Les tenues de ville, version dépareillées

La semaine dernière nous étudiions la mise urbaine par excellence : le costume. Ce fut l’occasion de réviser la version classique léguée par les anglais et qui – heureusement – a encore cours dans certains milieux socio-professionnels. Si l’on remonte cinquante ans auparavant, il est possible de faire deux grandes dissociations pour les tenues : la ville et la campagne. La différenciation entre les deux situations étant encore très marquées. De nos jours, cette séparation s’adoucie (en apparence). Le rite de passage de la ville – du travail – à la campagne – pour le loisir, la détente – est quasiment effacé.

Pour autant, regardons quelques illustrations d’Apparel Arts. Comme évoqué la semaine dernière, il existait déjà des manières de faire, d’être, de s’habiller pour se détendre, à son club, le samedi etc… Le costume pouvait être porté, dans des tons moins stricts comme les mélanges de gris et de marron, les marrons. Les motifs se faisaient plus présents : caviar, grain de riz et autres princes de galles fenêtrés de rouge par exemple. Avec ce genre de costume, des souliers marrons ou noirs étaient indifféremment portés, signe de la faiblesse de certains codes que l’on énonce ici ou la (et que du reste j’aime à reprendre à mon compte).

Que pouvons-nous voir sur ces illustrations ? Un homme tenant la portière à une dame, dans une tenue très décontractée (coloris, motif) mais pas forcément trop campagne encore / Deux hommes discutant, l’un en dépareillé, l’autre en costume vert, gilet croisé et souliers marrons (pas des banquiers, cela saute aux yeux) / Un jeune homme en prince de galles fenêtré rouge qui à l’évidence ne doit pas trainer de la sorte dans un cadre champêtre, mais qui possède en ville un caractère très ‘sport’ / Et enfin un homme chez un buraliste, avec un tenue de samedi idéale, ensemble marron.

A la ville, pour paraitre décontracté, on pouvait donc avoir recourt aux ensembles dépareillés, à la différence du costume, où tout est ‘de même’. Le dépareillé se construit assez généralement sur un pantalon de flanelle gris (tous les gris, du plus clair ou plus foncé) ou de certains laines froides – grises aussi – pour l’été. De temps à autres, les pantalons à petits chevrons marrons pouvaient être utilisés, mais cela donne des difficultés de coordination avec la veste. Au dessus de ce pantalon, une veste. Et là, grande liberté possible : à poches à rabats ou à poches plaquées, unie ou à motifs. Le plus souvent du reste, la veste à carreaux est utilisée, pour trancher sur le pantalon uni et apporter une bonne dose de peps. Cette version du dépareillé a encore tout à fait cours de nos jours. Avec souliers marrons s’il vous plait, il convient bien de souligner le caractère décontracté d’un tel ensemble.

Le dépareillé d’aujourd’hui a encore plus gagné en liberté d’expression. Il s’autonomise comme un genre à lui tout seul, bien aidé par le développement sans faille du ‘sportswear’. Si le pantalon de flanelle gris reste un incontournable, un autre tend à le remplacer : le pantalon bleu (en flanelle – rarement, ou en coton – le chino, souvent). Avec le bleu, les italiens ont su parfaitement mêler le marron. D’où l’écrasante mode actuelle pour le mélange (souvent réussi du reste) de bleu marine et de marron. On voit même apparaitre des souliers en veau-velours bleu. Évidemment, il fallait y penser.

Alors voyez suivant l’illustration du jour de quelle École vous êtes le plus proche. Tout est une question d’hybridation maîtrisée et de tact, suivant le moment, suivant les personnes que vous rencontrerez … A la semaine prochaine 😉

dépareillé urbain

Julien Scavini

Les tenues de ville

Entamons la série annoncée la semaine dernière, avec les tenues de ville. Si l’on réfère à la tradition britannique, le gentleman ne s’habille pas en ville comme à la campagne. Poussons même un peu plus loin, il ne s’habille pas à la ville pour le travail comme à la ville pour la détente et les loisirs. Il existe une hiérarchie suivant les moments. Étudions ce matin la phase ‘en activité’, la semaine prochaine, ‘au repos’. Premièrement, les coloris urbains : restons simple avec le gris (et toutes les nuances – du plus formel, le noir et l’anthracite, au plus clair) et le bleu (marine et dit ‘midnight’). Ce sont les deux tons principaux :coloris urbains 1

Ils sont l’idéal pour commencer une garde robe ! Un de chaque. Ce sont des unis, qui peuvent être complètement unis ou légèrement fil à fil. La différence ? L’un est teint en pièce après tissage, l’autre, ce sont chaque fils qui sont teints avant tissage, d’où les nuances. Avec ce genre de tissu, il est indiqué de faire réaliser des ensembles ‘tout de même’, c’est à dire des costumes, deux ou trois pièces, c’est selon. Vous pouvez également sélectionner des laines avec des motifs de tissage : caviar, chevrons, puis rayures ou carreaux. Certains motifs peuvent être très fondus et seulement visibles de près (les faux-unis), d’autres très marqués. C’est votre goût qui préside à ce choix. coloris urbains 2Avec un tel costume, que mettre ? Pendant longtemps, la chemise blanche à dominée en ville. Puis les tissus plus colorés et à rayures sont apparus. Quelque fois, un col blanc permet d’apporter un bon contraste. Il me semble que la chemise doit rester discrète : couleurs pastelles, rayures fines etc… Évitez les rayures bâtons, trop franches, qui seraient plus ‘sport’. De même pour les carreaux. L’idéal est de pouvoir accorder les motifs : rayures avec rayures ou uni, carreaux avec carreaux ou unis. La cravate est à votre goût également, mais les plus raffinées sont peut-être les soies ‘madder’, petits imprimés discrets et autres pois. Les rayures clubs constituent en Europe continentale et aux États-Unis la sélection préférée des hommes. Pas au Royaume-Uni.

Les souliers enfin. Plusieurs options suivant les métiers. Dans ceux de la banque et de l’assurance et ceux – de manière plus générale – en relation directe avec des clients, le port de souliers noirs est de rigueur. Pour autant, il est possible de voir à travers les images d’Apparel Arts que le port de souliers marrons n’a jamais été proscrit totalement. De nos jours, le goût italien pousse nombre d’élégants à porter ces derniers, notamment avec un costume bleu marine. Pourquoi pas. C’est déjà sortir un peu de l’élégance classique, mais si cela est fait avec discernement…

Étudions la figurine du jour. Le costume est sombre (un caviar bleu marine). Pas de dépareillé ici. La chemise est simple, bleu ciel, dans une popeline ou un fin oxford. La cravate, dans les mêmes tons apporte un peu de fantaisie à l’ensemble. Les souliers sont noirs – préférentiellement des richelieus – et la pochette blanche complète l’ensemble. colori urbain

Les figurines d’Apparel Arts apportent des indications complémentaires. Des ‘intrus’ sont logés dans les images, lesquels ?

‘Ils’ brouillent les pistes n’est-ce pas ? Disons que la première image est un idéal. Dans la 2ème, l’un a la tenue adéquate, l’autre est certainement en repos : souliers marrons, port d’un pull-over (pas très formel pour le travail cette pièce). Dans la 3ème, des costumes dans les tons marrons ; un ensemble qui parait très sport, mais le port de souliers noirs nous indique que nous sommes dans un cadre professionnel. Peut-être sont-ils notaires ou médecins ? Cela expliquerait pourquoi le marron. Ils sont en effet dans des métiers moins formels (en dehors des signatures d’actes chez le notaire, tout est question de tact et de bon sens). Dans la 4ème, le premier personnage est tout à fait bien habillé du point de vue de l’article, quand le second adopte une mise plus ‘sport’. La 5ème est caractéristique. Peut-être sommes nous chez un notaire. Celui-ci porte un ‘stroller‘, très formel, car il doit recevoir des clients, alors que son clerc est simplement de marron vêtu. Question de hiérarchie, la encore.

Bref, voyez la quantité de possibilités qui s’offrent à vous. Loin de restreindre quoique ce soit, une simple étude montre l’étendue des usages. Mais si vous voulez rester simple, adoptez une mise similaire à l’illustration de Stiff Collar. Elle est l’expression de la règle. Les variantes, suivant votre goût, n’en sont que le piquant 😉

Julien Scavini

Quelle tristesse, encore des adieux

Ce court billet pour signaler la fermeture prochaine de la Socoval, sous-traitant cherbourgeois de costumes de belle qualité. Spécialisé dans les costumes à vestons entoilés, la Socoval est la dernière usine de France à maîtriser ce savoir-faire… Une vrai désolation industrielle !

Ici un lien vers un reportage de France 3.

Je suis assez triste de cette nouvelle. Et heureusement soulagé de ne pas avoir sélectionné ce fournisseur quand je me suis lancé ; d’autres concurrents doivent être en souffrance. J’avais en effet visité la Socoval. Le produit était bon. Pas tout à fait assez pour moi, mais l’outil industriel et le savoir-faire ne demandait qu’à être boosté. Trouver un patron-industriel au niveau n’est pas simple, dommage pour cet atelier. Cette visite m’avait laissé un bon souvenir. J’y avais découvert des ouvrières passionnées et professionnelles, un produit classique de bonne facture. Mais une direction épouvantable… Triste.

Mais je suis ravi de constater que ces temps-ci la France manifeste pour le bonheur de ses enfants. Bonheur avec ou sans prospérité ; on a les priorités que l’on veut …

Julien Scavini

Commençons le cours

Je vais vous présenter au fil des prochaines semaines, le cours – dans les grandes lignes – que je donnais l’année dernière à l’École des Tailleurs sur l’élégance masculine. Ce cours s’appuie en très grande partie sur les images d’Apparel Arts intégrée à ce blog. Il s’adresse en priorité à un auditoire non-éclairé. Il est donc très basique. Débutons…

L‘élégance masculine possède ses propres règles. Je vais essayer de vous présenter celles-ci, structurées d’après mes lectures diverses (cf. bibliographie). Vous pouvez tout à fait les rejeter, c’est votre droit le plus absolu. Mais vous pouvez aussi vous interroger. D’où viennent ces règles ? Principalement de l’Angleterre de George V et de George VI, soit approximativement entre 1900 et 1950, avec un âge d’or que les amateurs situent vers 1930. Comme toutes les expressions humaines, l’habillement a été érigé en art. Et cet art s’est doucement sédimenté, couches par couches, au fils des époques jusqu’à nos jours.

Et si l’on fait exception de la période contemporaine ayant vu l’avènement du post-modernisme et la destruction des canons, a priori, un art est régie par des règles internes et externes. Ainsi, en peinture il existe des règles de maniement du pinceau et des règles de présentation des œuvres et des sujets. Des règles pour la forme, des règles pour fond. De nos jours, ces règles ont été remplacées par le diktat du talent, du génie personnel. A prix d’un travail personnel plus immense et encore plus élitiste. L’artiste n’est plus dans le canon, il est le canon. Chaque artiste définit donc le sien. Seuls les plus grands créent plus ou moins des canons à l’usage des autres : je pense à Le Corbusier en architecture, et aux suiveurs, néo-corbuséen de plus ou moins grand talent. Le styliste est l’artiste du vêtement. Il crée son propre référentiel et travail dedans. Avec plus ou moins – la encore – de succès. introduction cours

Bref, ici nous ne formons pas des stylistes, mais des artisans, des faiseurs. Vous avez déjà bien assez d’apprendre des gestes pour en plus devoir créer votre vocabulaire formel. Il en est tout autant pour vous cher lecteur. Vous avez déjà certainement bien assez de choses à penser pour ne pas devoir rajouter une strate complexe au sujet de votre façon de vous vêtir. Pour autant, sentir le t-shirt de la veille puis l’enfiler en même temps qu’un pantalon de survêt’ serait trop facile. Un peu d’effort est nécessaire, une question d’humanité, de chemin vers l’art. Vivre en beauté disait Saint-Laurent. Heureusement pour vous, des canons existent en mode masculine. Certes ils sont datés, certes, ils ne s’adaptent plus forcément à toutes les situations. Mais nous allons voir de quelle manière les faire évoluer, les bousculer. Car ils sont flexibles. Retenez bien cette notion. Les règles de bon sens de l’habillement doivent être vues comme une facilité d’esprit, un ensemble flexible et adaptable. Non un carcan : vous n’aurez rien compris.

Les élégances sont plurielles. A partir des mêmes bases, les résultats peuvent varier du tout au tout. La règle ne conduit pas à l’uniforme, bien au contraire. Elle n’est qu’ordonnancement de la liberté. Ordonnance que vous pouvez refuser. Mais que vous refuserez mieux si vous en connaissez le chemin et donc l’opposé où aller… Mais de toute manière, vous suivrez une autre ordonnance si vous refusez la précédente, à moins de préférer le chaos, mais je laisse ça aux plus fous.

L’idée est simple, chaque semaine un thème, ville, campagne, sport, soir etc. Dans chaque thème les règles, les exceptions, les possibles, les illustrations et les pistes d’évolutions. Dans chaque thème, il sera intéressant de mettre en perspective la version historique, grâce aux images d’Apparel Arts, et une version actualisée. Nous pourrons évoquer les changements intervenus ainsi que parler des différentes analyses suivant les pays.

Le but est de prendre un peu de plaisir dans l’apprentissage. Ensuite, simplement, calmement, la mise en place et l’analyse personnelle que vous en ferez vous donnera toute la liberté possible et se transformera en plaisir : celui de suivre au plus près avec gourmandise, ou au contraire de vous écarter avec malice du droit chemin…

Julien Scavini

Les voeux de Stiff Collar

Mesdames, mesdemoiselles et messieurs, permettez moi de vous présenter mes vœux pour 2013.

Je souhaite que cette année soit heureuse pour vous et vos proches, qu’elle apporte paix, santé et prospérité !

Pour ma part, je continuerai à jongler tant bien que mal entre mon activité professionnel et le blog, pour vous apporter chaque semaine un nouveau petit caillou sur le chemin semé d’embûches de l’élégance.

voeux 2013

Amicalement. Julien Scavini

https://stiffcollar.files.wordpress.com/2009/12/separateur-texte.gif?w=153&h=12&h=12

Pour bien commencer l’année, je vous joins deux vidéos explorant la fabrication des tweeds Molloy & Sons :