L’architecte

Il y a quelques jours, dans le métro, monte un monsieur. Je le regarde, spectateur attentif de mes contemporains, toujours à l’affût des manières d’être et de s’habiller. Je me suis dit intérieurement, il doit être architecte. Je vous le décris : jean noir délavé passé au gris ; veston un peu trop court anthracite, d’une matière assez peu qualitative et qui endurait certainement depuis longtemps les efforts ; chemise imperceptible, sous les manches de la veste et l’écharpe ; écharpe grise et verte fluo ; sacoche de cuir en bandoulière anthracite ; lunettes rectangulaires à grosses branches ; crane rasé ; beaux richelieus aux pieds, anciennement glacés, certainement d’une très belle maison, mais largement éculés. l'architecte

Pourquoi architecte me direz-vous ? Premier indice, la prédominance du noir et de l’anthracite, non-couleurs par excellence de cette profession depuis que cela a été décrété standard !

– On pourrait objecter qu’il peut aussi être styliste. Non car je pense que la grande écharpe verte sert à le protéger lors des visites de chantier. Roland Castro aurait mis une écharpe rouge. Un styliste/décorateur une noire ou rien, pour montrer son t-shirt Zadig & Voltaire.

– On pourrait objecter qu’il travaille pour Apple. Non car les souliers dénote d’un goût, quelque part bien caché, pour l’ancien. Un Apple-worker aurait mis de larges sneakers à la mode Lanvin. Comme le styliste peut-être.

– On pourrait objecter qu’il est ingénieur du BTP. Non, car l’ingénieur n’aurait pas si ostensiblement poussé l’accord de gris, et ne porterait certainement pas de richelieus, sauf l’ingénieur commercial en costume.

L’architecte est précisément entre tout ça ; entre le styliste, qui serait allé dans une autre direction, et l’ingénieur, qui aurait fait moins d’effet. Mais enfin, tout de même, quelle tenue médiocre ! Le pire étant peut-être l’accord de cuir marron et de coloris gris dans une même tenue, fut-elle sport. Avec cette tenue, des souliers noirs – oui quand même ! – n’auraient pas été de trop. Peut-être même de légères baskets.

Cela a toujours été une interrogation. Pourquoi diable les architectes, ceux qui sont censés rendre les villes plus belles, sont ils si mal fagotés ? J’eus même un professeur dont je tairai le nom qui, à cinquante ans passés, tout de noir vêtu, habillé ses pieds de baskets… à scratch… noires -!- L’architecte s’affranchit des règles. C’est même comme cela qu’on le forme. La disparition du canon Beaux-Arts, auquel tout un chacun pouvait référer, architecte doué ou moins doué, a laissé place à une dictature du génie personnel. A chacun de créer son propre canon, et tant pis si cela crée d’un côté de grands génies créateurs de leurs propres canons – louons les – et de l’autre une masse considérable qui tente de surnager, et nous affuble d’affreuses laideurs. C’est aussi comme ça que fonctionne le stylisme. Sauf qu’une robe ratée passe à la trappe, un bâtiment reste. L’égalité des chances au départ de la formation ne pousse pas vers l’égalitarisme progressiste. Au contraire…

Peu d’architectes de nos jours sont bien vêtus. Le seul qui fasse un effort classique parmi les grands noms est Jean-Michel Wilmotte, que tous ses confrères traitent d’affairiste. Gros mot. Sinon, Valode et Pistre, niette. Jean-Nouvel, ouh la ! Frédéric Borel, comment dire… Christian De Portzamparc, passons. A l’étranger, Rem Koolhaas, Frank Ghery, Renzo Piano (pourtant italien!) ou Richard Rogers (un peu ingénieur, on l’excusera) ne rehaussent pas le niveau. Seule une petite frange des Architectes en Chef des Monuments Historiques et autres Architectes des Bâtiments de France font mine d’un peu d’élégance. L’éducation aux classiques anciens sans doute.

Bref. Cet article n’a pas pour but de frapper et de faire mal, mais simplement de soulever avec humour le point commun à toute une profession. Inutile de le prendre mal. Ceci dit, maintenant j’en suis convaincu, ce monsieur EST architecte !

Bonne méditation.   Julien Scavini

Les longueurs des manteaux

En marge des précédents articles sur les manteaux, et alors les températures se raccrochent encore à l’hiver, étudions ce soir les longueurs types de ces derniers. Car la mode évoluant, les longueurs évoluent aussi. Et d’une certaine manière, vers le riquiqui, mais ne nous fâchons pas ! Étudions la planche ci-dessous :

longueur manteau

De haut en bas :

  1. La sur-veste. Longueur classique et très sport, sur le modèle des Barbour. Il est plus long que la veste de quelques centimètres, pour arriver à la fin de la main. Idéal pour l’ordinaire et les mises décontractées du week-end.
  2. L’auto-coat. Comme son nom l’indique, il fit fureur dans les années 60, la conduite automobile se démocratisant. Alliant style d’un manteau classique et longueur raccourcie, il est presque devenu le standard de nos jours, notamment avec le développement des ‘cabans’.
  3. Vers le genoux ou au dessus de celui-ci. Typique des manteaux raglans et autres imperméables classiques, c’est une longueur qui laisse de l’aisance pour marcher ou faire des activités de loisir.
  4. A la ville, la longueur typique était et reste entre mi-mollet et en dessous du genoux. Oui c’est peu long, mais la proportion est satisfaisante, notamment si l’on est attentif à la position des poches. 3 boutons est moderne, 4 boutons en classique.
  5. Entre mi-mollet et la cheville, standard ancien que l’on ne voit plus guère. A l’instar du duc de Windsor, vous le sortirez pour les soirées à l’Opéra.

Et vous, quelle est la vôtre ? Bonne semaine, Julien Scavini

 

Le manteau anthracite

Finissons cette semaine sur les manteaux, alors même que le printemps pointe son nez. Le manteau anthracite donc, qui constitue l’ultime choix pour le élégants à la ville, et peut-être même le seul manteau qu’il faudrait avoir ; seul manteau absolument classique, plus que le noir en tout cas, et complémentaire d’un pardessus plus sport, dans les tons marrons, peut-être même dans le genre blouson ou Barbour.

Le premier modèle, le plus simple pourrait être appelé Chesterfield, bien que ce modèle d’après Bernhard Roetzel soit réalisé dans un chevron fondu. Mais on peut tout à fait l’envisager dans une lourde flanelle, ou un drap fort peigné. C’est l’excellence même ! ; manteau de tous les jours, si vous êtes en costume, par dessus des tons marines ou gris. Si le pardessus est très foncé, il aura l’avantage d’être parfaitement passe-partout. Il pourra même intégrer quelques pour-cents de cachemire, pour la douceur. Notons qu’un manteau se conserve des années, car vieillit plutôt lentement. Ceci dit, faire à son sujet un achat un peu couteux est vraiment un bon investissement. Car un manteau pas cher ne tient pas chaud (les tissus sont légers, car simplement le transport en conteneur de marchandises se paye au poids) et se fatigue vite, entre lustrage et épaules qui tombent.

manteaux anthracitesSi l’on va un peu plus loin, abordons le thème du manteau de ville, un peu plus sport avec le modèle ‘british warm’. Traditionnellement ce manteau est réalisé dans un drap chaud de laine dans les tons marrons / beige. Ceci dit, si vous affectionnez les mises en noir et blanc mais un peu ‘sports’ (le prince de galles classique est à ce sujet un must-have), il pourra se présenter dans un grand chevrons anthracite. Le ‘british warm’ est croisé et peut avoir deux cols : celui du ‘polo-coat’ ou ‘voyager’, donc un grand col facile à porter relevé, ou celui du croisé, à savoir deux pointes simples. Il possède classiquement des épaulettes, rappelant son origine militaire, mais elles ne sont peut-être plus tout à fait à la mode. J’espère que pour l’hiver prochain, votre choix sera plus éclairé 😉

Julien Scavini

Le manteau bleu marine

Pour rebondir sur l’article d’il y a quinze jours, j’ai réalisé ce jour deux illustrations avec des manteaux. Il me semble que c’est un choix un peu moins classique ou britannique de faire faire un manteau bleu. Pour autant, c’est un choix d’esthète de nos jours, le bleu était une très belle couleur, avec une immense profondeur. L’avantage du bleu marine : il est toujours plus lumineux que l’anthracite à nuance égale.

manteaux bleu marine

Deux modèles passent très bien en bleu. Le premier est le Rain-coat, raglan ou à manches montées, sur le modèle du Macintosh. En lourde toile de coton ou alors en fin whipcord, c’est peut-être l’un des pardessus les plus versatiles qui soient, à la fois urbain et sport. Il peut être cintré ou non comme sur mon illustration. Ses deux poches raglans permettent de tenir chaud aux mains si l’on a pas de gants.

Le deuxième modèle représenté est un type chesterfield (donc sans les coutures parallèles en bas et des manches, comme sur le covert coat). En bleu marine, il passe immédiatement pour quelque chose d’assez habillé, mais que vous n’aurez pas de mal à accorder à des mises plus sport, dans un esprit franchement italien. Et en effet, comme soulevé par un lecteur la dernière fois, avec un pantalon – ou un costume – gris, cela passe bien. Les souliers noirs ne gênent pas trop la lecture. En revanche, les gants noirs jurent un peu. J’ai été obligé de redessiner des gants bleus. On trouve des nuances de la sorte chez les gantiers. Qu’en pensez-vous ?

J’espère avoir rassuré certains lecteurs décontenancés. La semaine prochaine, nous étudierons le covert coat gris, un classique parmi les classiques. Bonne semaine, Julien Scavini.