Roger Stone

Cela fait longtemps que je voulais vous parler de ce personnage, plutôt sulfureux pour ne pas dire méphistophélique. Mais je n’en avais jamais trouvé l’occasion et surtout je n’étais pas sûr que sur le blog, ce soit une bonne idée. L’homme aiguise les esprit. Et donc j’ai décidé d’oublier un peu le sujet. Mais, la mise en examen et l’inculpation aux Etats-Unis de son ancien associé, Paul Manafort, me fait dire, me fait penser, que c’est le moment propice pour mettre en lumière Roger Stone!

C’est une sorte d’influenceur, de conseiller en image et en communication, de lobbyiste, de commentateur politique, une sorte d’homme de l’ombre de Washington, des médias et de la politique. Son métier en quelque sorte, c’est le para-politique. Lui y rajoute un adjectif : le para-politique louche, et même plus encore. Ses faits d’armes. Dans la vingtaine, il fait parti des plus jeunes inculpés dans l’affaire du Watergate. Dans son dos est tatouée la figure de Richard Nixon, le président démissionnaire. Il fut un grand soutien de Ronald Reagan et est à l’origine d’une certaine prolongation du renouveau de la pensée de la droite américaine, après la première vague initiée par William Buckley Jr et son magazine National Review.

La carrière politique de Roger Stone est marquée par l’exagération et la dérive droitière. Il ne s’agit même plus de néo-libéralisme. Mais de démagogie et d’hypocrisie dans les propos. Une virulence ‘cochonne’ et vulgaire. On ne peut même pas être sûr qu’il pense tout ce qu’il dit. On finit par se demander si ce n’est pas du second degré tellement c’est extrême parfois. Il est à l’origine de beaucoup de haine à l’encontre d’Hillary Clinton (dont la fameuse théorie de la maladie cachée). On se demande comment il peut dire des choses aussi énormes, aussi fausses et les croire! Il est, enfin et surtout, le principal soutien de Donald Trump. C’est lui qui a encouragé, pendant au moins deux décennies, le milliardaire à se lancer en politique. Sa chance est arrivée l’année dernière. Si Trump l’a écarté de la campagne (en le remplaçant par Paul Manafort), Roger Stone n’a jamais été très loin, par la manigance, la non-objectivité, l’irrationalité, l’abondance d’idiotie. Toutefois, il a quitté le parti Républicain pour se rapprocher du mouvement Libertarien. C’est le paradoxe de l’homme. Très conservateur par bien des points, mais très ouvert sur d’autres sujets, de société notamment.

Mais je dérive et finis par parler plus de politique que de vêtement. L’écueil est proche!

Roger Stone est un personnage curieux. Netflix a fait un documentaire d’un plus d’une heure intitulé Get Me Roger Stone qui le suit longuement, sans commentaire. Et là, on découvre un dandy incroyable!  Je n’aime pas le mot dandy, mais là, le terme convient bien, dans une acception américaine. Il est habillé très yuppie des années 80. Son vestiaire sent bon la belle époque du vestiaire masculin. C’est même un feu d’artifice de style. Mais pas un style wasp poussiéreux, non. Je ne suis pas sûr qu’il aime les vieilles élites de l’argent, au style plus discret. Lui en rajoute. Mi banquier d’affaire, mi mafieux, mi lord anglais excentrique, on ne sait trouver le registre exacte.

Dans les années 80 et 90, ils s’habillait comme les protagonistes de Wall Street le film, toujours impeccable, costumes bien coupés et un peu amples, cravates paisley, bretelles colorées, chemises bengal. De nos jours, malgré l’âge, il cultive toujours ce goût pour le chic, avec une touche ostentatoire importante. Roger Stone est adepte de culturisme, alors les vêtements lui tombent toujours bien. Le costume en seersucker apparait comme son habit iconique. Il aime aussi le madras et les draps beige en été, les tweed carroyés en hiver. Son chapeau Homburg fait bon ménage avec ses lunettes en écaille. On ne croise pas en Europe de personnages si élégants. Ici on dirait que c’est un peu outré. Mais qu’importe, cela sent les bons faiseurs, de Paul Stuart en passant par Ralph Lauren.

Et puis j’ai découvert son tailleur : Alan Flusser. Tiens tiens… La boucle est bouclée! J’ai compris d’où venait ce spectacle visuel. L’homme est la pire charogne que la terre est portée, mais ça en jette. Il sera secrétaire général du Pandémonium dans sa prochaine vie. Toujours est-il que dans celle-ci, il possède une centaine de costumes. Il n’aurait rien de prêt-à-porter depuis ses dix sept ans et serait le meilleur maître pour quiconque veut apprendre à faire des gouttes d’eau aux nœuds de cravates. GQ et Penthouse magazines ont écrit sur l’homme m’apprend Wikipédia. Il aurait aussi rédigé des articles pour dire qu’il n’aimait pas l’ascot et les jeans. Ah, j’aime! Il possèderait de nombreuses Jaguar et a dit un jour : « I like English tailoring, I like Italian shoes. I like French wine. I like vodka martinis with an olive, please. » Un homme de goût. C’est tout le paradoxe de l’affaire. Je vous laisse vous faire votre avis !

Bonne semaine, Julien Scavini

9 réflexions sur “Roger Stone

  1. Emmanuel 6 novembre 2017 / 23:06

    Quel sinistre personnage.
    En France je ne vois que Renaud Camus pour déguiser « en homme de goût  » une si sinistre mentalité. Smoke and mirrors comme disent les anglo saxons.
    J’échange tous les Roger Stone de l’univers contre un seul Tom Wolfe, pour s’en tenir à un dandysme américain.

    • Raphaël 8 décembre 2019 / 12:05

      La mise de Tom Wolfe était beaucoup plus monotone que Roger Stone, il s’est barbeydaurevillisé.

  2. Simon 7 novembre 2017 / 15:39

    Cher Julien, vous voulez dire « une acception américaine ». Cordialement.

  3. Jakes 10 novembre 2017 / 17:52

    Ce côté too much pour parler comme aux États-Unis est-il encore de l’élégance ? j’en doute… l’élégance c’est ce qui ne se remarque pas dit-on… c’est pour ça que le Pitti Uomo me semble aux antipodes de l’élégance soit dit en passant.. quand bien même les meilleurs faiseurs du monde s’y retrouveraient .

    • Julien Scavini 10 novembre 2017 / 18:35

      Vous avez tout à fait raison pour le pitti. Là, deux types de tenues : les archi classiques américaines (costume beige / costume seersucker) et les osés (manteau tweed, homburg).
      J’ose dire que c’est quand même élégant. Car si on dit que ça ne l’est pas, que reste-t-il???

  4. Bertrand 13 novembre 2017 / 20:14

    Bonsoir,

    Je suis surpris par votre prise de position sur votre blog dédié à l’art tailleur. Ayant rencontré bon nombre d’hommes politiques de tout bord, votre description pourrait aller à chacun d’eux. Personne ne réussit honorablement en politique et dans la finance sans entasser des cadavres dans ses placards à côté des magnifiques costumes sur mesure.
    Merci pour votre travail
    Cordialement
    Bertrand

    • Julien Scavini 13 novembre 2017 / 21:51

      Il est vrai que je n’y suis pas allé avec le dos de la cuillère. Mais je me suis amusé !
      Et il y a cadavre et cadavre en politique. Lui, c’est un cimetière!

  5. Jakes 10 février 2018 / 21:18

    Et, pour rester dans les americana, qui est le tailleur de l’écrivain Tom Wolfe?

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