Ce soir, une pièce de grande importance dans la vie de ce blog et pour la nouvelle année: un essai d’élégance classique. J’en ferai un onglet permanent prochainement! N’hésitez pas à critiquer, à faire des rajouts, des commentaires, merci.
Préface d’Alain Stark
La Mode est italienne, le « Chic » est anglais. Sans jamais être dépassé car toujours au goût du jour, le classicisme britannique fonde l’élégance depuis maintenant plus d’un siècle. Lorsque mon grand père s’est installé rue de la Paix à Paris en 1910, il a importé ce qui faisait la réussite des tailleurs du Row : le complet à l’allure naturelle, légèrement cintré, avec ses petits revers et son boutonnage haut. Depuis, maintes évolutions ont eu lieu durant les années folles et après guerre avec la révolution de la confection de masse ou sous le crayon des stylistes dans les années 80. Mais l’esprit reste le même et l’invariance de la forme et des tonalités suit un seul but, habiller l’homme en gentleman.
Introduction
Ce petit précis se destine d’abord aux jeunes souhaitant mettre en place leur garde robe et n’ayant que des notions imprécises et incomplète du vestiaire masculin. Si vous occupez (ou occuperez) un emploi de bureau ; comptable, attaché juridique, gestionnaire, manager ; ou bien en relation avec autrui ; vendeur, technico-commercial, bibliothécaire, agent de change ; alors vous pourrez tout à fait vous inspirer de ces quelques notions d’élégance classique à l’usage du parfait gentleman. Quant aux intellectuels, hommes de spectacle et autres antiquaires du carré, vous pourrez directement passer à une élégance plus dandy, montrant aux yeux du monde votre goût, votre assurance et vos moyens.
Ce manuel se décline en quatre points. Il se compose de tenues classiques, que vous pourrez trouver en mixant pièces de prix et accessoires à pas cher. Le respect scrupuleux de ces notions et règles vous permettra j’en suis sûr, d’atteindre une sorte d’état normal du vestiaire. Vous serez alors classique, ce qui est l’assurance de la durée, hors du chemin des modes. Il sera votre base discrète, vous permettant par la suite divers tests et ajouts, pour acquérir de la ‘sprezzatura’, c’est à dire un naturel dans l’élégance.
Avec ces quelques notions, vous serez prêt à attaquer les affres de la mode masculine, de plus en plus versée dans une hystérie féminine de mauvais aloi.
En milieu urbain…
C’est celui du travail et de la quotidienneté. C’est aussi celui de l’usure rapide des étoffes, sous l’effet conjugué du fauteuil de bureau et des déplacements en métro (ou en automobile). C’est enfin celui de la respectabilité. Votre position dans l’entreprise dépend de votre représentation (attention toutefois à ne pas être plus chic que votre supérieur, motif bien souvent caché de diverses mutations). Ici les règles sont simples et visent un état : l’effacement dans l’élégance.
Commencez d’abord par le costume, cette pièce essentielle sinon primordiale de votre penderie. Choisissez les le plus foncé possible, uni en priorité, de l’anthracite (charcoal en anglais) au gris soutenu en passant par le bleu de minuit. Achetez-les ajusté, c’est à dire avec des épaules qui encadrent bien vos bras (pas de surplomb à l’épaulette), en deux ou trois boutons. Pas de tissus brillants et des boutonnières ton sur ton. Faites reprendre les bas de manche (qui doivent être courts pour laisser dépasser un centimètre de chemise) et de pantalon sans revers (qui doit arriver à la moitié de la hauteur du soulier).
C’est une base, que vous porterez avec des chemises, plutôt blanches. Pour commencer, celles-ci sont plus faciles à trouver et à coordonner. En popeline, en fils à fils ou en oxford, elles sont aussi l’assurance de ne pas commettre d’impair. Elles doivent être à votre taille, c’est-à-dire que votre cou est pris complètement par le col sans pouvoir y mettre la main, comme l’on voit trop souvent où l’effet est alors désastreux avec une cravate serrée. Optez d’ailleurs pour un modèle sobre, bleu marine ou rouge foncé, jamais noir ou gris, c’est vulgaire. Les modèles à pois blancs ou de couleurs, ou à rayures club sont parfait, si tant est qu’ils soient simples. La simplicité est mère de la vertu !
Avec cet ensemble au goût sobre, vous pourrez acheter un pardessus foncé, à poches côtés et non ventrale et à boutons cachés (le mieux) que vous pourrez porter l’hiver, avec des gants noirs et un parapluie roulé. Complétez par des chaussettes sombres et de beaux richelieus à bout rapporté, qui vieillissent mieux. Et jamais de mocassins avec les costumes. Enfin, le chapeau le plus adapté à ce registre serait certainement le Trilby, en coloris foncé.
Inspirez vous de l’illustration pour composer votre choix:
En période mi-sport…
Sous ce nom amusant, quelques-uns de mes amis désignent les tenues dépareillées, parfaites le samedi pour aller aux puces ou au marché, ou pour se promener en ville. Il s’agit de l’ensemble le plus décontracté.
Commencez alors avec le pantalon, soit celui en flanelle grise claire, soit le chino de couleur sable, et éventuellement le chino coloré ou le velours côtelé. Vous pouvez alors compléter avec au choix une veste ou des pulls en mailles de laine. A ce sujet, vous pouvez trouver des modèles à col en V ou à col rond (plus pratique par dessus une chemise à col boutonné), sans manches ou encore dans la variante cardigan.
Pour la veste, achetez d’abord un modèle sans motifs, unis ou à petits chevrons dans un bon tweed et/ou un blazer droit. Les rayures ou les carreaux posent des problèmes d’accord avec les chemises et cravates, alors jouez la carte de la sobriété, personne ne vous le reprochera. Dans ce registre, vous pourrez tenter d’arborer des chemises à rayures bleues ou roses sur fond blanc. Évidemment, la chemise aura toujours des manches longues et aucune poche de poitrine.
Si vous portez une cravate, le motif club est maintenant évident. Si vous choisissez de vous en passer, portez une chemise col boutonné qui a plus de tenue lorsqu’elle est ouverte. N’hésitez pas à mettre une pochette de lin dans votre poche poitrine. Si elle est de trop, enfouissez là. Si le froid persiste un peu, il vous faut un deuxième manteau, cette fois dans les tons plus clairs que pour la ville, pour accompagner la tenue mi-sport, avec peut-être un chapeau feutre dans les mêmes coloris.
Quant aux chaussures, elles doivent être marron, et si vous n’aimez pas, prenez les très foncées, peut-être en veau velours. Le richelieu ou la bottine chukka sont indiqués. La ceinture est dans le même coloris de cuir, jamais de noir sur marron. Les chaussettes peuvent être de couleur, et toujours montantes en dessous du genou, ne transigez pas sur ce point.
Inspirez vous de l’illustration pour composer votre choix:
En milieu rural…
Il est évident qu’un citadin ne passe pas ses week end à la campagne, à moins qu’il n’y possède une chasse, mais alors je doute qu’il me lise, maîtrisant déjà les codes. En revanche, le port de cette tenue est indiqué en ville le dimanche par exemple et ou en semaine les jours de grand froid tels que nous en connaissons à Paris ces temps-ci. Cet ensemble fait la part belle aux tweeds de couleurs naturelles. Achetez au moins un costume de Donegal, peut-être avec le gilet, vous ne le regretterez jamais, il vieillira très bien !
C’est aussi avec cette tenue que vous pourrez arborer des chemises à carreaux. Sur fond blanc ou écrus, avec des lignes horizontales et verticales s’entrecroisant, en vert, rouge, marron ou bleu, on les appelle Tattersall check. C’est le nec plus ultra de l’élégance des champs. Vous serez avec aussi discret que respectable en bottes de caoutchouc.
Exceptionnellement, la cravate peut être en laine et non en soie comme de coutume. Les motifs quadrillés sont une invention moderne. L’uni est alors le recours idéal, surtout dans des tons chauds comme les rouilles orangés.
Le pardessus indispensable, en dehors du Mac Farlane inusité est le Barbour, n’importe quel modèle de Barbour tant qu’il est en coton huilé. Avec sa couleur verte caractéristique et son col de velours, il vous réchauffera et vous tiendra à l’abri de l’humidité. Il dure des années et peut se faire réparer au SAV de Barbour, cette fameuse et ancienne maison toute britannique. Complétez par temps froid avec une belle casquette de tweed fin.
Enfin, complétez la tenue avec de belles chaussettes, toujours en fil d’écosse ou peut-être en laine (difficile à laver efficacement) de belles couleurs, pourquoi pas vert d’académie ? Les souliers évident sont alors les derbys, solides et étanches avec leur couture norvégienne. Paraboot en produit de bons, mais les formes ne sont pas tellement agréables à l’œil.
Inspirez vous de l’illustration pour composer votre choix:
En numéraire…
Résumons nous, il est temps après autant de bons conseils. Ouvrons les portes du placard, qui pour commencer comprendra :
- – 4 costumes sombres pour la ville
- – 1 complet de donegal (ou autre tweed)
- – 1 veste mi-sport en petits chevrons de tweed
- – 1 blazer droit bleu foncé
- – 2 pantalons de flanelle grise
- – 2 chinos de couleur sable
- – 1 pantalon de velours côtelé ou un jean
- – une quinzaine de paires de chaussettes, pour les deux tiers sombres
- – quelques mouchoirs de pochette blanc, écru et/ou avec des bords colorés
- – une dizaine de cravates de soie
- – 7 chemises blanches
- – 4 chemises à rayures
- – 3 chemises à carreaux
- – 3 paires de chaussures noires, des richelieus
- – 2 paires de chaussures marron, des richelieus ou des derbys ou des bottines
- – 2 manteaux, un foncé l’autre clair
- – 1 Barbour (une marque, une fois n’est pas coutume)
- – quelques paires de gants
- – un parapluie
- – 3 couvres-chef: un trilby noir, un feutre mastic et une casquette de tweed
Enfin, chez vous, optez pour l’ensemble pyjama de coton et robe de chambre, très agréable en hiver, avec des chaussons fourrés. Et si vous avez encore un peu de réserve financière, adoptez un smoking, ils sont délaissés par leurs propriétaires et manquent sincèrement à bon nombre de soirées.
Cette présentation est maintenant terminée. Je souhaite qu’elle vous confère une base pour débuter, ou remodeler votre penderie. Vous pouvez suivre à la lettre ces principes ou les remanier. Il est évidemment indiqué d’utiliser sa propre appréciation, quant aux coloris et aux matières, mais vous pouvez être certain de ce référentiel. Une fois bien débuté, vous comprendrez par le port correct de ces diverses tenues le confort et l’aisance du moment qu’elles procurent. Vous allez alors acquérir une certaine assurance et pourrez aller taquiner les couleurs, les motifs (point trop n’en faut) et surtout les styles (60’s ou dandy par exemple). Bonne année 2011 !
A propos
La rédaction de ces règles s’inspire principalement du livre ‘Le chic anglais’ de James Darween, revu et corrigé (disponible au téléchargement dans la rubrique Bibliographie). Notons aussi les ouvrages ‘L’éternel masculin’ de Bernard Roetzel et ‘Des modes et des hommes’ de Farid Chenoune. Vous les retrouverez sur la bibliographie du blog. Mon résumé est évidemment un parti pris, comme souvent de ma part. Il s’agit d’une posture, qui évidemment ne plaira pas à tout le monde, qu’importe ; jeunes aristocrates et nouveaux bourgeois de vieilles familles y trouveront du plaisir, c’est là l’essentiel. Le but étant aussi de fixer un savoir, le nôtre, à un moment donné, en l’occurrence l’orée de l’année 2011.
Julien Scavini
Bonsoir et meilleurs voeux pour l’année qui commence.
J’aime beaucoup votre blog, que je consulte depuis plusieurs mois. J’apprécie en particulier son juste équilibre technique, si je puis dire : accessible au néophyte comme moi, mais techniquement précis sur tel ou tel point de confection par exemple.
Une remarque sur cet article : quid des couvre-chefs ? Je suis surpris de ne pas vous les voir mentionner, au-delà des gants et parapluies…
Cordialement.
Formidable!
L’article parfait (en dehors de quelques petites fautes de frappe! si vous cherchez un correcteur je suis votre homme…) pour un jeune (et large d’épaules) débutant comme moi.
D’ailleurs, comme Patrick, un article sur les chapeaux me plairait beaucoup.
Et, bien entendu, meilleurs vœux pour 2011.
Ohlala excusez mes fautes. Dîtes moi où, je corrigerai!
Pour les couvres-chef, je vais ajouter quelques lignes.
Je suis désolé, je suis sans doute un peu pointilleux… Mais il s’agit avant tout de petites imperfections de style (les parenthèses vous embrouillent bien souvent par exemple!) et de quelques fautes d’orthographe minimes… et je suis un peu confus de vous corriger ici!
Et je viens de télécharger « Le chic anglais », et d’en lire quelques lignes, c’est délicieusement ironique, merci beaucoup!
ah difficile oui pour les parenthèses. Je tâcherai de rendre plus fluide le texte, bien que cela soit difficile, tant de choses à dire.
Bonjour,
Une petite faute ici : « Pour commencer, celles-ci sont plus faciles à trouver et à coordonnées. » => à coordonner.
Fred
corrigé!
Bonjour et meilleurs voeux !
marci pour cet article très « éclairant ». Une question d’ordre pratique : une recommendation pour l’achat d’un cover coat anglais ou chesterfield dans le quartier de la Madeleine à Paris? l’offre est pléthorique mais difficile d’y voir clair.
Cordialement,
Goldfinger
Citez les maisons, je tenterai de vous répondre.. car par où commencer sinon?
L’idéal serait un chesterfield entièrement entoilé, pour une durée de vie à vie 🙂
Bonsoir Julien,
Hé bien allons y. Samson propose des chesterfield ‘sur-mesure’. Il y a Handson également je crois. Egalement Smuggler. Et sinon Hackett à priori.
Mais peut-être encore Marc Guyot, Crémieux (j’y ai vu de très beau manteau en vitrine!), ou autres…
Bon départ n’est ce pas?
Goldfinger
Donc beaucoup de maisons de ‘petite mesure’. Je ne saurais en recommander une en particulier.
Crémieux oui pourquoi pas bonne maison je crois. Hackett non, produit de piètre qualité. Old England sinon, avec les produits Albert Arts.
Il nous manque à Paris une bonne vieille et vraie maison british pour vendre ce genre de produits.
Le seul critère que je peux vous donner: entoilé intégral (c’est à dire sentir une couche à l’intérieur des devants, entre le tissu ext. et le tissu int, au bord) et non thermocollé. C’est la seule qualité sur laquelle je m’engage.
Bonjour,
Pour les manteaux, je suis légèrement en désaccord avec notre hôte Julien : j’ai trouvé chez Hackett il y a 3 hivers des manteaux de tweed de superbe qualité et aux finitions parfaites.
Certes, aujourd’hui le pire y côtoie le meilleur : j’ai vu hier un manteau marron-noir (à dominante sombre mais peu mettable en semaine de bureau tout de même) de tweed Robert Noble, et boutonnière fonctionnante, de belle facture (certes le tissu me semblait peu épais) et au prix soldé devant être autour de 400 euro je pense. J’y vois un achat plaisir parfait.
Mais, j’ai vu aussi une horreur en terme de finition : un croisé prince de Galles à qui je ne donnerais pas une saison pour être tourneboulé.
En ce qui concerne les manteaux, Loro Piana a fait de belles choses cette année. Et j’ai vu de belles réalisations chez Albert Arts ou Old England.
Evitez Faconnable (une vraie déception depuis 5 ans) et Brunello Cucinelli qui est très surévalué.
Pensez aussi à la demi-mesure…
Merci pour ce site Mr. Scavini.
Oui je comprends votre position, plein de choses chez Hackett font joli! Mais pour avoir constitué toute ma garde robe exclusivement chez eux, je peux vous dire que ça ne tient pas la route, et que c’est très très largement sur-évalué… Je ne veux pas polémiquer ici, mais les costumes sortent à moins de 150€ HT tissu compris, revendu 800 TTC… pas étonnant le résultat après… C’est n’est plus qu’une marque à fric.
Attention à ne pas confondre qualité et finitions.
De belles finitions c’est agréable à l’oeil, mais ce n’est pas (ou peu) ça qui fera que le manteau sera résistant, durable, et vieillira bien.
Il s’agit plutôt du montage, des matériaux utilisés (pour ce qui est visible mais aussi pour ce qui est caché), des coutures… Des choses difficiles à apprécier sur l’article neuf, en boutique.
Seul le temps saura dire si l’article est de qualité ou non.
Chers tous,
Je suis très à cheval sur l’orthographe et la syntaxe, mais ayons donc l’élégance de lui formuler les remarques de formes hors le blog.
Beaucoup de choses dans cet article. Je ne suis pas d’accord avec tout mais ce n’est pas important. Je sais gré à Julien de rappeler des règles de bases : pas de mocassins avec les costumes, pas de poches aux chemises, porter des chaussettes hautes, etc…
Une question me taraude, à lire Mr Stark. Pourquoi faut-il donner une nationalité au « chic » ?
Amitiés
Nicolas
Question de positionnement commercial 😉 Et certainement qu’à ses yeux, aux miens d’ailleurs aussi, les italiens tentent beaucoup trop de choses tous azimuts. Leurs maisons font des collections chaque saison, cela donne un rythme un peu effréné, très anxiogène pour les conservateurs que nous sommes.
Et puis parceque dans le chic, il y a côté présupposé, sûr de soi, qui est tout fait british. Pas petit bourgeois, le concept n’existe pas chez eux, mais presque. Le chic serait une sorte de vérité germano-anglaise, l’élégance un concept latin 🙂 Le premier est ‘démocratisable’ (ce que ce traité essaye de faire), le second est tout à fait élitiste 🙂
C’est intéressant ce point de vue. A rapprocher à ce qui a été écrit sur un autre blog ( Le Chouan )à propos du snobisme anglais…Pour ma part, je fréquente beaucoup d’anglais, et je vais donc réfléchir à la manière de qualifier leur façon de se vêtir…
Nicolas
à creuser oui. Mais ma petite philosophie péche un peu à ce stade 🙂
« attention toutefois à ne pas être plus chic que votre supérieur ». Tout à fait d’accord avec vous (comme avec la plupart de vos remarques éclairées), mais comment faire lorsque ledit supérieur s’habille d’horreurs et d’hasards ? Quand mettre une chemise et une veste vous fait passer pour un dandy, voire un prétentieux ?