La chemise dans ou hors du pantalon ?

Un lecteur m’a écrit récemment pour me poser cette question. Intéressante. Car je dois également reconnaitre me poser cette question existentielle : dois je mettre la chemise dans ou hors du pantalon ?

Car il me semble maintenant, la réponse n’est pas si évidente que cela.

De prime abord, les gentlemen portent plutôt leur chemise à l’intérieur d’un pantalon, parfaitement et dignement ceinturé. C’est une manière chic de voir les choses.

Pour ma part lorsque je fais ainsi, j’ai toujours l’impression d’être engoncé. Et à chaque fois que je me relève, il faut remettre la chemise en place. Au final, je ne me sens pas plus à l’aise que ça dans une telle tenue. Il y a des messieurs qui arrivent à faire cela très bien. Leurs chemises apparaissent perpétuellement repassées, ils ont l’air d’un sou neuf et je les envie. Leur physique souvent svelte leur permet un tomber parfait de la tenue, ils ont toujours l’air chic. J’admire cette capacité à rester digne.

De mon côté, lorsque la tenue commence ainsi, j’ai rapidement l’impression d’être souillon, les vêtements sont froissés et je ressemble à rien de chic.  Est-ce à dire que je gigote plus?

Du coup, j’ai été très attentif aux jeunes gens de mon âge dans la rue aux États-Unis lors de mon dernier voyage. A l’université de Virginie, c’était le dernier jour avant les vacances et tout le monde était décontracté. Lunettes de soleil, bermudas et chemises Ralph Lauren en pagaille. Et bien tout le monde avait la chemise en dehors du pantalon ou du short. Je suis assez intéressé par cette capacité à avoir la tenue ad hoc à tout moment. Le blazer et la cravate sont une institution aux États-Unis, bien plus qu’ici, mais lorsqu’il faut être ‘off’, ils savent tout aussi bien s’y prendre.

Il semble que cette pratique de la chemise hors du pantalon chez les jeunes soit assez répandue outre atlantique. Où il est aussi notable que la chemise se porte toujours par dessus un mince t-shirt blanc. J’ai déjà écrit à ce sujet ici.

Dès lors, la chemise devient un vêtement de dessus, une sorte de veste nouvelle génération.

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Souvent je me prends à rêver du futur de la garde robe, en me disant bien que la veste telle qu’on la connait vit une époque charnière. Inventée dès le début du XXème siècle, elle était considérée comme vulgaire et très utilitaire au début (en comparaison des habits longs, jaquettes et fracs). Puis elle est devenue dans les années 30 la tenue de référence, pour apparaitre à l’orée du XXIème siècle comme l’attribut d’une seule classe sociale élevée ou … des mariés. Et dans l’histoire du vêtement, on le sait, lorsque un habit devient référent pour les mariages, c’est l’antichambre de la fin. Enfin, je rigole, je ne pense pas que la veste disparaisse si vite. Quoique…

Tout de même, j’ai trouvé cette manière de mettre une chemise pas trop boutonnée par dessus un t-shirt (qui lui est utilitaire, il prend la transpiration et se lave à 60°c ou plus) intrigante. C’était exactement la même chose au XIXème siècle, la chemise était le sous-vêtement lavable que l’on cachait par un gilet très couvrant. La chemise portée ainsi apparait comme le vêtement décoratif de dessus, d’apparat et camoufle l’utilitaire, le petit maillot de corps.

Et du coup, je me suis mis à faire la même chose.

Il serait possible d’objecter que c’est une mode du chiffonné. Car il est évident que tout cela manque de tenue. Certes, mais l’époque aime le froissé et le pas net. La netteté tailleur des années 50 et la belle laine qui drape a laissée la place à des matières naturellement froissables et froissées (coton, nylon etc.) et des coupes plus lâches (le jean, le blouson).

Mais enfin, je ne tranche pas la question de savoir si la chemise se porte dedans ou dehors. Chaque homme trouvera suivant son âge et son physique la formule idoine. Je pense qu’il est plus intéressant d’être rigoureux sur le port du costume, de la cravate et des accords de couleurs que sur le vestiaire décontractée. Tant que vous n’optez pas pour les chaussettes blanches + claquettes Adidas, tout va bien !

Là dessus, je vous souhaite un été reposant et ensoleillé, nous nous retrouvons en septembre !

Bel été, Julien Scavini

Les poches d’une veste ont elles un sens?

Un veste est faite pour couvrir, c’est sa première raison d’être. Ensuite, sa forme et sa manière de couvrir le corps, en bref son allure sont le résultat d’un goût qui évolue suivant les modes. Elle donne une ligne à l’homme. Enfin, celle-ci par dessus ces deux points – utilitarisme primaire et esthétique – se veut aussi pratique : la veste est le sac à main de l’homme. Pour se faire, l’histoire a sédimenté un certain nombre de poches sur sa surface. Des poches extérieures et des poches intérieures.

Il existe deux types de poches extérieures : poitrine et côté.

A l’extérieur, sur la poitrine gauche au niveau d’une ligne horizontale passant sous l’aisselle est placée la poche de poitrine. Cette poche de poitrine est souvent réalisée sous la forme d’un rectangle de tissu qui camoufle un trou vers l’intérieur de la veste et le sac de poche. Ce rectangle est toujours disposé légèrement en biais. La poche monte. Ne me demandez pas pourquoi, c’est ainsi. Mieux, le côté gauche de ce rectangle est aussi un peu oblique, pour donner une ligne et un peu d’entrain à cette poche. Quand aux italiens, ils arrondissent un peu le rectangle, pour prouver qu’ils savent faire. C’est une esthétique gratuite.

Ce rectangle fait classiquement 2,5cm de haut pour 9 à 11cm de large. La hauteur est très importante. Les fines poches poitrines des costumes slim signent une esthétique du minable que je ne goûte guère. Parfois, cette poche poitrine peut aussi être plaquée. C’est idéal pour une veste décontractée. Mais les pochettes ont tendance à faire gonfler cette poche plaquée, aussi je le recommande moyennement.

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Toujours à l’extérieur mais en bas se situent les poches de côté. Pour pouvoir rentrer la main à l’intérieur de la veste et donc du sac de poche, il faut faire un trou. Ce trou est ‘maquillé’, cousu grâce à deux passepoils qui sont deux fines bandes de tissus. Ces passepoils sont obligatoires pour faire une poche.

Les vestes très habillées comme les smokings ont deux poches passepoilées simples, sans rabat. Une de chaque côté.

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Les autres vestes ont normalement des rabats de poches qui sont disposés entre les passepoils. Le passepoil du bas se retrouve donc caché sous le rabat. Le rabat est très ancien. Déjà les habits d’ancien régime avaient des rabats. J’imagine qu’il sert à protéger de la pluie et de la poussière l’intérieur du sac de poche. En tout cas, il est obligatoire de mon avis sur une veste classique.

Parfois, sur le côté droit, au dessus de la poche est rajoutée une autre petite poche avec un rabat : la poche ticket. Ce petit contenant a été créé par les tailleurs anglais au début du siècle pour loger les petits tickets de train, plutôt que de les mettre dans la bande de son chapeau comme cela se faisait. La poche ticket était positionnée plutôt sur les vestes décontractées, les beaux costumes de ville n’étant pas fait pour prendre le train. La poche ticket serait donc plutôt synonyme d’un costume relâché..

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Les poches côtés (toujours passepoilées avec un rabat) peuvent aussi être disposées en biais. Avec ou sans poche ticket. Ces poches furent positionnées en biais dès les années 20 pour rendre les vestes plus belles lors de la pratique du cheval. Dans les années 60, les tailleurs anglais les ont adopté sur les costumes de ville et de nos jours, ce détail signe l’élégance anglaise, de Paul Smith à Hackett.

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Si les poches ne sont pas passepoilées, alors elles sont plaquées. C’est à dire qu’au lieu de faire un trou dans la face de la veste pour y passer la main, le sac de poche est directement cousu sur l’extérieur. La poche plaquée est plutôt indiquée pour les vestes décontractées. Elle n’est pas indiquée pour un costume plus habillé.

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Comment peut-on hiérarchiser ces poches ?

Le plus classique est une poche poitrine normale et deux poches simples passepoilées à rabats. Si vous retirez les rabats, la veste apparait immédiatement comme plus formelle.

Si vous ajoutez une poche ticket, la veste (et le costume) sera un peu moins habillé.

Si vous placez les poches en biais (avec ou sans poche ticket), la veste (et donc le costume) sera encore un peu moins habillé.

Si vous optez pour des poches plaquées (en bas seulement ou en bas + à la poitrine), votre veste sera plutôt une veste seule, pas un costume et décontractée.

Mais bon, une fois que ce classement hiérarchique est connu, il est possible de le battre en brèche. Attention toutefois, on casse les codes uniquement lorsqu’on les connait.

Ainsi, il est possible de dire que de nos jours, ce classement est quelque peu caduc.

Difficile en effet de reconnaitre à une veste avec une poche ticket un statut inférieur. Que veut dire en effet ‘un costume habillé’ de nos jours? Tous les costumes sont plus habillés qu’un polo ou un survêtement.

Ainsi, si vous ajoutez une poche ticket, la veste (et le costume) sera très élégant, d’une élégance qui se remarque et fait ‘tailleur’. Pour ma part, tous mes costumes ont une poche ticket où je loge mon petit trousseau de clefs.

Aussi, si vous placez les poches en biais (avec ou sans poche ticket), la veste (et donc le costume), il sera juste possible de dire que le costume fait ‘british’. Il ne sera pas moins habillé que le même costume avec des poches horizontales.

Enfin, si vous optez pour des poches plaquées, le costume sera très ‘italien’, sans pour autant être plouc. C’est juste un peu osé de placer de telles poches sur un costume. Mais il faut bien s’amuser un peu n’est-il pas ? Enfin toutefois attention, une poche plaquée à soufflet est quand même très sport et ferait déguisé sur un costume. Il y a des limites…

Bonne semaine, Julien Scavini