Nous sommes de nos jours habitués à voir des cravates aux tons colorés, aux motifs chamarrés et aux matières variées. Mais ce ne fut pas le cas pendant longtemps. Étudions rapidement cette évolution.
Jusqu’au milieu du XVIIIème siècle, il était courant d’arborer des cravates blanches en lin fin : de la baptiste. Plutôt qu’une cravate, il s’agissait plutôt d’un ancêtre du nœud papillon : la lavallière (la vraie, pas celle au nom usurpé des mariages d’aujourd’hui). Les pans, plutôt ou moins dentelés, retombaient de part et d’autre après avoir fait plusieurs fois le tour du cou, autour d’un col de chemise haut. C’est habituellement cette version que l’on portait en-cours à Versailles, jusqu’à Louis XVI, sous des versions diverses.
Le blanc était donc prépondérant, et c’était les vêtements qui arboraient les couleurs. Replacez ce principe aujourd’hui : votre costume en soie de couleurs et votre cravate blanche ? Quoique cela ferait un peu Kenzo ou autre non ?
A partir de ces faits, entrons dans les hypothèses, mes recherches étant encore partielles. Ce serait les allemands les premiers qui ont ‘inventé’ la cravate noire. Plus précisément, ce serait les romantiques allemands. Occupant des métiers intellectuels, ils auraient manqué de fonds pour entretenir les fines bandelettes de lin blanc. Vous l’avez sans doute constaté, les cols de chemises blanches se salissent (jaunissent) très vite. Alors que la cravate blanche nécessitait un entretien intensif que seule l’aristocratie pouvait s’offrir, ces jeunes artistes eurent recours, en complément du drap de laine noir à cet artifice plus ‘utilitaire’ (amusante caractéristique allemande). En France, des romantiques comme Balzac eurent recours également à la cravate violette (cravate équivalent ici encore à lavallière).
En Italie, à la même période (1790 / 1830), les mouvements révolutionnaires et démocratiques pour l’unité du pays se développaient. Regroupés sous forme de sociétés secrètes appelées Carbonari, les membres arboraient en signe de reconnaissance des nœuds avec des impressions de motifs cachemires, en provenance d’Inde. Là encore, une autre piste toujours actuelle, de cravate colorée naissait. Et depuis, toutes les folies sont possibles, des plus sombres anglaises aux plus vives américaines, en passant par les amusantes françaises.
Aujourd’hui, la cravate blanche n’est plus représentée que ponctuellement. ‘Cravate blanche’ d’ailleurs est le code pour le port de l’habit (queue de pie). Le noeud, de coton marcella (nid d’abeille) a remplacé la baptiste de lin. Cette sorte et cette couleur de nœud, sous forme de lavallière simplifiée, est encore utilisée en deux occasions : pour l’habit de chasse et pour l’habit de concours d’équitation. Deux soubresauts hélas. Pourtant, avec le retour du goût pour les vêtements colorés, cela pourrait être une alternative assez minimaliste.
En tout cas, certainement pas de nœuds en satin blanc ! Je ne vois aucune utilité à ces affreusetés, aucune !
Julien Scavini
bonsoir Julien,
Une question certes un peu bête mais bon je préfère avoir un avis tranché plutôt que hasardeux.
J’ai très envie de me lancer dans le port de l’habit notamment pour me rendre à des concerts ; cependant une question me taraude l’esprit.
Dois-je laisser le dernier bouton du gilet ouvert comme lors du port d’un costume classique, ou comme il s’agit d’une tenue très formelle, le dernier bouton doit-il être fermé ?
Sur les quelques photos, le bouton semble fermé, mais comme beaucoup d’hommes ferment aussi les boutons de leurs trois pièces, je préfère savoir ce qu’en dit la coutume. Merci d’avance
Louis
Trois petits boutons, et tous boutonnés ! Là oui. Mais p
ourquoi là ?
Même si c’est un peu trop connoté Pierre Laval, qui était très vilain, la combinaison chemise blanche + cravate blanche avec un joli 3 pièces ne manque pas de panache. C’est une combinaison adoptée parfois aussi par Achille Talon, qui est un individu nettement plus recommandable que l’affreux bougnat.
Quant au bouton de gilet, si je peux me permettre, s’il est bon de connaître la coutume il n’est pas toujours très heureux de la suivre. Je déboutonne le dernier bouton de mes gilets seulement quand je porte des pantalons idoines, à savoir bretellés. Sinon, avec un pantalon de d’jeune, je ne le déboutonne jamais car on voit trop la ceinture.
Pour le gilet en piqué, rappelons qu’il ne s’agit pas de boutons cousus mais rapportés, en général assortis aux studs de la chemise et aux boutons de manchettes. Il est donc impensable de laisser le dernier ouvert – puisque cela signifierait ne pas mettre de bouton du tout !
On trouve parfois sur le net de très belles parures anciennes (boutons de gilet + de chemise + de manchettes)
Bien à vous,
Passionnante recherche sur la cravate blanche et les origines possibles de la cravate de couleur. Merci beaucoup !
Je voudrais vous faire part de l’hypothèse (vérifiée ? Simple légende ?) selon laquelle la cravate noire nous viendrait de Beau Brummell : en effet, absolument ruiné dans les dernières années de sa vie (il s’était exilé en France afin d’échapper à la prison pour dettes et vivait dans une mansarde), il n’avait plus les moyens de faire nettoyer ses cravates blanches. Il aurait alors eu l’idée de les teindre en noir, ce qui lui permettait de ne plus les confier aussi souvent à la blanchisseuse.
D’une façon plus générale, au sujet des codes vestimentaires classiques ‘Black Tie’ et ‘White Tie’, connaissez-vous cet amusant et bien documenté site internet (en anglais) ? Je vous conseille particulièrement son « Hall of shame’, hilarant musée des horreurs.
http://www.blacktieguide.com/index.html
Quant au noeud papillon blanc, je vous rejoins tout à fait : le piqué, pas le satin !
Bien à vous,
Eudes-Marie Hartemann
oui, je connais bien. Une bible, une référence !
Pour le Beau Brumell, j’ai aussi lu qu’il avait pour habitude de porter des nœuds de couleur beige. Mais autour de lui, que de fantasmes et de légendes !
Merci Julien pour toutes ces précieuses informations sur la cravate blanche!
Bonjour,
Je me marie prochainement et j’ai opté pour un costume 3 pièces bleu marine avec gilet dans le même tissus que le costume. Je souhaiterais opter pour une cravate dans les tons bleus et bordeaux avec un motif type cachemire toutefois ma chère mère me dit que la cravate avec motif n’est pas assez chic pour un mariage et qu’il faudrait opter pour une cravate unie dans une soie de qualité de couleur grise/argenté. Je trouve cette option d’un goût douteux, on la trouve d’ailleurs chez les spécialistes du mariage qui vendent également la fameuse redingote. Qu’en pensez-vous?