Un ami, tombant la semaine dernière sur un article sur Figaro traitant de l’outdoor wear, comprenez les vêtements techniques d’extérieurs, me l’a sympathiquement envoyé. Car oui, lorsque l’on chronique au Figaro, on est prié quand même de payer son abonnement. Voici donc les trois pages concernées par ce dossier… technique! Je vous laisse lire.
A l’issue de cette lecture, mon ami me demandait mon avis. Je n’en pensais pas grand chose de prime abord. L’article est bien écrit et j’en aime bien le ton, qui ne juge pas. Et qui n’essaye pas non plus, comme souvent dans la presse, de faire acheter. L’avis est objectif, même un peu moqueur. Les personnes interviewées sont un peu caricaturales, mais le prisme le veut ainsi. Et l’avis de l’expert en page trois est instructif et plein de bon sens. C’est donc pour moi, le tailleur, une lecture instructive, up-to-date diront les anglo-saxons.
Toutefois, mon ami probablement essayait de me faire sortir quelques critiques de la chose. Une critique d’élégance, rejetant ces vêtements la. Je n’y arrive toutefois pas. Étant à scooter dans Paris, j’ai du renoncer au manteau tailleur, qui hélas n’est pas coupe-vent ou renforcé. Je me trimbale donc un anorak, pas très joli, mais très chaud. Chacun ses petites bassesses.
Hormis ce vêtement technique et mes t-shirt uniqlo thermorégulants sous les chemises (je suis frileux), je ne suis pas tellement client de l’outdoor wear. Je ne peux critiquer ce répertoire vestimentaire sur sa simple existence. Je sais pertinemment que Décathlon est le premier vendeur en France de vêtements. Et pas de vestes en tweed ou de pantalons de flanelles. La simplicité de ces vêtements à l’usage, leur coût, apparaissent attractifs. Comment en blâmer qui que ce soit. C’est une sorte d’élégance, certes…
Car la faute, je ne peux la rejeter sur ces fabricants. Qui pour le coup méritent leur argent. Car ils font de la recherche, car ils innovent, car ils questionnent. Les vêtements techniques sont une nouvelle voie, marquant une profonde révolution avec tout ce que l’on a connu par le passé. Depuis plus de cinq mille ans, les hommes recourent aux fibres naturelles, végétales ou animales pour se vêtir. Dans des techniques de tissage et de montage ancestrales, seulement modifiées par les modes. On avait chaud en 1920 comme on avait chaud en 1420. Fourrure, laine, coton, lin, dans des formes différentes mais des même fondamentaux. La technicité actuelle apporte une nouveauté écrasante.
Je ne blâme pas les gens d’y passer. Surtout, c’est là mon argument pivot, que la mode des deux dernières décennies n’a été que consommation et fausseté pure.
Je vois beaucoup de messieurs, 40 ou 50ans, qui se sont régalés de mode dans les années 80 et 90. Ils viennent toujours avec des costumes X ou des vestes Y me demandant s’il est possible de les moderniser. Et moi de répondre, hélas que faire, rien. Le tissu est ringard, les épaules immenses, les boutons trop bas, la ligne écrasée. Des vestes de prêt-à-porter mais aussi de tailleurs. Sans parler des chandails… Le style classique, pour le rendre moderne, a été trituré. La mode avait pris le dessus, d’une manière complètement gratuite. Que je ne déteste pas pour ma part, j’ai déjà écrit sur la beauté de celle-ci.
Seulement, lorsque les messieurs ont parié toute leur penderie là-dessus, ils se sentent alors bernés. Ils ont fait confiance, ils ont acheté. Jamais un costume n’aurait eu si courte durée de vie. Un costume des années 30 est parfois plus contemporain. Ces vêtements, y compris d’ailleurs les premiers outerwear, ont vieilli, affreusement vieilli. Si vite.
L’outdoorwear a bien des excès, les journalistes du Figaro les décrivent, « trop chaud, trop tech, trop geek ». Peut-être. Ils sont une mode. Mais sans la mode. Ils ne cherchent pas l’esthétique de si ou l’esthétique de ça. Il ne cherche pas l’artifice. Il cherche la rationalité du vêtement. Il tient chaud grâce à, il est léger parce que. Ce vêtement explique sa raison d’être. Ce faisant, il s’extrait du pur débat de mode, qui n’a, à la fin, eu plus qu’un seul moteur, la nouveauté gratuite. Ici, la nouveauté a une vraie raison d’être. Ce n’est pas qu’une bande fluo ou un liseret rouge. Peut-être pour un temps seulement, on verra.
D’ailleurs, un signe ne trompe pas. Les marques de modes comme Balenciaga ou Lanvin, après avoir fait cette mode ruineuse et très vite out-dated, s’approprient ce sportwear / outdoorwear. Elles ne veulent pas en perdre une miette. Ce sont dans les montages lasers et les matériaux nouveaux que la mode trouve son eldorado. Là il y a de la justification.
Pour un tailleur, c’est paradoxale, car c’est scier la branche sur laquelle je suis. Mais de toute manière, on ne peut pas aller contre l’histoire. Il faut trouver le moyen le plus positif de s’en arranger. Pour ma part, cet été en Écosse, j’étais parti avec une petite panoplie classique, pantalon de velours, chemise rayée, pull en laine et belle écharpe. Mais pour les pieds, sachant que j’allais marcher, sous la pluie et au bord de Loch, j’avais pris ma paire de chaussures de marche… Quechua. Et j’étais très bien ainsi!
Je vous souhaite un joyeux Noël, de bonnes fêtes de fin d’année et de bonnes vacances peut-être!
A très vite. Julien Scavini