La chemise de smoking

Les smoking, comme les queues-de-pie, imposent une grand perfection des éléments accessoires de la tenue. Il faut être sur son 31! La chemise a évidemment un rôle crucial à jouer.

Si l’on remonte à l’entre-deux guerre, la chemise habillée du soir possède un large plastron glacé. Ce plastron est lisse. Il est souvent constitué de la même cotonnade que la chemise elle-même. Seulement, la double épaisseur plus l’amidonnage donne une grande netteté aux devants, ainsi qu’aux poignets. Voici un bel exemple ci-dessous. Il n’y a pas de col, car celui-ci était rapporté.

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Les boutons visibles sont alors toujours rapportés également, sous la forme de ‘studs’, l’anglais pour goujons. Les goujons sont des formes de pin’s qui se vissent sur eux-mêmes. Une petite rondelle métallique avec une gorge filetée est contre la peau et reçoit la face du goujon qui se visse dedans. Avec le smoking, normalement, les goujons sont dorés, avec une face plutôt noire. Avec la queue-de-pie, plus formelle, les goujons sont argentés, avec une face nacrée. Les ‘studs’ sont généralement vendus par trois, avec les boutons de manchette assortis. Du coup, la chemise sur le devant, à l’emplacement des trois premiers boutons (hors le col) ne présente que des boutonnières. Les boutons sont seulement présents à partir du 4ème et jusqu’en bas. Ci-dessous, un exemple d’un set de chez Alfred Dunhil : deux manchettes et quatre goujons, pour une chemise portée sans gilet.

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Ca c’est l’histoire.

Dans les années 60 et 70, d’heureux créateurs eurent l’idée d’égayer un peu la chemise du soir. Ainsi naquit le plastron en relief. Le plus souvent utilisé est le nid d’abeille ou coton marcella ou piqué de coton. Normalement, celui-ci ne sert qu’à réaliser le gilet et nœud papillon de la queue-de-pie. Est-ce beau sur un plastron de chemise..? Je ne le sais pas, mais cela se fait. J’en réalise occasionnellement et c’est assez joli il est vrai. Ci-dessous l’exemple d’une chemise vendue sur internet, avec le plastron et le poignet mousquetaire en coton piqué, la chemise étant en coton simple. Est-ce canonique? Non. Est-ce de bon goût? Pourquoi pas.

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Cette autre image trouvée sur internet ne fonctionne pas. Il s’agit d’une queue-de-pie et non d’un smoking, car le papillon est blanc. Gilet et papillon sont en coton marcella. C’est bien. La chemise ne devrait pas l’être, même si c’est très léger.

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Furent aussi inventés toutes sortes de plastrons plissés. Le tissu est alors replié avec minutie pour créer des effets géométriques, du plus simple au plus marqué. La dentelle et les larges frou-frou façon crème chantilly ont aussi marqué l’époque. Combien de photos de mariage se souviennent avec bonheur de ce grand style vestimentaire?! Ô la divine invention, voyez plutôt :

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Heureusement, James Bond sous les traits de Sean Connery apporte dès 1962 une lecture fiable et de bon goût. Il recourt à une simple chemise blanche. Le col cassé est évacué. Car à ce sujet, le seul vrai beau col cassé est celui qui est rapporté, très amidonné et très haut. Les chemises avec petit col cassé sont souvent d’horribles pis-aller. James Bond porte donc un col rabattu tout simple, comme les boutons, blancs et visibles. Point. Admirez cette belle mise :

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Daniel Craig dans les derniers James Bond a beaucoup varié en ce qui concerne la chemise de smoking : simple, à gorge cachée, à plastron plissé, etc…

Cette chemise simple est à vrai dire la version qui a ma préférence. Le smoking fut inventé dans un certain esprit de décontraction vis à vis de la queue-de-pie. Donc cette simplicité va bien. Et donc oui, une chemise en popeline blanche, la même que pour le bureau, convient très bien au smoking. Une belle chemise blanche, avec de beaux boutons en nacre fine, est largement suffisante.

Pourquoi pas ajouter des ‘studs’ toutefois. Chemise simple à col rabattu, simplement accessoirisée de beaux goujons chinés ou achetés chez Dunhill ou Charvet. Ce serait bien. Mais attention, sans gilet, il faut au moins avec 4 ou 5 studs pour descendre jusqu’à la ceinture du smoking comme vu plus haut. Cette chemise Swann & Oscar est de bon ton, col rabattu, piqué léger pour le plastron, studs. Simple et efficace :

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Les chemisiers ont toutefois inventés la gorge cachée, qui sert à camoufler les banals boutons. Je le réalise bien sûr à la demande. J’ai même des clients qui font faire leurs chemises de travail ainsi. Pourquoi pas. Je soulève toujours l’idée que, peut-être, la gorge cachée se voit encore plus que les boutons qu’elle cache. Sa piqure machine se voit et on sent bien le camouflage. Donc est-elle très utile? Voici un exemple où finalement, cette gorge censée cacher se voit plus que ce qu’elle cache – on préférerait autant voir les boutons :

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J’espère que ce petit panel et cette remise en perspective historique aidera certains à se décider!

Belle semaine, Julien Scavini

6 réflexions sur “La chemise de smoking

  1. Tany 30 mars 2019 / 16:29

    Merci Julien pour cet article très intéressant. Quand porter un col châle ou cranté ?

    • Julien Scavini 1 avril 2019 / 19:36

      A vrai dire aux mêmes instants. Pour les anglais, le col en pointe est plus habillé que le col châle, qui se prête plus aux vestes de fumoir et de cocktail. Pour les américains et les français, il n’y a aucune différence.

  2. David 3 avril 2019 / 13:19

    Merci pour cette belle synthèse. Que pensez-vous des chemises à plastron plissé (plis parallèles) que l’on trouve beaucoup sur le marché nord-américain?

    • Julien Scavini 7 avril 2019 / 16:30

      Si c’est bien fait, why not

  3. Clément 3 Mai 2019 / 10:46

    Un article très intéressant. Moi qui pensait le plastron en coton piqué (Marcella) d’usage ancien, et surtout allant de paire avec le frac, voila les choses remises en perspective.
    Il faut du coup que je revoit mon projet de chemise de frac…

  4. Nicolah 6 Mai 2019 / 05:53

    Merci pour cette belle découverte.
    Plus d’élégance avec vos chemises.

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