Les chapeaux Borsalino

Dans un vieux Vogue Homme des années 90, je suis tombé dernièrement sur une vieille publicité pour Borsalino, qui en relatait l’histoire. Je l’ai compilé et augmenté pour en tirer un petit texte. Le voici.

En 1850, Giuseppe Borsalino, alors âgé de 16ans et apprentis chez un chapelier d’Alexandrie, ville du Piémont au sud-est de Turin, part pour Paris. Notre capitale était alors considéré comme la capitale mondiale du chapeau. D’origine modeste, le garçon avait déjà de grandes idées commerciales. Mais surtout, il avait un don. « Le plus grand chapelier jamais vu » dira-t-on plus tard, « il sentait l’esprit du feutre et de la fourrure« . Et en plus, Giuseppe avait paraît-il le nez creux en ce qui concerne les modes. Trois caractéristiques qui, combinées, ne pouvaient que donner une grande et prospère entreprise !

En ce milieu de XIXème siècle, deux tendances font des chapeliers des hommes riches : la grande bourgeoise ne jure que par le haut de forme, signe extérieur de richesse ; et la classe moyenne naissance commence à porter des chapeaux en feutre, plus statutaires que les casquettes et autres bérets. Bref, on s’embourgeoise à tout niveau. Et comme les hommes sortent et bougent plus, à une époque encore à cheval et où les berlines ne sont pas chauffées, il convient de protéger sa tête du froid et ses cheveux du vent. Giuseppe Borsalino est au bon endroit, au bon moment.

Il arrive dans le Marais, plus précisément rue du Temple, dans les grands ateliers d’un des plus prestigieux chapelier de l’époque : Berteil. Tiens donc. Il développe son savoir-faire pour le feutre et la fourrure au contact d’artisans talentueux. En 1857, ayant bien appris, il retourne à Alexandrie pour ouvrir son propre atelier, avec son jeune frère, Lazzaro. Borsalino Giuseppe & Fratello SpA nait alors. Quinze ans plus tard, elle emploie déjà 130 artisans et fabrique plus de 1500 feutres par semaine !

C’est la seconde Révolution Industrielle qui débute. Giuseppe, très au fait de son temps, n’hésite pas à acheter en Angleterre des machines ainsi que du savoir-faire, multipliant ses capacités de production, et narguant ainsi ses confères italiens puis européens.  Son fil, Teresio, reprend l’affaire lorsque Giuseppe Borsalino meurt le 1er Avril 1900. Heureusement, il possède les mêmes dons que son père, ce qui lui permet de continuer à développer l’entreprise. Ainsi, en 1920, Borsalino est connu dans le monde entier pour ses couvre-chefs de qualité. La firme italienne en écoule alors deux millions par an !

Mais hélas, les modes changent. Après la seconde-guerre mondiale, les voitures particulières se répandent. Protégé du vent et du froid, il n’est plus réellement nécessaire durant les déplacements de se couvrir la tête. Et une figure de mode telle que John F. Kennedy finit d’enfoncer le clou : il ne porte plus le chapeau. A un niveau rarement vu, les ventes de ce secteur économique s’effondrent, ne laissant au final que quelques artisans de grand renom, et encore.

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Un homburg en haut, un fédora en bas.

La maison Borsalino change plusieurs fois de mains, jusqu’à son rachat par la famille Gallo au début des années 90 qui donne à la fabrique une empreinte plus contemporaine. Mais le savoir-faire ancestral est maintenu. Les Gallo revendent ensuite à un homme d’affaire italien possédant des compagnies énergétiques en Asie, Marco Marenco, en partenariat avec un fond d’investissement, Haeres Equita. Lorsqu’il prend la fuite en 2017, poursuivi pour fraude, Borsalino est déclaré en liquidation judiciaire. Heureusement, le fond d’investissement décide de tout racheter et de maintenir la production et la distribution inchangées. Il stoppe en revanche les lignes diversifiées, vélo, vêtement, parfum, etc… Et c’est pas plus mal.

La production fut déplacée en 1986 d’Alexandrie à Spinetta Marengo, village de la commune d’Alexandrie. Les machines datant pour certaines de 1857 font le voyage. Elles sont toujours capables de participer à la production des quelques 100 000 chapeaux annuels. Il faut à peu près 70 étapes pour obtenir un Borsalino, et sept semaines en moyennes sont nécessaires.

Plusieurs types de fourrures sont utilisées : le lapin, le lièvre et le castor. Les poils uniquement, débarrassés de la peau à la différence de la fourrure, proviennent du Canada, du Portugal, de Belgique ou d’Australie. Fait rare, Borsalino produit son propre feutre. Elle part de zéro, à la différence de beaucoup de chapeliers qui travaillent des galettes de feutre déjà créées. Les poils sont triés pour en tirer les plus fins et les plus soyeux, puis ils sont bouillis avant d’être projetés sur ces sortes de cloches rotatives, où ils sont encore ébouillantés de manière intermittente.

Il en ressort une galette de feutre légèrement en cloche, qui est alors passée dans une machine où elle est frappée par de multiples petits maillets qui en réduisent l’épaisseur et densifient les fibres. Puis le rond de feutre est teint, ce qui le fait rétrécir. Intervient alors l’étape de la stabilisation, après une dernière compression et cuisson à la vapeur.  Le feutre est alors poncé, ce qui d’après Borsalino, est la marque distinctive de leurs chapeaux. Les chapeliers utilisent pour cela de la toile émeri et surtout, secret maison ancestral, de la peau de requin roussette. Donc du galuchat. Voilà un traitement de rêve qui justifie le prix. La surface du feutre, douce, est alors parfaite. Le chapeau est moulé sur sa forme, il ne reste plus qu’à appliquer les ganses autour et la doublure intérieure, à l’aide de colle, d’agrafes ou de la machine à coudre.

La vénérable maison conserve les formes de plus de 2700 modèles de chapeaux et couvre-chefs, du fedora ‘Côme’ à la casquette 8 pans type ‘newsboy’. Evidemment, en France, on croit que le Borsalino n’est qu’une forme. En réalité, Borsalino produit tout type de chapeaux. Et c’est le fédora, une forme de feutre mou classique pour les hommes et portée par Alain Delon dans Borsalino, qui a été remplacé par le Borsalino. La même histoire que le frigidaire. J’avais écrit une chronique pour Le Figaro à ce sujet. L’Empereur Hirohito fut parmi les clients, comme le Pape Jean-Paul II ou Al Capone. C’est ce qu’on appelle une clientèle diversifiée !

Il ne vous reste plus qu’à sortir couvert!

Bonne semaine. Julien Scavini

PS  : si vous souhaitez en voir plus, Mr Porter a réalisé une vidéo chez Borsalino :

 

Dépôt vente, II

 

Un client m’a déposé ces quelques articles de très belle facture, au cas où cela plairait à un autre client… ou à mes lecteurs. Voici ces quelques pièces:

1- Paire de gants neufs, certainement pécari, non doublé, cousu main. Taille non spécifiée, certainement 10, 60€ +10 de commission :

Gants pécari

2- Paire de gants neufs de conduite, peau bi-colore perforée, non doublé, cousu machine. Taille spécifiée, 9 1/2, 60€ +10 de commission :

Gants de conduite

3- Chapeau trilby, presque neuf, Bugarach Chapelier Paris, finement gansé avec gros grain kaki, taille 59 / 6, 100€ +10 de commission :

Trilby

4- Exceptionnel, canotier presque neuf, Robert Chapelier Malakof, paille entièrement tressée et non collée, taille non spécifiée, certainement 57, 100€ +10 de commission :P1210063

Pape émérite et surtout coquet

A l’heure où les peuples catholiques du monde attendent la fumée blanche et la prononciation au balcon de la célèbre phrase ‘Habemus Papam‘, intéressons nous quelques instants au vestiaire de Sa Sainteté Benoit XVI ! S’il est inutile d’évoquer de nouveau son fournisseur de chaussettes  – Gamarelli – (qui ne confectionne d’ailleurs pas que ces articles), il est notable que le pape avait un goût pour l’élégance, d’esprit d’abord, vestimentaire ensuite. Et c’est d’autant plus remarquable qu’il est allemand !

Si je ne suis pas un fan des curés en soutanes dans la rue (en revanche cela a de l’allure dans le cadre d’une messe solennelle à St Eugène), il est notable que Benoit XVI a laissé revenir ce vêtement qui avait été remplacé par le moderne costume – pantalon noir depuis Vatican II. Et s’il a beaucoup œuvré pour faire évoluer l’Église d’Occident en la rapprochant de celle d’Orient, des peuples juifs et musulmans (malgré de nombreuses incompréhensions mutuelles), il est et restera comme un vicaire du christ particulièrement conservateur. pape benoit 16 chapeaux

Et sur le plan vestimentaire, évidemment, cela ne me gène guère. C’est tout de même un grand plaisir pour les yeux que de voir tous les hauts prélats du Vatican en grandes couleurs, doublés par les Gardes-Suisses, tout autant bariolés. Nous n’avons plus l’habitude de voir tant de jolis nuances de nos jours, à part peut-être au 14 juillet lorsque les militaires aussi daignent se parer de milles coloris.

Bref, un pape attaché aux traditions et qui n’a pas hésité à exhumer de vieux atours pontificaux. Signe de cela, la nomination en 2007 de Monseigneur Guido Marini au poste de maître des cérémonies liturgiques pontificales. Cet ecclésiastique est favorable à un retour à la tradition vestimentaire. C’est surtout au niveau des accessoires que se manifeste cette envie, comme par exemple à travers l’utilisation d’imposantes mitres de la fin du 18ème siècles (cf. dessin du milieu).

Ensuite, le pape étant frileux (il suffit pour cela de voir le nombre de couches de vêtement qu’il porte : chemise, gilet et veston croisé, avec entre les deux certainement un petit thermolactyl), il a besoin de se couvrir la tête. Ainsi, comme repris dans les dessins en haut, vous pouvez observer un ‘Saturno’. Il s’agit d’un chapeau d’été, couramment porté à Castel Gondolfo et qui est uniquement un accessoire non-cérémoniel (à la différence du ‘Galero’). Aussi appelé ‘Cappello romano’, il est a priori en fourrure de castor ou en feutre, mais peut aussi être de soie rouge. Il est rehaussé d’or. Il est d’ailleurs notable à ce sujet qu’il n’était pas insensible aux dorures.

Autre petite trouvaille de charme beaucoup plus cérémonielle, la remise au goût de jour (car pour le coup, il avait complètement disparu des usages depuis les années 60) du ‘Camauro’. Il s’agit d’un bonnet de laine ou de velours de soie rouge, bordé de fourrure d’Hermine. Si l’on ira pas voir s’il s’agit de vraie ou de fausse fourrure, je ne peux m’empêcher de trouver beaucoup d’attrait à ce couvre-chef. Il ressemble un peu à un bonnet de nuit ce qui n’est pas le plus élégant, mais il constitue une attention remarquable, et amusante ! Attendons de voir si le suivant en perpétue l’usage …

MàJ : finalement la tradition ne se perpétue pas pour l’instant, comme le rapporte Le Chouan.

Julien Scavini

Galerie de chapeaux estivaux

Un court billet, tout en illustration ce jour, pour présenter quelques chapeaux d’été. Commençons par le modèle habillé, le chapeau des siciliens. Puis la casquette à protège cou (que l’on peut voir dans certains Tintin, c’est un vieux modèle); le canotier haut à bande noire; le canotier bas à bande en paille, sur le modèle de celui que dessina Dior dans les années 30; la casquette de yachtman; le panama original à rouler; et la casquette à quilles en paille.

Chapeau melon sans bottes de cuir

Ce bon vieux chapeau appelé bowler hat par les anglais et aussi derby hat par nos amis d’outre-atlantique revient en force ces derniers temps, tout à fait en phase avec cette époque re-formalisante. Mais attention, ce couvre-chef a ses règles et elles sont strictes.

La première d’entre elles est son positionnement sur la tête. Le melon se porte horizontal, c’est un impératif! Le porter penché sur les oreilles le fait passer pour la marotte des rockeurs et des anarchistes de gauche qui en détourne le signe petit-bourgeois. Mais le porter droit est d’une grande difficulté et entraîne un gros problème : celui d’en trouver un à sa taille! En effet, le chapeau melon est un chapeau dur, même extrêmement dur voire indéformable. Il devra donc parfaitement s’ajuster à votre tour de tête, ce que les chapeliers savaient faire, même en prêt à porter. Hélas, cette profession a aussi disparu, au moins pour une part non négligeable de la population financièrement peu avantagée. Sachez en tout cas qu’un melon se côte par deux mesures, à l’instar des chaussures de grandes maisons : une entrée de tête (la mesure la plus courante en prêt à porter aujourd’hui, équivalent à la longueur de la tête) et une largeur de tête. Et si l’une des deux est non ajustée, le melon ne tiendra pas et même vous fera mal à la tête, car il est extrêmement rigide.

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La deuxième règle est d’ordre plus sociale. Le chapeau melon est une coiffe réservée à une certaine frange de la population, celle des employés et professions libérales, notaires, médecins etc… A la ville, il était donc porté par ce que l’on appelle aujourd’hui les cadres, mais aussi les domestiques, bref tout sauf l’aristocratie qui lui préférait le haut de forme, de petite hauteur le matin avec le morning suit, de grande hauteur le soir avec le frack. En revanche à la campagne d’où ce chapeau tire son nom américain(derby hat), il peut être porté par toute la population, cet objet en poil était simple et de bon ton, en noir et même en marron.