Le gilet matelassé

Il y a plus d’une décennie, j’avais acheté chez Hackett un gilet matelassé assez épais, très rembourré de plumes. Qui n’en finissent toujours pas de sortir occasionnellement d’ailleurs. J’aimais beaucoup la praticité de cette pièce, à une époque où j’étais assez seul à en porter. Je ne voyais pas tellement de monde avec, à part peut-être les amateurs de chasse, pêche et traditions. Barbour n’était pas encore tellement à la mode. J’avais essayé de porter ce gilet sur une veste, ou sous une veste. Mais il était bien trop rembourré, aussi était-ce ridicule, d’une manière ou d’une autre. Sur le pull, c’était très bien.

Depuis quelques années j’assiste toutefois à une explosion de gilet matelassé. Il est partout depuis qu’Uniqlo et d’autres l’ont démocratisé, à grand renfort de matières artificielles. C’est peut-être mieux pour les oies. A toutes les sauces, de toutes les couleurs, quel succès fulgurant.

Ce faisant, il est devenu un sujet plus qu’électrique lorsqu’associé avec le costume. Je ne compte pas les amis qui essayent de me convaincre de l’ignominie du gilet matelassé sous la veste. Et je m’en amuse à chaque fois. L’ancien Premier Ministre Édouard Philippe aimait cette allure, et j’entendais pis que pendre sur le sujet. Il y avait probablement une pointe de raillerie politique au delà de ce simple gilet…

Parfois, je le rappelle, ce n’est même pas un gilet, mais des bouts de gilets zippés et rapportés à veste, pour lui donner un côté sportwear deux en un. Classique aussi bien chez Corneliani que chez Celio, du plus cher au moins cher. Il faut bien reconnaitre que c’est un coup de génie. En hiver la veste est chaude avec son morceau de gilet intégré, et au printemps, cette partie peut se retirer.

Mais est-ce élégant le gilet matelassé avec son col cheminée montant sous une veste ou un costume ?

Je me garderai bien de donner une réponse définitive. Toutefois, je note que c’est un retour de l’ancestral gilet, qui lui a presque disparu. Le trois pièces est rare. Et avec ces tissus quatre saisons, les costumes ne sont guère chauds, et cette petite épaisseur en plus est salutaire. En revanche, il est vrai que la forme montante n’est pas aussi gracieuse que le gilet tailleur, échancré en V. Peut-être alors faudrait-il créer des gilet matelassé taillé comme chez les tailleurs, en V ? Edouard Philippe, encore lui, semble l’avoir trouvé. Seyant? Je ne sais pas, voyez plutôt :

Monsieur Darmanin semble le porter entre le costume et le manteau. Il est vrai que la plupart des tissus de manteaux sont fait pour les petits froids. 500grs de laine, ce n’est pas tellement épais. Je conseille moi-même cette astuce à mes clients mesure, en complément au mois de février. Ils ne sont pas obligés de m’écouter !

Au fond, je peux comprendre aisément les amateurs d’un petit gilet matelassé façon Uniqlo sous la veste de costume. Je ne les blâme pas du tout. La seule chose que je remarque est la petite dissonance entre l’habillé et le décontracté. Le gilet matelassé, ça fait un peu sport, genre « je descends de moto » ou « je me presse car j’ai un train à prendre ». Il rompt un peu la dignité du costume.

En même temps, je suis heureux, même très heureux pour le costume. Ce vénérable habit trouve peut-être là un allié utile. Si le gilet matelassé permet au costume de retrouver grâce, ou même de perdurer un peu plus, je ne peux qu’applaudir. Il redevient un peu trois pièces ! Ce n’est pas facile d’essayer de professer que porter le costume est un plaisir. Si pour certain cet accessoire est essentiel et rend le costume plus agréable, je ne peux pas dire grand chose. Je préfère cela au sweat plus doudoune.

Tout le monde a le droit d’être frileux. Pour ma part je porte plutôt des t-shirts chauffants, du même Uniqlo, sous la chemise. C’est formidable. Lorsqu’il avait beaucoup neigé, je crois que c’était en 2019, j’avais gardé quelques temps ce fameux gilet synthétique sous le costume. Agréable encore une fois, mais un peu dépenaillé comme mise. La juste réponse serait peut-être de beaux modèles en flanelles, cela existe, assez minimalistes, et pas trop longs, pour s’arrêter aux alentours de la ceinture. La quadrature du cercle au fond. Je ne connais pas de marque précise, mais je suis sûr que quelques amateurs vont m’en indiquer en commentaires, utiles à tous.

Je n’ai donc pas un avis tranché comme vous le lisez. J’aime le confort de ce gilet matelassé sous une veste, mais je reconnais volontiers que ce n’est pas réellement élégant, la faute à la matière et à la coupe.

Sous une veste sport en revanche, j’oserais dire que tout est permis. Le registre décontracté s’y prête. Attention toutefois, c’est le règne des couleurs variées et des textures. Le gilet en nylon marine sous un beau tweed vert mousse, ce n’est pas très élégant non plus. Il faudrait trouver un tel gilet en tweed, quelque chose qui crée un intéressant rapport de couleur et de matière.

Sinon, est-ce tout simplement cette encolure cheminée, montante et enveloppant le cou qui n’est pas jolie ? Je reviens à mon intuition de départ. Ce col « camionneur » comme il s’appelle rompt avec la tradition d’une encolure dégagée, seulement camouflée sous une écharpe ou un beau châle. Ces gilets techniques font oublier l’écharpe. C’est là qu’ils sont coupables. Coupables d’outrage à un autre bel accessoire.

Et puis, il y a aussi ceux qui veulent porter le gilet matelassé par dessus la veste, façon Brunello Cucinelli. Je ne suis pas sûr de trouver très beau que la veste dépasse sous le gilet, comme lorsqu’une parka trop courte dévoile le bas de la veste. Kitsch au possible. Mais c’est un effet de mode, un peu années 80.

Voilà donc pour ces quelques réflexions, ou divagations, sur cette petite pièce très technique et très dans l’air du temps. Pour ou contre sous la veste et surtout sous la veste de costume, telle est la question ? Aime-t-on mieux le chandail un peu large façon Frédéric Mitterand?

Bonne réflexion et bonne semaine, Julien Scavini

La veste-gilet

On ne peut pas dire que l’effervescence nous habite beaucoup ces temps-ci. Paris est curieusement si calme. Pour les commerces, je ne parle pas seulement du mien, cette mollesse inspire peu. Tout le monde semble ne s’intéresser qu’au très utile, rester chez soi, télétravailler et manger. Mince alors. Pour la vie en général, le plaisir de faire marcher la ville et la communauté, et la beauté au fond. Je ne voyais même pas quoi écrire sur le blog ce soir. A quoi bon ?

Mais il n’y a pas mieux qu’un bon bain bien chaud pour décanter les idées et les remettre en ordre. Et un peu de Brahms.

Aussi ai-je repensé aux puces et à mes derniers petits achats céramiques. Un plaisir. Je vais à celles de la Porte de Vanves. Au milieu des étales diverses et variées, du plus beau au plus ordinaire, il y a là un marchand spécialisé en belles fripes, Charvet, Arnys, Old England, Burberry’s et consort. Il présente toujours quelques chaussures élégantes aussi. J’échange toujours quelques mots avec lui. Dernièrement, mais je l’avais déjà vu en porter un par le passé, il avait revêtu une sorte de long gilet. La longueur d’une veste mais sans les manches. Ou autrement dit, un gilet mais de la longueur d’une veste.

Je ne sais s’il existe un mot pour appeler cet habit. Je sais que les catalogues d’Arnys en présentaient. Je sais aussi que le Prince Jardinier en propose (existe-t-il un site de vente en ligne avec des photos aussi floues et inélégantes ?). C’est certainement un vêtement de vénerie ou de chasse. Il a une petite allure d’ancien régime, un je-ne-sais-quoi de dignité et de panache aristocratique. Une décontraction mise en scène.

Le gilet long de ce marchand, coupé dans un tweed lourd, présente de grosses poches cartouchières à soufflets, très élégantes car les rabats sont en biais. Pas de poche de poitrine. Il se ferme comme une veste trois boutons avec des revers. Une veste presque, mais sans manche.

Le Prince Jardinier présente à l’inverse un gilet à l’allure plus martiale, avec un col de tunique. Et pour me combler, leurs exemplaires ont des passepoils contrastants aux poches. C’est frais et amusant.

En fait, je pense que la forme peut varier : revers classique ou col officier, bas carré ou arrondi, fentes dos ou fentes côtés. Suivant que le vêtement est fabriqué par un atelier de tailleur ou un atelier de chemise, ces fondamentaux peuvent évoluer.

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En voyant le pucier, je me suis interrogé sur le moment. Est-ce très agréable à porter ? Suffisamment chaud ? En bref, est-ce que cela a de l’intérêt ?

Je n’aime pas beaucoup les pulls. Car soit ils mettent en avant un corps sans trop de forme s’ils sont moulants ; soit ils flottent en faisait paraitre le buste beaucoup plus gros que la réalité. Or l’avantage des pièces tailleurs, c’est que leur structure emballe et camouffle. L’entoilage donne de l’allure et un maintient au vêtement. Dès lors, ce grand gilet habille élégamment et tient au chaud le corps, en laissant les bras libres de leurs mouvements.

Ce n’est pas une mauvaise idée.

Toutefois, en termes de fabrication, c’est presque aussi cher qu’une veste à faire. Dès lors pourquoi se passer de manches pour le même prix ? Le gilet conventionnel n’a pas d’encolure, pas de tissu dans le dos où l’on place de la doublure, et il est coupé avec simplicité en quatre pans. Ce gilet-veste lui est strictement comme le corps d’une veste. Il demande donc un peu de travail.

Si j’avais du temps je m’en couperais volontiers un pour tester. Pour mon travail ce serait assez formidable. De la dignité dans la présentation, utile devant les clients, mais de la souplesse dans les actions manuelles. En fait, pour le jardinier, c’est une pièce super! En cette saison où il fait un peu chaud pour totalement garder la veste mais pas assez pour être en lin, il y a là une sorte d’intérêt!

Pour la mi-saison, et malgré mes hésitations, j’ai tendance à penser que peut-être, c’est une pièce utile et intéressante. Surtout pour l’allure en fait. Car d’allure, assurément, ce gilet n’en manque pas ! Plus que jamais il faut rester digne et élégant !

Bonne semaine, Julien Scavini

Trucs et astuces du costume en été

L’été arrive. Les chaleurs aussi. Que faire lorsque le travail impose de porter un costume mais que les transports en commun, dès le matin sont un supplice qui rend humide ? La réponse n’est pas simple.

Vous ne le savez peut-être pas, mais la plupart des vendeurs de prêt à porter que je connais, y compris dans les grandes maisons, ne s’habillent pas chez eux pour aller au travail. J’ai connu il y a très longtemps chez Hackett un vendeur qui arrivait en bermuda basket avant de se métamorphoser dans le vestiaire en super dandy. De même à la boutique de chaussures à côté de mon échoppe, le vendeur part le soir de manière bien plus décontractée qu’il n’est durant la journée. Un ami chez Berluti fait aussi de même. Et même, un autre qui travaille au siège d’HSBC affronte quotidiennement le RER dans une tenue légère, ses costumes étant dans son bureau. (Il a un grand bureau). C’est donc bien la preuve qu’il faut être inventif pour ne pas trop souffrir et rester frais.

Le gilet peut aussi être envisagé si vous n’êtes pas trop obligé d’avoir la veste. Vous pourriez ainsi la laisser au bureau et vous déplacer en bras de chemise. Votre tenue peut être composée le matin sans aucune veste aussi. Vous pourriez alors faire confectionner un simple ensemble pantalon + gilet ? Peut-être que votre employeur n’y verra que du feu. Vous pourriez avoir ‘laissé’ la veste à votre poste de travail…

Quand il fait chaud, je recours beaucoup à ce stratagème. J’enfile le matin un pantalon et un gilet seulement. En plus, ce dernier donne plus d’aisance, ce qui est idéal pour se courber jusqu’aux chevilles des clients.

En fait le gilet est une pièce paradoxale. Vous pouvez y avoir recours l’hiver pour avoir plus chaud et l’utiliser l’été comme vêtement de dessus pour ne pas avoir trop chaud. Cela reste très élégant.

Pensez aussi aux avantages indéniables des laines froides. Avec une trame ouverte permise par un tissage lâche, la laine respire. Vous pouvez demander aux bédouins qu’elle est la meilleure matière dans le désert. La laine !  C’est une matière confortable, aussi bien lorsqu’il fait froid que chaud, car elle régule la température corporelle. En plus elle drape admirablement et est ordinairement élastique, donnant de la liberté aux mouvements. Et le froissage disparait naturellement lorsque vous suspendez le costume. Le lin et le coton n’ont pas autant d’avantages.

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Question couleur, je trouve qu’il est de bon aloi de changer un peu de registre par rapport aux couleurs sombres de l’hiver. Aimez le gris et le bleu clair. Sans aller jusqu’au bleu ciel improbable sur un homme blanc, les bleus ardoises et bleu-gris parfois appelés air force blue sont résolument opportuns. En plus, ils vont bien avec des souliers marrons. Bien sûr, j’adore pour ma part les costumes beiges, qui se vendent assez bien et reviennent à la mode. Mais la nuance sable ne plait pas à tout le monde. C’est dommage, elle est pourtant d’un chic indéniable, qui vous place au dessus du lot!

Il est aussi intéressant de recourir à des mini chaussettes qui dégagent les chevilles. Associées à un mocassin, elles permettent au bas de la jambe de bien respirer et de profiter des petits courants d’air au sol et le long du mollet.  Une chaussure plutôt légère sera d’ailleurs plus agréable en été. Pourquoi pas dans les transports mettre une basket ou un sneaker simple, genre petite chaussure en toile? Les chaussures en cuir restent au bureau, c’est simple et efficace.

Pensez aussi aux chemises. Les manches ne doivent pas être trop longues pour que le poignet reste dégagé. Une manche plutôt courte laisse mieux respirer l’articulation de la main, ce qui procure un sentiment de liberté et de frais relatif. Et pourquoi pas une belle chemise en lin, ou en lin et coton? Cela ne choquera personne au travail et vous serez plus au frais.

Pour ma part, je l’ai souvent dit, j’apprécie les chemises à manches courtes. Mais jamais sous une veste ceci dit, c’est ridicule. Si vous ne portez pas de veste, mais simplement un pantalon (et un gilet?), et que le modèle ne fait pas trop bord de mer (notamment à cause de dimensions étriquées), allez-y. Les japonnais y ont beaucoup recours. En blanc, c’est simple et efficace.

Ainsi donc, il faut jouer avec toutes les options et étudier tous les points de la tenue pour résister de la meilleure manière à la chaleur. Pensez y.

Bonne semaine, Julien Scavini

Les gilets à revers

Lorsque l’on parle de gilet à revers, tout le monde pense immédiatement au gilet croisé. Ce modèle classique a toujours des revers. Je préfère d’ailleurs ceux à cols châles, bien généreux. Les revers en pointes sur un gilet sont curieux lorsqu’ils sont portés, car la veste laisse entrevoir deux petites coutures (celles du col du gilet) sans réel intérêt. Certaines maisons créent des gilets croisés sans revers, ce qui m’a toujours laissé perplexe. Je trouve qu’il manque alors quelque chose.

D’un autre côté, il y a le gilet droit. Ce modèle n’a habituellement pas de revers. Sauf le gilet très échancré, comme celui qui va avec un smoking ou une queue de pie. Le revers y est d’ailleurs est assez large et sa forme très variée.

Sur le gilet 5/6 boutons traditionnel, il est assez rare de trouver des revers. Sauf que depuis quelques années, les petits revers sur les gilets sont appréciés. J’ai eu des doutes au début. Car bien souvent, ce sont les tenues en tweed qui possèdent de tels ornements. Or, cela fait beaucoup d’épaisseur. Et puis dans les matières raides, ces petits revers peuvent rebiquer.

Seulement, force est de constater que dans un tissu léger comme une laine de ville, les petits revers peuvent avoir du panache. C’est incontestable. J’ai rarement eu l’occasion de réaliser cela pour des clients, mais je reconnais volontiers que l’effet est intéressant.

Question forme, il existe une hiérarchie entre les cols de gilet. Passons en revue quelques idées.

A GAUCHE : veste droite revers cranté : gilet droit sans revers.

A DROITE : veste droite revers cranté : gilet droit avec revers cranté ou châle (assez rare). Occasionnellement gilet croisé col châle dans le goût de Cifonelli.

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A GAUCHE : veste droite revers pointe : gilet droit avec revers châle (assez rare) ou un gilet à revers cranté. Mais le col cranté du gilet me parait un peu dissonant avec le col pointe de la veste.

A DROITE : le mieux avec une veste à col pointe est un gilet croisé, avec un col châle ou pointe selon le désir.

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Je souhaite que ces quelques propositions vous inspirent. En tout cas, elles permettent d’égayer des tenues de manière assez simple et de donner un peu de fantaisie au gilet tout en restant dans le cadre bien normé du classicisme que l’on aime.

Belle semaine, Julien Scavini.

Aux couleurs de l’Union Jack !

Récemment, je faisais une recherche sur Albert Golberg, créateur de Façonnable et qui se consacre maintenant à sa nouvelle danseuse, Albert Arts, une marque implantée à Nice, sur la côte d’Azur. Albert Arts propose comme j’ai déjà pu l’évoquer ici et là, des articles de grande qualité. Mais surtout des articles hyper brandés et reconnaissables par l’utilisation d’une palette de couleur extrêmement restreinte : les couleurs de l’Union Jack, qui sont déclinées à l’envi. Ces couleurs sont au nombre de trois : rouge, blanc, bleu.

Vous connaissez depuis longtemps ma passion pour les harmonies de couleur. Le bleu reste la couleur la plus masculine qui soit. A partir d’un bleu de prusse ou d’un bleu marine, par adjonction de blanc, il est possible d’obtenir des nuances plus claires, pétrole ou azur par exemple. Tous ces bleus s’associent entre eux à merveille, chinos marine avec chemise ciel, complétés parfois par des souliers en veau-velours cobalt ou une veste en seersucker rayée barbeau.

Bref, Albert Arts use et abuse du drapeau anglais qu’il plaque sur beaucoup de ses créations. Par là, le ‘petit’ façonnier de Nice se rappelle l’âge d’or de la promenade des Anglais. L’Union Jack fait symbole et il n’est pas le seul à l’avoir compris : Hackett et Barbour au Royaume-Uni utilisent la même tactique, de même qu’un nombre très impressionnant de couturiers. Certains utilisent l’emblème par attachement conservateur, pour véhiculer un idéal de qualité et de respectabilité, distillant par là même un esprit tailleur, celui de Savile Row et Jermyn Street. D’autres en revanche le dérobent dans un esprit pop, libéral et novateur, détracteur ou rebelle aussi. C’est l’Union Jack de l’esprit rock, des Beatles et du renouveau post-industriel.

gilet rouge

La maison de Nice se situe certainement plus dans la première catégorie. Et à partir de ces trois couleurs tisse un véritable dialogue de nuances. Les cravates, la plupart du temps magnifiques alternent marine et rouge avec marine et blanc. Les tonalités se croisent et se conjuguent donnant à l’ensemble des produits proposés une véritable homogénéité. Qui plus est dans une gamme masculine. Je loue cet effort qui est fait. Au fond, pourrait-on dire qu’en dehors du bleu et du blanc, point de salut ?

Ceci étant dit, il convient de remarquer le rôle pivot du rouge dans cette dialectique. Une couleur pas évidente car parfois criarde, en tous cas toujours forte. Une cravate rouge ou une paire de chaussette rouge, cela réveille et parfois choque. Tout autant qu’un pantalon rouge, sans parler d’une veste rouge ! Une couleur à laquelle beaucoup d’hommes préfèrent le violet, plus discret.

Je voulais vous faire part de ce court sentiment après avoir vu la photo d’une mise avec un gilet rouge, superbe ! Cette touche de couleur rehaussait toute la mise, sport d’ailleurs. Elle l’égayait et lui donnait une vraie personnalité. Sans être de trop, l’ensemble parait à la fois classique et légèrement désinvolte.  Enfin, je souhaitais parler de l’Union Jack pour faire remarquer et pour s’amuser du fait que les couleurs de notre drapeau – étant l’exact inverse, bleu, blanc, rouge – sont bien moins souvent placardées sur les vestes que le drapeau de l’Union !

Bonne semaine, Julien Scavini.

La saison des mariages, partie IV

Suite et fin des diverses possibilités pour s’habiller à SON mariage et ce soir pièce incontournable : le costume gris. Le mariage est l’événement formel par excellence, rare par définition. Le vêtement absolu (et rare) en terme de style reste d’abord et avant tout la jaquette. La jaquette est constituée d’un vêtement long (jusqu’aux genoux) de forme caractéristique (rond sur le devant et un bouton), principalement noire ou grise, que l’on associe avec un pantalon noir rayé de gris et de blanc (au dessin caractéristique la encore) et un gilet gris clair ou de couleur. Pour plus d’information, cet article fait le point sur le sujet.

Un client m’interrogeait récemment sur le porte de la veste longue, genre redingote. Comme il me dit, c’est la proposition incontournable des vendeurs ‘marieux’, et comme il me dit aussi : « c’est toujours d’un goût douteux ». J’étais d’accord. Il s’agit là d’une invention contemporaine, batarde du point de vue du style. Si l’idée découle des redingotes droites du début du siècle, l’esprit ici est radicalement différent, et totalement déguisé. A la limite, tant qu’à être mal fagoté en ‘costard’ dans la vie de tous les jours, autant l’être aussi à son mariage. Non, ce vêtement est idiot, surtout en écru brillant comme il est possible de voir dans les vitrines. Si l’on veut un vêtement long, alors il faut se tourner vers la jaquette. En plus, si l’un comme l’autre se portent peu, vous pourrez reporter la jaquette à d’autres mariages, alors qu’il serait saugrenu de reporter une redingote blanche ailleurs (et même à votre mariage).

Bref, si vous trouvez la jaquette un peu trop formelle et pas pratique (car il est vrai qu’il est difficile d’arriver au bureau dans une telle tenue), l’alternative courte serait le costume gris ou anthracite. Je passe volontairement sur le ‘stroller’, qui paraitra décalé aux non initiés.

Je trouve le costume gris légèrement plus formel que le costume bleu marine à un mariage. Peut-être pour le côté plus éteint, moins lumineux que le bleu. Un bel anthracite, peut-être à chevrons fins comme pour les jaquettes peut être du plus bel effet, avec une chemise blanche et des souliers noirs. Là encore, le gris du costume appelle plus logiquement le noir aux pieds.

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Ce costume peut être trois pièces aussi. Trois pièces sur même tissu, trois pièces avec un gilet du même tissu mais d’une teinte plus claire, ou encore trois pièces avec un gilet dépareillé. Trois écoles se font face.

J’ai réalisé l’année dernière pour un client un complet gris moyen, dans une belle laine froide, lourde mais avec un veston non doublé. Avec, nous avons décidé de réaliser un gilet droit dépareillé, bleu ciel à fines rayures blanches : un tissu de costume, une laine froide là encore, sélectionnée dans une autre liasse. J’étais interrogatif lors du choix – du client – mais conquis par le résultat. L’ensemble était léger et très agréable et le rappel de bleu et de blanc faisait écho à la chemise et à la cravate.

Cet année, j’ai guidé un client vers un costume gris uni, d’une coupe relativement simple (deux boutons, deux poches horizontales) associé à un gilet croisé. Ce gilet, plutôt que de batailler des heures à trouver un autre tissu coloré, nous l’avons simplement réalisé dans le gris clair, juste à côté dans la liasse. Sans complication, mais avec un rendu exceptionnel. Ainsi, le complet n’était pas chargé et juste assez formel pour cet événement. Passé le mariage, le costume intégrera la vie de tous les jours et le gilet pourra ressortir à l’occasion de baptêmes ou fêtes de famille. D’une pierre, deux coups.

Je souhaite qu’avec ces diverses propositions, ce long chemin pour les non initiés paraitra plus simple et plus agréable à parcourir. Retenez une chose de ces articles. Il ne sert à rien de vouloir absolument faire de l’effet à votre mariage. Vous êtes le marié, tout le monde le saura. Et le simple fait de pousser la porte d’un tailleur donnera déjà à votre costume assez de cachet et une allure remarquable. Cela suffit.

Bonne semaine, Julien Scavini

Le gilet dépareillé

L’idée même du gilet dépareillé m’a toujours paru curieuse. Avec la jaquette, il s’agit du complément essentiel. Aussi, avec un costume de tweed uni, un petit gilet épais en tattersall est idéal. Mais pour le reste je me suis souvent interrogé. Et puis un client m’a demandé un gilet gris clair droit pour mettre avec un costume anthracite. Why not. Et le résultat était plutôt pas mal.

Alors je me suis interrogé et ai fait quelques recherches. Car si l’on met assez peu de nos jours de costumes trois pièces, avoir un petit gilet avec un costume, qu’il soit appareillé ou non, peut présenter beaucoup d’avantages. Vous pourrez le porter pour le mariage d’un ami en complément de votre costume de travail, ou alors à une soirée d’anniversaire, ce sera plus habillé !

03 Mise en page _ LayoutDans un numéro du magazine Adam des années 50, j’ai trouvé ces deux options pour des gilets dépareillés. Ainsi, avec un costume droit, qu’il soit à crans pointus ou à crans normaux, il est possible de faire faire un petit gilet droit ou croisé. Et au delà de la différence de tonalité (bleu ciel sur bleu marine, gris clair sur gris foncé) vous pouvez jouer sur la couleur. Ainsi, en complément d’un costume anthracite, nous pourrions imaginer un petit gilet aubergine, de lin et coton, ou en shantung de soie ; et avec un costume bleu marine – le plus simple possible – un gilet rayé bleu ciel et blanc, pourquoi pas avec une rayure à l’horizontale ? Bref, imaginez les possibles. Un gilet n’est pas une pièce onéreuse. Et cela apportera à votre costume uni une touche de fantaisie qui reste dans les limites du goût et des usages !.

Julien Scavini

La bonne longueur du gilet

Le gilet revient un peu au goût du jour, c’est un fait. Même si l’été aura certainement provisoirement raison de ce revival. Le gilet est partout présent sur les publicités des grandes maisons italiennes ou américaines. Et je suis ravi de le constater. C’est en effet une pièce indispensable pour être vraiment à l’aise, au chaud l’hiver et qui vous confère, une fois la veste tombée, une allure qui reste honorable. Mais attention également, cette petite pièce est aussi utilisée par les grandes marques de prêt à porter bas de gamme ou même les vendeurs de chez Ladurée, avec un lustre bien plus fade. Car il s’agit d’une pièce compliquée, plus qu’il n’y parait et dont la (bonne) relation avec le pantalon est primordiale.

Le gilet est une pièce relativement économique en tissu que l’on peut couper dans des chutes (bien pensées). Sa forme est très variable, croisée ou droite, avec ou sans revers. Il peut techniquement être porté sous toutes les vestes, croisés ou droites, jaquette ou queue de pie (plus que conseillé dans ces deux cas). Il peut arborer deux poches poitrines (appelées aussi poches tiroirs) ou quatre, ou encore des poches passepoilées, avec ou sans rabat. Si vous vous faites confectionner un costume, n’hésitez pas à commander celui-ci. Même si vous ne l’utilisez que rarement, vous serez à l’occasion ravi d’avoir cette petite pièce.

L’une des erreurs la plus importante que l’on constate actuellement est le port du gilet avec un pantalon taille basse, de même que beaucoup de pantalons à taille ‘contemporaine’, càd reposant sur les hanches. Un gilet est une pièce très courte et qui possède une légère pointe devant, restant de ces ancêtres. Cette pointe doit couvrir le pantalon. Sur le côté, la croisure doit être minime, mais existante. Il ne faut pas apercevoir la chemise. Le seul pantalon adapté au port correct du gilet est le modèle à taille haute! Porté avec des bretelles évidemment car il ne faut pas qu’il descende. Les pantalons de costumes classiques sont en général un peu juste, mais les bretelles peuvent parfois permettre d’atteindre la bonne altitude sans pour autant comprimer … vous savez-quoi.

Du coup, les stylistes très intéressés de nouveautés ont allongé les gilets. Pourquoi pas, mais en prêt-à-porter c’est une gageure. Il me semble en effet que les hanches sont systématiquement sous-dimensionnées, à voir comment les vestes ouvrent à l’arrière. Les hommes ont aussi des fesses, oui! Et le gilet long bute alors sur le haut des hanches. Il tire ou alors remonte en accordéon. Enfin, un gilet ne se satisfait pas de la ceinture en cuir, ils ne font pas bon ménage.

Le beau gilet doit galber le buste, mettre en valeur votre taille affinée et dégager une grande longueur de jambe, réelle ou imaginaire. Cela donne de l’allure.

Julien Scavini

En bras de chemise

Comme le titre de ce billet le laisse présager, nous allons ce soir laisser tomber la veste, pour une raison simple, il fait chaud, dans ces intérieurs surchauffés. Comment donc dès lors être chic? rester élégant?

Le port du gilet, ce vêtement de plus en plus manquant à nos gardes robes semble revenir à la mode, même si l’on voit rarement les gens porter des complets (nom du costume trois pièces d’une même matière). Une raison notable à cela, le coût du gilet. En grande mesure et à 1000€, le choix est vite vu, aussi vite qu’en confection industrielle, où les 150€ de surcoût sont plutôt mis dans la commande d’un second pantalon. Cet argument économique n’est pas le seul, la chaleur étant la seconde des raisons.

Pourtant, le gilet permet de retirer la veste sans peur d’être trop ‘nu’, de modérer sa température corporel tout en restant civilisé.

Il existe plusieurs sortes de gilets bien évidemment, du plus simple au plus habillé. La classification reprend les grands thèmes de la veste, à savoir droit ou croisé, à revers ou non etc… le tableau ci-dessous récapitule ces idées:gilets3Alors évidemment, il convient de ne pas porter le gilet à revers avec n’importe quelle veste. Reprenons les conseils de Parisian Gentleman:

– Avec une veste droite avec des revers à crans simples:

  • gilet droit : sans crans, crans simples
  • gilet croisé : col châle

– Avec une veste droite avec des revers à crans aigus:

  • gilet droit : sans crans, crans aigus
  • gilet croisé: crans aigus, col châle

NB: pour la classification des cols et revers, je renvoie à mon article sur les revers. De plus, il est tout à fait possible de porter un gilet sous une veste croisée, mais si cela se fait moins. Le secret (s’il en est un) est de faire correspondre le ‘formalisme’ des revers, du plus simple au plus formel donc.

Ensuite, libre à vous des porter, à la ville:gilet1ou à la campagne, plus facile notamment en soirée où le compromis élégance/contrôle thermal est optimisé:gilet2Pour ce qui est des couleurs, soit vous préférez le complet (gilet, veste et pantalon sont de la même matière), soit le dépareillé, avec un gilet d’une laine différente, mais c’est alors une histoire plus compliquée, mais peut-être plus ‘moderne’ ou ‘mode’… Pour ce qui est des poches, le gilet est le lieu des fantaisies tailleurs. La norme est quatre poches (du type poche poitrine). Mais vous pouvez trouver des poches passepoilées à rabats, des poches à passepoilées simples, des poches paysannes (un seul et haut passepoil) et que sais-je encore…

Alors messieurs, n’hésitez pas! Vous seriez si élégants sans votre veste mais en complet pantalon+gilet…