La laine mérinos, partie I

Quel plaisir pour l’homme de pouvoir tondre tous les ans le mouton pour en retirer sa belle toison. Une fois filées, les fibres donnent naissance à de superbes draps qui font le plaisir des tailleurs et de leurs clients. La laine est fluide, elle est légère, elle est thermorégulatrice. Beaucoup d’avantages par rapport au coton ou au lin. Mais une position enviable que les matières techniques lui disputent.

Dans les années 70, les lainiers ont pris conscience de ce nouveau monde textile, et ont accéléré l’évolution technologique de leur processus de fabrication. Les fameux tissus désignés par le terme super sont apparus progressivement. Dans les années 90, avoir un tissu super 100, c’était un rêve de millionnaire. Enfin de la laine qui ne grattait pas. Certes d’un côté il y a les machines à tisser, ne sélectionnant que les fibres les plus longues et les plus douces. Mais de l’autre il y a le mouton. Pour avoir une belle laine, il faut un mouton heureux et peu stressé. Et une race spécialisée pour sa toison. Il existe des milliers de variantes de moutons, et la plus importante partie est destinée à la viande de consommation ou au lait. Et finalement assez peu sont destinées à faire de la belle laine. Cette liste de wikipédia est impressionnante.

La race mérinos est la plus connue. Elle est d’ailleurs subdivisée en d’innombrables branches suivant l’endroit où elle se trouve et les croisement : mérinos de Tasmani ou mérinos de Rambouillet (dit français) par exemple.

La race mérinos est très ancienne. Les phéniciens comme les grecques en faisaient commerce autour de la méditerranée. Et c’est en Espagne que les choses se précisent. Le terme mérinos proviendrait d’un vocable médiéval, maiorinus, assez proche étymologiquement de mayordomo, intendant. Le maiorinus et par la suite le merino était un administrateur des domaines du roi et en particulier inspecteur des terres agricoles, les merindad. Dans le dictionnaire juridique de l’Académie Royale Espagnole, on trouve une liaison directe entre ce terme maiorinus et merino. En français, il y a un s à la fin de mérinos, que l’on prononce ou pas. Et que je n’explique pas.

Ce sont les populations berbères d’Afrique du Nord qui introduisent le mérinos en Espagne, aux alentours du 8ème siècle. La toison précieuse devenant d’un commerce très profitable, les rois d’Espagne prennent par décret possession de tout le cheptel et interdisent le négoce du mérinos. Entre le 14ème et le 18ème siècle, quiconque essayait d’exporter ne serait-ce qu’un bout de mouton mérinos encourait la peine de mort.

Mais à partir du 18ème siècle, les rois d’Espagne se mirent à offrir des paires de moutons en cadeau. Les familles royales de France, d’Angleterre ainsi que l’électeur de Saxe reçurent ce royal présent. Les saxons en particulier se sont mis à élever la bête, à améliorer la race pour améliorer la qualité de la laine produite. Efficacité allemande qui donna naissance au lainage saxony ou mérinos saxon! Et en 1773, c’est le capitaine James Cook qui apporte l’honorable ovin en Nouvelle-Zélande, avant qu’en 1797, l’Australie ne le voit arriver.

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Après la seconde guerre mondiale et surtout avec l’ère du plastique et des nouvelles matières, la production de laine a baissé. En France en particulier, notre industrie a été balayée. Pour les éleveurs, le mouton n’avait plus beaucoup d’intérêt. Produire du beau coûte cher et il y a énormément de perte. Peu de moutons sur un cheptel font de belles fibres et les conditions d’élevage doivent être très agréables.

En 1964, le Secrétariat International de la Laine emmené par des pays du sud crée le Woolmark, avec comme objectif de faire redécouvrir et d’améliorer la laine. Les drapiers anglais et surtout italiens suivent le mouvement. C’est là que les Vitale Barberis, les Cerruti, les Zegna, les Loro Piana, les Benetton et bien d’autres font fortunes. Un homme en particulier, Franco Loro Piana part acheter tout les ballots de belles fibres qui se présentent. Et Vitale Barberis Canonico met en place son prix Wool excellence award avec 50 000$ annuellement décernés au meilleur éleveur du monde. A l’époque, le standard pour la laine mérinos est 19 microns, soit environ super 80. Et les volumes se raréfiaient.

Il fallu vraiment l’intervention des belles manufactures italiennes pour supporter les agriculteurs à se lancer. Les moutons nécessitent beaucoup de soins, une attention particulière à leur régime alimentaire et des investissements considérables dans les programmes de sélection génétique. Tous les éleveurs ne sont pas prêts à assumer ces coûts pour produire un résultat final aussi limité et coûteux destiné à un marché de niche. Le standard 17 microns soit super 120 fut une vraie révolution dans les années 90. Pour beaucoup d’homme, c’était une redécouverte de la laine. Aujourd’hui, il est possible de trouver du 12 voire du 10 microns, soit super 280. Une folie de plaisir, pour une laine finalement aussi douce que le cachemire.

La semaine prochaine, nous continuons ce beau voyage au milieu de la douceur!

Bonne semaine, Julien Scavini

5 réflexions sur “La laine mérinos, partie I

  1. LM 2 avril 2019 / 07:34

    Très intéressant et documenté. Merci pour vos articles ! PS : Si le mot vient de maiorinus, le ‘s’ s’explique donc.

  2. Boutdeficelle 2 avril 2019 / 09:37

    Un nouvel article documenté et didactique !
    Une question me vient : qu’est ce qu’on appelle aujourd’hui « Lambswool » ? Est-ce une laine d’agneau (lamb) d’une race autre que mérinos ?

    • Julien Scavini 2 avril 2019 / 09:48

      Bonne question. Je vais me renseigner.

  3. Isabelle Postec Paillard 3 avril 2019 / 15:28

    Merci beaucoup pour ce cours d’histoire. J’adore !!!!

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