Le Roi Charles était donc en France, pour une visite d’État dont le grand moment devait être un diner à Versailles, dans la Galerie des Glaces. Quel plus digne plaisir qu’un État peut offrir à un autre, au-delà des personnes. Quels gages d’amitié et d’union, partagés autour de mets et de vins délicats, expressions du savoir-faire et du savoir-être d’un pays. Il a fallu qu’«on» nous bassine avec le coût du diner. Et qu’«on» s’esclaffe sur le positionnement des assiettes au millimètre. Bref, qu’«on» raille la pompe et la circonstance, en ne voyant que les hommes et non pas les circonstances. En bref, qu’un ridicule petit esprit soit là à juger bêtement.
J’aurais bien voulu admirer de bien plus grandes agapes de mon côté. Imaginez : un apéritif servi au Grand Trianon en présence des généraux et des académiciens, tous en uniforme. Peut-être aussi en présence des hauts prélats parés de précieuses couleurs et des préfets en capes. Et pourquoi pas de quelques hauts magistrats et maires d’importance. Bref, de ce qui fait l’État, nommé et élu. Suivi d’un parcours en calèche des deux couples à travers le parc pour rejoindre la Galerie des Glaces. Et qu’après le diner, un feux d’artifice soit tiré depuis le bassin de Latone en même temps qu’un orchestre jouerait du Lully. Et qu’à peu près tous les fleuristes d’Île-de-France aurait été réquisitionné pour fournir roses et lys embaumant l’espace.
Une telle fête oui, aurait été dispendieuse. Et prestigieuse. Digne de la France.
Au lieu de cela, il y a un eu un diner de traiteur vite expédié pour ne pas faire exploser un agenda chargé. Le temporel a gagné sur l’éternel. Le Roi est arrivé entouré de vans Mercedes, sortez, photographiez, rigolez et circulez.
Et normalement, à un diner d’État, il est d’usage de porter une queue-de-pie. Mais ça, évidemment, notre Président ne devait pas le vouloir. Lui sait à peine ce que c’est, alors imaginez les convives… Et après ça, on nous bassine avec l’élégance à la française. Alors soit, diner en smoking. Observons et notons. Sur cinq. Un point pour chaque catégorie :
- coupe : belle coupe = 1 point
- revers de veste : satin = 1 point
- poches : deux passepoils en satin sans rabat = 1 point
- à la taille : ceinture cummerbund = 1 point
- souliers de smoking : bien glacé ou vernis, de forme adaptée = 1 point
Celui qui aura 5 points aura gagné le pompon. C’est parti.
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Bon bref, passons au plat de résistance, il se fait tard …
Les smokings étaient-ils bleus? J’en doute. Je crois que les deux images ci-dessus sont trompeuses. Car le soir même en direct à la télévision, j’ai bien vu du noir, ce que confirme ce dernier cliché.
Je ne noterai pas notre cher Président ni le Roi Charles. Toutefois, c’est bien et la note serait bonne.
Je ne peux m’empêcher de trouver ce col cassé loufoque sur M. Macron. Pourquoi vouloir faire de l’ancien? Alors que le smoking châle, c’est plutôt années 60. Plutôt James Bond qu’Hercule Poirot. Pourquoi vouloir associer le smoking châle moderne avec un col cassé très vieux style? Mais pourquoi? Je ne comprendrais jamais cela.
Et je le redis. Qu’il eut été élégant Monsieur Macron en queue-de-pie, avec le grand cordon de la Légion d’Honneur. Qu’il eut été élégant… Mais il préfère le slim-fit.
Le Roi Charles a pris un peu, ses vêtements se sont étoffés. Je remarque qu’il ne portait pas son traditionnel smoking croisé. Peut-être pensait-il que ce serait trop par rapport aux français?
Eux quatre, tout de même, avaient un peu de tenue. C’était beau.
Mais le reste, mais le reste… Aucun 5/5 avec mention. Rien. Que du médiocre ou presque… Je voulais vous faire rêver un peu au début, en vous parlant de ce qu’aurait pu être une belle et grande soirée. Une digne soirée française… Mais quel résultat. J’avais même envie d’arrêter de commenter tant ces smokings étaient médiocres. Une piètre esthétique.
Je ne sais plus qui a écrit que l’exemple de la vertu ne peut ruisseler que des élites. Quand les gouttes sont acides toutefois, il vaut mieux sortir le parapluie.
Vous me direz, quelles sont les élites que l’on vient de voir… Où étaient les médaillés Fields et les académiciens? J’ai vu un Capuçon, le violoniste des deux, mais sans photo en pied, je n’ai pu juger. Où étaient les très hauts arts & lettres? Cela me sidère assez de voir qui était là… Et qu’en plus, ce sont des footeux qui étaient presque les mieux sapés. Je préfère me coucher.
Belle et bonne semaine. Julien Scavini
PS : heureusement, j’écoutais la symphonie n°9 de Beethoven en écrivant cet article. J’avais du beau dans les oreilles à défaut de l’avoir sous les yeux.
Ces Photos sont pour le moins… navrantes. Au delà du port du smoking, dont les règles semblent échapper à tous (excepté le roi), les souliers sont une vision d’horreur qu’on peut difficilement supporter. D’autant plus lorsqu’on sait que M. Niel a été client de la maison Gaziano & Girling, il aurait pu relever le niveau.
Me vient une interrogation, à quoi bon faire un dîner protocolaire avec dress code bien précis si l’on sait pertinemment que personne ne sera capable de l’appliquer… Quant au col cassé en smoking, ces pans noirs qu’on voit partir faire le tour du cou, ça fait très garçon de café. Finalement, il valait mieux que ce soit black tie, je n’ose imaginer à quel point le port du frac aurait été ridiculisé.
N’aurait-il pas mieux valu dire ‘costume’ carrément?
Point de vue chaussures, je remarque de Madame Jack Lang, avait piqué les chaussures tout du moins la couleur, de Mme Roselyne Bachelot.
C’était ça ou des crocks… :!)
Cher monsieur Scavini. Que dire en effet ! Le propos est acide mais la réalité est affligeante. Dans certains moments de désespoir, on peut se demander ce qu’il reste à sauver et puis on se penche à nouveau sur vos chroniques et on reprend espoir. Alors, je pense aussi à votre santé, passons à autre chose, ne restez pas sur cette vision de (presque) apocalypse. Revenez-nous vite avec vos conseils, vos enthousiasmes et de belles chose à voir. Nous, que dis-je, la France a besoin de vous !
Eh bien, c’est un sacré devoir qui m’attend. On me demandait récemment pourquoi je ne faisais pas de politique !?
Les rois du monde ce sont ceux qui font du business et du spectacle (les 2 réunis pour le foot). L’argent, la position sociale ne donnent ni la culture, ni le goût. Entre s’acheter des habits et faire la démarche d’ apprendre à s’habiller il y a une différence…
Tout à fait. Heureux d’avoir de vos nouvelles cher ami !
Je dois vous dire que votre article au vitrol, en forme de démonstration indubitable photos à l’appui, m’a fait beaucoup rire.
En effet je crois qu’il vaut mieux vaut en rire qu’en pleurer. Je dirai volontiers qu’il faut tolérer la laideur, la bêtise, la méchanceté, sans lesquels le beauté, l’intelligence, la bonté n’existeraient pas. Enfin je crois que cette décadence est le contrecoup nécessaire de la démocratie, où tout se nivelle, où le plus brillant et le plus sordide disparaissent au profit du moyen.
Notre état n’est-il pas analogue au Misanthrope de Molière, qui désespère non pas de vivre dans une société médiocre, mais de vivre dans une société hypocrite dont les dehors brillants (le faste du grand siècle) cachent les plus grands vices ? Mais je refuse d’être malheureux comme Alceste !
Quelle belle métaphore !
Et bien ce fut long mais voilà qu’enfin je trouve quelqu’un du même avis que moi ! La France est un pays aux grandes traditions, ne serait-ce que du point de vue de l’hospitalité et doit le rester !
Pour finir c’est vrai que dans ces occasions ( et dans d’autres d’ailleurs, regardez des images de premières au Palais Garnier ) le withe tie aurait été de rigueur mais que voulez vous, la tendence étant à la « décontraction » nous avons vu disparaître ce beau vêtement, maintenant relégué dans les livres.
D’ailleurs pourriez vous conseiller une bonne maison ou faire faire un withe tie à Paris ? Je vous en serais très redevable.
En vous remerciant.
J’en ai fait un récemment. Gros travail.
Bonjour Monsieur Scavini,
Je ne peux que m’associer aux commentaires précédents et surtout vous remercier pour vos chroniques qui sont un rappel aux règles de l’élégance .
Jack Lang, à l’opéra de Paris (Bastille) le 16 septembre dernier, portait la même paire de sneakers ( pour rester courtois).
Cela mérite amplement une note négative, avec une beigne collée par la statue du Commandeur en prime !
Étant amateur de nœuds papillons je suis désolé par la prédominance des modèles pré-noués qui semblent systématiquement avoir du carton en guise de triplure, au final, le nœud parait être un accessoire sévère et rigide… tout ce qu’il n’est pas censé être. Franchement, pour des gens comme B. Arnaud, ça vaudrait la peine d’apprendre une bonne fois pour toutes comment on fait, ils doivent avoir suffisamment d’occasions. A force ça en devient un déguisement complétement kitch qui perd par cette raideur tout le charme et le panache que donne normalement son imprécision et son volume, pourquoi pas des cravates a élastique tant qu’on y est.
Et oui… la souplesse, la frivolité, l’amusement de la cravate nouée en papillon, seuls les vrais amateur la connaisse.
Mais pourquoi ont-ils tous un problème avec leur pantalon (seuls macron et le roi s’en sortent) ?
Bonsoir Maître Scavini,
Pour les politiques, nous pourrions, avec un sourire forcé et bien acide, nous dire qu’ils ne sont que le reflet de la volonté des français, par leurs actes, individuels et collectifs. Ils veulent juste être politiquement « populaire » et garder les voix. C’est d’une tristesse sans nom…
Vous l’avez bien fait remarquer avec le « prix » du dîner.
Là, par contre, où je fus incrédule, c’est pour Monsieur Arnault!
Comment est-ce possible??
Je ne voudrais pas dire de bêtises, mais, il possède le plus gros portefeuille de la planète, des moyens matériels exceptionnels, avec dans sa poche Loro Piana chez qui il pourrait s’approprier un stock mort d’un authentique « grain de poudre » comme on en fait plus. Il possède également la tannerie Roux, pour un cuir verni à tomber. S’il le voulait, il a même Verdeveleno, et leurs cuirs rares et exotiques.
Et le comble, c’est qu’il est littéralement entouré de maîtres en la matière, Florian Sirven pour se faire couper un black tie au scalpel. Aïdée Sirven pour un pantalon galonné et même Anthony Delos pour une paire de soulier sculpté dans les règles de l’art.
Être réputé au point d’être surnommé le seigneur des entrepreneurs ou le pape du luxe. Avoir des moyens financiers et matériels titanesques. Le tout, soutenu pour des experts reconnu dans le domaine.
Comment peut-on échouer avec un jeu pareil??
Merci pour l’analyse et le blog. C’est régulièrement frais et enrichissent 🙂
Cher M. Scavini,
Je comprends la facilité de la notation sur 5 mais il y a quelques petits points à ajouter au barème :
– Le pantalon doit avoir une soutache, ce magnifique galon assorti au revers de satin (ou de gros-grain) qui recouvre la couture latérale du pantalon
-La veste droite ne doit avoir qu’un bouton
-La veste, quand elle en a, doit avoir deux fentes
-Les poches sont droites
-Le revers a une boutonnière (voire deux sur une veste croisée) sauf sur le col châle
où on peut s’en passer
Si on ajoute ces points, je pense que la note moyenne, valant déjà la délivrance d’un mandat d’arrêt international de la Sartorial Police, dégringole.
En revanche, on peut mettre des points de bonus a qui aura une chemise à plastron plissé ou en piqué et/ou avec des « studs » et des « opera pumps » aux pieds avec leur petit ruban. On décernera les félicitations du jury pour un gilet en U ou V très profond à la place du cummerbund. Une ola pour celui qui aura mis une chemise à jabot modèle George Lazenby ou aura tenté la soie ivoire (Turnbull & Asser en avait ressorti une pour un prohibitif SMIC chargé). Les encouragements pour la pochette. J’admire d’ailleurs l’audace de Sa Majesté avec ses choix de pochette pour le smoking. Et ce nœud papillon, ce Turnbull & Asser au tombé si lâche, qui lui donne tant de distinction. Mais je vois peu de bénéficiaires de ces points de bonus.
Les rares entorses tolérables pourraient être un cran sport et des boutons noirs non recouverts de tissu (Doug Hayward en faisait de magnifiques pour Roger Moore qui était dispensé du cummerbund par une large ceinture du pantalon en satin avec un double boutonnage au côté).. On prendra plutôt le tissu de la veste pour les boutons que le satin, je trouve que c’est un peu trop voyant.
J’avoue que celui que j’ai fait faire en demi-mesure perd deux points. Par erreur (sans doute de ma part à la commande), le col est aussi en satin, comme le revers. Et le revers n’a pas de boutonnière. Mais je me suis rendu compte que Dean Martin en avait dans cette même configuration, on dira après coup que c’est un hommage et je n’ai pas fait changer le col. Et de dos, ça donne l’illusion d’un col châle. N’étant pas très grand, j’ai par facilité, fait faire des poches inclinées mais sans rabat.
L’ordre de chevalerie de mon vignoble demande le smoking pour les intronisations et dîners, j’ai été fait chevalier dans ce smoking bleu nuit avec des richelieus Crockett & Jones rutilants, une chemise au plastron en piqué et ses « studs », ceinture de smoking et nœud papillon Hawes & Curtis, mi-bas de soie bordeaux de la maison Kimono et la vieille montre en or rose ultra-plate de mon grand-père.
Pour une prochaine sortie, si ça doit être un peu moins formel, la chemise à plastron sera avantageusement remplacée par une à gorge cachée, blanche à chevrons et avec soit les poignets mousquetaires, soit mes poignets napolitains fétiches. Ou une en twill ivoire à gorge cachée et poignets mousquetaires, le crème m’allant mieux au teint que le blanc et Roger Moore (décidemment) ayant toujours su démontrer la versatilité d’une chemise ivoire même avec un smoking.
Bien cordialement,
Eric
Merci pour cette analyse complémentaire érudite et passionnante.
Cher Monsieur,
Permettez une petite question quant aux chaussures les plus appropriées au port du smoking comme de celui de la queue-de-pie :
je les ai souvent vu accompagnés, sur des photos d’après-Guerre, de sortes de mocassins (entre les « slippers » et la ballerine tant la languette me paraît courte) vernis, garnis d’un gros nœud de soie.
Sûrement très fins et beaucoup plus délicats que les richelieus, même vernis, ont-ils toujours cours ?
Merci infiniment de vos lumières.
Bien à vous,
PB
Les « opera pumps » sont très précieuses et ont cours… seulement si un distingué gentleman le décide. Cela se trouve. Et cela se porte. Rarement toutefois.