sont autant de réponses qui enjolivent l’aspect utilitaire. Sans oublier bien sûr la réponse d’Hollington, qui développa avec son ami couturier Michel Schreiber des vestes de peintre ou de menuisier adaptées à la très chic clientèle du quartier latin. Des symboles des architectes et penseurs des années 70.

Et il est vrai que j’éprouve également depuis longtemps un goût pour cette veste hybride, permettant une élégante décontraction, association de mots facilement opposables. Un pari difficile, qui depuis longtemps me trotte dans la tête. C’est ainsi que j’ai fait développer par un ami qui possède son petit atelier dans le sud de la France un modèle, basé sur un corps de veste, mais totalement dénué d’entoilage. Une veste foulard très souple et légère, avec un col à patte prolongée et de belles poches plaquées très expressives. Cette veste, je l’ai appelé Maubourg, du nom de la rue où j’ai installé mon commerce. Un joli nom qui sonne bien français, en fait un titre de courtoisie trouvant ses racines dans le Massif Central.

Voici donc la veste Maubourg. Avec le prix le plus serré possible pour une fabrication française. Le volume est minuscule, donc les quelques pièces fabriquées partiront vite. Ne vous inquiétez pas, d’autres sont dans les tuyaux, en flanelles lourdes, dans des coloris plus variés et plus campagnards aussi. Les tailles sont assez juste, je fais un 48/50 et la M est parfait en aisance.

Faites lui bon accueil !

www.la-maubourg.fr

Belle semaine, Julien Scavini

 

Apprendre l’aisance

Récemment, deux clients m’ont apporté un éclairage amusant sur la façon d’appréhender la veste et son aisance. Le premier est un nouveau client. Comme à l’habitude, je fais essayer des bases pour pouvoir prendre mes mesures. Car en demi-mesure, le procédé est toujours le même. A partir d’une base 0, dans une taille X ou Y, je vais demander à l’atelier des altérations. Ainsi, sur la base essayée, mettons une veste taille 50, je vais pouvoir demander une épaule basse, un agrandissement de la carrure dos, un cintrage de la taille, un raccourcissement des manches, etc… L’atelier ne reçoit en effet aucune mesure absolue, mais des mesures relatives, limitées à des évolutions de certaines valeurs de la base.

Avec ce client, il a fallu essayer plusieurs bases, plusieurs tailles. Il n’était habitué qu’au prêt-à-porter. Faire un costume de cette manière, prendre le temps, dépenser un peu plus d’argent (900€ chez moi), cela l’obligeait à se questionner et à faire attention. Se faisant, il a découvert l’aisance. Pas celle en trop. Pas celle qui manque. Juste celle qui va bien.

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Le second client est un habitué à qui j’ai déjà fait plusieurs costumes. Et à chaque nouvelle commande, l’idée est de revenir avec le vêtement précédent pour revoir les corrections et se demander ce qu’il est possible d’améliorer. Se faisant et pour la dernière commande, nous avons acté une légère augmentation du volume à l’épaule par rapport aux trois, quatre précédents opus.

A l’arrivée, le contraste avec le précédent costume, porté ce jour là, était criant, et le monsieur s’exclama ravi que c’était parfait. Cette légère aisance était une découverte heureuse. Et un bienfait. Sans pour autant faire un sac large, non non. Comparativement, ces autres costumes, pourtant tout à fait raisonnables et bons, lui paraissaient moins amples : « ah mais finalement, je suis serré« .

L’aisance ainsi, demande un apprentissage. Et c’est la capacité à itérer doucement chez le tailleur qui permet de tester cela. A la différence du prêt-à-porter, qui ne change que d’une taille à l’autre, ou drastiquement, d’une maison à l’autre. La fidélité ainsi à son tailleur et le meilleur gage, pour que dans le temps, il soit possible de goûter des manières de s’habiller différentes. Cela peut être l’aisance. Cela peut aussi être raccourcir ou allonger les vestes…

Belle semaine, Julien Scavini