L’accord des chaussettes

Voici une question qui m’a toujours semblé assez logique mais qui revient assez souvent chez mes interlocuteurs : comment accorde-t-on ses chaussettes. Cela ne doit donc être pas si évident que cela. Essayons de dresser un inventaire des possibles et une règle d’usage.

Il existe deux cas de figure : vous êtes en costume ou alors tenue dépareillée. Étudions la première.

Je postule de mon côté que le port du costume signifie usage de souliers noirs. C’est le plus formel en ville. J’ai recours à deux types de chaussettes alors : noir le plus souvent ou marine si le costume est bleu. C’est très simple.

 Il m’arrive aussi de mettre des souliers marron, en veau-velours avec certains costumes, bleus en particulier. Alors, j’ai recours à des chaussettes marine, rarement marron. Ma tenue est un peu décontractée certes, mais ce serait bien trop osé pour moi de mettre des chaussettes marron là, trop sport.

Vous me direz, si le costume est gris et que les souliers sont marrons. Vous me mettez dans l’embarra. (!) Je ne sais que penser des souliers marron avec un costume gris, mais je m’adapte. Des chaussettes grises me semblent le plus logique (*1).

Tirons une première règle simple : en costume, la chaussette peut être noire ou de la couleur du costume avec des souliers noirs et simplement de la couleur du costume avec des souliers marrons. Car la chaussette marron sous un costume est trop sport. Cela sous-entend que je fais référence à un costume dans un coloris urbain, c’est à dire un costume soit bleu soit gris. Un costume marron dans le goût de Berluti appelle des chaussettes marron. Si les nuances de marron sont fortes, un modèle irisé du genre de ce que fait Gallo est idéal.

Passons au dépareillé.

Avec une tenue sport dépareillée, le problème peut être résolu simplement. Car qui dit ‘dépareillé’ dit… souliers marron. Il y a des règles absolues ! La chaussette peut alors être marron. Simple et efficace.

Mais la tenue dépareillée fait cohabiter assez souvent le pantalon gris (de laine froide l’été ou de flanelle l’hiver) avec une paire de chaussures marron. La chaussette grise pourrait alors apparaître comme une possibilité. Sauf qu’à la différence d’un costume gris sur des souliers marron (voir *1 ci dessus), je trouve maintenant la chaussette grise trop habillée.

Si votre pantalon est beige, une chaussette beige est idéale et est complémentaire de la chaussure marron. Si votre pantalon est vert, une belle chaussette verte est idéale aussi. Bref, les couleurs des feuilles vont bien.

Si la tenue dépareillée est un blazer associé à un pantalon gris et souliers marrons, une chaussette marron ou bleu semble bien. Mais vous pouvez être tenté d’associer le blazer à des souliers noirs pour une occasion qui le réclame. Dès lors, la chaussette grise re-paraît une option plus envisageable. Vous voyez la hiérarchie ?

Deuxième règle simple : en tenue sport, avec des souliers marrons, les couleurs de feuilles dont le marron sont idéales pour les chaussettes, y compris si le pantalon est gris.

Vous me direz, avec ces règles, difficile de se faire plaisir. Et c’est très vrai. Le répertoire des chaussettes depuis quelques années s’est étoffé. Et aux religieux nous avons piqué leurs chaussettes. Le rouge et le pourpre sont superbes. Avec une mise urbaine sombre et classique, cette petite touche de couleur est de bon aloi. Attention toutefois, elle ne doit jamais – ô jamais – être un alibi de style. Avoir des chaussettes colorées à 20€ la paire et présenter un vieux costume affaissé et des godillots avachis est le pire qu’il soit possible de faire. On pourrait croire que vous sortez du XVIème … Non, si vous avez de l’argent, c’est votre costume qui doit présenter bien. Si vous n’avez pas trop de moyen, inutile de flamber alors avec des chaussettes de couleur. Car les chaussettes de couleur sont un signe extérieur fort. Je ne dirais pas un signe extérieur de richesse, mais c’est ostentatoire, tout simplement. Restez raisonnable, l’élégance est le raffinement dans la discrétion. Pas le raffinement dans l’étalement.

La chaussette de couleur peut donc compléter un costume. L’anthracite s’accorde à merveille du rouge pontifical quand la chaussette pourpre fait merveille associée à du marine.

Troisième règle plus élaborée : la chaussette rouge ou pourpre va avec tout mais pas avec n’importe qui.

Au delà ces règles qui tournent autour du triptyque chaussure, chaussette et pantalon, il peut être intéressant d’utiliser cette discrète cheville couverte pour rappeler une couleur de la tenue.

La chaussette peut ainsi faire un rappel de la cravate ou de la pochette, sans jamais être tout à fait sur le même ton. Le camaïeu oui, mais juste un peu ! Cela égaye le costume sans faire trop. Cette chaussette peut aussi rappeler un motif de la veste sport, comme un discret carreau coloré ou une coudière. La chaussette peut enfin apporter une couleur complémentaire ou un motif sous-jacent, comme c’est souvent le cas des tenues sport aux coloris de feuilles mortes et aux motifs élaborés (carreaux, vichy, pieds de poule, paisley etc.) On rejoint alors les règles d’usage pour la pochette. Il faut relire Parisian Gentleman à ce sujet.

Quatrième règle élaborée donc : avec les chaussettes colorées ou à motif, on fait ce qu’on veut ! Mais attention, seul des années d’expérience vous feront toucher du doigt les usages et les limites d’un tel exercice. Vous êtes alors le peintre de votre tenue ! C’est à vous de jouer.

Belle semaine, Julien Scavini

Les chaussettes

Porter une paire de chaussettes correcte est peut-être le plus beau signe d’amour propre qui soit. Mais ce n’est pas facile tant les soquettes (chaussettes à mi-mollet) ont envahi les rayons des magasins, même spécialisés. Nous ne le répéterons jamais assez, une belle chaussette monte jusqu’au genou, c’est un mi-bas. C’est un confort inénarrable que de ne jamais s’inquiéter de tirer sur ses chaussettes. Dans toutes les conditions, on ne verra pas vos mollets!

Je crois avoir entendu un jour que la chine produisait un milliard de paire de chaussettes par an. Bref, des petits morceaux de coton qui s’usent vites ne sont pas reprisées et qui polluent les sols de pesticides en même temps qu’ils les assèchent. Pas très durable.

Quelques marques existent qui vendent de belles chaussettes. Mais cela a un coût :/ hélas pas négligeable. La fabrication de chaussette s’appelle d’ailleurs la bonneterie. Par convention, celles-ci sont en fils d’Écosse (en fait un fil de coton mercerisé). Elles peuvent sinon être en laine pour l’hiver, ou en soie pour l’été.

Notons tout d’abord le site Mes Chaussettes Rouges.com, qui comme son nom ne l’indique plus, vend des produits de toutes les couleurs. Après, il existe la marque Gallo, spécialisée dans les motifs, mais je n’en ai pas de retour. Pour ma part, j’aime assez les produits de chez Labonal, à priori fabriqués en France.

Et vous, avez-vous d’autres tuyaux? Enfin sachez qu’il existe toujours des fixes-chaussettes, sorte de porte-jarretelles pour homme, très appréciés des américains, qui les appellent socks suspenders.

MàJ: le seul inconvénient remarqué lors du port de mi-bas est la fâcheuse tendance de ceux-ci à agripper les bas de pantalons étroits. Les modèles en laine, ou même en coton, mesurant 19/20cm en bas sont souvent retenus en position haute après une position assise, comme figés.

MàJ : on me signale donc dans les commentaires les maisons suivantes : Palatino (chez Crockett & Jones ou Arnys), http://www.archiduchesse.com/ , http://www.chaussetteonline.com/ , Falke, Pantherella, Viccel.

Julien Scavini