Pendant longtemps, j’ai détesté le col officier ou col mao. Mais j’ai un peu évolué ces derniers temps, je vous explique.
La différence est légère entre les deux versions. Le col officier (donc la version occidentale de l’encolure cheminée) possède un bouton pour fermer et une griffe sur les vestes. Ce premier col est très formel et était très usité au 19ème siècle mais fut peu à peu abandonné car jugé trop guindé, y compris par les militaires.
Le col mao ou col de mandarin est un col non-fermé, un col plus décoratif qui est très souvent utilisé en Asie pour terminer les tuniques et robes masculines ou féminines. Ce second modèle terminait les grands kimonos en soie de mandarins. Peut-être est-il plus courant en asie du Sud et Vietnam, qu’en Chine où l’influence Mandchou et Mongol apporte d’autres types d’encolures plus pratiques pour résister aux froids. Ce col aussi fut peu à peu abandonné au fil du XXème siècle. Même Mao Zedong finalement le portait assez peu lui préférant la veste à col de chemise.
Il existe une différence fondamentale pour la création de ces cols. Le col officier nécessite qu’un pan chevauche l’autre. Et il faut réaliser des boutonnières, une tradition de broderie européenne. Le col mandarin nécessite que les pans gauche et droite s’embrassent et non se chevauchent (pour un vêtement dessus). Le fermoir est alors une passementerie, tradition asiatique qui s’est un peu perdue hélas, au profit de la variante européenne. L’effet est net avec un petit dessin. Et l’allure est formidable.
Notons aussi l’existence du col indien, qui est similaire au col romain (celui des curés). Le col indien a un rabat très court, du même niveau que le pied de col et se rabat vers l’extérieur et plus souvent vers l’intérieur, ce qui est très discret et pratique. Ce col utilisé par Dior est souvent appelé col Dior.
Au fil de mes recherches sur le goût français, je me suis longuement penché sur l’allure des vêtements anciens régimes, qui étaient dépourvus de cols, un peu à la manière des vestes Chanel. Le gilet et l’habit se finissaient par une encolure ronde à vif. C’est la chemise qui montait, longuement entourée d’une fine cravate de dentelle blanche. J’aime l’allure que cela donne mais émet des doutes sur le confort thermique avec le cou si peu protégé. Je me dis aussi qu’avec un cou long, l’effet doit être très similaire au fait de porter un tshirt ras de cou. Cela fait paraitre le cou plus long.
Cette réflexion sur l’encolure que je mène depuis quelques temps m’a amené à une autre conclusion : la chemise à col retombant n’a aucun sens portée sans cravate. Vous l’aurez tous constatés, une chemise sans cravate se comporte mal. Suivant le modèle de col, ce dernier parait avachit et ses pointes se tordent. Ce n’est pas beau, inutile de chercher à prouver le contraire. Des clients me demandent bien de placer le premier bouton (pas celui du col) à telle ou telle distance pour éviter l’effet éventré et trop ouvert, mais ce n’est pas convainquant.
Le modèle de col retombant n’a jamais été conçu pour être porté seul. Le modèle est donc abâtardi et décadent pour moi car il n’a plus sa logique interne, sa logique de conception. C’est pour cela que les hipster ferment leur chemise jusqu’en haut genre Deschiens. Il est bancal. Sauf s’il est boutonné. Mais c’est un artifice bien mince auquel je recours ceci dit pour mes chemises de week-end.
Il y quelques temps, sur deux chemises que je porte le week-end et dont la forme du col ne me plaisaient guère, j’ai démonté la retombé. J’ai donc obtenu des cols… officier. Merci à ceux qui suivent 🙂
Et j’ai été assez convaincu. Un bon ami qui en porte depuis des lustres ne m’avaient jamais assez persuadé de la chose. L’effet très sympathique. Mais attention, la chemise à col cheminé n’est élégant à mon sens que s’il n’est pas associé à une veste à revers. Car la veste à revers, surtout en deux boutons, est logique avec une cravate. Le large V qu’elle dégage n’est fait que pour mettre en valeur une cravate. Sinon, ce V montre seulement du vide. Aucun intérêt. Je préfère mettre ces chemises sous un pull col rond ou un petit blouson à col Claudine. L’effet est minimaliste.
Les vestes à col ‘Arnys’ sont aussi adaptées, dans le sens qu’elles sont un dérivé ce col officiel. Elles se passent d’une cravate.
Enfin il reste la veste de costume à col mao, affectionnée par quelques personnalités (comme Pascal Lamy) et la veste de style autrichien (comme Tom Enders) qui a chipé on ne sait trop comment la coupe mandarin. Et là je suis très circonspect. Comme je l’ai déjà écrit à propos du style autrichien, je trouve curieux ce mélange d’influence. La draperie anglaise, c’est à dire le drap de laine principalement gris n’a rien à faire sur ces vestes. Le col mao apporte soit une allure épouvantable de vieux gourou et le modèle autrichien est synonyme de décontraction. Dans un sens comme dans l’autre, le col cheminée n’apporte rien visuellement et ne soutient pas une idée brillante je trouve. Les indiens rusent et retirent les manches sur des bases de vestes en draperie anglaise. C’est ingénieux. C’est dommage ceci dit de ne pas trouver de réponse idéale à ce col mandarin, je continue pourtant de penser qu’une petite voie d’élégance discrète et décontractée existe par là, faut il encore en trouver le chemin…
Bonne semaine, Julien Scavini.