La nouvelle politique d’Arnys qui entend se développer l’amène à tester de nouveaux principes de communication parmi lesquels le défilé de mode. Cette charmante et très élitiste maison qui s’érige maintenant en Hermès de la rive gauche a donc testé le principe pour présenter sa collection de l’hiver prochain, au théâtre Récamier. Votre serviteur n’était hélas pas invité mais j’ai cherché à en savoir plus.
Prônant un style résolument contre la mode et recherchant des formes dans les vêtements historiques, le résultat est la plupart du temps très intéressant, notamment par l’usage des couleurs. Les étoffes sont rares et couteuses. La démarche captivante. Il me prend souvent de dessiner quelques modèles en m’inspirant de leurs vitrines. Le fait est que le travail est ardu :Mais je n’y travaille pas alors laissons faire les professionnels : MM. Grimbert et fille. Continuons donc par le texte rédigé pour accompagner la présentation de la nouvelle collection:
Un voyageur se promène des bords de Loire à Oulan Bator…
Ce long périple lui fait parcourir les villes européennes le long du Danube, à travers des paysages de forêts, de prairies et de plaines. Puis, par-delà Minsk et Novgorod, par-delà l’Oural, s’offrent à lui la taïga, la steppe, l’Asie centrale et ses grands espaces.
Ses vêtements reflètent, par touches, l’histoire de ce long voyage initiatique et empruntent les couleurs du temps et des paysages : pastel vert d’eau, lichen et vert mousse, moutarde, palette des bruns et des rouille, symphonie de bleus profonds.
Une vingtaine de silhouettes, longues et fines, quintessence de la collection de la saison, proposent un instantané du chic germanopratin, une interprétation culturelle moderne de l’allure et de la distinction.
Dans un premier temps, les costumes esprit Saint-Germain-des-Prés se révèlent : boutonnage haut et taille rehaussée des vestes droites 2 ou 3 boutons, épaule étroite et fine, près du corps et naturelle, tête de manche en olive qui autorise la gestuelle.
Ces vestes souples à la française aux devants ouverts, un rien plongeants, réminiscence de la chasuble XVIIIe, laissent apparaître des pantalons plats, hauts de montant, fuselés, étroits du bas et cassants sur la chaussure, la plupart portés avec des bretelles.
La part belle est faite aux riches et nobles tissus anglais et irlandais, et aux effets de matières : draps à rayures colorées, flanelles teintées, pèle-mêle tweeds, shetland, lambswool et cachemire…
Les chemises, traitées dans les plus beaux cotons, cachemire et soie, offrent un réel travail du col, sous-boutonné, anglais, à rabat en demi-lune ou à pointe émoussée.
Symbole de l’élégance et élément identitaire d’Arnys, les manches des vestes possèdent toujours 4 boutons dont 3 boutonnables.
La veste se porte avec une seule boutonnière orpheline à droite et deux à gauche côté montre, suggérant le poignet double – parfois simple – de la chemise. Poignet agrémenté de boutons de manchettes, or et pierre dure ou précieuse, le seul bijou que peut raisonnablement se permettre l’homme d’aujourd’hui, une joaillerie que propose la maison.
Alternative au costume de ville, le vêtement devient plus nonchalant pour un autre porter citadin. Entre ainsi en scène la ligne Saint-Germain-des-Prés, vestes d’inspiration mongole, matelassées et détournées dans de superbes tissages, auxquelles s’ajoutent en détails des éléments en cuir surpiqué utilisé en sellerie et pour les ceintures. Le raffinement est dans le travail des doublures, parfois matelassées dans la longueur à la chinoise, et l’emploi du swakara, fin agneau bouclé typé breitschwanz pour les cols et les parements.
In fine, ce long trajet donne l’occasion d’une réception. C’est l’heure du smoking noir formel en fin et souple alpaga/mohair noir avec nœud et ceinture en satin. Les deux autres propositions, élégante offre contemporaine, sont la veste courte à parements boutonnés telle une veste de batelier, ainsi que la veste appelée « Cornac », d’inspiration indienne, revisitée ici pour le soir avec petit col de satin.
Maintenant, admirez les images sur le site du Figaro Madame (ne me demandez pas pourquoi…)
Je suis circonspect. L’ensemble est pour le moins curieux, plutôt hétérogène à mon goût et certainement pas assez minimaliste. Les couleurs sont outrées et les styles détonants (apparemment revendiqués), allant du russe cosack au voyou des années 30 en passant par le néo-autrichien. Je suis d’accord avec leur positionnement, à savoir rechercher du nouveau dans le confort décontracté et l’élégance à la française. Mais tout de même, pousser à ce point le bouchon! L’ensemble est vraiment ‘costumé’ et pas dans le bon sens. Jean-Paul Goude ne ferait pas différemment pour une commémoration de la prise de La Bastille.
Qu’en pensez-vous?
Julien Scavini