Les buck Fairmount

J’ai parlé dans un précédent article de belles tenues proposées par Brooks Brothers dans les années 50. Les propositions s’appuyaient en partie sur le plaisir de souliers blancs, les buck, donnant un relief particulier à l’ensemble estival, et dans un cas, un rappel heureux du blanc de la veste.

Les américains disent buck shoes, sans -s. On aurait tendance en français à mettre un -s au pluriel, donnant bucks. Je n’ai pas trouvé de tendance claire sur le sujet, aussi vais-je rester sur la forme US.

Les buck donc, furent très populaire dans les années 30 et 50, en particulier chez les étudiants américains aisés, avec les desert boots, les saddle shoes et les penny loafers. Voici les quatre chaussures permettant de composer une tenue preppy ou Ivy League, du nom de ce groupement de prestigieuses universités américaines.

Le nom buck est directement lié à la matière de la chaussure, le daim, appelé en anglais buckskin. Le daim étant toutefois interdit depuis belle lurette, on utilise à la place du cuir suédé (veau-velours ou cuir-rectifié type nubuck). Et pas de n’importe quelle couleur : blanc! Une matière très salissante et qui explique majoritairement la discrétion actuelle de ce soulier. La tige blanche est classiquement attachée à une semelle de gomme rouge, un peu épaisse. C’est donc une chaussure très reconnaissable.

Il peut arriver que la suède soit colorée et non blanche. En 1956, Elvis Presley porte des modèles bleus sur la pochette de son album « blue suede shoes » contenant une chanson du même nom.  Au fait de sa gloire, le buck faisait « clean-cut, presentable and youthful » disent les anglo-saxons, soit propre, présentable et jeune. Il est vrai qu’il donne un air bien fini à une tenue.

~ + ~

J’avais acheté deux paires de buck il y a longtemps chez 7ème Largeur, à l’époque où c’était encore le haut de gamme de Markowski. Mais la lourdeur et la rigidité des modèles ne m’avaient que très peu convaincu. Elles sont vite allées au rebus. Sacré perte d’argent. Mais à la faveur de mon article sur Brooks Brothers, j’ai eu envie d’aller chez LE spécialiste du genre, en plus disponible à Paris : Fairmount. Il y a une boutique rue du Bac où je fus très bien reçu. J’ai donc acheté pour 165€, soit une somme plutôt raisonnable pour un soulier d’homme, une paire en blanc. Même si je vois maintenant qu’ils sont à 99€ en solde…! Arghhh!

J’ai du attendre un peu tant il a fait mauvais à Paris. Mais avec ces très fortes chaleurs, j’ai pu enfin les sortir! Et quel plaisir. Les impressions que j’avais eu en boutique se sont confirmées :

  1. la chaussure est très légère, poids-plume presque autant qu’une basket souple.
  2. la chaussure est très souple et ne serre pas le pied à la marche. Aucune sensation désagréable ne se manifeste. Le cuir est tendre.
  3. la semelle gomme est plutôt molle, ce qui est confortable en marchant, comme un petit coussin.

Par ailleurs, la forme derby (que je déteste normalement) n’est pas tellement marquée et la chaussure apparait comme assez élégante et bien proportionnée dans ses courbes.

Je ne les ai porté que trois fois pour le moment et je fais très attention de ne pas les salir, une attention de tous les instants. Je ne sais donc pas comment va évoluer la surface du cuir ni comment va s’user la semelle gomme, d’une pièce avec le talon. Il ne sera probablement pas possible de poser un patin ou un nouveau talon lorsque ceux-ci seront usés.

Toutefois à l’issu de ce test comme disent tous les blogs à la mode, je dois dire être tout à fait ravi de mon achat chez Fairmount. Ces buck sont un plaisir à porter et permettent surtout de composer de belles tenues estivales. Avec cette canicule, je porte beaucoup de pantalons et chemises en lin. Sans veste, la tenue manque un peu d’allure, mais ces chaussures blanches apportent une heureuse ponctuation, un relief rare. Je ne peux plus m’en passer. J’adore ces petites buck et j’envisage peut-être d’acheter le modèle en couleur sable. Ou une seconde paire blanche en solde… à voir!

Belle semaine, Julien Scavini

PS : je confirme bien avoir payé ma paire et avoir fait cette critique en toute objectivité, sans échange marketing et sans avoir été rémunéré par Fairmount avec qui je n’ai pas le moindre contact!

Il n’y a pas de vérité pour les pointures

Cela fait des années que je tente avec complications et moult argent de trouver le bon chausseur et surtout la bonne chaussure.

J’ai déjà relaté la complexité à trouver des chaussures confortables à prix raisonnable. Pendant longtemps j’ai considéré que le 42 était ma pointure, car en baskets, c’est ce que je porte et que le chiffre m’est familier depuis mon adolescence.

Chez Bexley il y a fort longtemps, cela m’allait bien. Puis j’ai essayé Markowski, en pointure 8. C’était bien.

J’ai aussi tenté 7ème largeur, où j’ai acheté deux paires, qui m’ont été vendues presque de force en pointure 7. « Si si, c’est mieux ainsi, votre chaussure ne se déformera pas, elle gardera de l’allure« . Certes. Mais c’est mon pied qui s’est déformé. La paire de richelieu est partie à la poubelle au bout d’un mois après un refus d’échange, c’était trop pénible. Quant aux mocassins, curieusement, ils sont confortables encore maintenant. D’où cette première intuition que peut-être, les pointures n’étaient pas grand chose…

D’autant plus qu’avec le temps, j’ai détecté une demi pointure de différence entre les deux pieds. C’est assez normal a priori mais en Nike ou Le Coq Sportif, peu important. Mais lorsque l’on commence à porter des chaussures de qualité supérieur, cette question devient prégnante. Chez Bowen, le vendeur m’avait fait prendre du 8, même en ayant remarqué la différence de pointure. Et pas du 81/2. Pour ne pas avoir de chaussure déformée après quelques ports. J’avais écouté, je n’aurais pas du. Trop serré dans le temps.

Puis j’ai commencé à acheté Alden par l’intermédiaire d’un ami aux USA. J’ai naturellement pris du 8. Deux paires! Sans me rendre compte que les américains ajoutent une pointure. Donc le 8 USA est en fait un 7 UK. Les chaussures étaient trop serrées, je m’en suis hélas rendu compte très vite. Mais en même temps vaguement confortable, grâce à un soulier bien rond et à une forme au confort de Cadillac. Donc pour la suite, j’ai pris des paires en 9.

Lors de mon voyage au printemps dernier à Washington, après une journée de marche dans ma paire préférée en taille 9, habituellement très confortable, mes pieds me faisaient affreusement souffrir. D’où un constat : ce qui est confortable dans ma boutique au long de journées relativement tranquilles, ne l’est plus lorsqu’il faut faire grand usage de ses jambes. A noter intérieurement.

ILLUS181

Puis, le lendemain, j’ai pointé mon nez dans la boutique Alden. Là, le vendeur, à l’américaine, très entreprenant et professionnel, m’a fait poser les pieds sur le pédimètre. Verdict direct : « monsieur, vous faites du 10 (donc 9 UK ndlr) et plutôt en largeur étroite, pas standard« . Ah bon…?

J’ai donc pris une paire ainsi. Puis une seconde. Au quotidien, c’est très plaisant. En revanche, à l’usage, je note tout de même deux choses. 1- J’ai l’impression d’avoir des bateaux aux pieds. 2- Des plis se forment au dessus de la chaussure, de manière bien plus marquée que sur mes souliers en taille 9.

Toutefois, je me souviens que le vendeur d’Alden portait lui-même des mocassins visiblement très confortables, un peu large. Avec le temps, je pense qu’il est probable qu’outre-atlantique il soit concevable d’acheter un peu grand, alors qu’en Europe, on préfère peut-être la vanité d’un pied petit…? Il n’y a pas une grande vérité, l’aisance est une notion qui varie d’un pays à l’autre, d’une personne à l’autre.

Pour la suite, j’ai commandé une paire en 91/2. On verra bien. Je me ferais un avis.

Finalement, avec mon collaborateur Raphaël m’est venu une intuition. Car lui chausse du 5. Dans lequel il a un peu mal à la fin de la journée. Et le 6 est un peu trop grand. Mais qui lui serait peut-être conseillé outre-atlantique…?

Peut-être que la bonne solution est d’avoir différentes pointures, pour différents moments. Lorsque je sais que la journée est calme à la boutique, sans une soirée après, je peux porter la pointure 9, idéale et très élégante, car faisant un pied de bonnes proportions. Si jamais je dois aller à un diner le soir ou à l’Opéra, je chausse le matin du 10, à peine ample, mais préférable pour endurer l’effort.

« N’a de conviction que celui qui n’a rien approfondi » écrivait Cioran. C’est très vrai. Alors je relativise cette question de la pointure. Rien n’est tout à fait parfait en ce bas monde, il faut s’adapter aux conditions du moment.

Belle semaine, Julien Scavini