à la mode anglaise.

La mode masculine classique est anglaise! Tout élégant le sait, même si les temps modernes brouillent quelque peu les règles. C’est à Londres que cette élégance fit ses premiers balbutiements lorsqu’un certain Beau Brummell décida et entraina une partie de la cour du Prince, futur George IV (1762-1830), à abandonner les lourds habits de soie rehaussés d’or, de perles et de galons. Brummell affectionnait la simplicité du drap de laine, dans des coloris simples, bleu marine ou camel. Ainsi naquit ce qui fut appelée la mode de garçon d’écurie.

Cela dit, il est difficile de parler de révolution, tant cette habitude vestimentaire avait en Angleterre une logique. C’est plus un aboutissement dont Brummell est le révélateur. Outre-manche, l’aristocratie n’était pas seulement de cours comme à Versailles, mais au contraire bien enracinée dans ses terres, et souvent au travail pour les faire « tourner ». La figure du gentleman-farmer est ancienne là-haut, si bien peinte par Gainsborough et Reynolds. Et comme le relate plus tard avec amusement Oscar Wilde dans l’Importance d’Etre Constant. En France, il existait une dichotomie plus importante entre l’aristocratie de cour et celle des provinces. Le va et vient était très restreint. Cela entraina donc une moindre évolution vestimentaire.

La France resta longtemps à l’écart de ce mouvement de mode. Juste avant la révolution française, certains comme le régent Philippe d’Orléans manifestèrent leur penchant pour le goût anglais. Son fils, Philippe Égalité pour s’opposer à son cousin Louis XVI marqua justement ce goût pour les mœurs anglaises en arborant des fracs de drap ou des culottes de peau.

La Révolution Française et la Terreur n’apportèrent pas forcément de vision construite ou du moins partagée d’un vestiaire type. Et l’Empire ensuite retourna à l’habit d’apparat de l’Ancien Régime, de manière anachronique pour les chroniqueurs de l’époque. Il fallut véritablement attendre le Second Empire pour voir éclore ce que les historiens appellent l’anglomanie. Il marqua l’avènement d’une société bourgeoise en mal de stabilité. Alors que les allemands grondaient déjà et ne pouvaient servir de modèle, les anglais eux en avaient développé un. Cette monarchie parlementaire à la pointe du libéralisme économique était enviable ! Ainsi triompha perfide Albion et le personnage du gentleman fit son entrée en chassant le mythe du gentilhomme.

La mode anglaise déferla en France sous le Second Empire, sous l’effet d’une évolution libérale majeure pour notre pays. A l’époque, la bourgeoisie triomphante se fait une certaine idée de l’art de vivre britannique. Au niveau vestimentaire, c’est l’avènement d’une mode pour tout le monde. Terminé les longs palabres avec son tailleur pour savoir quelle soie marier avec tel ou tel galon. Les façonniers de New Bond Street avaient normés les usages et les formes. Et le noir gagna du terrain au grand désespoir de Balzac ou de Baudelaire.

Les vêtements étaient alors très ajustés. Le frac échancré à la taille et la redingote droite ou croisée sculptaient la silhouette des hommes. L’envie de souplesse toutefois se fit jour et l’on vit apparaitre vers 1850, au grand dam des tailleurs, le paletot. Originellement porté par les artistes de la plume ou du pinceau – dont Baudelaire -, il fut rapidement utilisé par une bonne partie de la population. Sa vocation ‘démocratique’ s’inscrit dans ses lignes généreuses et ses quelques gros fermoirs. C’est à cette époque que le tweed fut importée et dont la prononciation était encore incertaine ‘twine’? ‘twouid’?.

Il fallut attendre le début du XXème siècle pour voir apparaitre les premiers ensembles ‘tout de même’, c’est à dire du même tissu, autrement dit ‘complet’, avec un veston court. Encore un anglais, le Prince de Galles, futur Édouard VII fils de Victoria fut l’un des premiers à arborer des vestons sports lors de ses séjours à Balmoral. Le vêtement n’était pas encore synonyme de confort, mais l’idée faisait son chemin.

Aux alentours de la première guerre mondiale se figea alors l’idée de vêtements plus usuels, y compris dans la bonne société. Et la dichotomie toujours en vigueur Ville/Campagne se fit jour. Apparurent alors les vêtements de la ville constitués de complets sombres et ceux plus ordinaires, de tweed bruns ou de flanelle pour les bords de mer et parties de campagne. Cette mode s’égraina tout au long du XXème siècle, pour être presque inchangée dans l’usage encore aujourd’hui ! Bien que les derniers mois chamboulent bien les habitudes !

Julien Scavini

6 réflexions sur “à la mode anglaise.

  1. Il gattopardino 26 mai 2021 / 18:54

    Cher Monsieur Scavini,
    Merci pour ce nouveau billet. Auriez-vous quelqu’indication bibliographique sur la mode masculine à la Belle Époque ? Richement illustré de préférence, la lecture de vos articles consacrés aux films Mort à Venise et Mary Poppins m’a mis l’eau à la bouche.
    D’avance merci,
    Cordialement

    • Julien Scavini 31 mai 2021 / 20:08

      Hélas non, les livres sur la mode masculine sont si rares. Et les livres généraux sont pauvres sur le sujet.

  2. Mathilde Létienne 31 mai 2021 / 15:26

    Bonjour monsieur Scavini,
    je ne sais pas vraiment où vous contacter mais comme je suis abonnée à Stiff collar depuis quelques mois je me permets de laisser un commentaire ici. Je suis vos cours tailleur sur Artesane (le pantalon ces jour-ci) ! Mon père a souhaité que je lui fasse une saharienne en 100% lin : comme je m’apprête à préparer le budget pour acheter les fournitures la question du métrage me rends perplexe ! Si je commande deux mètres de tissus en 150 cm, cela suffira-t-il ? D’autre part je sais que ce type de veste n’est pas doublé mais faut-il néanmoins prévoir des entoilages ? Le patron burda 6932 me paraît bien comme base de saharienne. Si vous voulez me donnez votre avis, voici le lien https://www.rascol.com/patron-de-manteau-et-veste-burda-6932-p-225909
    Merci pour votre réponse et pour vos cours vraiment très très chouette !

    • Julien Scavini 31 mai 2021 / 20:07

      Ouh, 2m50 au moins, pour être tranquille. Les poches à soufflets consomment beaucoup !

      Et oui, tout à fait pour ce patronnage, il est intéressant pour un trois quart. Entre la photo long et l’autre court, ce serait l’idéal. Aux alentours de 74cm pour une taille 50 disons. Pour une saharienne enfin, privilégié l’entoilage collé, tout en souplesse, sous la parementure (qui sera large pour l’occasion). Ne vous embêtez pas avec des toiles et des crins. Faîtes légers. A l’épaule, il faut de la rigidité en revanche, pour une belle allure.

      • Mathilde Létienne 31 mai 2021 / 20:28

        Merci bien pour votre réponse : je vais aller voir Lafayette Saltiel pour trouver un beau 100% lin et je crois alors qu’il vaut mieux prendre trois mètres pour être tranquille comme vous dites.
        Donc si j’ai bien compris la saharienne doit faire 74 cm de long depuis l’épaule pour une taille 50, n’est-ce pas ? Je suis bien contente que vous appréciez ce patronage ainsi je l’achèterai sans hésitation. Pour rigidifier l’épaule, l’épaulette suffira-t-elle ou bien faut-il également une cigarette ? D’ailleurs l’épaulette quelle serait l’épaisseur idéale selon vous ?
        Vraiment, je vous assomme de questions ! un grand merci pour votre réponse en tous les cas et pour tout le savoir tailleur que vous expliquez sur Artesane et votre blog : c’est bien rare, jusqu’à présent on aurait dit que les tailleurs cherchaient plutôt à faire de leur savoir un graal inaccessible !

  3. Mathilde 8 juin 2021 / 07:21

    Donc si j’ai bien compris la saharienne doit faire 74 cm de long depuis l’épaule pour une taille 50, n’est-ce pas ? Je suis bien contente que vous appréciez ce patronage ainsi je l’achèterai sans hésitation. Pour rigidifier l’épaule, l’épaulette suffira-t-elle ou bien faut-il également une cigarette ? D’ailleurs l’épaulette quelle serait l’épaisseur idéale selon vous ?

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