Les méthodes de doublure

Qu’il fait chaud, mais qu’il fait chaud! En ces temps incertains où les orages doivent arriver, impatiemment guettés comme au milieu des plaines africaines, il est bon de s’interroger sur sa veste de costume. Comment en effet concilier prestance au travail et modération thermique? Pour ceux d’entre nous qui travaillent à la clim’, aucun problème. Mais pour les autres? Notons également que l’air conditionné, vendu depuis les années 50 par nos amis américains trouve actuellement, dans la crise de l’énergie sa limite. Le premier ministre japonnais a en effet et depuis quelques semaines décrété un ‘cool biz’ – comprenez être cool au travail, c’est-à-dire venez sans veste – en raison de l’arrêt de nombreuses centrales nucléaires, et du manque d’électricité qui en découle. Les grandes tours de bureaux, révolution moderne du travail, se transforment alors en immense grille-pain.

Le coton peut-être un atout, bien qu’il respire assez mal. Mais il a l’avantage sur la laine, de s’entretenir mieux, notamment le pantalon, qui s’il est bien fait, pourrait supporter un cycle en machine. Les coupes amples (pas trop grandes!) facilitent aussi la vie, avec une sensation moindre sur la peau. Chemises et costumes trop cintrés sont à proscrire, alors que l’hiver ils sont intéressants.

Enfin et surtout, que mettre à l’intérieur. Comment alléger au maximum la veste? Choisir un coton léger (240gr) peut déjà être une base. Passez ensuite à la doublure. Quatre grandes options s’offrent à vous : A – la doublure intégrale, évidemment la plus courante, en viscose, en acétate, en polyester, en soie etc. Elle permet de réaliser les ‘propretés’, càd camoufler les coutures et l’intérieur (fonds de poches, toiles, coutures, etc).

B – le non-doublé dos, quelque fois appelé 1/4 dos. C’est déjà une avancée. Vous conservez la jouissance des poches de la garniture, et un empiècement doublure finit le haut du dos.

C – le non-doublé. Ici, plus de doublure pour camoufler les fonds de poches etc. Une grande garniture de tissu double le devant, dans laquelle sont réalisées les poches portefeuille. Les poches extérieures possèdent des fonds de poches (donnant sur l’intérieur) en tissu, à la manière des poches de pantalons. C’est une jolie méthode qui donne à voir, tout en étant relativement minimaliste! Les ‘propretés’, càd les coutures sont camouflées par des ganses ou surpiquées-couchées comme dans une chemise.

Dans ces trois méthodes, vous bénéficiez de l’entoilé et d’une épaulette, ces méthodes n’étant pas contradictoires.

D – le non-doublé intégral, quelque fois appelé veste foulard. Ici, il n’existe plus aucune poche à l’intérieur. De même la toile disparait, comme les épaulettes. Le montage de la tête de manche est plutôt comme une chemise. La structure disparait, la veste est molle, effectivement comme un foulard, ce qui peut être idéal pour des cachemires bi-faces bi-colores.

Julien Scavini

Dans l’état, à l’avenir

L’activité tailleur a démarré, enfin après tant de temps. Les soldes commencent bientôt. Mais s’il n’est pas question de prendre part à ce phénomène (il n’y a pas de stock à liquider), j’aimerai en profiter pour faire l’annonce de la mise en place d’un tarif plus doux pour le non-doublé (mais entoilé), option des plus confortables. A partir de 1400€

J’en profite également pour promouvoir une nouvelle offre de grande mesure cette fois-ci. Étant donné le temps qu’il faut pour réaliser un costume, cette offre est limitée à un ensemble par mois. Cela vous permettra de goûter au plaisir de la coupe maison (dessin). Je préfère exclusivement réaliser celle-ci en non-doublé, ce qui est l’avenir à mon avis (mais entoilé), dans des tissus de poids. A partir de 2500€.

Enfin, j’en profite pour évoquer la mise en place d’un service de chemiserie en demi-mesure industrielle, seulement en projet de sourcing actuellement. J’aimerai tenir la fourchette des 90/100€.

Julien Scavini

Manches courtes

Non, nous n’allons pas aborder ce soir le sujet des chemisettes – je sens déjà les tomates pourries arriver – mais bien celui des manches de vestes, irrémédiablement trop longues ! Je crois qu’à tous les prêt-à-porter, je retirerai 1,5cm de longueur ; mais ils sont issus des mêmes tables de gradation.

Il est de tradition de laisser entrevoir 1 à 2 cm du poignet de chemise – tradition détestée en Asie, honnie chez les militaires – mais les tailleurs anglais nous ont appris cette règle, alors autant se la tenir pour dîtes. Dès lors, et comme les vestons en p.à.p. ont des manches généreuses, les chemises s’adaptent en étant plus longues encore, jusqu’à recouvrir la moitié de la paume de la main quelques fois.

Il n’existe pas vraiment de règle parfaitement tranchée en la matière, pour juger de la bonne longueur ou non au demi centimètre près. Soyons pratique : quel est le résultat de manches trop longues (même si la chemise dépasse, donc encore plus longue) : la sensation de chaleur. Il est un fait : recouvrir la veine qui relie la main au bras donne une abominable sensation de chaleur, ou du moins amplifie celle-ci. Et je crois que l’aisance dans ce cas est tout ce qui compte!

La plupart, sinon tous les vendeurs et petits tailleurs prennent la longueur de manche avec le bras coudé à l’horizontale. Je pense que c’est une erreur. Finalement, prêtez-y attention, nous sommes le plus souvent bras vertical, notamment en déplacement. Il convient à ce moment d’avoir de l’allure. Sinon, accoudé à votre bureau, la problématique est différente. Donc je prends la mesure bras tombant. Et comme repère, je me fixe sur le petit os (en fait le sommet du cubitus, opposé au pouce, sur la face externe du bras). J’imagine la veste s’arrêter au dessus, la chemise en dessous, d’où 1,5cm de différence. Rajouter exactement +1,5cm pour un port classique, question de volonté du client vis à vis de son tailleur.

Pour vérification, je place (bras vertical, comme sur l’illustration) la main perpendiculairement au bras, et la fait aller de droite à gauche. Elle doit frotter le poignet de la chemise, mais pas le faire remonter, encore moins la manche veste.

Alors je vois poindre d’ici les critiques : quoi, une manche comme ça? mais elle est trop courte? Oui en effet, la manche est courte, et toutes vos chemises seront irrémédiablement trop longues (je le sais d’expérience). Mais lorsque quelques vestons correspondront à quelques chemises, vous vous sentirez à l’aise, sans jamais de surchauffe à ce niveau et une aisance parfaite pour serrer des mains ou tenir votre sacoche à bout de bras. Évidement, bras coudé, cela fera court, mais cette posture est généralement admise devant un clavier d’ordinateur où c’est un avantage. Et puis personne ne remarquera jamais que vos manches sont plutôt courtes tant que l’harmonie générale est correcte : veste à la bonne taille ni trop longue ni trop courte. Quelqu’un qui est à l’aise et en confiance dans son costume se remarque ; quelqu’un qui a chaud sous un costume trop long, mal adapté ne sera ouvertement pas à l’aise. Monsieur Hulot lui était à l’aise 😉

Julien Scavini

Le dos, une question de fente(s)

Plis, plis d’aisance, fentes, ou encore plis fendus, autant de termes pour désigner le détail de coupe du bas du dos d’une veste. Et la question est récurrente : doit-on choisir une ou deux fentes ? Telle est la question, plusieurs écoles s’affrontent, chacune avec de bons arguments le plus souvent) :

Soyons clair immédiatement, le dos sans fente (ventless) convient aux vestes formelles (comme le smoking) ou aux costumes d’occasions spéciales. C’est l’option la plus ancienne, historique pourrait-on dire. Ce détail est toujours fort apprécié des gentiluomo italiens. En France, les messieurs appréciaient ce détail jusqu’à récemment.

La fente milieu-dos (single vent) est la plus controversée. La France et les Etats-Unis l’adorent pour toutes les vestes, sans distinction d’usage. C’est un détail que nous partageons en commun, conférant une allure ‘complet’ / ‘sack suit’ aux costumes (et qui me laisse un peu perplexe). C’est une solution qui fut adoptée à mi chemin entre le très formel (sans fente) et ce qui est jugé trop informel (deux fentes). Les anglais eux, font différemment. Ils allouent un registre unique à la fente milieu-dos : la veste sport. S’il ne s’agit pas d’une veste de costume, alors une seule aisance sera présente, cette tradition remontant aux lointaines norfolk jacket de chasse.

Enfin la double fente (side vent), de part et d’autre du dos, au niveau des petits côtés. C’est la solution adoptée par les anglais pratiquement dès les années 50 ; la plus confortable pour glisser les mains dans les poches ; la plus élégante à mon goût également, car elle confère une allure, une ligne au bassin.

Enfin petite note d’humour, faite entrer le blazer dans la catégorie de votre choix : formel militaire sans fente, sportwear avec une, urbain avec deux.

Notons par ailleurs la fente centrale en crochet (hook vent) qui est le détail le plus ancien ayant perduré jusqu’à nos jour :

Initialement présente sur les habits à taille, type queue de pie ou jaquette, elle crée un décalage de la symétrie. C’est une technique ancienne. Remarquons d’ailleurs que sur les beaux modèles, le pan (hachuré) est coupé d’une seule pièce, sans couture de taille.

Puis, l’évolution naturelle conduira les vestes courtes à abandonner la couture de taille. La fente centrale reste avec le décalage, la couture princesse (en arrondi vers les épaules) également. Ce détail fait très 1920, avec une fente remontant haut vers la taille.

Finalement, la fente crochet est restée très présente aux États-Unis, pour tout ce qui concerne les vestes sports type ‘Ivy League’, modèles en coton non-doublés le plus souvent.

Pour résumer, notons que l’école anglaise dissocie fortement deux types d’usages sur la fente unique et double ; que français et américains partagent une passion pour la fente unique ; et que les italiens conversent un usage traditionnel, même si l’école anglaise les influence maintenant fortement.

Julien Scavini

Le derby, une passion française

Il n’est pas un jour sans que notre vue et notre esthétique ne soit attaquée à la vue d’horribles chaussures de forme derby. Vous savez, cet horrible écrase-m*** que l’on trouve pour rien – et parfois beaucoup –  dans pratiquement tous les commerces de souliers. Cette forme ‘gauche’ est souvent molle, la plupart du temps avec une semelle collée, et elle reçoit rarement du cirage ou mieux, des embauchoirs.

Si Célio ou Eram vendent en quantité de tels modèles, il en est de même pour les maisons plus haut de gamme, comme Yves St Laurent ou Lanvin. J’ai noté également le bout très arrondis de ses souliers, me faisant penser aux Repetto.

D’autres milieux s’intéressent aux derbys, c’est à dire à ces souliers dont les quartiers de laçage sont rapportés SUR la chaussure, il s’agit des maîtres bottiers. Notons les frères Corthay avec leurs désormais célèbres Arca ou encore M. Delos dont un derby très élégant lui a permis d’obtenir le titre de MOF. Le derby est la mode, et ces derniers m’intéressent beaucoup, même si je n’en ai aucun.

Mais pourquoi diable la chaussure derby intéresse-t-elle tellement? Les usines chinoises en sortent des millions de paires, toutes plus atroces les unes que les autres, et il me semble que Paris en est la plaque tournante. Tout le monde en porte (pas moi, pas nous ?), que ce soit avec un costume ou avec un jean, en marron, en noir etc…

Il pourrait être émis que ce type de montage est plus simple… Ceci n’explique pas la passion des bottiers pour ce registre.

Il pourrait être émis que ce type fait moins bourgeois… Certainement dans l’inconscient collectif.

Il pourrait être émis que ce type n’est pas anglais… Et au fond, ce serait peut-être là qu’il faille aller chercher.

Alors que le richelieu est ouvertement plus bourgeois (une bourgeoisie travailleuse à l’anglo-saxonne, une bourgeoisie de bonnes mœurs), le derby s’affranchit de ce poids, d’où son utilisation par les grandes maisons et par la masse des consommateurs. Le derby fait jeune! Le richelieu, surtout à bout droit, fait papa!

Mais les bottiers parisiens eux, où se situent-ils? Certainement dans une tradition de l’école française, qui se construit, avec quelques trains de retards, contre l’école anglaise, dans un rapport du ‘je t’aime moi non plus’. Porter un derby fait main est certainement une note de grande élégance, tant la forme des corthay par exemple est racée. La ligne est scuplturale, en arc-boutant depuis le talon et en courbe droite jusqu’à l’étrave. Avec des lacets plats! Promenez-vous à Londres avec, vous ne passerez pas pour un anglais, ni un italien d’ailleurs. Et à Paris, vous défendrez ce que j’appelle maintenant, un style français. Un style français d’ailleurs qui était déjà très notable dans les années 50/60 où certains souliers de marque Unic étaient très proches stylistiquement des formes bottières d’aujourd’hui!

Quant à vous, portez-vous ces épouvantables derbys? pourquoi? Ou préférez-vous de solides richelieus anglais? Ou êtes-vous attirés par ces derbys d’un nouveau genre que les bottiers nous confectionnent? Dîtes nous…

Julien Scavini

Synonymes du mot ‘tailleur’

Trouvés dans un dictionnaire d’argot, ces synonymes du terme tailleur ( à noter que certains termes sont plus spécifiques, comme l’apiéceur qui est l’ouvrier du tailleur, spécialisé dans le montage des parties) :

pique-prune  –  frusquineur  –  gobe-prunes  –  pique-poux  –  pique-pouces (terme militaire) –  pompier  –  emmailloteur  –  apiéceur (terme actuel)  –  bœuf  –  fringueur  –  hirondelle  –  loqueur  – coupeur (terme actuel) –  pique-puce  –  tartare  – stoppeur (stoppeur-remailleur, terme actuel).

Julien Scavini