Il faut bien avoir à l’esprit que lorsque l’on parle d’un tweed, on utilise en fait un mot valise. En effet, la famille des tweeds est très vaste et ses contours parfois difficile à décrire.
Repartons à la source du mot. Le tweed est étoffe de laine peu ou pas épurée. Car à partir d’un ballot de laine, il est possible d’obtenir des fils bruts (on parle alors d’une laine cardée) ou des fils raffinés (on parle alors de laine peignée). La laine peignée est plus douce que la laine cardée (qui est plus rêche).
Le tweed désigne une famille de laines cardées (brutes). Les tissus de laine peignée (reconnaissable à la mention d’un super 1XX) ne sont pas des tweeds à proprement parler. C’est donc une étoffe solide et endurante.
Seulement voilà, les tweeds varient suivant la race du mouton qui donne la laine. Ainsi, les moutons de race Cheviot (originaire d’Angleterre) donnent une laine vraiment très rugueuse, à l’ancienne, et la race Mérinos (originaire d’Espagne) une laine très qualitative réputée pour sa douceur. Les tweed ainsi obtenus seront donc très différents, vous vous en doutez. La race des moutons Saxony (originaire d’Allemagne) produit une laine assez douce bien qu’un peu moins usitée.
En plus, la laine peut être récoltée sur le mouton à des âges différents et à des endroits différents. Si le lainier utilise seulement la toison du cou, le tweed sera très doux. Encore mieux, si la laine est prélevée sur un agneau (on parle alors de la fameuse appellation Lambswool), le drap sera très qualitatif, et cela sans travail particulier de raffinage.
Ainsi, il existe de grandes disparités de toucher. Le tweed de Harris constitué de laine de Cheviot, le plus connu, est du genre très rugueux, un peu fil barbelé dirait James Darwen.
Les tweed lambswool sont magnifiques avec un toucher beaucoup plus doux. Quant aux Italiens, ils tissent des étoffes de campagne dans du Mérinos d’où un confort exceptionnel. Et parfois, les tweeds peuvent être un peu mélangés avec du cachemire. Alors là, on est loin des prairies britanniques. Ci-dessous, il est possible d’apercevoir la différence, rien qu’à la photo, entre les touchers différents, rugueux et doux.
Le poids est aussi une composante importante. Holland & Sherry propose sa liasse la plus vendue ‘Sherrytweed’ en 310grs. Ce sont de très belles étoffes mais qui sont plus utiles en ville qu’à la campagne.
Le tweed souvent appelé ‘Royal Twelve’ car pesant 12oz c’est à dire 340/360grs est plus classique à la campagne. Ces draps sont parfois appelés Gamekeepers pour tweed des gardes chasses. Le toucher est moins rugueux et le tissage plus serré pour pouvoir réaliser des pantalons. Car les tweeds mous, confortables pour réaliser des vestes ne sont pas assez solides pour endurer les efforts d’une culotte.
Enfin, les anglais se sont fait une spécialité de ce qui est parfois appelé le ‘tweed rasé’, à savoir un drap très lourd et très dense (500grs) au toucher très sec, ci-dessous. L’aspect est bien moins broussailleux que le tweed de Harris. Ces tweeds disponibles dans une infinie variété de formes et couleurs sont utilisés aussi bien pour réaliser des complets, des vestes ou pantalons seuls, voire même des manteaux ou des parkas de chasse.
Bref, comme vous le voyez, c’est une étoffe qui ne manque pas de ressource !
Et ce qui est amusant avec le tweed, c’est sa capacité à faire immédiatement ‘pas moderne’. Une tenue constituée de tweed, à l’aspect mat et aux couleurs fanées, constitue un message et révèle une envie. Ce n’est a priori pas le tissu du siècle à venir et pourtant il continue toujours à faire sens et à donner envie. Alors que les matières deviennent techniques, brillantes et synthétiques, le tweed avec sa simplicité et son esprit old-school continue de plaire. Et c’est heureux. Cette photo du Sartorialist m’a justement donné envie d’écrire cet article :
http://www.thesartorialist.com/men/on-the-street-east-second-st-new-york/
Bonne semaine, Julien Scavini.
Très belle synthèse. Claire et concise. .. comme toujours !
Bonjour,
Je lis votre article qui me fais réagir avec une question : comment reconnaître un lainage recyclé d’un lainage non recyclé.
Que l’on parle de tweed ou plus généralement de lainage : mérinos, cachemire, etc. j’ai de plus en plus l’impression que les lainages que j’achète sont issus de laine recyclée.
Je ne vais sans doute pas dans des boutiques spécialisées. Je vais comme beaucoup, et vous allez me dire que je ne devrais pas (et vous avez raison) acheter à l’entré de l’hivers un pull mérinos ou cachemire chez Gap par exemple. Je m’aperçois que ces pulls ne tiennent pas chaud, pas d’effet chaleur. La laine est froide. On achète pas cher, (c’est toujours en promo) ça semble de qualité car les parties élastiques sont épaisses, donc rendent une impression de qualité.
J’ai l’impression de me faire avoir et je me dis que ces laines doivent être recyclées ? Que du coup elles perdent leur qualité calorifère.
Je me pose alors toujours la même question : où acheter de la laine de qualité ? Mérinos, cachemire sans passer par des marques du type Burberry, etc. où le coût de mon produit repose beaucoup sur le marketing.
Avez vous un conseil à nous donner pour trouver de la laine de qualité, non recyclé ?
Merci et bonne journée.
Tanguy
Sans répondre sur le fond, je ne connais absolument aucun processus de recyclage de la laine 🙂 Vous achetez bien de la laine neuve. Et vu le prix au kilo de la laine (qui est très bas), y’a aucune raison de recycler.
Après, les revendeurs font souvent le choix de la légèreté. C’est ce que veulent les gens. Les poids lourds font fuir la masse des acheteurs. C’est ainsi.
Essayez Woolovers.com, leurs pulls en laine d’agneau britannique sont très biens, chauds et qui ne boulochent pas. Les bonnes marques écossaises comme William Lockie, Alan Paine ou Johnston of Elgin font de très bons pulls. Mais ça se paye. Hélas
Messieurs,
Permettez moi de vous diriger vers British Stock (http://www.britishstock.fr/), qui a plusieurs boutiques à Paris, et qui vendent de somptueux pulls, de différentes couleurs, et qui sont assez dans l’esprit et la coupe de chez Berteil. Sauf que le prix est beaucoup plus intéressant… A bon entendeur !
Courtoises salutations,
D.
Merci pour ces précisions. Si je traduis bien, laine peignée = worsted, et laine cardée = woolen ?…
Exactement ! Donc un joli tissu de laine peignée n’est pas un tweed… même s’il y ressemble…?
Bravo !
Je porte du tweed depuis très très longtemps et à la lecture de votre article, j’ai l’impression de découvrir ce que c’est.
Bonjour Julien,
Je suis avec attention votre blog depuis quelques années désormais. Récemment, j’ai développé une certaine attirance pour le tweed, et me trouve face à un dilemme: quels souliers choisirs?
Si j’associe assez naturellement au costume en donegal et aux vestes en tweed des richelieus quarter brogue cognac, je me questionne depuis quelques jours sur la pertinence de richelieus noires « full brogue ».
Quel est votre avis?
Cordialement,
Ah en effet. Je pense que si vous portez un costume complet moi je pense que les souliers noirs sont acceptables. Les anglais le font, quand le complet de tweed est ‘habillé’. Je pense que le coloris est important. Vert, gris, bleu iraient. Marron… à voir avec des souliers noirs.