Comment s’est constituée ma garde-robe

Il y a quelques temps, Parisian Gentlaman a publié un long article dans lequel il revenait sur les différentes étapes ayant conduit à établir une vaste penderie de dandy contemporain. Un exemple extrêmement impressionnant. J’ai eu l’idée de faire de même par amusement. Ma garde-robe est toutefois moins prestigieuse que celle d’Hugo Jacomet. Par avance pardon pour l’abondance de photos de moi.

 

J’ai acheté mon premier costume il y a environ dix ans chez Hackett, une maison que j’idolâtrais lorsque j’étais étudiant en architecture. La boutique de la rue de Sèvres était un repère chic et prestigieux, avant que la marque ne devienne une boite comme les autres à la qualité variable. A l’époque, j’étais même inquiet à l’idée de renter chez Hackett ; peur de l’inconnu, de ne pas être assez chic, de faire tâche, de faire des bourdes. Et puis peu à peu, j’ai découvert que si l’on sait ce que l’on veut et que l’on est poli, tout se passe bien. J’avais longuement mûri mon idée en consultant les vendeurs en ligne comme Pernac qui proposaient un configurateur 3D, permettant de tester la nuance entre poches horizontales, revers étroit, bas arrondi ou carré.

Le premier costume était bleu marine, trois boutons, avec les poches inclinées dont la fameuse poche ticket. Le style maison intemporel. J’avais acheté deux chemises, un peu parachutes, en oxford, une blanche et une bleu ciel pour aller avec. J’avais cousu sur la machine de ma sœur une petite pochette blanche que j’exposais en une ligne et non en pointe. Pour compléter l’ensemble, Hackett m’avait aussi vendu une cravate marine à pois blanc et j’avais pris une paire de richelieus noirs chez Bexley, à l’époque aussi une adresse estimable. Une digne tenue à l’anglaise.

La saison suivante, j’avais fait la folie d’acheter deux costumes. Le premier était de la gamme Mayfair apparemment supérieure et donc plus onéreuse, en flanelle légère, gris moyen, un drap Loro Piana. Le second était un prince-de-galles gris moyen avec une légère fenêtre bleue. J’étais tombé fou amoureux des deux matières, donnant à la fois des costumes habillés en même temps que légèrement ‘sport’. Les vestes étaient en deux boutons, toujours avec les fameuses trois poches inclinées.

Avec ces trois costumes, j’avais une garde-robe assez étoffée et variée. Encore étudiant et pendant l’école des Tailleurs, je n’avais pas besoin de réellement plus. Un manteau droit à col pointe vaguement noir de chez Jules me permettait de rester toujours très anglais l’hiver. Hackett avait un slogan décliné partout à l’époque : « Essential British Kit« . Et c’était vrai, j’essayais de combiner des pièces simples pour respecter ce dicton.

Pour le week-end, j’avais déniché après des années de recherches une veste matelassée Liddesdale vert olive de chez Barbour. Bien avant la mode pour le matelassé, et ne connaissant pas Barbour, j’avais écumé les Décathlons et autres magasins de sport équestre pour découvrir quelle maison vendait ce genre d’article. Une paire de richelieus en veau-velours de chez Bexley complétait mes jeans Levis. Pour l’amusement, j’étais allé chez Gambler qui avait réalisé une veste dans un coton rayé bleu et blanc acheté pour 5€ au marché Saint-Pierre.

Il fallu attendre longtemps après mon installation comme tailleur pour pouvoir me réaliser un costume. L’idée était plutôt de garder de la trésorerie que de manger l’échalote directement. Mon premier costume made-in-italy était croisé, en flanelle marine rayée craie. Hélas, j’avais eu l’idée jusqu’au-boutiste d’acheter un drap Gorina très lourd (480grs) et en fait, en dehors du mois de février, je n’ai jamais tellement pu mettre ce costume, trop chaud. Comme mon premier blazer droit, trois boutons, toujours dans un drap Gorina, un whipcord marine qui chatoyait sous la lumière.

A la suite d’un ou deux autres tests de draps en poids moyens, je me suis rendu compte que la laine me grattait les jambes si elle n’était pas assez douce. Mon nouvel atelier en Europe de l’Est proposant sa propre sélection de Perennial s’110 Vitale Barberis et par soucis d’économie, j’ai lancé un premier costume bleu pétrole, par besoin plus que par goût. Puis toujours dans la même série de tissus, j’ai fait réalisé un bleu nuit, un gris anthracite, et deux petites flanelles fines, marine et gris anthracite.

Ce faisant, j’ai reconstitué ma penderie de costumes simples et efficaces, à simplement égayer de pochettes blanches, de papillons et de cravates classiques. Les papillons club – surtout ceux de Brooks Brothers – sont devenus fétiches.

Une première petite veste sport, droite, deux boutons dans un simple chevron marron / miel de chez Dugdale Bros et un blazer à boutons cuivrés (deux boutons aussi) dans un drap Holland & Sherry Cape Horn ont comblé mon besoin de vêtements simples et dignes, sans excès. Entre temps, j’ai récupéré quelques costumes plus avant-gardistes que j’avais confectionné pour ma vitrine (costumes de ville ou en tweed) dont un prince-de-galles gris à carreaux violet, se portant avec un gilet croisé en velours violet, mais sans jamais éprouver un plaisir particulier à porter ce vêtement ultra-voyant.

Finalement et plus le temps passe, plus je suis heureux de la simplicité de costumes simples, parfois discrètement rayés. Maintenant que j’ai trouvé mon chausseur aux Etats-Unis – Alden (une tracasserie sans nom pour faire venir les souliers en Europe), je suis comblé. J’ai de nombreuses chemises, de toutes les couleurs, rayées ou unies, parfois à carreaux, que je m’amuse chaque matin à accorder avec papillons ou cravates.

J’ai très vite compris que je préférais équilibrer mes plaisirs de vie, entre dimanche aux puces, restaurants et voyages agréables. Je connais bien des messieurs qui sont sapés comme des milords mais mangent des patates et vivent dans un clapier (le même genre qui possèdent parfois des très gros 4×4 allemands). Le costume n’est pas pour moi un objet mono-maniaque mais un outil qui se veut agréable et pratique. Ce que je ne cesse de professer d’ailleurs : il ne faut pas voir l’élégance comme une difficulté et un ennui, mais un ensemble de règles simples et efficaces pour gagner du temps et donner de la confiance en soi. Ma garde-robe est raisonnable. Chaque année, je me confectionne un costume d’été, à dominante beige ou en coton, qui me comble de plaisir (environ 1 mois à peine en comptant la fermeture d’août et l’hiver qui dure 10 mois).

Je renouvelle doucement, en me sentant obligé de sortir évidemment un vêtement que je n’aime plus pour faire de la place dans mon armoire. Car il est aussi là l’autre problème, ma garde-robe est trop remplie. Chaque cintre lutte avec le suivant pour ne pas finir expulsé comme le bouchon d’une bouteille de champagne. Ce qui oblige à une certaine modération. Et puis la vie est longue, j’aurais bien le temps de tout apprécier.

Belle semaine, Julien Scavini

7 réflexions sur “Comment s’est constituée ma garde-robe

  1. Nicolas 19 mars 2018 / 21:53

    Merci pour la simplicité, la sincérité et l’ authenticité de ce billet.
    On devrait chacun à notre tour parler de la constitution de notre garde robe. C est plein d enseignement.

  2. Alain 19 mars 2018 / 21:53

    J’adore vos articles !

  3. Quentin 20 mars 2018 / 20:20

     » Je connais bien des messieurs qui sont sapés comme des milords mais mangent des patates et vivent dans un clapier […]  »

    Véridique ! Une de mes connaissance s’est ruinée pour une veste Redskins pour ensuite ne manger que du riz pendant deux mois tout en se privant de chauffage. Les priorités des uns ne sont apparemment pas celles des autres.

  4. chiffon 21 mars 2018 / 10:34

    C’est un bel article ; ça permet de redescendre un peu sur Terre, puisque vous arrivez à être un gentleman tout en ayant une garde-robe qui ne coûte pas dix ans de salaire au français médian (j’aime bien ce que fait Hugo Jacomet et il a indubitablement du style même si je suis plus « nordique » dans mes goûts, mais une vingtaine de costumes en bespoke plus la place pour les entreposer c’est hors de portée de quasiment tous les gentlemen notamment désargentés (sauf sacrifices sur le reste de sa vie, comme Quentin le raconte)… même un par jour de la semaine).

    Je trouve donc sain que vous montriez qu’on peut être très bien apprêté tout en restant plus raisonnable sur le budget ! (J’aime beaucoup votre croisé à rayures soit dit en passant.)

  5. Mickaël 21 mars 2018 / 19:56

    Merci pour cette sagesse et cette humilité ! Une grande leçon de savoir-vivre !

  6. Josias Adonis 22 mars 2018 / 04:25

    Salut ! Je suis Josias Adonis ! Je vous remercie pour tout vos articles, et​ je les apprécie tous.

    Je veux vous demander une aide svp, est ce que vous pouvez me donner les techniques pour tailler un veste homme?

    Déjà merci pour votre compréhension, j’attends votre aide ! Merci !

  7. Rochat Philippe 29 mars 2018 / 12:22

    Très joli billet. Pour ma part je construit ma garde robe uniquement avec des vêtements chinés depuis environ 15 ans.

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