En consultant les sites de vente de vêtements pour pour homme, je ne cesse de tomber sur la dissociation de produit ‘chemise habillée’ et ‘chemise décontractée’. J’ai fini par conclure moi-même que cette différence devait être fondamentale dans la penderie masculine. D’un côté du blanc et du rayé, blanc, bleu, de temps en temps rouge ou rose, de l’autre, de l’uni, oxford, chambray, denim et des carreaux, vichy, tartans, mais aussi des points et petits motifs semés.
La dissociation a du sens, c’est vrai, et va dans le sens de mon propos habituel, sur l’usage et l’instant. Je ne peux dès lors pas trouver cela curieux.
Pourtant, force est de constater que dans ma propre penderie, je ne crée pas ou peu cette dissociation.
J’ai beaucoup de chemises. C’est mon petit plaisir. Si j’ai des costumes relativement classiques comme je le disais la semaine dernière, j’ai pas mal de chemises. Je trouve des coupons au Marché Saint-Pierre (chez Sacré Coupon le plus souvent) à Montmartre et me fait réaliser des chemises par mon atelier français*. J’ai donc pas mal de choix. Toutefois, rien d’extravagant, beaucoup de rayures plus ou moins larges et espacées, un peu de carreaux, des unis simples, blanc, bleu ciel, lavande, etc…
Pour moi, toutes ces chemises sont portables semaine et week-end. A vrai dire, le questionnement vient plutôt de comment l’associer. La chemise bleu ciel ou rayée bleue va autant avec un costume qu’avec un chino et un pull-over. La chemise à carreaux genre tattersall va autant avec un costume de tweed qu’avec un velours. La chemise vichy rouge égaye autant un costume simple qu’un chino beige. Ainsi de suite. Je les utilise toutes et c’est l’association qui fait l’instant.
J’ai peu de chemises spécifiquement week-end, à part peut-être un gros tartan spécial Noël (dont j’ai déjà parlé), deux ou trois vieux modèles auxquels j’ai retiré le col pour faire des tuniques, et des chemises à manches courtes Monoprix pour l’été (je porte peu de polo).
Mes chemises habituelles font bien l’affaire le week-end, lorsque je suis en pantalon de velours ou en chino. Point besoin de particularité à mon sens. Peut-être car j’aiguille plutôt mes dépenses vers l’officiel – la semaine – et moins vers le décontracté?
Il me semble – mais je peux me tromper – que le week-end, le goût classique ne commande pas de fantaisie particulière. La segmentation de marché, si elle est logique du point de vue de la collection et de l’orientation de l’acheteur, butte sur la réalité. Les bonnes chemises se portent tout le temps.
Alors certes, j’ai plutôt tendance à mettre des chemises un peu anciennes le week-end, plutôt que les neuves et les blanches, histoire de préserver le beau pour la semaine avec le costume. La chemise décontractée est-elle dès lors plutôt orientée vers celui qui ne porte pas de costume, et cherche dès lors une belle chemise un peu différente? En mesure, rares sont les clients à me demander des chemises particulières (velours fin, lin, points et petits motifs).
Mon fabricant de chemise me disait aussi récemment que de plus en plus de marques demandaient des cols ultra-souples pour les chemises décontractées. Pour en avoir quelques unes de prêts-à-porter variés, je dois avouer être souvent agacé par le manque d’allure et la mollesse de ce genre de col. Autant je préfère que les baleines soient cousues à l’intérieur (pour éviter de les perdre), autant je ne comprends pas ce désir de souplesse. Qu’apporte-t-il sinon du négligé?
Bref, la chemise, un marché mystérieux.
Belle semaine, Julien Scavini
* le prix des chemises ‘mesure’ dans ma boutique est de 140€ l’unité puis 500€ les 5. Et 300€ les 3 sur des tissus fournis par le client.