Quelques livres

Mes amis(es), je pose à peine mes valises de retour de vacances. Je pensais pouvoir faire un article ce soir, mais le décalage horaire me fait encore tourner la tête.

ILLUS81Donc, pour patienter, je vous propose une critique de trois ouvrages dernièrement lus. J’ai fait la critique, très dure d’un ouvrage sur Gieves & Hawkes récemment, je me rattrape avec uniquement des livres que j’aime.

L’éternel masculin : Icônes de mode et vestiaire idéal de  Josh Sims, aux éditions de la Martinière. A ne pas confondre avec L’éternel masculin d’un autre auteur allemand bien connu. Cet ouvrage retrace vêtement par vêtement l’histoire des pièces incontournables de la garde robe masculine. Il énumère tous des classiques comme le covertcoat Crombie ou le costume, évoque des pièces plus récentes comme le blouson et le jean, et passe en revue le trench, la chaussure bateau et sans oublier, la chemise hawaïenne ! Si le livre penche – à mon goût – un peu trop du côté du sportwear vintage, il comporte une masse d’informations captivantes. Les illustrations sont bien sélectionnées et imprimées en grands. Le propos est clair et le livre bien organisé. C’est au final un livre que l’on prendra plaisir à lire, et à feuilleter. Je mets 7/10.

Vintage Menswear : a collection from the vintage showroom, toujours du même auteur, mais en anglais cette fois-ci, aux éditions Laurence King. J’ai acheté cet ouvrage sur une simple recommandation d’Amazon sans trop regarder au fond ce que j’achetais. Je ne suis pas un passionné de workwear et de vêtements vintage à vrai dire. Mais force est de constater qu’il s’agit d’un des plus jolis livres que j’ai eu l’occasion de feuilleter. Feuilleter car ici, le texte n’est pas consistant. Peu importe, le travail qui a été fait est colossal. Il s’agit d’un catalogue très complet d’une boutique de vintage, et tous les vêtements (du classique complet trois pièces en tweed des années 30 au blazer gansé en passant par de vieux blousons de motards et des tuniques militaires) y sont représentés avec soin et amour. Les photos sont belles. Plans larges, gros plans, comparatifs avec d’autres pièces similaires, l’ensemble est bien organisé, l’ensemble est beau et c’est la boutique entière que l’on aurait envie d’acheter. Je recommande aussi chaudement. J’accorde 8,5/10.

L’évolution dans le vêtement, de George Darwin, réédition chez Allia d’un ouvrage de la fin du XIXème siècle. L’auteur est le fils du célèbre théoricien de l’évolution Charles Darwin, et tout comme son père, il s’intéresse à l’évolution, mais cette fois appliquée au vêtement. Dans un langage d’époque, mi-scientifique mi-philosophique, il décrit comment des vêtements ont été créés, ont évolués, se sont abâtardis, se sont transformés. Si le propos est difficile à vraiment cerner compte tenue des pièces décrites (anciennes comme le frack et la redingote), il n’en demeure pas moins passionnant, car il peut s’appliquer à l’époque moderne. Par ailleurs, la lecture (plutôt courte) est très distrayante. Et comme pour l’évolution humaine, on découvre que ce n’est pas forcément la force des choses qui crée des nouveautés, mais plutôt des accidents et des gratuités qui deviennent utiles. Mais l’utilité et la mode… Tel est tout le débat posé par Darwin. Instructif pour les plus passionnés. 6,5/10.

Bonne semaine, à bientôt. Julien Scavini.

Les retouches

Vous n’imaginez pas le nombre de clients que je vois qui ignorent absolument que oui, un vêtement se retouche. Etant un tailleur prolifique en tenue de mariages, j’écrème une certaine quantité de clients souvent jeune. Je m’amuse à les sonder et reste toujours étonné devant leurs habitudes.

Ainsi, une veste ne sera pas fermée, car en fait elle est trop petite. ‘Oui mais les épaules sont belles‘. NDLR : en fait elles sont étriquées…

Ainsi une chemise sera portée avec le col ouvert car en fait il ne peut se fermer. ‘Oui mais la taille est bien cintrée‘. NDLR : en fait elle colle à la peau… ou pourquoi ne pas avoir les deux ?

Ainsi un pantalon ne permettra pas de s’asseoir. ‘Oui mais c’est plus stylé comme ça sans tissu en trop derrière la cuisse’. NDLR : plus serré, il faut demander au toréador…

Donc avoir tout est un luxe en somme. Le col qui ferme ET le cintrage, c’est un luxe de nos jours ?

Vous n’imaginez pas les trésors d’ingéniosité que je dois mettre en œuvre pour les persuader du contraire. Et la patience… (mais c’est la composante essentielle du métier de tailleur).

On ne le répétera jamais assez, il vaut mieux un bon vêtement bien retouché qu’un vêtement acheté trop serré. C’est d’ailleurs un pli vicieux qu’ont pris les français, ils n’aiment pas faire retoucher. Dès lors, ils sont légions avec les manches trop longues. Payer pour ce service n’est pourtant pas superflu.

Il découle de cette fainéantise deux choses :

1- les marques intègrent les retouches, mais font alors payer cher le produit. Ou elles baissent les prix dans une course compétitive et cherchent alors absolument à vendre le produit sans retouche. La conclusion est la suivante : le client ressort mal habillé. La marque y est poussé par le marché. Cher avec service ou moins cher sans service ? Devinez l’orientation ! Une maison sérieuse et pas trop chère comme Boggi n’intègre pas les retouches. Les clients crient au scandale.

2- les marques segmentent leur offre. Le directeur artistique en relation avec le marketing édicte un drop (c’est à dire une relation de proportion entre la taille et le cintrage) pour viser telle clientèle ou telle autre. Bien souvent, les personnes d’un certain âge ou volume sont exclues. Cherchez une chemise taillée avec de l’aisance à prix abordable maintenant… Non, les modèles sont taillés pour des garçonnet crayon. Ceux là même qui me disent, je ne comprends pas, chez The Kooples, je tombe parfaitement dans le modèle. Et chez Ralph Lauren je trouve que c’est un parachute. En effet. Il en résulte qu’une bonne part des clients de ces maisons qui n’ont pas le ‘drop’ mais y vont par mode ont les bourrelets apparents… L’ennui est que la cible est très mince ces temps-ci. Le minet des villes a le vent en poupe. L’idée de tomber dans le modèle séduit les clients, ils n’ont pas à payer la retouche.

Notez toutefois que les femmes sont assez souvent pousse au crime. Les hommes à leur goût sont souvent habillés trop grand. Ce petit commentaire est le fruit de mon observation mais ne vaut pas généralisation.

Rappelons alors une évidence, un vêtement confortable cintré juste à l’endroit qu’il faut est plus agréable qu’une taille de moins.

Remarquons que si les jeunes prennent une taille de moins, les messieurs âgés abusent en sélectionnant une taille de plus…

Bref, lorsque je finis par convaincre mon interlocuteur qu’être à l’aise compte beaucoup, c’est gagné. En mesure, c’est facile, mais en prêt à porter?

Une chemise par exemple se retouche bien. Ce qui compte, c’est de prendre le bon tour de cou. C’est primordiale. Ensuite si vous trouvez la chemise trop ample, vous pouvez au choix : faire cintrer le modèle par les coutures côtés pour une grosse reprise, ou faire cintrer le modèle en exécutant deux pinces dans le dos, pour une petite reprise, ou bien additionner les deux. Ce n’est pas très cher et vous conservez un certain coffre pour la poitrine. La longueur des manches ainsi que la largeur se révisent aussi. Soit vous pouvez recoudre le bouton pour serrer plus le poignet qui tombera au dessus de la main, soit vous pouvez faire raccourcir la manche par le poignet, ce qui est plus fin. Demandez à votre retoucheur de quartier, il saura faire. Demandez un devis. 20 à 30€ pour ces opérations. Oui ça coûte.

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Une veste se sélectionne à partir de l’exact tour de poitrine divisé par deux. 96cm = taille 48FR. Ou taille 46IT. Ou taille 38UK. Une veste trop petite ou étriquée est juste ridicule. Prenez garde à la largeur d’épaule aussi. Si vous êtes plus large, prenez une taille au dessus. Car après, vous pouvez faire cintrer la veste. Par la taille, au niveau des deux coutures côtés. Par le milieu dos si besoin, mais cette retouche doit uniquement s’ajouter aux deux autres reprises. Si trop de carrure dos, cela se reprend aussi. Si vous avez les épaules hautes, une petite retouche de la ligne de col et des épaules est facile aussi. Les manches peuvent aussi se cintrer et se raccourcir.

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Enfin le pantalon. Il doit avoir un peu d’aisance derrière la cuisse, pour s’assoir quand même. S’il est trop long, cela s’ajuste. Finir à un doigt du talon à l’arrière n’est pas déraisonnable. Si vous appréciez les bas très étroits, vous pouvez. Mais il faudra laisser l’aisance au genoux. Car si le tube est étroit, le mollet qui est rond va attiré le pantalon qui va casser en dessous du genoux. Une coupé légèrement carotte est préférable je pense.

ILLUS80-5Après ça, n’hésitez plus, un bon vêtement se retouche toujours et on peut tout faire. Plus la peine d’aller dans des marques que vous n’aimez pas pour bien tomber dans le modèle. Travaillez un peu à votre allure, vous en tirerez une certaine satisfaction.

La semaine prochaine, petites vacances. Je reviens vite. Bonne semaine, Julien Scavini.

Le violet

J’avais déjà traité de la couleur verte dans un article et je voudrais aujourd’hui évoquer le violet, une couleur peu employée et pourtant pleine d’attrait.

La première des choses à faire pour parler de violet est de caractériser cette couleur. A priori le violet est une teinte assez intense, plutôt proche du bleu dans la gamme chromatique. Car plus l’on s’éloigne du bleu, plus le violet rougi. Il devient alors fuchsia ou pourpre suivant l’éclat, puis mauve ou parme s’il est atténué de gris, avant de devenir franchement rouge puis rose. C’est une chose très intéressante que de qualifier les couleurs et en particulier le violet. La colorimétrie internationale s’y prend d’ailleurs les pieds depuis plus d’un siècle. Une chose est sûre, voilà une couleur qui a de la ressource en habillement.

ILLUS79-7Comme couleur sœur du bleu, le violet se mélange admirablement avec. Un costume bleu peut ainsi être complété d’une chemise parme ou d’une chemise aux rayures violettes. La cravate peut être soit bleu, soit bleu avec du violet, un assemblage profond et piquant à l’œil.

ILLUS79-1Le costume peut aussi être gris foncé voire anthracite. Le contraste est divin. D’ailleurs, Ralph Lauren ne s’y est pas trompé en dénommant un de ses département Purple Label. Une cravate noire avec des pois violets, ça fonctionne très bien. Noir ou bleu et violet, voilà en costume un accord gagnant. Regardez d’ailleurs Michael Douglas dans Wall Street II (le film n’a aucun intérêt par ailleurs) et vous apprécierez sans doute ses tenues. Le violet apporte à une tenue l’éclat des couleurs chaudes et mais permet la discrétion des couleurs foncées.

ILLUS79-2Et je voudrais bien insister sur la chemise parme. Pour en avoir une, je peux vous garantir de sa sobriété et de son équilibre. Elle pourrait presque devenir le pendant de la chemise bleu ciel. Elle a par ailleurs l’avantage sur la chemise rose de ne pas faire rougir la carnation, point crucial quand on a la peau claire.

ILLUS79-3Bien évidemment, il ne viendrait à l’idée de personne de faire un costume violet. Toutefois, certains draps bleus s’accommodent bien d’une fine rayure tennis violette.

Dans le registre sport, les qualités du violet sont certaines. Un veston sport peut se présenter uni, par exemple en lin. Il s’accordera alors à merveille avec d’autres nuances comme le parme voire même le grège pour atténuer l’ensemble.

ILLUS79-4Je pense aussi qu’un drap bleu avec des carreaux violets peut être attractif. Associé avec un pantalon de flanelle anthracite, le trio de couleur est intéressant. Dans ces tonalités de couleur, un pantalon violet en velours à fine côtes est très utile en complément d’un col roulé noir. Une mise très urbaine et décontractée. Ou au contraire, un pull col V violet avec un pantalon de laine bleue. Simple et efficace.

ILLUS79-5Je note enfin la qualité du violet à s’accorder avec le vert. L’accord était apprécié de la maison Arnys. L’accord n’est guère évident et fait très vite ‘apprêté’ mais il est plaisant, aussi bien si c’est le haut ou bas que l’on interchange. Plus simplement, avec un complet de tweed vert, il est simple et de bon ton d’avoir une chemise à carreaux violets. En habillement, il faut savoir, tout en adoptant la modération propre au gentleman, prendre des risques !

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Belle semaine, Julien Scavini.