Un renouveau du costume? Vraiment?

J’admire sincèrement les magazines spécialisés comme GQ, Monsieur, Dandy et d’autres moins spécialisés au détour d’articles sur le sujet, capables de s’extasier sur ce qu’ils appellent « le grand retour du costume ». Ils célèbrent une prétendue effervescence, une renaissance sartoriale, un nouvel âge d’or du tailoring. Une telle méthode Coué force presque le respect. Car non, je ne crois pas, moi, que le costume soit sauvé. Ni même qu’il soit plus présent qu’hier.

Évidemment, c’est une constatation un peu amère pour un tailleur – et je le dis avec un pincement au cœur. J’aimerais croire à cette résurrection. Mais je ne vois pas la foule des vestons revenir dans la rue. Et c’est d’autant plus cruel que, chaque semaine au Figaro, ma tâche consiste précisément à écrire sur les usages et les coutumes du costume : comment choisir sa cravate, pourquoi préférer les pinces à un pantalon plat, quelle est la raison d’être des revers en bas du pantalon, ou encore l’art discret de la pochette.

Alors, parfois, au milieu d’une chronique sur le bon pli du pantalon, une question me traverse : à quoi bon ? Qui s’intéresse encore à cela ? Lorsque l’on « traîne » — pardonnez-moi l’expression — dans notre milieu sartorial, ce ne sont pas des lunettes que l’on porte, mais des prismes. Des prismes qui déforment tout. À force de regarder Hugo Jacomet ou Simon Crompton, de surveiller l’Instagram de Cifonelli ou Rubinacci, d’écouter des podcasts ou des youtubeurs plus ou moins en vue, on finit par vivre dans un monde parallèle. Surtout que plus ils sont jeunes, plus ils sont péremptoires. L’étais-je aussi? Diantre.

Un monde où l’on croit encore que l’élégance règne, que le costume a droit de cité, que les hommes s’habillent pour le plaisir. C’est peut-être cela, au fond, l’idée : s’inventer un univers plus élégant, plus chic, moins basique, moins vulgaire. Se mettre en marge pour, comme disait Saint Laurent, vivre en beauté.

Mais il suffit de lever les yeux pour que le rêve s’effondre. Dans la rue, le costume a déserté. On n’en croise plus guère que dans les mariages ou sur quelques banquiers en sursis. Aux enterrements ? même pas, j’en parle assez ici. Le reste du temps, la norme est ailleurs : baskets, sweat-shirts, pantalons mous. Le confort a gagné la bataille, et l’élégance, elle, s’est réfugiée dans les marges — sur Instagram, dans les ateliers, dans les souvenirs.

Je ne dis pas que c’est mal. Le monde change, les usages aussi. Simplement, il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître : le costume n’est plus un habit social, il est devenu un manifeste. Le porter aujourd’hui, c’est déjà faire un pas de côté, affirmer quelque chose. Non pas un pouvoir ou une réussite, mais une idée — celle que s’habiller peut encore être un acte de culture, presque de résistance.

Mon reproche envers les annonciateurs du « grand retour » du costume est là. Ils n’arrivent pas à s’extraire de leur propre environnement mental — un monde où le costume n’est pas seulement une passion, mais surtout un fond de commerce. Leur enthousiasme est sincère, sans doute, mais il repose sur une illusion. Le préambule nécessaire, incontournable même, à toute réflexion sur le sujet devrait être celui-ci : reconnaître la réalité. Et j’aime le faire, avec force.

Non, nous ne sommes plus dans les années 1990, lorsque le commercial de chez Xerox, le chargé de compte du Crédit Lyonnais ou l’inspecteur de la PJ portaient encore un costume. Si, si, au commissariat, ils portaient des costards. Ces trois hommes, aujourd’hui, sont en jean. Peut-être en chino. La légion des hommes en costumes s’est muée en une poignée d’irréductibles, accrochés à une certaine idée de l’ultra-urbanité : grands avocats, cadres de très grands groupes, messieurs âgés.

Une fois ce préambule posé sur l’état réel du costume, il est possible d’observer non pas un sursaut, ni même un retour, mais une permanence. Une ligne de fond, ténue mais stable.

Cette permanence se compose, à vrai dire, de trois types d’hommes. D’abord, ceux que je viens d’évoquer : 1- les représentants d’une certaine élite urbaine, pour qui le costume demeure un signe de position plus qu’un plaisir. 2- Ensuite, les mariés, qui assurent, pour bien des tailleurs, une part essentielle du chiffre d’affaires — j’oserais même dire, leur survie. 3- Enfin, les jeunes néophytes, souvent passionnés, curieux, parfois maladroits, mais animés par un véritable désir de style.

Il faut être clair sur ce deuxième point. Moi-même, comme tant d’autres — parfois à des niveaux bien supérieurs au mien, surtout en province —, nous nous appuyons sur l’abondance des mariés en quête d’un « costard » pour faire tourner nos ateliers. C’est une réalité simple, parfois un peu crue, mais indéniable. Derrière nous, les usines et les ateliers semi-industriels tiennent encore debout grâce à cette demande. Et j’aimerais insister sur ce fait : sans les mariés, l’écosystème industrialo-tailleur s’effondrerait. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle tout cet univers met autant en avant la notion de « cérémonie ». Sans elle, sans ce rite de passage, sans cette journée où l’on consent encore à se vêtir avec soin — malgré ses excès, ses dérives de mauvais goût, ses nœuds papillon en bois et ses thèmes de couleurs —, l’amateur de costume serait bien seul avec ses envies. Car il n’aurait plus beaucoup de choix.

Enfin, arrivons à la troisième catégorie : les jeunes néophytes. Eux n’ont pas connu leurs parents en costume. Nés autour de l’an 2000 — ou plus tard encore —, ils découvrent l’habit ici et là, souvent par curiosité, parfois par fascination. Comme moi il y a quinze ans? Ce qu’ils perçoivent d’abord, ce n’est pas le statut, mais la tenue : la classe de l’objet, sa dignité, ce qui fait propre. Et c’est là leur force. Ces jeunes discernent plus finement qu’on ne le croit, en tout cas bien plus que des quadras. Ils savent faire la différence entre le jean du quotidien, le pantalon un peu habillé et le véritable costume. Les frontières esthétiques, pour eux, sont étonnamment claires.

Ils ne portent pas le costume par devoir, ni par tradition, mais par goût, presque par jeu. En cela, ils sont peut-être les seuls à le considérer encore comme un vêtement de liberté.

Mais est-ce vraiment nouveau, tout cela ? Les magazines peuvent bien s’en émerveiller — et ils ont raison, jusqu’à un certain point —, mais non, ce n’est pas nouveau. À chaque génération, de manière continue, les jeunes redécouvrent le costume, le réinterprètent, se l’approprient à leur manière. Farid Chenoune l’avait déjà montré dans Des Modes et des Hommes. Les jeunes Beatles étaient-ils contraints de porter des costumes, certes revisités par Cardin ? Jacques Dutronc devait-il s’habiller en Renoma ? Non. Ils le désiraient. Et c’est bien cela qui importe.

À chaque époque, on ne constate pas le retour du costume, mais la permanence de l’envie. Une envie qui sommeille, qui ressurgit, qui change de forme, mais ne disparaît jamais tout à fait, c’est en effet ma thèse. Le costume pour ces jeunes, c’est une pièce parmi d’autre dans la garde-robe. C’est une pièce à avoir. Et comme les costumes dans le prêt-à-porter sont de moins en moins présents, la demande s’étiolant – bien que ce soit un peu comme l’œuf et la poule, quel phénomène intervient en premier ? – les tailleurs sont bien placés pour répondre en flux tendu à la petite, mais présente demande !

Le retour du costume, non. La permanence du costume, peut-être. C’est déjà pas mal.

Belle semaine, Julien Scavini

20 réflexions sur “Un renouveau du costume? Vraiment?

  1. Avatar de jeantivollier jeantivollier 13 octobre 2025 / 22:32

    Bonjour,

    J’ai la chance de voir hebdomadairement moult costumes, non pas au boulot, quoi que, à dose homéopathique, et encore moins dans la rue, mais à la messe.

    Les messieurs d’un certain âge le porte très classiquement, sans doute par habitude, les entre deux rarement, mais les jeunes (dont je fais partie) se donnent à cœur joie.

    Manteau très long, croisés, trois pièces, boutons dorés au blazer, soufflet chasse au dos des vestes en tweed, solaro, seersucker, fortes rayures et princes de Galles bigarrés, tout ce qu’on ne voit jamais au quotidien déborde le dimanche autour de moi et je dois avouer que c’est assez porteur.

    Bien sûr le but principal d’aller dans la maison de Dieu n’est pas d’y rencontrer le costume porté disparu, mais sur le parvis, après la famille, le travail et la politique, parlé de motifs de cravate entre amis donne de la légèreté dans la semaine.

    Je suis obligé néanmoins de noter que nos femmes ne partagent pas notre goût des cravates, des bretelles et des gilets… Mais je crois qu’effectivement une certaine tranche de jeunes hommes autours des années 2000 (je suis de fin 98) cherche un style, une fondation qu’ils n’ont jamais connu (je n’ai jamais vu mon père en costume hors d’une photo de mariage, le singulier est volontaire) et ça passe aussi par la manière de se vêtir.

    • Avatar de exmateriae exmateriae 14 octobre 2025 / 21:18

      Je suis obligé néanmoins de noter que nos femmes ne partagent pas notre goût des cravates, des bretelles et des gilets…

      Hello, possible de détailler ça? Elles n’aiment pas? Spécifiquement ces éléments là ou le costume de façon générale? J’avoue être surpris si je n’ai pas mal compris. (je n’ai que 5 ans de plus que toi)

      • Avatar de jeantivollier jeantivollier 15 octobre 2025 / 07:50

        Bonjour Exmateriae,

        Pour le coup je vais parler de la mienne parce que c’est celle que je connais le mieux.

        Elle aime beaucoup « être bien mis », chemise bien coupée, pantalon tailleur et chaussures de cuir, et elle est neutre face au costume, bien que des fois elle se sente complexée de ne pas s’habiller à la hauteur.

        Pour les bretelles, elle n’aime franchement pas, car ça lui rappelle « son grand père » même si je lui fais remarquer qu’avec un gilet, personne n’est au courant, et j’ai d’autres amis porteurs de bretelles qui ont les mêmes réflexions de leur conjointe.

        Pour la cravate, à force elle s’y est faite (elles s’y sont faite) mais l’appétence n’est pas là. « Trop rigide », « trop formelle », « trop vieux »…

      • Avatar de exmateriae exmateriae 15 octobre 2025 / 14:06

        Merci pour la réponse! L’aspect de ne pas être habillé à la hauteur est intéressant effectivement, je crois qu’on m’a déjà aussi dit ça quelques fois.

        Je suis tout de même assez surpris pour la neutralité face au costume, j’ai côtoyé beaucoup de filles entre 19 et 25 ans pendant que j’enseignais et le costume, ça avait un effet très notable. Je le remarquais surtout par les réactions à mes amis qui n’en portaient jamais et d’un coup même du très entrée de gamme elles adoraient! Peut-être que le milieu du droit aidait un peu mais même là le costume est très loin de sa popularité d’antan.
        Des filles m’ont dit (après, dans quelle mesure peut-on faire confiance à une personne pour dire ce qui l’attire réellement?) que le costume était l’équivalent féminin de la lingerie! Ca m’a vraiment surpris la première fois mais c’est quelque chose qui m’est vraiment resté.

        Les bretelles effectivement ça fait très marqué, je peux comprendre, d’autant plus que je ne suis pas fan personnellement haha
        La cravate plus surprenant mais elle a un bagage culturel professionnel qui est probablement plus marqué que le costume lui-même qui est autant marqué festif (le noeud pap peut compenser, j’en mettais avec des pulls du quotidien à une époque)

        Merci pour ton retour en tout cas c’est intéressant 🙂

      • Avatar de jeantivollier jeantivollier 15 octobre 2025 / 17:18

        Bonjour,

        Effectivement je confirme, beaucoup de femme m’ont confirmé que le costume leur faisait beaucoup d’effet, on me l’a déjà comparé à « la petite robe noire d’une femme ». Juste pas la mienne je suppose.

        Je pense qu’elle ne voit que le bagage culturelle associé au costume, et pas l’effet en lui même pour la silhouette. Pour sa défense, elle n’a aucune vision en 3D de naissance.

    • Avatar de Jean Jean 15 octobre 2025 / 08:51

      Et si certaines femmes choisissaient, elles aussi, d’épouser le style classique féminin ? On verrait renaître les jupes midi, les blouses à lavallière, les robes structurées, les escarpins sobres, les manteaux ceinturés, les cheveux coiffés des beaux chignons… Et pourquoi pas les bas avec porte-jarretelles, équivalents discrets — et tout aussi raffinés — des bretelles masculines. Ce serait une manière de réinventer l’élégance à deux voix, chacun dans son registre. Mais soyons lucides : il n’y aurait sans doute pas foule de candidates. Le confort, la praticité et les codes contemporains règnent en maîtres. Et pourtant… quelle allure cela aurait.

      • Avatar de jeantivollier jeantivollier 15 octobre 2025 / 09:02

        Bonjour, mon homonyme,

        Je suis bien d’accord, et en toute honnêteté j’en vois un certain nombre ainsi vêtu (voir un nombre certain) le dimanche matin. Exception faite du porte jarretelles, si elles en portent, c’est entièrement à leur discrétion évidement.

        J’essaye de pousser ma femme « à faire un effort » plus que vers une orientation « classique » qui lui parle moins, mais elle est tourmentée entre désir d’être bien mise, et crainte d’abîmer le beau vêtement.

        A ce titre elle refuse, sauf à être surprise dehors par un froid glaciale, et encore après moult insistance, de toucher un de mes manteaux de peur de les déchirer. Je suis obligé de lui dire que vu leur épaisseur, et vu la finesse de ce qu’on trouve en boutique pap, j’aurais moins peur pour les miens que pour les siens…

      • Avatar de Jean Jean 15 octobre 2025 / 09:33

        Bonjour Jean,

        Je comprends bien cette crainte d’abîmer le beau vêtement — elle est presque sacrée, comme si le tissu portait en lui une promesse qu’il ne faudrait pas trahir. Mais cette peur peut se sublimer : il y a un vrai plaisir à voir la patine du temps faire son œuvre, à sentir le manteau se faire doucement à la silhouette, à voir le cuir gagner en nuance, son Barbour en coton huilé évoquer par son aspect son rôle véritable, etc.

        D’ailleurs, on trouve moult anecdotes — parfois véridiques, parfois légendaires — de ces hommes qui faisaient tout pour user, marquer, casser leur vêtement neuf : s’asseoir par terre, marcher sous la pluie, frotter les manches, enterrer leur Barbour… non pas par négligence, mais pour que le vêtement vive, qu’il s’incarne.

        Pour convaincre votre compagne, il faut peut-être lui dire que le style classique n’est pas une vitrine figée, mais un art de vivre. Il demande une forme d’engagement, de discipline, de goût du rituel — tout ce que notre époque tend à reléguer derrière la commodité. Mais c’est justement ce qui lui donne sa force : il ne cherche pas à plaire à tous, seulement à ceux qui savent regarder.

      • Avatar de jeantivollier jeantivollier 15 octobre 2025 / 09:55

        Bonjour Jean,

        Oui je suis d’accord, j’aime faire vivre mes vêtements et les voire évoluer avec moi, mais je ne parle pas là d’une crainte de l’usure « normale ».

        Ma femme est très maladroite et tombe souvent, déchirant régulièrement son pantalon.

        Ceci étant dis, elle a déjà malheureusement descendu les escaliers sur ses fesses avec mon manteau, et la seule abîmer de cette expérience, c’est elle, donc elle commence à intégrer que le beau vêtement n’est pas en papier à cigarette et ne se désintègre pas au premier contact « de travers ».

        Évidement rationnellement elle le sait, mais l’inconscient mets parfois de bien fort freins.

    • Avatar de Julien dl Julien dl 20 octobre 2025 / 19:56

      Bonsoir Jeantivollier,

      Ma paroisse est dans la même situation que la vôtre, à ceci près que les dames et les demoiselles font également des efforts. Je pense que cela doit dépendre d’une paroisse à l’autre et de la forme du rite également, comme j’ai pu le constater. Je suis également étonné de ce que vous dites des préférences féminines, car il m’a semblé que les femmes appréciaient les hommes en costume. Ce qui est formel de prime abord ne l’est que par manque d’habitude, et très rapidement, cela s’estompe je pense. Elle remarque par la suite, il me semble, la frontière entre un costume et un costume formel.

  2. Avatar de Jean Jean 14 octobre 2025 / 11:05

    Bonjour Julien, Bonjour Jeantivollier,

    Vos témoignages résonnent en moi, car je me confronte moi aussi à mon attrait pour un style classique pleinement assumé, dans une époque dominée par la culture du loisir. Comment en arrive-t-on là ? Peut-être par une série de petites révélations, de souvenirs esthétiques qui marquent. Pour ma part, ce sont les discussions de mes oncles sur leurs aînés toujours impeccablement mis, les photographies anciennes de mes grands-parents, cette aura indélébile du style classique qui m’a fasciné. Une élégance qui semblait aller de soi, sans ostentation, mais avec une dignité tranquille.

    Et il faut bien le dire, au cinéma, les acteurs d’aujourd’hui ne souffrent pas la comparaison avec ceux d’avant les années 70. Il y avait dans leur manière de se tenir, de s’habiller, une forme de noblesse qui dépasse le vêtement. C’est peut-être cela qui nous attire : la recherche d’un style intemporel, ou du moins durable, qui nous va bien, qui nous construit. Un vestiaire cohérent, adapté, qui évolue et s’enrichit par petites touches. Et, sans qu’on s’en rende compte, on est pris dans l’engrenage d’une quête. Une quête d’élégance, oui, mais aussi une exigence envers soi-même.

    Cela creuse un fossé avec la norme actuelle, bien sûr. Mais ce fossé est aussi un espace de liberté. Il nous enrichit, il ouvre d’autres cieux. Et finalement, je subis peu de regards réprobateurs. Au contraire, il m’arrive que des vieilles dames m’abordent dans la rue pour me parler de feu leur mari qui aimait s’habiller. Des passants me parlent spontanément, avec bienveillance. Étonnamment, c’est lorsque je porte des couleurs plus sombres que je suis le plus remarqué — bien plus qu’avec les teintes champêtres. Assumer la différence ? Je n’ai pas à le faire. Le style classique est devenu une normalité pour moi. Et pourtant, le plaisir des belles choses reste intact.

    Aujourd’hui, dans les villes surtout, beaucoup de personnes assument des styles très singuliers. Alors un de plus, un de moins… Et puis, parler du costume, c’est bien, mais le style classique ne s’y limite pas. Le dépareillé, à mon goût, est souvent plus satisfaisant. Il permet un décontracté chic, il complexifie la tenue, il brouille le côté trop formel du costume, qui lui se distingue par sa simplicité.

    Le dépareillé ouvre la porte à des pièces moins formelles : un chino, des desert boots, une chemise à col boutonné, un pullover sous veste, un cardigan coloré en maille, une cravate en tricot de laine… L’esthète y trouve son compte : la composition demande plus de créativité, les textures se mêlent, les motifs s’entrelacent, la palette de couleurs s’élargit. La silhouette classique, elle, reste respectée.

    Et s’il fallait être plus habillé ? Le costume n’est même pas nécessaire. Le blazer peut suffire. C’est une pièce très intéressante dans ce cadre : il peut tirer tantôt vers le formel, tantôt vers le décontracté. Il est l’outil de l’adaptation. Et nous, nous nous adaptons comme nous pouvons à ce monde.

    Bien à vous,
    Jean

    • Avatar de jeantivollier jeantivollier 15 octobre 2025 / 09:16

      Bonjour Jean,

      Je me retrouve aussi dans ce témoignage de vieilles dames qui viennent me complimenter. (Voire moins âgés parfois). Et même si certaines n’osent pas venir, je lis dans les yeux de certaines un réconfort. Leur rappelais je un mari, un père ou tout simplement le monde qu’elles ont connu avant de se perdre dans une modernité qui change trop vite ? Toujours est-il que j’éprouve un grand plaisir à réconforter ces personnes trop souvent oubliées de notre société.

      A ce titre, j’ai une anecdote drôle, un ami, à force de me voir recevoir régulièrement des compliments féminins, décide de troquer ses T-shirt à logo et ses jeans bleached pour une tenue « plus classique » à défaut de « tailleur ». Il me demande de l’aider (à faible coût) nous allons donc chez Bexley et il ressort, ma foi fort bien mis, d’un chino d’une belle couleur sable, d’une chemise en lin et coton rayé d’un vert doux, et au visage, une paire d’aviateur plutôt que de ski. 15 minutes plus tard, effectivement, quelqu’un vient le complimenter sur sa beauté avec manifestement un désir de le draguer… Un homme…

      Toujours est-il qu’il s’est trouvé un peu flatté d’enfin sortir de la masse uniforme et anonyme et de se faire remarquer positivement, mais un peu désenchanter que ce ne soit pas par une belle demoiselle…

      Sur la question du dépareillé, j’aime beaucoup aussi, car effectivement ça ouvre le champs des possibles et j’aime ce bouillonnement intellectuelle de trouver l’accord qui nous plaît, tous les jours renouvelé, mais je me rend compte que quand j’en ai l’occasion (la moto me limite dans mes choix au quotidien) je choisi plus souvent le costume (trois pièces) car j’aime l’effet statutaire qui s’en dégage…

      Rien n’empêche au fond d’ailleurs de « dépareillé » un costume, non pas en contrastant le pantalon et la veste, mais avec un gilet différent, voire, mais c’est plus difficile, un pantalon et gilet du même, et une veste différente. Mais ça devient un terrain hasardeux, à explorer avec modération.

      • Avatar de Jean Jean 15 octobre 2025 / 09:48

        J’ai bien ri avec l’anecdote de votre ami !

      • Avatar de Julien Scavini Julien Scavini 15 octobre 2025 / 15:47

        J’ai rigolé aussi !

    • Avatar de Julien Scavini Julien Scavini 15 octobre 2025 / 15:47

      Merci pour ces bons développements !

  3. Avatar de olibad olibad 16 octobre 2025 / 20:44

    Bonjour à tous,

    le retour du costume n’existe effectivement pas, hélas. En revanche une frange de la jeunesse est en effet surprise de voir sur d’anciennes photos leurs ancêtres parfaitement habillés, et cela quelque soit le niveau social de l’époque.
    Ces jeunes aimeraient imiter les anciens, car ils reconnaissent bien que cette mise donne une stature, de l’allure, mais cela reste au stade du désir.

    Franchir le pas est encore loin.

    Certains vont s’acheter un complet dans une boutique pas cher (à quoi bon investir quand on n’ose pas), qu’ils ne porteront qu’à la maison, pour essayer, se voir; mais n’osent pas sortir ainsi vêtu car le décalage leur paraît trop important avec leurs contemporains. Le manque d’habitude qui ne les rends pas à l’aise dans ces vêtements est aussi un frein. Bref, si il y a un petit renouveau, il reste dans l’esprit. Peut-être un début…

  4. Avatar de Julien dl Julien dl 20 octobre 2025 / 19:45

    Je ne peux qu’abonder dans le sens de ce qui a été dit précédemment. Je fus le témoin ces dernières années d’une véritable transformation de ma paroisse : les messieurs plus âgés portent toujours le costume ; mais si les messieurs dans la quarantaine portent des costumes avec maladresse, les jeunes hommes se sont mis sous l’impulsion donnée par quelques-uns à s’endimancher. Chacun selon ses moyens s’est mis à porter de belles coupes, des costumes croisés, la cravate, de longs manteaux en hiver, ainsi que le chapeau. Les demoiselles ne sont pas en reste, puisqu’elles aussi portent foulards, beaux manteaux, escarpins et mantilles.

    Outre les paroissiens qui tiennent haut l’élégance, on rencontre effectivement dans les bals beaucoup de monde devant se conformer à certains codes, mais plus par devoir que par désir. Comme Monsieur Scavini en faisant l’observation lors d’une précédente rubrique sur la soirée d’ouverture de l’opéra Garnier, on voit de tout, mais les passionnés se reconnaissent à la façon dont ils portent l’habit. Pour l’anecdote, il m’est arrivé de croiser par hasard deux messieurs de 25 ans environ qui portaient d’admirables jaquettes, avec de beaux hauts-de-forme sur l’hippodrome de Longchamps. Nous nous sommes adressé de légers saluts, avec un large sourire qui disait vous aussi ? Je n’ai pas encore eu de commentaires positifs des autres à Bruxelles, mais j’en reçois de nombreux à chaque fois que je me rends en Pologne.

    On peut légitimement se désoler de la disparition du costume, mais faut-il s’en étonner ? Si Monsieur Scavini théorise que le costume garde une base d’adhérent plus ou moins stable, je pense que la grande masse des gens a pu s’habiller convenablement par une conjoncture de facteurs assez exceptionnelle dans notre histoire. Ces générations sont en effet le résultat de l’éducation des masses, produisant les effets sur lesquels nous nous extasions, à savoir : des gens quittant la misère, entrant dans la classe moyenne, parlant un beau français, s’habillant convenablement. Oui, la situation a très vite changé, mais les raisons sociologiques qui ont poussé les masses dans l’abîme vestimentaire, linguistique, &c, que nous connaissons ne sont pas l’objet de ce commentaire. Celui qui est à la recherche d’autre chose pour lui-même — faisons mémoire du poème de Robert Frost Le Chemin qu’on ne prend pas — traversera probablement des périodes de doute, de solitude, surtout au début, mais qui parmi nous ayant sauté le pas serait prêt à revenir à son point de départ ?

    • Avatar de Julien Scavini Julien Scavini 20 octobre 2025 / 20:16

      Merci pour ce beau commentaire que j’ai mis du temps à valider, pardon.

  5. Avatar de FV FV 24 octobre 2025 / 14:49

    Bonjour Monsieur Scavini,

    Comme je vous l’avais déjà fait remarquer, l’avenir du tailleur sera de faire du divorce une fête avec un costume confectionné pour cette seule occasion !

    Avec mon meilleur souvenir.

    François

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