Col qui monte, qui monte, qui …

L’une de mes préoccupations préférées est l’observation des nouveaux usages, des modifications et des tendances en matière de rapport au vêtement. Et surtout, des rapports qu’entretiennent ces modifications avec l’histoire de la mode homme. Ce soir, un peu de prospective toujours avec cette nouvelle affection de la jeunesse dont moi-même pour les vêtements à cols montants.

J’ai constaté, depuis cinq ans maintenant (je m’en souviens notamment au moment de l’élection de monsieur Sarkozy, soutenu par une jeunesse décomplexée) que le polo se porte col haut, c’est-à-dire col non rabattu, non repassé par maman. Les marques elles-mêmes communiquent allègrement de cette manière comme Vicomte A. ou Hackett. Si au début je pensais à un épiphénomène, j’en suis de moins en moins convaincu, tant les vêtements à col haut se développent.

Il suffit pour s’en convaincre de feuilleter des catalogues. Et la pièce maîtresse depuis trois saisons est le sweaters col châle, qui se retrouve à toutes les sauces, propulsé au plus haut par la tendance Ivy style. Cela fait deux.

Notons le classique parmi les classiques également est le pull sur-chemise à zip ou à boutons, souvent avec un col cheminé pour donner chaud. Même idée avec les vestes à col Danton, dont Arnys est assez familière, ou même certains trench-coat avec de tels encolures.

L’idée est souvent la même et synonyme de confort, de chaleur. Car ces cols entourent le cou, le protège, sans avoir recours à une écharpe. Ils sont parfait pour l’arrière saison, quand on ne peut prévoir avec exactitude la température qu’il fera.

Mais au delà, je ne peux m’empêcher de penser que les polos à col non rabattu sont synonymes d’autre chose. Puis qu’évidement, porté l’été, le besoin de chaleur ne se fait pas ressentir. Premièrement, cela fait un peu hautain, du moins très sûr de soi. C’était la caractéristique de la jeunesse dorée de l’ère Sarkozy, polo VA col haut avec RayBan. Mais deuxièmement, essayons de voir plus loin. Si l’on remonte un peu l’histoire du vêtement, les encolures basses sont une anomalie. Avant les cols mous sur les chemises, les cols hauts montaient… très hauts. Ils entouraient quasi entièrement le cou, comme une cheminée. Et encore avant, à l’époque romantique, ils étaient synonymes de nonchalance en même temps que de confort. Imagine-t-on Byron ou Goethe avec un col bas?

Dès lors, le col haut ne m’apparait pas comme une fadaise de la mode, mais comme un petit quelque chose de remarquable et d’inquiétant… Et si c’était la prémisse de quelque chose, d’un nouveau grand cycle de la mode masculine, à rapprocher du confort (toujours le même) du ‘sport-chic’ italien? Qu’en pensez-vous?

Julien Scavini

Bon plan et vidéo

Avant l’article de ce soir, quelques nouvelles de mes développements. J’ai pour l’instant stoppé le développement de l’offre chemise. C’est en effet un véritable (et très différent) métier, et je ne voudrais pas proposer un produit dont la qualité ne soit pas équivalente à celle de mes costumes. Mais cela reste à étudier.

Par ailleurs, le bon plan du moment : acheter un tissu et en confier la réalisation, la façon, au tailleur. J’ai, il y a quelques années, confié à Gambler place de la Madeleine un tissu pour confectionner une veste. Évidemment, j’avais bénéficié d’une intéressante décote. Je propose également cette offre, pour un costume à 1350€ à débattre, ce qui en fait une excellente affaire. Pour les tissus, la Mecque des coupons à Paris est Sacré Coupon – le Gentleman des Tissus, à Montmartre à Paris. Vous pourrez sans difficulté y trouver des pièces Dormeuil, de 1m30 à 4m, de toutes les qualités, et même des soies imprimées pour vos doublures.

De plus, j’interviendrai au Touquet-Paris Plage le 16 Octobre prochain où aura lieu la British Week, semaine de réjouissances placée sous le signe des sports et du chic Anglais. J’espère vous y rencontrer. Plus de renseignements ici.

Enfin pour égayer la matinée, je finis cette annonce par une vidéo extraite de la série How I Met Your Mother, à propos de l’amour de Barney pour les costumes (certes pas forcément très beaux mais…) :

Les vidéos Vodpod ne sont plus disponibles.

Julien Scavini

 

Le kit pour cricket

Le sport chic, terme à la mode à la ville ces temps-ci, terme en désuétude sur les terrains de sport. Le monde est fait ainsi qu’il est bourré de contradiction… Bon, malgré tout, il est toujours possible d’aller frapper quelques volants en tenue élégante! Les anglais possédaient tout un arsenal vestimentaire pour chaque circonstance sportive. Ce soir étudions les tenues de cricket, facilement réutilisables pour par exemple jouer… au croquet ?

Bref, l’ensemble est principalement blanc! Du blanc, du blanc! Pratique à une époque où les matchs étaient rediffusés sur les téléviseurs noir et blanc et où la pelouse apparaissait foncée. Mais pas un blanc parfait non plus. Un off-white disent les anglais, voire du blanc crème pour la chemise, le pull en maille, le pantalon, les chaussettes, les chaussures etc… Seul le blazer que l’on enfile après le match, pour le thé, peut être en bleu, même si le blazer blanc est aussi un classique. Lui aussi est sous-tâché aux couleurs du club.

Passons sur la chemise, abordons le pull. Celui-ci présente invariablement un col en V avec une garniture colorée, aux tons des armoiries du club, c’est très important! Il peut être à manche ou sans. Ensuite, la pièce maîtresse, le pantalon à double pli et à ajusteurs de tailleur en flanelle blanche. Pantalon que les anglais appellent cricket flannels, ou simplement flannels car ce terme est l’expression même du pantalon mou, ample, doux en flanelle. De nos jours, le terme désigne un pantalon de survêtement en polyester blanc, pour le cricket… triste sire.

Cette flanelle blanche justement est devenue impossible à trouver. Plus personne n’en produit, ou alors des imitations en serge. C’est un tissu vintage diront certains, un tissu de grande valeur! J’avais demandé il y a quelques mois chez Gorina pourquoi ne pas proposer de flanelle d’une telle ‘couleur’. Il m’avait été répondu que pour cela, il fallait nettoyer l’intégralité des machines, celles pour carder la laine, celles pour la filer, celles pour la tisser etc… Bref, un coût et un temps monstrueux, pour un tissu qui vaudrait probablement plus de 200€ le mètre et se vendrait difficilement.

Ceci dit, j’ai entendu cela plusieurs fois, un espoir existe chez l’inventeur de la flanelle, la maison Fox Flannels située dans le Somerset qui produirait encore une telle référence. Ouf!

Julien Scavini

Les mains dans les poches

Et voilà, je ne publie pas le lundi soir et les bourses chutent le mardi matin! Diantre!! Mes excuses.

Bref, ce matin, une fois n’est pas coutume, étudions la façon de mettre la main dans la poche du pantalon. Cette anecdote m’a été soufflée par un ami. Je me suis empressé de la répéter lors d’un mariage récent, ce qui a mis beaucoup d’amis dans un profond doute : comment mettre ma main dans ma poche ? La bien séance veut d’ailleurs que l’on n’ait pas les mains dans les poches, votre grand mère vous le dirait! Mais bon.

Alors, petit croquis, avec une veste à deux fentes :

En A, la démarche anglaise. S’ils ont inventé la veste à deux fentes, c’est pour s’en servir. Il faut aller chercher loin les fentes, puis y insérer les mains en ramenant les pans de la veste. Ils se replient, le résultat est net.

En B, la méthode française, c’est à dire, aucune méthode. On cherche l’entrée du pantalon en soulevant la veste. C’est encore plus évident avec les vestes à une fente que nous adorons (enfin pas moi!)

Et la C, à l’italienne. Forcément nos amis ritals sont démonstratifs. Donc, il repousse la veste en arrière, ce qui découvre les garnitures avec le magnifique doublage. C’est éminemment ostentatoire mais c’est moins net que la manière du prince William. Ici, le tissu froisse, l’étoffe s’exprime.

Et vous, quelle est la vôtre ? Vous avez un doute? C’est fait pour 🙂

En France, nous sommes des gaulois latinisé envahis par des germano-saxons. Donc, nous pouvons choisir la méthode italienne ou la version anglaise, les deux seules variantes élégantes à mon avis.

Julien Scavini

L’empire du dépareillé

Nous y sommes, troisième année pour Stiff Collar. L’occasion aujourd’hui de réfléchir sur la mode du moment, ou plutôt les orientations des habitudes vestimentaires des hommes alors que depuis trois ans la crise fait rage. Une crise qui touche assez durement l’industrie textile, surtout celle du milieu de gamme, précisément celle que nous fabriquons en Europe et en France, quand le très haut de gamme et le très bas de gamme (l’un à destination de l’autre et l’autre à destination de l’un, curieux non?) se portent bien.

Bref, je me promenais récemment rue Marbeuf à Paris connue pour son alignement de boutiques et de tailleurs – dont Cifonelli – pour homme. Le constat est simple : le look italien est partout. Si je trouvais cela admirable au début, force est de constater que cela est lassant à la longue, surtout lorsque les maisons françaises (Arthur & Fox, Hartwood, Smalto etc…) s’y mettent, s’en rien chercher de plus innovant, bien aidé, il faut le dire par Loro Piana qui semble fournisseur officiel de toutes ces enseignes.

Les italiens ont développé ce nouveau concept du ‘sport chic’ ; une fausse-nouvelle manière d’aborder le vêtement qui est directement issu du code anglais dépareillé : veste seule + pantalon. Le confort et la simplicité prime. Pourquoi pas au fond. Il faut bien admettre que le costume ‘tout de même’, déjà inventé pour sa simplicité est sur le déclin, de même que la cravate. Les gens recherchent du confort, pour se concentrer sur leur travail et/ou adoucir un quotidien plutôt éreintant, surtout en ville. Un confort qui est renforcé par des produits plus techniques, avec des zips, des inserts au laser, des plastifiants, des imperméabilisant etc…

Mais que signifie dépareiller ? C’est en effet une tâche plus ardue que d’enfiler un costume, surtout si l’on se donne la peine de réfléchir à sa mise. Car évidemment, il est possible d’enfiler un t-shirt sur un jean. Mais là, aucun art, aucune finesse ou recherche. C’est pourtant ce qui a longtemps caractérisé les civilisations humaines. En revanche, penser une veste seule est un travail, un vrai travail, peut-être même plus dur que le simple ensemble gris ou bleu. Quelle couleur donner à la veste, quelle coupe, quels motifs, quels détails sélectionner? Ce n’est pas aisé. La plupart du temps, la cravate n’est plus utilisée avec les ensembles dépareillés, cela enlève une épine du pied.

Au fond, je suis assez satisfait de cette nouvelle (pas si nouvelle, nous le verrons) approche. Elle permet plus que jamais de trouver un juste équilibre entre des pantalons assez peu coûteux (quoique certains jeans soient très onéreux) et de belles vestes. Je suis d’ailleurs ravi d’en confectionner à l’occasion. Et cela demande un travail de sélection du tissu encore plus poussé.

Il peut être noté qu’historiquement, le costume veste + pantalon identiques, ou ‘tout de même’ est une anomalie. Anomalie qui apparue vers 1920 pour se prolonger de nos jours, avec un pic autour de la seconde guerre mondiale et des 60’s. Jamais auparavant n’avait-on assisté à une telle unité. Cela n’était tout simplement pas la règle. Le pantalon collant arborait une couleur, quelque fois un motif, la redingote ou le paletot une autre. Et si l’on pousse jusqu’à l’ancien régime, les hommes arboraient autant de couleurs que les femmes (du moins à la cour), ils faisaient les paons.

Le dépareillé d’aujourd’hui, (belle) veste sur jean (puisque c’est la norme) ne pourrait-il pas être analogue à la combinaison jaquette sur pantalon rayé ? C’est la même idée, seule la notion d’élégance changeant.

Le développement du costume est l’aboutissement d’un long processus bourgeois, qui va de paire avec le développement du noir dans le vêtement. Le noir, non-couleur par excellence qui est également une anomalie. Enfin anomalie à moitié, car ce fut la couleur des gens d’église et de services (banquiers, notaires, lettrés etc…). Couleur qui fut adoptée au détour du 19ème siècle par la nouvelle bourgeoisie industrieuse, sous la forme du frac puis de la queue de morue. Finalement, le costume ‘tout de même’ n’est qu’une version plus courte, donc moi chère, de la jaquette, idéal pour les nouvelles classes…Et il est des environnements de travail où le dépareillé n’est pas tellement admis (la banque typiquement). Certains également n’osent pas franchir le pas, ils sont plus français qu’italiens 😉 C’est ici que les choses se compliquent. Pour quand même faire preuve d’un peu de fantaisie, certains hommes achètent alors des costumes vaguement sombres qu’ils mettent avec des souliers marrons. Il n’est plus rare de trouver dans les devantures des vestes aux boutonnières colorées ou des souliers aux lacets multicolores. La chemise blanche ne se fait plus bleu ou rose, elle incorpore seulement des parties de col noires ou fushia, des boutons sur le côté du col etc… Bref beaucoup d’hommes n’osent pas se défaire du petit costume bourgeois. Mais, ils le malmènent. La chaussette de couleur aussi se démocratise. C’est alors que le goût individuel se transforme paradoxalement en mauvais goût collectif. Et c’est un goût assez français, un style français presque et hélas.

Beaucoup de personnes n’acceptent plus les codes. Petite anecdote paradoxale : l’exemple le plus marquant que j’ai en tête est l’uniforme des agents de la SCNF. Il est affreux, coupé affreusement, dans un affreux tissu gris. Affreux. Pourtant, il s’agit d’un uniforme, mais on a voulu en faire un costume. Les anciens modèles forts militaires et noirs ou bleus étaient pourtant de toute beauté et très pratiques. Ils furent sacrifiés au prix d’une désacralisation de la fonction et/ou de la modernisation, c’est selon. Quant aux agents de conduite, ils peuvent être en t-shirt… La société, consciemment, cherche à affadir les frontières et les odieux marqueurs. Mais c’est évidemment un leurre, jamais les disparités et inégalités n’ont été aussi grandes.

Les gens aiment le changement. Les gens doivent être riches. A l’inverse la stabilité est souvent mère de la vertu dans les domaines financiers et économiques. Puisse la crise que nous traversons se révéler utile à ce niveau.

Enfin bref, terminons là ce monologue. Admettons que les vestes sports soient l’avenir en ce qui concerne les belles pièces. Dommage pour les pantalons qui soit dit en passant sont les pièces les plus difficiles à bien couper. Il reste à bien les porter, non pas trop courte comme c’est la mode, non pas trop sombre comme c’est la mode, non pas trop fantaisiste comme c’est la mode, mais avec goût et haut en couleur! Égayons-nous, évidemment, pour notre plus grand plaisir, notre plus grand bien! Et si l’on doit être en costume, alors tenons-en nous aux classiques !

Le vêtement est et restera un vecteur social, un élément signifiant de notre rapport à la société. Toute altération, tout affadissement de ce code, sous prétexte d’égalitarisme, ne peut-être que néfaste à la cohésion générale de nos sociétés, c’est mon avis… Qu’en pensez-vous ?

Julien Scavini