Le goût du tailleur, le goût du client

Lorsqu’il s’agit d’acheter un costume en prêt-à-porter, le vendeur a à sa disposition un ensemble de modèles déjà concoctés et pensés par le styliste de la maison, en fonction de la mode et de l’image du l’enseigne pour laquelle il travaille. Le vendeur se doit d’être un bon ambassadeur, capable à la fois de comprendre les modèles qu’il veut vendre mais aussi de comprendre son client, quitte parfois, c’est de bonne guerre, à forcer un peu au chausse-pied l’achat.

Chez le tailleur, au contraire, rien n’est fait. C’est au client de choisir son tissu suivant son envie et le moment auquel il destine ce costume. Cela présume pour le client deux choses : une capacité à choisir ou à structurer son choix, et aussi et surtout, une envie. Car sans envie, c’est comme acheter un kilo de saucisse chez le boucher. Là où l’achat en prêt-à-porter peut être rapide et sans réflexion, une visite chez le tailleur impose un minimum de présence mentale sur le sujet.

Le tailleur de son côté ne laisse bien sûr pas le client seul devant les liasses. Bien que chez beaucoup de maisons de demi-mesure où le volume compte, le client soit laissé un peu seul. Mais si le prix compte, alors on ne peut tout avoir. Normalement, un choix se discute et s’écoute.

Le tailleur à travers la conversation avec son client, d’autant plus d’ailleurs dans le cas des mariages, doit comprendre les points importants du costume ‘idéal’ à réaliser. C’est la finesse. Ainsi, si je travaille avec une base plutôt ajustée pour ma part, je serais capable de produire un vêtement ample pour le vieux monsieur qui me le dit ou un costume très court et super cintré pour le jeune qui veut cela. Il y a le goût classique ET il y a ce que le professionnel doit faire. Dans un commerce, le but premier n’est pas d’éduquer le client, mais de lui faire se sentir beau. Même si quelques fois, je préférerais faire l’inverse. Les vestes super courtes ne sont pas ma tasse de thé, mais il faut bien vivre. Et si c’est fait avec précision et délicatesse, il est possible de faire un modèle satisfaisant.

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Le tailleur doit avoir de l’empathie. C’est à dire qu’il doit être capable de s’identifier à autrui dans ce qu’il ressent. C’est tout le piment de l’affaire pour le tailleur qui prend le temps. De comprendre l’idée, et que même si elle est contraire à la conception personnelle, être au final ravis de constituer le projet du client. De faire en sorte que son idée soit bien réalisée. Que au delà du goût du tailleur, l’ouvrage soit qualitatif. Que chacun y trouve son plaisir. Bien évident, ce n’est pas toujours chose facile. Et cela ne se repère dès fois pas au premier costume. Hélas, toutes les choses humaines étant un peu aléatoire, il y a une marge d’erreur dans la compréhension mutuelle.

Comprendre par exemple que le monsieur est classique pour découvrir à l’essayage une volonté d’avoir quelque chose de très ajusté. Penser que tel jeune portant du slim vient pour cela, et découvrir à l’essayage qu’il trouve le pantalon trop taille basse ou trop ajusté. Malgré l’essayage de bases. C’est toute la difficulté du tailleur.

Au delà des formes, il y a les tissus. Evidemment, ils sont nombreux et en fait souvent très beaux. Le tailleur là encore ne doit pas chercher à habiller le client suivant son goût. Mais suivant le goût de son client. Et donc être une force de proposition, certes orientée, mais changeante d’un client à l’autre. Alors que le styliste en prêt-à-porter imagine un client type qu’il veut habiller, le tailleur imagine pour son client le type qu’il aimera. Inutile pour ma part d’essayer de vendre un tissu italien à carreaux si je sens chez le client une réserve. Possible de proposer à mon client un col de velours sur son manteau si je sens que c’est un détail classique qu’il pourra apprécier. Cela demande du tact. Il faut aider le client dans son choix et sa recherche, non l’habiller comme on aimerait. Mais comme il aimera!

A l’inverse, un certain nombre de mes confrères sont eux très arrêtés sur leurs choix. Revers large car ils préfèrent, tissus lourds genre fresco car « c’est le mieux ». Ca dépend répondrais-je.

Certains clients aimeront mon approche. Enfin, d’autres auront besoin d’être habillé, pris en main fermement. « Que voyez-vous pour moi? » Voilà une question très délicate à prendre frontalement de mon point de vue. Il faut avoir beaucoup d’aplomb pour arriver à répondre directement !

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Enfin, voici le résultat du petit jeu concours de la dernière fois, donnant droit à une cravate ou un papillon de ma collection à choisir. Sur la centaine de mails reçus, 31 donnèrent la bonne réponse. Durant mon tirage au sort, j’ai sorti bêtement de mon chapeau deux papiers emmêlés : Antoine Bardem & Marjolaine Potin. Ils gagnent donc tous les deux, c’est plus drôle ainsi. Merci aux autres, j’aurais voulu que tous gagnent, mais 31 cravates, c’est toute ma collection de saison 🙂

Belle semaine, Julien Scavini

Bonne Pâques (MàJ)

Je vous souhaite une belle Pâques 2019 ! Profitez-en bien, il fait grand beau en plus !

Faisons un petit jeu amusant :

une cravate ou un papillon de ma collection à choisir, offert, à celui qui donne la marque ET le modèle de cette voiture, et les indices qui permettent de trouver! Le gagnant sera tiré au sort parmi ceux qui donnent la bonne réponse.

 

Petit jeu terminé. Et que de réponses!!! J’ai un gros travail pour nettoyer ma boîte mail maintenant. Un grand merci pour votre fidélité et votre amusement à participer.

Réponse :

Il y avait une astuce. Il s’agit d’une BENTLEY modèle S3 ‘standard saloon’.

La marque Bentley fut absorbé par Rolls-Royce en 1931. Surtout après guerre, Rolls-Royce produisait les modèles qui étaient ‘rebadgés’ en version Bentley, changement de la grille de radiateur principalement. Chez Rolls, la grille avant est en forme de temple grec surmontée d’une silhouette féminine. Chez Bentley, la grille avant est arrondie sur le dessus, avec un B ailé, dessiné ici. Entre 1931 et l’an 2000 environ, les deux marques n’étaient qu’une seule.

En 1955, Rolls-Royce sort sa nouvelle berline courante faisant suite à la Silver Dawn (chez Bentley, la type R), la Silver Cloud, en parallèle de la très grande Rolls-Royce Phantom IV pour les têtes couronnées. Immédiatement, la Silver Cloud est déclinée chez Bentley avec des modifications minimes, sous le nom de Bentley S1. En 1959, RR sort la Silver Cloud II et Bentley la S2. Puis en 1963, dernière itération de cette légende automobile, la Silver Cloud III est intitulée chez Bentley la S3.

Cette version III / 3 présente des phares avant à doubles optiques jumelles, signature de la marque anglaise jusqu’en l’an 2000 avec la RR Silver Seraph / Bentley Arnage. Ce détail des phares permettait d’identifier la version III / 3. Ensuite, la grille de radiateur arrondie avec le B ailé permettait de deviner que c’était une Bentley. Voici une petit fiche Wikipédia pour voir mieux cette Bentley S3.

Et pour aller plus loin, sachez que chez Bentley, le terme Continental est attaché aux coupés exclusivement, pas aux berlines. Mais des coupés Continental furent à l’époque déclinés en grands coupés 4 portes, appelés Continental Flying Spur, très rares et très chers. Mon dessin représente la carrosserie 4 portes standard d’usine, donc appelée ‘standard saloon‘.

En 1965, ces belles grandes lignes héritées de design d’avant-guerre disparaissent, au profit de la nouvelle Rolls-Royce Silver Shadow qui chez Bentley s’appelle T1.

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Encore un grand merci pour votre fidélité. Nous referons un petit concours comme cela à l’occasion, c’est amusant. Je fais le tirage au sort sous peu.

Belle semaine, Julien Scavini

Une pensée pour Notre-Dame

Alors que cette soirée nous inonde d’une profonde et infinie tristesse , je repense à ce couplet final de la symphonie n°2 « La Résurrection » de Gustav Mahler :

« Lève-toi, oui, tu te lèveras à nouveau, Ma poussière, après un court repos !

Alto : Oh, crois, mon cœur, crois : Rien ne sera perdu ! Ce que tu as désiré est à toi ! À toi, ce que tu as aimé, ce pour quoi tu t’es battu !

Chœur et alto : Ce qui est né doit disparaître ! Ce qui a disparu doit renaître ! Arrête de trembler ! Prépare-toi à vivre !

Soprano et alto : Oh, douleur ! toi qui pénètres tout, Je suis arraché à toi. Oh, mort ! toi qui conquiers tout, Tu es vaincue enfin ! Avec les ailes que j’ai gagnées Dans une lutte ardente pour l’amour, Je m’élèverai Vers une lumière qu’aucun œil n’a jamais vue !

Chœur : Avec les ailes que j’ai gagnées, Je m’élèverai ! Je vais mourir pour vivre ! Lève-toi, oui, tu te lèveras à nouveau, Mon cœur, en un clin d’œil ! Ce que tu as vaincu À Dieu te portera ! »

Les choses humaines peuvent se reconstruite. Pensez à cette grandiose interprétation par Léonard Bernstein en pensant à la futur renaissance de Notre-Dame :

 

La laine mérinos, partie II

L’Australie et la Nouvelle-Zélande produisent aujourd’hui les plus belles qualités de laine, car les souches mérinos s’y sont particulièrement bien acclimatées. Mais le mérinos australien n’est pas une race homogène et unique. Les australiens distinguent quatre variantes de mérinos.

Mérinos Peppin

Cette souche est si importante que partout en Australie, les éleveurs classent souvent leurs moutons simplement comme étant soit du type Peppin, soit non-Peppin. Ce nom vient des frères Peppin, qui créèrent un haras en 1861 à 250km environ au Nord de Melbourne, à Deniliquin. Si des souches françaises et espagnoles ont servi de base à l’élevage, c’est un bélier exceptionnel de race mérinos – Rambouillet (que les australiens appellent ‘Emperor’) qui a donné naissance à la lignée mérinos-Peppin.

On estime aujourd’hui que 70% des mérinos australiens sont descendant directement du mouton développé par Peppin. Sa toison épaisse s’inscrit dans le milieu de gamme des qualités de laine mérinos. La laine du Peppin est protégée des excès de l’environnement par une teneur relativement élevée en graisse naturelle (le suint), apportant une teinte crémeuse au drap de laine.

Le Peppin est particulièrement répandu dans les troupeaux de moutons du Queensland, de Nouvelle-Galles du Sud, au nord de Victoria et dans les zones de production mixte de l’Australie du Sud et de l’Australie occidentale. La race est si adaptable qu’elle peut également être trouvée en grand nombre dans les régions pluvieuses de Victoria ou de Tasmanie.

Les vieilles statistiques de l’époque de la colonisation montrent qu’en moyenne, les mérinos du début produisaient 1,5 à 2kg de laine moelleuse chaque année. De nos jours, un bélier mérinos Peppin peut produire jusqu’à 18 kg de laine, et il n’est pas rare que les animaux commerciaux de cette race produisent jusqu’à 10 kg chaque année.

 

Mérinos d’Australie méridionale

Alors que les moutons Peppin ont été développés pour le climat tempéré des pentes et des plaines, les mérinos d’Australie méridionale ont été spécifiquement élevés pour prospérer et fournir du rendement dans des conditions pastorales arides, rencontrées dans une grande partie du pays-continent.

Les précipitations dans ces régions sont généralement de l’ordre de 250 mm par an ou moins. Des arbustes ou des plantes herbacées constituent une grande partie de la végétation naturelle.

Le mérinos sud-australien est physiquement la plus grande des souches de moutons mérinos du pays. Ils sont généralement plus longs, plus grands et plus épais que les types Peppin.

La laine de ces moutons est la moins bonne des mérinos (diamètre de la fibre très important). Il a également tendance à contenir une trop grande proportion de suint, idéale pour que le mouton se protège du soleil, mais défavorable au textile.

 

Mérinos saxon

Les moutons mérinos saxons se trouvent exclusivement dans le sud de l’Australie, où les pluies sont abondantes, en particulier sur les hauts plateaux de Tasmanie, dans les régions froides et humides de Victoria et sur les plateaux de la Nouvelle-Galles du Sud. C’est l’opposé du mérinos d’Australie méridionale.

Physiquement c’est le plus petit des types mérinos, produisant peu de laine (3 à 6 kg). Mais le saxon est sans égal pour la qualité produite. Par exemple, un mouton produisant des fibres 14 microns (soit environ super 190) donnera 3 kilos de laine et un mouton de 17,5 microns (soit environ super 120) donnera 6 kilos. Attention, dans une toison, toutes les fibres ne sont pas aussi douce. Il y a un tri à faire.

Cette laine est extrêmement brillante et de couleur blanche, douce à manipuler et fine. Ces caractéristiques en font une matière recherchée par l’industrie textile pour produire les tissus les plus coûteux.

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Les différentes qualité de fibre et leurs usages

Une foie coupées, les toisons sont lavées (souvent en Chine, car cette activité est contraignante pour l’environnement) puis peignées pour en retirer les plus belles fibres et les trier. C’est la capacité de la race ou d’un cheptel à produire tel ou tel pourcentage de fibres classées X ou Y qui permet de faire ce classement. Voici les types :

  • L’ultrafine
    L’ultrafine est la fibre de laine la plus douce au monde. Le diamètre des fibres doit être compris entre 12,5 à 17,5 microns (super 230 à super 120). Les éleveurs se concentrant sur les microns extra fins peuvent d’ailleurs aller jusqu’à 11,25 microns, et même un peu en dessous.
  • La super fine
    De 17,6 à 18,5 microns, soit de super 120 à super 100.
  • La fine
    De 18,6 à 19,5 microns, soit de super 100 à super 80.
  • La fine-moyenne
    De 19,6 à 20,5 microns, soit des laines peu utilisées pour les draps à costumes, sauf mélanges ou tissus rugueux type tweed.

Au delà, on parle de laine ‘moyenne’, de 20,6 à 22,5 microns. Ces lainages servent à confectionner des vêtements tricotés, mais peuvent aussi servir pour les draps de costumes d’été, solides malgré des tissages aérés. C’est d’ailleurs pour cela que les draps d’été ne font pas mention du terme super, ce n’est pas ce qui est recherché là.

Et enfin, après 22,6 microns, la laine est considérée comme ‘forte‘ et sert aux mélanges bas de gamme pour l’habillement, et dans l’industrie : draps d’habillage dans l’automobile et l’aéronautique, décoration d’intérieur, etc…

J’ai demandé à Holland & Sherry quelques informations sur leurs lainages pour faire le raccord avec ces deux articles. Chez Holland & Sherry, presque toutes les fibres viennent de mouton mérinos, même le fameux sherry-tweed. Seuls les Harris tweed sont produits par des moutons Scottish Blackface ou Cheviot.Voici un petit tableau qui donne des informations intéressantes :

Liasse H&Sherry Composition(s) de la liasse Race Origine
Sherry Tweed – 8188xxx
100% Wool Sheep = Ovis Aries Sheep = New Zealand
100% Wool Sheep = Ovis Aries Aries Sheep = Australia/New Zealand/South Africa
100% Wool Worsted Sheep = Ovis Aries Aries Sheep = South Africa
78% Wool 12% Silk 10% Nylon Sheep = Ovis Aries Aries      Silkworm = Bombyx Mori Sheep = Australia         Silkworm = China
Harris Tweed – 8919xxx
100% Wool – 33µ Sheep = Ovis Aries Orientales Sheep = United Kingdom
Royal Mile – 318xxx
100% Wool – 16,5µ – s140 Sheep = Ovis Aries Sheep = Australia
Cape Horn – 667xxx
99% Wool – 18,5µ – s100 1% cashmere Sheep = Ovis Aries Aries       Goat = capra hircus lainger Sheep = Australia          Cashmere = China

Certaines races de moutons mérinos sont si exclusives, que le nom de race devient une marque déposée. Par exemple, la race mérinos Escorial est une sorte de légende, plus douce que le cachemire. Elle est distribuée par le drapier Standeven . Chez Holland & Sherry, deux races de mérinos sont exclusivement distribuées : le mérinos Gostwyck d’Australie, avec tout un volet développement durable, et le mérinos Monadh d’Ecosse.

Petite aparté, les lainages dit ‘lambswool’, c’est à dire provenant des agneaux ne sont pas forcément de race mérinos. J’ai trouvé peu d’information. Je me demande si ce ne sont pas du coup les toisons des agneaux que l’on mange, donc de toutes races…?

Je vous laisse enfin deux brochures d’Holland & Sherry à propos du Monadh et du Gostwyck si vous voulez plus d’informations et de belles photos !

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Belle semaine, semaine prochaine, pas de blog! Julien Scavini

La laine mérinos, partie I

Quel plaisir pour l’homme de pouvoir tondre tous les ans le mouton pour en retirer sa belle toison. Une fois filées, les fibres donnent naissance à de superbes draps qui font le plaisir des tailleurs et de leurs clients. La laine est fluide, elle est légère, elle est thermorégulatrice. Beaucoup d’avantages par rapport au coton ou au lin. Mais une position enviable que les matières techniques lui disputent.

Dans les années 70, les lainiers ont pris conscience de ce nouveau monde textile, et ont accéléré l’évolution technologique de leur processus de fabrication. Les fameux tissus désignés par le terme super sont apparus progressivement. Dans les années 90, avoir un tissu super 100, c’était un rêve de millionnaire. Enfin de la laine qui ne grattait pas. Certes d’un côté il y a les machines à tisser, ne sélectionnant que les fibres les plus longues et les plus douces. Mais de l’autre il y a le mouton. Pour avoir une belle laine, il faut un mouton heureux et peu stressé. Et une race spécialisée pour sa toison. Il existe des milliers de variantes de moutons, et la plus importante partie est destinée à la viande de consommation ou au lait. Et finalement assez peu sont destinées à faire de la belle laine. Cette liste de wikipédia est impressionnante.

La race mérinos est la plus connue. Elle est d’ailleurs subdivisée en d’innombrables branches suivant l’endroit où elle se trouve et les croisement : mérinos de Tasmani ou mérinos de Rambouillet (dit français) par exemple.

La race mérinos est très ancienne. Les phéniciens comme les grecques en faisaient commerce autour de la méditerranée. Et c’est en Espagne que les choses se précisent. Le terme mérinos proviendrait d’un vocable médiéval, maiorinus, assez proche étymologiquement de mayordomo, intendant. Le maiorinus et par la suite le merino était un administrateur des domaines du roi et en particulier inspecteur des terres agricoles, les merindad. Dans le dictionnaire juridique de l’Académie Royale Espagnole, on trouve une liaison directe entre ce terme maiorinus et merino. En français, il y a un s à la fin de mérinos, que l’on prononce ou pas. Et que je n’explique pas.

Ce sont les populations berbères d’Afrique du Nord qui introduisent le mérinos en Espagne, aux alentours du 8ème siècle. La toison précieuse devenant d’un commerce très profitable, les rois d’Espagne prennent par décret possession de tout le cheptel et interdisent le négoce du mérinos. Entre le 14ème et le 18ème siècle, quiconque essayait d’exporter ne serait-ce qu’un bout de mouton mérinos encourait la peine de mort.

Mais à partir du 18ème siècle, les rois d’Espagne se mirent à offrir des paires de moutons en cadeau. Les familles royales de France, d’Angleterre ainsi que l’électeur de Saxe reçurent ce royal présent. Les saxons en particulier se sont mis à élever la bête, à améliorer la race pour améliorer la qualité de la laine produite. Efficacité allemande qui donna naissance au lainage saxony ou mérinos saxon! Et en 1773, c’est le capitaine James Cook qui apporte l’honorable ovin en Nouvelle-Zélande, avant qu’en 1797, l’Australie ne le voit arriver.

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Après la seconde guerre mondiale et surtout avec l’ère du plastique et des nouvelles matières, la production de laine a baissé. En France en particulier, notre industrie a été balayée. Pour les éleveurs, le mouton n’avait plus beaucoup d’intérêt. Produire du beau coûte cher et il y a énormément de perte. Peu de moutons sur un cheptel font de belles fibres et les conditions d’élevage doivent être très agréables.

En 1964, le Secrétariat International de la Laine emmené par des pays du sud crée le Woolmark, avec comme objectif de faire redécouvrir et d’améliorer la laine. Les drapiers anglais et surtout italiens suivent le mouvement. C’est là que les Vitale Barberis, les Cerruti, les Zegna, les Loro Piana, les Benetton et bien d’autres font fortunes. Un homme en particulier, Franco Loro Piana part acheter tout les ballots de belles fibres qui se présentent. Et Vitale Barberis Canonico met en place son prix Wool excellence award avec 50 000$ annuellement décernés au meilleur éleveur du monde. A l’époque, le standard pour la laine mérinos est 19 microns, soit environ super 80. Et les volumes se raréfiaient.

Il fallu vraiment l’intervention des belles manufactures italiennes pour supporter les agriculteurs à se lancer. Les moutons nécessitent beaucoup de soins, une attention particulière à leur régime alimentaire et des investissements considérables dans les programmes de sélection génétique. Tous les éleveurs ne sont pas prêts à assumer ces coûts pour produire un résultat final aussi limité et coûteux destiné à un marché de niche. Le standard 17 microns soit super 120 fut une vraie révolution dans les années 90. Pour beaucoup d’homme, c’était une redécouverte de la laine. Aujourd’hui, il est possible de trouver du 12 voire du 10 microns, soit super 280. Une folie de plaisir, pour une laine finalement aussi douce que le cachemire.

La semaine prochaine, nous continuons ce beau voyage au milieu de la douceur!

Bonne semaine, Julien Scavini