La fiscalité du costume « de travail »

La période est à la jacquerie fiscale! Une révolte qui sur le fond, je l’ai constaté quotidiennement et avec amusement, met beaucoup de mes clients d’accord, et de tous les bords! Une révolte au petit goût poujadiste qu’il serait intellectuellement malhonnêteté pour un petit commerçant de désapprouver complètement. Mais une révolte qui tout de même sur la forme sabote moral et affaires!

Quoiqu’il en soit, penchons-nous ce soir sur un point d’interprétation du Code Général des Impôts. Un sujet hautement brûlant! J’aime le piquant. Car, la question m’est très souvent posée. Pour de nombreux clients, le costume est LA tenue de tous les jours, celle du travail. Et un certain nombre sont leur propre patron. Soit de grosses sociétés ou au contraire, des indépendants libéraux, assureurs, avocats, agents commerciaux etc…

La question est souvent la même : « puis-je passer ce costume sur ma boîte? »

Autant le dire tout net, NON.

Explications.

Le fisc reconnait deux cas de figure pour qu’un vêtement soit reconnu professionnel, donc puisse faire l’objet d’une entrée comptable sur une société :

1- que le vêtement soit un vêtement technique. Pour cela, le vêtement technique ou le tissu le composant doit avoir une norme NF (traitement ignifugé, résistance à l’abrasion, tissu renforcé, etc…)

2- que le vêtement soit obligatoire. C’est par exemple le cas des tuniques de cuisinier, des robes d’avocat ou des blouses de médecin. Le cas du costume existe et l’administration a la réponse : un logo doit être brodé sur celui-ci de manière visible. Comme les agents de Sécuritas par exemple à l’aéroport. Toutefois, les serveurs qui portent obligatoirement le costume n’ont pas de logo pourrait-on faire remarquer.

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Il découle donc de ces deux points qu’un costume de tous les jours pour un avocat ou un vendeur automobile ne peut être pris en charge par la société. Toutefois, si vous le faîtes, il pourra être discuté avec l’administration le point suivant : le costume passe en fait dans les frais de représentation, fiscalement déductibles sous certaines conditions. Il conviendra de ne pas abuser. Car normalement, les frais liés à la présentation personnelle (achat de costume ou coiffeur) du gérant ne sont pas remboursables. La jurisprudence est très claire.

Tout est une question de tact et d’échelle. L’ampleur de la garde-robe ainsi acquise devra être en proportion 1- du chiffre d’affaire et 2- de la totalité des frais de représentation (incluant transport, restaurant, etc). Attention ainsi au coût du costume. Il pourra être argumenté que le Président a donné une référence. Ses costumes J. dont il a fait moult tweets coûtent 350€ environ. Aïe. Un bon costume vaut tout de même plus cher.

Si vous aviez abusé de la carte professionnelle pour vos costumes et que le fisc ne veut pas vous le laisser passer, l’administration pourrait qualifier l’avantage en revenue déjà acquis. Et les URSSAF (le faux-nez du RSI) se régaleront d’un avantage en nature chargé.

Car tous le monde le sait bien en France, il ne faut pas jouer avec l’administration. Le député Gilles Le Gendre* vient de nous le rappeler, le gouvernement est très subtil et très technique, et un en mot comme en cent, trop intelligent. Méfiance! En attendant, le gilet jaune va bien avec le costume marine. Je dis ça, je ne dis rien!

Il me reste à vous souhaiter de bonnes fêtes de fin d’année! Profitez en bien.

Belle semaine, Julien Scavini

 

* Gilles Le Gendre qui pendant longtemps fut ‘sociétaire’ des Experts de Nicolas Doze, le matin sur BFM Business tout habillé en Arnys! Parfois en overdose, mais toujours de manière plaisante.

La veste Maubourg

Ce nom ne vous dit encore rien? Attendez un peu…

Petit retour en arrière.

La veste d’homme est une création de la fin du XIXème siècle, que l’on appelait veste courte à l’époque par opposition aux fracs et autres jaquettes alors en vigueur. Arrondie dans le bas et avec des revers découvrant le haut du buste, elle est symbole de l’english-man. Son adoption pour la pratique des sports anciens et nouveaux, équitation et vélo, golf et automobile, fut rapide. Elle passe à la ville dans les années 10. La première guerre mondiale met définitivement au placard les longs habits empesés.

La veste anglaise, avec ses revers débarque sur le continent où elle ne jouit pas immédiatement d’une grand notoriété. Les hautes sphères, gagnées par l’anglomanie depuis le second empire, l’affectionnent bien sûr. Mais dans les campagnes et dans les usines, on porte jusqu’aux années 70 un autre type de veste, à bas carré et à encolure cheminée ou chemisière. Les photos en noir et blanc des campagnes françaises montrent assez souvent des sortes de vestes tuniques, parfois assez proches des vestes autrichiennes modernes.

Ces dernières années, ce vestiaire renommé ‘workwear’ pour le rendre plus bourgeois que le simple ‘vêtement de travail’ connait un incroyable essor. Caterpillar, Carhartt, Belstaff ou même Barbour jouent sur cette fibre qui plait bien, synonyme de vêtement pratique et robuste.

C’est une réponse à un besoin du marché, pour plus de décontraction que les vestes anglaises et pour autre chose que le blouson et la parka. Parfois la veste classique peut paraître inadaptée car trop habillée ou trop apprêtée. L’ouverture devant, ménagé par l’évasement des revers peut apparaître curieuse si aucune cravate n’habille la chemise. Prendre l’avion, partir en voiture ou faire une balade en forêt sont autant de moments où une solution intermédiaire est possible.

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D’où un regard en arrière vers ces anciennes tuniques carrées à col de chemise ou officier, souvent faites de gros velours. Praticité rimait avec solidité. Arnys a bien vu cet héritage et créa la veste forestière dès 1947. Elle était inspirée des vestes de gardes-chasses de Sologne malgré une coupe kimono radicalement différente et très ample. Bien d’autres marchands ont senti cet esprit. C’est le cas de Franck Namani qui propose aussi depuis longtemps des modèles hybrides, mi-blouson mi-veste. Les petits détails en matières contrastantes, les poches aux formes variées, les matières techniques ou luxueuses sont autant de réponses qui enjolivent l’aspect utilitaire. Sans oublier bien sûr la réponse d’Hollington, qui développa avec son ami couturier Michel Schreiber des vestes de peintre ou de menuisier adaptées à la très chic clientèle du quartier latin. Des symboles des architectes et penseurs des années 70.

Et il est vrai que j’éprouve également depuis longtemps un goût pour cette veste hybride, permettant une élégante décontraction, association de mots facilement opposables. Un pari difficile, qui depuis longtemps me trotte dans la tête. C’est ainsi que j’ai fait développer par un ami qui possède son petit atelier dans le sud de la France un modèle, basé sur un corps de veste, mais totalement dénué d’entoilage. Une veste foulard très souple et légère, avec un col à patte prolongée et de belles poches plaquées très expressives. Cette veste, je l’ai appelé Maubourg, du nom de la rue où j’ai installé mon commerce. Un joli nom qui sonne bien français, en fait un titre de courtoisie trouvant ses racines dans le Massif Central.

Voici donc la veste Maubourg. Avec le prix le plus serré possible pour une fabrication française. Le volume est minuscule, donc les quelques pièces fabriquées partiront vite. Ne vous inquiétez pas, d’autres sont dans les tuyaux, en flanelles lourdes, dans des coloris plus variés et plus campagnards aussi. Les tailles sont assez juste, je fais un 48/50 et la M est parfait en aisance.

Faites lui bon accueil !

www.la-maubourg.fr

Belle semaine, Julien Scavini

 

Il n’y a pas de vérité pour les pointures

Cela fait des années que je tente avec complications et moult argent de trouver le bon chausseur et surtout la bonne chaussure.

J’ai déjà relaté la complexité à trouver des chaussures confortables à prix raisonnable. Pendant longtemps j’ai considéré que le 42 était ma pointure, car en baskets, c’est ce que je porte et que le chiffre m’est familier depuis mon adolescence.

Chez Bexley il y a fort longtemps, cela m’allait bien. Puis j’ai essayé Markowski, en pointure 8. C’était bien.

J’ai aussi tenté 7ème largeur, où j’ai acheté deux paires, qui m’ont été vendues presque de force en pointure 7. « Si si, c’est mieux ainsi, votre chaussure ne se déformera pas, elle gardera de l’allure« . Certes. Mais c’est mon pied qui s’est déformé. La paire de richelieu est partie à la poubelle au bout d’un mois après un refus d’échange, c’était trop pénible. Quant aux mocassins, curieusement, ils sont confortables encore maintenant. D’où cette première intuition que peut-être, les pointures n’étaient pas grand chose…

D’autant plus qu’avec le temps, j’ai détecté une demi pointure de différence entre les deux pieds. C’est assez normal a priori mais en Nike ou Le Coq Sportif, peu important. Mais lorsque l’on commence à porter des chaussures de qualité supérieur, cette question devient prégnante. Chez Bowen, le vendeur m’avait fait prendre du 8, même en ayant remarqué la différence de pointure. Et pas du 81/2. Pour ne pas avoir de chaussure déformée après quelques ports. J’avais écouté, je n’aurais pas du. Trop serré dans le temps.

Puis j’ai commencé à acheté Alden par l’intermédiaire d’un ami aux USA. J’ai naturellement pris du 8. Deux paires! Sans me rendre compte que les américains ajoutent une pointure. Donc le 8 USA est en fait un 7 UK. Les chaussures étaient trop serrées, je m’en suis hélas rendu compte très vite. Mais en même temps vaguement confortable, grâce à un soulier bien rond et à une forme au confort de Cadillac. Donc pour la suite, j’ai pris des paires en 9.

Lors de mon voyage au printemps dernier à Washington, après une journée de marche dans ma paire préférée en taille 9, habituellement très confortable, mes pieds me faisaient affreusement souffrir. D’où un constat : ce qui est confortable dans ma boutique au long de journées relativement tranquilles, ne l’est plus lorsqu’il faut faire grand usage de ses jambes. A noter intérieurement.

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Puis, le lendemain, j’ai pointé mon nez dans la boutique Alden. Là, le vendeur, à l’américaine, très entreprenant et professionnel, m’a fait poser les pieds sur le pédimètre. Verdict direct : « monsieur, vous faites du 10 (donc 9 UK ndlr) et plutôt en largeur étroite, pas standard« . Ah bon…?

J’ai donc pris une paire ainsi. Puis une seconde. Au quotidien, c’est très plaisant. En revanche, à l’usage, je note tout de même deux choses. 1- J’ai l’impression d’avoir des bateaux aux pieds. 2- Des plis se forment au dessus de la chaussure, de manière bien plus marquée que sur mes souliers en taille 9.

Toutefois, je me souviens que le vendeur d’Alden portait lui-même des mocassins visiblement très confortables, un peu large. Avec le temps, je pense qu’il est probable qu’outre-atlantique il soit concevable d’acheter un peu grand, alors qu’en Europe, on préfère peut-être la vanité d’un pied petit…? Il n’y a pas une grande vérité, l’aisance est une notion qui varie d’un pays à l’autre, d’une personne à l’autre.

Pour la suite, j’ai commandé une paire en 91/2. On verra bien. Je me ferais un avis.

Finalement, avec mon collaborateur Raphaël m’est venu une intuition. Car lui chausse du 5. Dans lequel il a un peu mal à la fin de la journée. Et le 6 est un peu trop grand. Mais qui lui serait peut-être conseillé outre-atlantique…?

Peut-être que la bonne solution est d’avoir différentes pointures, pour différents moments. Lorsque je sais que la journée est calme à la boutique, sans une soirée après, je peux porter la pointure 9, idéale et très élégante, car faisant un pied de bonnes proportions. Si jamais je dois aller à un diner le soir ou à l’Opéra, je chausse le matin du 10, à peine ample, mais préférable pour endurer l’effort.

« N’a de conviction que celui qui n’a rien approfondi » écrivait Cioran. C’est très vrai. Alors je relativise cette question de la pointure. Rien n’est tout à fait parfait en ce bas monde, il faut s’adapter aux conditions du moment.

Belle semaine, Julien Scavini