La photo de l’année

J’ai déniché hier soir la photo de l’année ! J’étais chez un ami qui travaille dans le luxe et en partant, il me donne le catalogue Hermès Automne-Hiver 2013 pour occuper mon trajet de métro. J’ai donc feuilleté ce joli magazine et suis tombé sur l’image au détour d’un article sur le plaid Avalon. Il s’agit des chardons que l’on utilise pour faire feutrer – peigner – la surface de la laine, en particulier du cachemire. Cette mise en place de chardons naturels dans un cadre est effectuée chez Johnston of Elgins, vieille vieille maison écossaise qui réalise certains des plus beaux cachemires du monde, dont certains exclusifs pour Hermès. Ces chardons proviennent d’Espagne et le cachemire de Mongolie. Cette technique ancestrale n’est plus beaucoup utilisée de nos jours. Les chardons naturels ont été remplacés depuis longtemps par des modèles métalliques. Dans mes liasses de tissus, seuls mes cachemires Doeskin Blazers de Holland & Sherry sont peignés de la sorte…

chardons Hermes Johnston of Elgin

Vestes en velours

S’il est bien une pièce qui m’a longtemps laissé perplexe, c’est bien la veste en velours… Et plus j’en vois, plus je trouve cela intéressant. Du reste, quand on parle de vestes en velours, il peut s’agir de choses : la veste en velours côtelé et la veste en velours ras, appelé autrement veste en palatine (du nom de ce type de velours).

Il est possible de voir de plus en plus de vestons de velours lisse dans le commerce, surtout à l’approche des fêtes. Cela donne une mise immédiatement habillée. Notons que ces vestes descendent des vestes de fumoir (smoking jacket en anglais) et qu’elles se portent maintenant au même titre que le smoking (dinner jacket en anglais pour ne pas confondre). En effet, avec un pantalon de smoking, il est assez simple de mettre une telle veste. L’effet est souvent intéressant quand les coloris sont éteints. Parisian Gentleman dans son dernier article sur le smoking a posté beaucoup d’illustrations sur le sujet.

vestes velours

Dans un instant moins formel, je ne suis pas sûr que la veste en velours ras soit extrêmement chic. Il est possible d’en voir porter sur un jean : oui et bof. Peut-être qu’en bleu cela pourrait remplacer en blazer en apportant un petit twist intéressant. Avec, le pantalon doit rester élégant. Car le velours ras rappelle quelque chose des liquettes ancien régime. Il est luxueux par essence.  La réalisation doit aussi être au top. Les vestes en velours ne supportent pas l’approximation, plus généralement celles en coton, qui peuvent froisser inélégamment, la faute à une matière raide qui doit être parfaitement coupée.

L’autre velours, c’est le côtelé. L’effet est ici bien plus sport, parfois plus campagnard. Si l’on est peu inspiré par les lainages unis (une gageure parfois, tant les carreaux sont répandus dans les liasses des drapiers), un velours côtelé chocolat ou même chamois peut être du meilleur effet. De près les côtes sont évidemment visibles, mais de loin l’effet est similaire à une moleskine, avec de légers reflets mats, donnant une impression alléchante de confort. Il faudra bien sûr choisir un velours 750 raies, donc avec des raies plutôt fines. Des poches plaquées à plis creux peuvent bien compléter le tableau.

Enfin, d’une manière général, les vestes en coton demandent plus d’attention. Le coton n’est pas une matière qui vieillit bien à la différence de la laine. Il froisse plus facilement, se défroisse assez peu seul sur le cintre et a tendance à blanchir (un effet similaire au lustrage pour la laine) aux bords. Il convient donc de ne pas disposer la veste à la va-vite sur le dossier d’une chaine. En revanche à l’usage, c’est plutôt doux et chaud.

Bonne semaine, Julien Scavini

La hauteur du pantalon

Evoquons aujourd’hui la hauteur de port du pantalon, sujet récurent et ô combien épineux ! Car au fil des mois, j’ai tout vu : les jeunes qui veulent des tailles hautes, les messieurs âgés qui ne portent plus que des jeans taille basse (pour le ventre), chaque catégorie voulant tester une nouvelle approche pour se sentir plus libre, plus à l’aise. Autant de conversations menées, autant de conseils répétés que je vais essayer de synthétiser dans cet article.

En effet, la hauteur de port d’un pantalon dépend grandement du placement sur le haut des hanches. Et ce point est critique. La recherche de celui-ci est lié au ‘montant’ du pantalon. Le montant, c’est la différence entre la hauteur du pantalon (prise sous la ceinture) et l’entrejambe, c’est à dire la mesure de la couture intérieure.

Commençons par tuer dans l’œuf un mythe : pour un personne donnée, la mesure de l’entrejambe sera toujours la même (sauf pour certains jeans qui se portent tombant). Toujours. Cette mesure ne varie pas d’un pantalon à l’autre. Ce qui varie en revanche, c’est le montant.

Hauteur du pantalon = entrejambe + montant.

coupe pantalon

Si l’entrejambe est invariable, restent les deux autres paramètres. Ce détail ne fonctionne que si l’on porte le pantalon correctement : à savoir la fourche parfaitement placée sous le sexe (si celui-ci est considéré porté au centre, car avant on coupait pour gauche ou droite). Je demande toujours aux clients de porter ‘à sensation’. Si le pantalon ne touche pas, il tombe. Il y a alors trop de tissu dessous, cela rend moche.

J’ai eu quelques fois des messieurs d’un certain âge demandant des tailles classiques voire haute, avec du ventre. A la livraison, le pantalon ne tenant  pas sur le ventre mou (et sans bretelles), le pantalon tombe. Ces messieurs rétorquaient qu’il y avait trop de tissu dessous… Mais ce tissu en trop n’est que l’expression d’un montant haut.

Ceci est un problème assez récurent. Le pantalon dit à taille haute, s’il n’est pas porté avec des bretelles, a une tendance à tomber. Et il y a alors trop de tissu dessous. Un classique du pantalon porté par les américains. Et ce n’est pas une question de mauvaise coupe. Juste de mauvais style.

Avec bretelles, la question ne se pose pas, le montant de pantalon peut grandir indéfiniment. En revanche, avec ceinture, son calcul est plus compliqué. Nous sommes à l’heure actuelle à une époque charnière. Les coupes ayant évoluées et les matières aussi, les pantalons sont coupés plus étroits. Cela entraine une quête compliquée, je pense que vous confirmerez, du bon pantalon ! Car s’il est trop haut, il va comprimer le ventre lorsque vous allez vous asseoir.

Le pantalon taille haute arrive au dessus du nombril, au niveau du ventre ‘mou’. Ainsi, en station debout, pour tenir sans bretelles, il devra être serré, pour tenir à la taille. En revanche, une fois assis, le ventre se relâchant, une désagréable sensation d’étranglement apparait. Trop serré. Et lorsque vous vous relevez, le pantalon tombe car il ne retrouve pas immédiatement la taille. Conclusion, avec une taille naturelle, les bretelles sont obligatoires. Même plus, il doit être un peu ample à la ceinture pour ne pas comprimer. La coupe taille haute s’accompagne souvent d’un pantalon coupé droit, sans rétrécissement au genoux, appelée full-cut. Le dos en arête de poisson rend le port des bretelles idéal.

En dessous de la taille naturelle, il y a les hanches: le haut des hanches puis le milieu du bassin. Ici, l’os ne se relâchant pas, aucun sentiment d’étranglement, le pantalon tient tout seul. Cette façon de porter le pantalon à taille classique ou moderne ( à la différence de la taille naturelle ) apporte un grand confort avec une ceinture. Une impression de taille haute peut être donnée en recherchant finement le point d’appui sur le haut des hanches. C’est la grande majorité des coupes.

hauteurs du pantalon

Pour essayer d’y voir clair, voici un petit comparatif que j’ai dressé permettant de comparer différents montants par rapport à la longueur de la braguette zip. Le montant est en réalité plus long que la seule braguette, mais la variation en plus est presque une constante.

  • Hauteur taille basse : de quelques centimètres à 10cm de zip.
  • Hauteur moderne milieu des hanches : 14 cm de zip.
  • Hauteur classique haut des hanches : 15 à 16cm de zip.
  • Hauteur à la taille naturelle : 18 à 20 cm de zip.
  • Hauteur à la taille haute : plus de 22 cm de zip.

Ces valeurs sont données pour indication sur les tailles intermédiaires, disons du 38 au 46.

Vous le constatez, un pantalon à la fois classique et moderne – la plus difficile des gageures – ne sera pas si haut que ça. Normal, les hanches humaines, plutôt les os iliaque droit et gauche ne sont pas très hauts.

Enfin notons un dernier point. Pour les messieurs avec beaucoup de ventre, le pantalon ne trouve absolument pas sa place sur les hanches et encore moins sur le ventre. Un port haut sans bretelles est à exclure. Deux options restent : soit le pantalon taille basse intégrale, soit le pantalon coupé très en biais. Une réelle difficulté pour le tailleur, mais un résultat qui peut être idéal : une taille classique sur l’arrière et les reins (montant simulé 18cm), une taille basse devant avec un zip de 12 à 14cm sur le devant. Mais c’est pas facile à réaliser !

pantalon gros ventre

Enfin petit point de détail tailleur, la taille des pantalons en France est la demi-ceinture, relevée à la taille naturelle. Quelqu’un avec un taille de 96cm fera une taille 48. Sur un pantalon à la taille naturelle, la dimension de la demi-ceinture sera 48cm. Mais sur un pantalon ‘moderne’, le bassin étant un peu plus large que la taille, la demi-ceinture fera 49cm. Une question – logique – de coupe !

Dépôt vente, II

 

Un client m’a déposé ces quelques articles de très belle facture, au cas où cela plairait à un autre client… ou à mes lecteurs. Voici ces quelques pièces:

1- Paire de gants neufs, certainement pécari, non doublé, cousu main. Taille non spécifiée, certainement 10, 60€ +10 de commission :

Gants pécari

2- Paire de gants neufs de conduite, peau bi-colore perforée, non doublé, cousu machine. Taille spécifiée, 9 1/2, 60€ +10 de commission :

Gants de conduite

3- Chapeau trilby, presque neuf, Bugarach Chapelier Paris, finement gansé avec gros grain kaki, taille 59 / 6, 100€ +10 de commission :

Trilby

4- Exceptionnel, canotier presque neuf, Robert Chapelier Malakof, paille entièrement tressée et non collée, taille non spécifiée, certainement 57, 100€ +10 de commission :P1210063

Bonbons de Noël ;)

La veste dépareillée unie

Lorsqu’il n’est pas en costume, le gentleman s’habille en dépareillé. La mode anglaise nous apprend que la veste seule – appelée veste dépareillée, odd jacket dans le texte – se porte classiquement avec un pantalon gris, toile lisse, serge grattée ou flanelle.

La mode anglaise toujours a démocratisé jusqu’à plus soif les tissus pour veston en tweed. Et pas n’importe quels tweeds : ceux à carreaux. Ce tissu est presque l’essence même d’un tissu démocratique : le tweed est une matière peu onéreuse et le tissage des carreaux embelli l’ensemble, à peu de frais. Les carreaux sont réalisés par le croisement de fils de couleurs, certains en trame, d’autre en chaine. Une technique permettant de produire du motif au kilomètre. Bien moins couteux, c’est évident, que les délicates broderies des vêtements d’aristocrates. Le pauvre Brummel – au sens propre – fut le précurseur de cela !

A force de réfléchir à une spécificité française, j’en viendrai à énoncer une hypothèse : une hypothèse plus en forme de questionnement qu’issu d’un argumentaire établi. Une hypothèse plus proche du ressenti ou de l’intuition.

anglais vs français

La veste dépareillée à carreau est british. Trop british pour le goût français qui aspire à un peu plus de délicatesse, au raffinement. Le carreaux rouge sur un tweed vert, c’est voyant ! L’esprit français serait peut-être plus enclin à apprécier les tissus unis, tweed également, mais proposant soit des tissages particuliers (chevrons fondus, grain de riz, etc…), soit des couleurs plus étudiées (rouilles, chamois, vert d’eau, etc…).

L’accord avec un pantalon est le même que chez nos amis d’outre-manche. La flanelle complète ces vestes avec un grand chic classique, de même que la moleskine ou le velours qui peuvent réchauffer la teinte générale.

Bref, plus d’interrogations que de réponses. Une chose est sûre, je ne vends qu’une fois l’an une veste à la Hackett. Qu’en pensez-vous ?

Bonne semaine. Julien Scavini