Le pantalon en gabardine blanche

Le goût pour les pantalons clairs n’était pas vraiment là si on remonte dix ans en arrière. Au début du blog, à part le chino beige, je ne voyais pas beaucoup ce sujet dans les vitrines et sur les élégants.

Le retour à la chose sartoriale entre temps a amené un regard nouveau sur le pantalon. L’ancestral pantalon gris de nos grands pères n’est pas assez typé, n’est pas assez punchy pour les jeunes qui veulent s’habiller classiquement. Et qui veulent du panache.

L’éclosion du style « Cucinelli » largement pillé par Suit Supply, composé autour d’une palette très claire de beige, de gris pastel et de blanc cassé a donné l’idée de la couleur claire. Et du pantalon blanc en particulier. Ou blanc cassé. Autrement dit, écru. Pour l’hiver en flanelle ou en velours. Pour l’été, en coton ou en lin.

L’avantage du pantalon blanc, ou écru, est de passer avec tout. C’est un modérateur neutre, entre le haut (veste ou pull ou chemise) et le bas, souliers en cuir ou sneakers modernes. Le pantalon blanc permet à la fois un look sur un camaïeu de couleurs claires, ou au contraire, de réaliser des contrastes marqués, mettant en valeur les vêtements qui l’entourent.

Seulement voilà, un pantalon en lin ou un pantalon en coton donnent toujours l’impression de sortir de la gueule d’une vache. C’est froissé, rien n’y fait. Et quand le coton ou le lin sont lourds, au mieux, c’est comme taloché, à la surface façon papier vélin.

A la recherche de looks étudiés, très fluides et en un mot parfait, les maisons de luxe comme Loro Piana ont choisi de mettre sur le devant de la scène le pantalon en gabardine de laine. La gabardine, pour le faire vite, c’est un tissu type costume, lisse au toucher, à la couleur uniforme, sans relief donc, sans effet chiné. Ce pantalon de gabardine blanc traverse l’histoire de la mode. On l’aperçoit souvent dans Apparel Arts et autres dessins des années 30. On le voit souvent dans les années 70. Il va et vient au gré des modes et Ralph Lauren l’utilise beaucoup pour son pouvoir évocateur, celui du dandy ou du lord, impeccable sur lui. On le voit beaucoup dans ce film très curieux qu’est La Grande Bellezza.

Minuscule digression. La laine étant une matière animale, elle ne peut jamais être blanc optique. Elle ne peut être qu’écrue, genre coquille d’œuf claire, genre crème. Le pantalon de gabardine (de laine, il est inutile de le préciser en fait) que l’on dit blanc, c’est en fait un blanc cassé.

Le pantalon blanc en gabardine a le tombé du pantalon de costume. Il a la fluidité et la légèreté de la laine. Il drape admirablement. Il en a la netteté aussi, le pli reste bien tendu. Lorsque la pose est statique, les lignes sont admirables. Pas comme un lin ou un coton.

On pourrait croire alors que dans un look sartorial, le pantalon de gabardine blanc est le graal. Seulement voilà, je n’ai presque jamais trouvé un drap de laine écrue qui ne soit pas transparent. Et oui, c’est l’écueil numéro 1. Il faut le savoir. Sur un pantalon de laine écrue, on voit tout, les coutures d’abord, les fonds de poche ensuite, le caleçon enfin. Même avec des sous-vêtements blancs, on devine la peau, etc… C’est toujours très frustrant pour le tailleur qui se retrouve devant le client sans savoir quoi dire. Même la gabardine Loro Piana de 340grs est ultra transparente. Cela se remarque sur le pantalon ci-dessous, vendu 585,00 $ chez Golden Goose, et dont la photo a du être particulièrement retouchée.

Je dis presque, car dernièrement, j’ai testé pour un client une gabardine Drapers de 310grs qui était étonnante d’opacité.

L’écueil numéro 2 est le côté quand même terriblement apprêté d’une telle mise. Le pantalon en gabardine blanche fait très habillé. Il fait trop habillé. Et hélas, cela ne colle pas bien avec l’époque et l’humeur générale. Je ne dis pas qu’il faut refuser de chercher l’élégance sur cet autel. Il existe bien des chemins pour cela. C’est juste que le pantalon de gabardine blanc fait un peu Michel Serrault dans La Cage aux folles. C’est un pantalon rutilant. Mais qui impose tant sur le reste, en qualité et en allure, qu’il est préférable de s’en méfier et de ne le manier qu’avec des pincettes. C’est mon avis.

Belle semaine, Julien Scavini

5 réflexions sur “Le pantalon en gabardine blanche

  1. Avatar de Cavin Cavin 23 juillet 2024 / 22:52

    Monsieur Scavini, je me pose une question par rapport à un article que vous avez écrit sur la bonne longueur du gilet dans lequel vous disiez qu’il faut porter avec un gilet un pantalon taille haute. Quand vous dites taille haute vous dites taille naturelle au nombril ou taille haute au dessus ? Dans un article vous avez écrit a propos des laines de costumes qui donnaient par le passé un effet chiné et qui accrochait la lumière de manière splendide là où aujourd’hui il est difficile de faire la différence entre une laine de costume et un polyester et me demande donc également si vous avez des mots pour faire comprendre à mon conseiller en sur mesure que c’est ce que je cherche ?

  2. Avatar de Haeffound haeffound 24 juillet 2024 / 10:54

    J’apprécie porter un jean blanc cassé (en hiver, pour son épaisseur de coton), le côté « fripé » ou « sale rapidement » le rend moins habillé, tout en restant éclatant dans la grisaille ambiantes de ces mois. Le pantalon de costume blanc, comme on le voit sur la photo, montre tout, comme la poche très visible.

  3. Avatar de jeantivollier jeantivollier 24 juillet 2024 / 16:40

    Je possède un pantalon blanc cassé mais en lin. Je trouve justement que ce textile d’été porte mieux la transparence inhérente à la couleur, et que sa froissure naturelle donne une élégance folle en été.

  4. Avatar de Gagou Gagou 11 novembre 2024 / 08:09

    Du coup, proposez-vous des pantalons blancs/écru qui ne font pas deviner le motif et la couleur de nos sous-vêtements?

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