Joyeux Noël

Je vous souhaite un joyeux Noël !

A cette occasion, je partage avec vous quelques belles planches encrées non-colorées, œuvres de  Jean-Christophe Thibert. Il dessine depuis quelques années les albums des aventures de Kaplan et Masson. J’avais déjà eu l’occasion d’en parler ici.

Il m’a gentillement envoyé ses dessins, pour notre plus grand plaisir ! Amusez-vous bien.

Belle semaine, Julien Scavini

Robert de Montesquiou, Ego Imago

Cet article a été écrit par mon collaborateur Raphaël.

En novembre dernier paraissait un joli petit livre, Robert de Montesquiou, Ego Imago, aux éditions Bibliothèque des Arts, qui était présenté lors d’une conférence sur ce thème par son auteur, Philippe Thiébaut, au Musée des Arts Décoratifs la semaine dernière.

Philippe Thiébaut est conservateur honoraire au musée d’Orsay, spécialiste en de l’Art nouveau, et s’intéresse depuis dix ans au cas des Dandys et à l’histoire du costume et la mode masculine. Il a publié un ouvrage sur la question dès 1999, Robert de Montesquiou ou l’art de paraître, catalogue d’une exposition menée au musée d’Orsay. De 2013 à 2015, conseiller scientifique à l’INHA, il a animé le domaine de recherche Art décoratifs, design et culture matérielle. Ce fût pour lui l’occasion de parler de mode masculine. Il anima pendant ses deux années un séminaire, La mode masculine, 1820-1970 : corps et objets.

Ego Imago est un ouvrage érudit, sur un personnage haut en couleur. J’ai eu beaucoup de plaisir à compulser les pages de ce livre qui mêle des extraits des mémoires de Montesquiou, publiées à titre posthume par son ami le docteur Paul-Louis Couchoud, Les pas effacés (1923), et d’Ego Imago, un recueil d’autoportraits où le comte se met en scène dans des poses extravagantes, et des costumes surprenants.

Qui est donc  ce comte de Montesquiou, qui illustre tant les couvertures de livres sur les dandys? Aristocrate décadent, descendant direct de d’Artagnan, né en 1855, mort en 1921, il connaît son heure de gloire en 1892 (lors de la parution de son recueil de poèmes Les chauves souris). Il anime alors la vie littéraire et mondaine parisienne, donne le la du chic des salons. Il est détesté ou adoré. À ce sujet, deux anecdotes sont amusantes : les frères Goncourt l’appellent Grotesquiou, et disent attendre la traduction en français des recueils et essais du poète… dont les professeurs de latins critiquent la pauvreté de l’ art poétique! Il est vrai que Montesquiou compose des poèmes assez hermétiques.

Toujours est-il qu’il fascine. Ses tenues surprennent et choquent. Raoul Ponchon, chroniqueur de la Gazette rimée, affirme en avril 1902 : « quand il s’habillerait même avec des feuilles de chou […] il conserverait un chic suprême« . Edmond de Goncourt, ne rit qu’à moitié, de celui dont il dit que le pantalon est « fait d’un plaid d’un clan écossais« , à la date du 14 juin 1882 du troisième tome de son journal. Il jugera, un peu plus tard, le 6 avril 1887, que les tenues de Montesquiou sont des « toilettes symboliques, extrêmement chic« .

Il est aussi probable que ses contemporains exagèrent, ou fantasment ses tenues. Henri de Régnier, qui se battra avec le dandy en duel, disait qu’il dînait en ville, vêtu d’une redingote couleur abricot, qu’il visitait le matin en tenant à la main, devant son visage « le velours frais et mauve d’un bouquet de violettes, comme un jeune seigneur tiendrait un loup de bal« .

On imagine aussi le rictus de plaisir du comte, lorsqu’apparaissant à une des quatorze conférences qu’il donna de son vivant, il essuya la déception de la foule, contrariée qu’il soit vêtu d’une simple redingote noire. Montesquiou cultive le « plaisir aristocratique de déplaire« , si cher à Baudelaire.

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Peu avant la Première Guerre mondiale, Montesquiou cesse quasiment de se faire photographier ; il ne veut plus montrer les ravages du temps. Nous reste donc à analyser les photographies vers 1900, pour savoir comment juger son élégance. Peut-être ce vestiaire est-il mieux décrit par la duchesse Elisabeth de Clermont-Tonnerre : « coiffé d’un chapeau mou, son costume sobre se faisait cependant remarquer à cause de certains détails de toilette, imperceptibles en eux-mêmes, et fulgurants quant à l’effet. Un léger dépassant du mouchoir, la cravate, les gants et le chamois des souliers s’harmonisaient pour faire chanter le ton mat du costume.« 

Nombreux sont les écrivains qui s’inspirent de ce curieux personnage, que Thiébaut juge « narcissique congénital« . Huysmans, qui ne l’a jamais rencontré, utilise des descriptions données par Mallarmé pour imaginer l’intérieur du Duc des Esseintes, dans À Rebours ; quand Jean Lorrain le déguise sous les traits du comte de Muzareth, dans Monsieur de Phocas, en 1901… Si Proust assure ne s’être inspiré que de la voix de Montesquiou – qui couvre trois octaves – pour son personnage de Palamède de Guermantes, mondain torturé, certains auteurs prêtent plus franchement des traits détestables au comte. Henri de Régnier, se venge de Montesquiou, accusé d’avoir battu à coup de canne femmes et enfants dans l’incendie du Bazar de la Charité et le caricature dans Le Mariage de minuit, sous les traits du Vicomte Jacques de Serpini. La caricature la plus savoureuse de Montesquiou est peut-être celle d’Edmond Rostand, par le personnage du coq dans Chanteclerc, en 1910.

Adulé ou craint, autant que détesté, Grotesquiou ou « professeur de beauté« , comme disait Proust, poseur impossible, ou inspirateur de la robe aux chauves-souris de la comtesse Greffulhe, lanceur de traits d’esprits ironiques, parfois hermétiques, rarement flatteurs, toujours inspirés, Robert de Montesquiou disparaît peu à peu avec l’ancien monde, celui qui meurt quelque part entre l’été 1914 et Verdun… Le nouveau monde, de l’électricité, de l’auto, de la vitesse et du sport n’a que faire des épithètes compliquées du « souverain des choses transitoires », comme il s’autoproclame. Il meurt dans l’indifférence, au début des années vingt. Les chroniqueurs s’étonnent alors. On le pensait mort depuis longtemps.

Belle fin d’année!

La chemise de bûcheron

La chemise à carreaux ou façon tartan est à la mode ces derniers temps. Elle est dans le coup, façon hipster. Les marques de chemises se sont toutes mises à en vendre.  Elle est très décontractée. Je n’imagine personne la mettre sous un costume.

Une rapide réflexion à son sujet me fait penser que finalement, cette chemise a toujours été à la mode. Plus ou moins. Dans les années 80, oversize et dans des coloris hors du commun, elle accompagnait les grandes stéréos K7 portées sur l’épaule. Dans les années 70, les jeunes la portaient façon bohème, après que les plus policés Beach-Boys l’aient popularisé dans les années 60. Dans les années 50, elle était encore en vogue aux Etats-Unis. C’est même un signe qui fait très ‘American University’, avec des penny-loafer et un pantalon de velours. En bref, elle est depuis longtemps appréciée pour le week-end. Mais suivant les époques, ce n’est pas par les mêmes populations. Dans les années 50, ce sont les papa américains qui l’apprécient, pour son côté ‘chasse, pêche, nature et traditions’. Dans les années 70, elle signe la contre-culture s’opposant au costume cravate. Maintenant, elle n’est pas du tout contre-culture, elle est hype! Portée par des jeunes trentenaires des villes, financièrement à l’aise, qui se font pousser la barbe, qui sont fans de belles motos ou de surf ou de photo-reportages et qui voyagent en premium-éco en buvant du jus de baobab. J’arrête là ma pique pour revenir à des faits, des vrais, sûrs!

L’histoire de la chemise écossaise se trouve au pays de l’once Sam. Et elle est ancienne. Elle a été développée pour habiller les nouveaux colons, explorateurs et agriculteurs ayant une vie dure. Chaude et résistante, elle est un complément du pantalon de denim, le fameux jean, depuis le milieu du XXème siècle environ. Ces tartans sont probablement arrivés aux USA par l’intermédiaire d’immigrés écossais ou irlandais qui ont importé soit le drap soit la manière simple de croiser les fils pour obtenir ce dessin. La firme Woolrich devient célèbre et produit dès 1850 un modèle qui fera florès : la chemise Buffalo, à carreaux rouges et noirs appelée « red plaid shirt », partout copiées depuis.

Elle trouve véritablement sa place dans l’imaginaire collectif américain lorsqu’en 1916, l’écrivain William Laughead inscrit sur le papier les histoires du super bûcheron Paul Bunyan, personnage du folklore oral. Ainsi née la figure du bûcheron vêtu d’une chemise à carreaux. De cette association née l’appellation chemise de bûcheron qui reste encore en vigueur de nos jours.

Originellement en laine, les tartans vont être réinterprétés en coton au fil du XXème siècle. Ce faisant et comme le jean, de vêtement utilitaire, la chemise à carreaux devient chemise de ville.

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Pour ma part, je n’ai jamais vu trop quoi en faire ni en penser. Lorsque j’étais adolescent dans les années 2000, les marques de surf très portées sur la Côte Basque d’où je viens, se sont mises en en vendre. Au début je trouvais cela un peu triste, comparé aux chemises hawaïennes et qui faisaient la part belle aux travaux graphiques sur les logos.

De nos jours, les chemises décontractées se répartissent en trois groupes : uni, comme l’oxford (quelque fois rayé) ; à motifs semés, petits points ou palmettes brodés ou imprimés ; à carreaux fin (comme les tattersall assez rares) ou à grands écossais. Je confesse posséder très peu de ces deux derniers types. Pour le week-end, je porte des chemises assez habillées en fait, rayées ou à carreaux vichy simples.

Pour tout dire, je ne possède qu’une chemise tartan, un modèle très ample, bleu et rouge. Je confesse ne la mettre qu’une fois par an. Avec un pantalon de laine fine bleue et un pull sans manche rouge, c’est ma tenue de Noël! Certains arborent des pulls amusants, moi j’ai ma chemise détonante! Je me vois mal la porter à un autre moment.

Là dessus, je vous souhaite de belles fêtes! Beaucoup de travail (dont un livre en préparation sur un sujet diamétralement opposé à la mode) m’oblige à donner un peu de repos à Stiff Collar jusqu’à janvier!

Belle semaine et joyeux Noël! Julien Scavini

Le style décontracté urbain

La semaine dernière, j’étais invité très tôt à l’aéroport de Roissy pour découvrir les nouveaux avions de la compagnie bis d’Air France, Joon. Le rdv était fixé à 8h dans la zone des hangars. La communication du groupe m’avait prévenu : il fallait être chaudement couvert. Le temps était à la neige et dans les hangars immenses de l’entretien, les températures sont souvent basses. Et ça n’a pas loupé. Les trois heures passées là-haut étaient frigorifiantes.

La veille, je me suis torturé mentalement pour savoir ce que j’allais mettre. Je ne voulais pas porter un costume classique. Je n’en ai pas d’aussi chaud. Même mes tweeds ne m’apparaissaient pas assez couvrants, surtout au niveau du pantalon. Et puis je ne voulais pas mettre mes chaussures de ville. Je savais que sur les tarmacs, il y aurait de l’eau, et qu’il faudrait marcher etc. Mes Alden devaient rester au chaud.

Que faire alors?

J’ai opté pour une paire de bottines en veau-velours à semelle de gomme, un chino beige dans un drap lourd (un exemplaire de mes pantalons S3, qui tiennent bien le pli et ne froissent pas, pour bien présenter), et une épaisse doudoune que je me suis cousu il y a bien longtemps dans un drap vert de loden. Une petite curiosité cette doudoune, mi-moderne, mi-classique par l’usage du drap autrichien.

C’était très bien. En dehors d’un lacet qui s’est cassé dans mes mains le matin en partant… J’ai eu bien chaud et l’alliance de coton et de laine de l’ensemble a bien fonctionné sous la neige fondu et dans le hangar au sol glacial.

Mais, car il y a un mais.

Habillé en marron, beige et vert, j’étais un ovni vestimentaire. Comment pensez-vous qu’était habillée la petite centaine d’invités? De costume et de vêtements sombres. Le DG et le P-DG d’Air France étaient en tenue de ville avec de petits impers (ils devaient avoir bien froid) et à part quelques ‘jeunes’ de la com’ et journalistes en baskets, l’ensemble baignait plutôt dans le bleu et le noir. En passant, j’aurais vraiment donné une pièce à Jean-Marc Janaillac. Son costume en simili-viscose et ses godasses pointues étaient, comment dire… Voyez-vous même.

Bref. Je ne me suis pas senti idiot dans ma tenue, mais tout de même, j’étais clairement décalé. Ce qu’il me manquait était une tenue mi-ville mi-sport. Je n’ai rien de la sorte, pratique et commode, polyvalent et urbain. Je suis assez tranché dans mes choix : costumes pour le travail, du plus classique bleu et gris à quelques modèles plus voyants avec des rayures de banquier et vestes en tweed trempant dans les couleurs de feuilles mortes.

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Il m’aurait fallu : un blazer marine un peu bête, solide et chaud par exemple en flanelle (pourquoi pas dans un petit cachemire, tant qu’à faire), et un pantalon gris en coton, type peau de pêche ou moleskine ou flanelle de coton. Avec les mêmes bottines et une doudoune à capuche de fourrure, j’aurais pu ainsi me fondre dans la masse.

Non pas que je cherche à être discret, mais je pense qu’il faut toujours être en adéquation avec son milieu. Le tout est de rechercher le raffinement dans la simplicité. De belles matières, de belles coupes permettent de se faire plaisir et une esthétique discrète permet de satisfaire l’esprit de groupe. Ce que je trouve au fond satisfaisant. Comme les immeubles haussmanniens. A la fois tous identiques et toujours différents, du simple au très cossu.

Cette tenue, très italienne finalement, raffinée et décontractée, je ne l’ai pas. Il va falloir que j’y travaille!

Belle semaine, Julien Scavini