Je regrette que de nos jours, les vêtements ne soient plus vraiment montrés. Que vous preniez la presse, les vitrines ou les publicités, les belles matières et la beauté des coupes ne sont plus mises en valeur. Je ne vois plus beaucoup l’amour du vêtement, du beau vêtement. Au mieux a-t-on le droit à un produit. Les mises en scène sont de plus en plus léchées, certes. Mais elles mettent d’abord en avant des humeurs, des impressions ou ce que l’on appelle des concepts. Ce qui est gros mot, car en philosophie le concept est un contenu de pensée très important, bien plus que ces simples ‘idées’.
Bref, partout où l’on regarde, il me semble que le vêtement n’est plus important. Seule la marque compte et son univers… C’est du marketing. Pas du produit.

Cela commence avec les vitrines des magasins. Quel plaisir avais-je d’aller voir celles d’Arnys, d’ailleurs souvent photographiées sur le blog. Il y avait de la mise en scène certes, à la manière de natures mortes presque vaniteuses, mais les vêtements se laissaient voir et apprécier. Retournez au même endroit observer celles de Berluti, ce n’est que blague et ‘fameux’ second degré. Ce mois ci des vitrines sur le voyage, tel autre mois des vitrine hommages à Jacques Tati. Okay, c’est de l’art contemporain ou du vêtement que l’on vend? C’est du marketing ou un morceau d’étoffe bien cousu? Ce n’est pas mieux dans les grands magasins où les vitrines sont fait pour épater et non pour plaire.
Autre sujet, autre lieu, les publicités. Comme celles-ci forment au moins la moitié du poids des magazines contemporains, autant s’y intéresser. Et jamais je ne critiquerai ce poids, car à vrai dire, lorsque l’on retrouve un magazine plusieurs années après, ce sont les publicités que l’on regarde et qui sont le véritable témoignage d’une époque. Donc les publicité peuvent être agréables et faire parties de l’agrément d’un journal, merveilleux témoignages de styles passés. Mais pardon, celles d’aujourd’hui à des très rares exceptions sont tellement en clair-obscur ou en épure qu’on ne voit rien. J’ai fait quelques photos au hasard, voyez plutôt… Je ne suis pas contre la mise en scène, loin de là, mais le vêtement ne doit pas être oublié.
Quant à la presse masculine de manière générale, comment dire… Ma mère m’envoie des hors-séries quand elle en lit, l’Express, Le Point ou ‘M’ spécial Homme. A chaque fois je me dis chouette, je vais découvrir les tendances et les beaux produits du moment. En dix minutes le tour est fait. Où est le vêtement? Où est le plaisir de découvrir du fond? Et même quand il y en a, les sujets sont si ‘tarte’ que je préfère passer mon chemin.
En plus, les magazines ne parlent que des annonceurs. C’est un gros problème. En était il autrement il y a cinquante an? Peut-être pas. La publicité a toujours fait vivre les publications. La courtoisie des journalistes était peut être moindre? C’est bien dommage, car personne n’est dupe. Et les blogs gratuits sur internet sont légions à grappiller peu à peu des parts de marchés. Car les blogs et les forums, eux, démontent et expliquent les vêtements.
Le vrai travail journalistique, c’est d’aller sur le terrain créer la nouveauté, enquêter, parler, voir, toucher. Chantal Thomass me disait récemment que les magazines étaient devenus fous, qu’il ne parle d’un marque que si un dossier de presse leur arrive tous les mois. L’actualité, toujours l’actualité. C’est à dire que la marque doit aller chercher les journalistes. Ce devrait être l’inverse.
Et tant pis si une marque se fâche et ne veut plus faire de publicité à cause d’un article critique. Il faudrait pourtant faire une sacré crasse pour que cela arrive. Il y a tant à dire de bon avant de parler du mauvais. C’est un peu comme les politiques qui refusent de se faire ‘rentrer dedans’ menaçant qu’ils ne viendront plus. Et bien tant pis. Car surtout, les critiques renforcent les éléments positifs. Si c’est trop avantageux, cela se renifle et renforce la suspicion de collusion.
Les bons magazines devraient montrer, décrire extérieur et intérieur, prendre des photos des détails, parler du style, parler de la mise en situation, parler de la mode. A la fois tout et pas grand chose. Dandy Mag s’y est essayé sans persévérer, comme ICI ou LA. Dommage, l’idée était géniale. C’est pourtant cela que les gens attendent. Qu’on leur parle de matière et de goût.
Dans les magazines encore, pardon pour eux, il y a aussi les shootings, vous savez ces albums photos à la fin que personne ne regarde plus de 20 secondes. Je suis pourtant sûr que c’est l’endroit le plus coûteux à réaliser (photographe, stylisme, habillage, maquillage, coiffure, lieu, matériel, ouf!). Et pourtant, ce sont toujours des salmigondis ineptes avec des mises en situations ridicules. Certes les vêtements sont cités un à un avec le prix, mais que voit-on?
Les deux shootings du supplément Des Echos spécial Homme. Il est question de vêtement.Si si… (c’est très mauvais pour être du vêtement, pas assez bon pour être de l’art contemporain dirais-je). En plus, c’est quand pour un lectorat BCBG… non?
Je n’ai pas la prétention de dire que je suis rédacteur en chef. Mais un truc tout bête qui intéresserait du monde et serait facile à monter : proposer des fac-similés de vieux catalogues de marques, avec quelques commentaires pour resituer le contexte stylistique, littéraire et cinématographique. Imaginez donc Monsieur vous présenter 4 pages du catalogues Ralph Lauren 1985 ou du catalogue Cerruti 1993. Une merveille du genre et sans fin en plus. Les marques seraient demandeuses. Y’a pas de travail à faire sinon rechercher dans les archives. Et pour le journaliste, il suffit juste de se demander en quoi la mise et actuelle ou ne l’est plus.
Voici des vieilles publicités Ralph Lauren. Une mine. Coup de cœur pour la dernière de l’automne 1981.
Bref, je me fais long et critique.
Mais il faut absolument remontrer les vêtements et les matières. Il faut communiquer l’amour des beaux habits. On ne parle pas de luxe ici. Simplement de travail bien fait, que le vêtement ait été cousu par un petit artisan transalpin ou une multinationale. Car même chez Uniqlo on peut trouver des sujets dignes.
Je suis navré de devoir dire des choses pareilles. La presse se veut trop généraliste. Il y en a pour tout le monde et au final pour personne. Le lectorat âgé n’en a certainement rien à cirer des hommes en kilts, et les hommes qui portent vraiment des jupes ne doivent pas lire cette presse.
J’ai bien conscience que je défends là une vision particulière de la presse et de la mode. Pas forcément contemporaine. Certes. Mais ce qui me navre, c’est le manque de pluralité. Que les journaux soient généralistes ou économiques, portés sur la culture contemporaine ou visant un lectorat bcbg, ils sont tous pareils et montrent tous la même chose en ce qui concerne le vêtement.
L’homme classique heureusement a le droit de feuilleter le catalogue de l’Homme Moderne, invariablement fourni avec Le Point. Certes des articles de médiocre facture mais qui ont au moins le mérite d’éveiller un vrai intérêt !
Bonne semaine, Julien Scavini