La vraie élégance ne se remarque pas ?

Le début d’année est l’occasion de s’interroger sur l’expression vestimentaire et son côté ostentatoire ou pas. Avec un client, nous avons eu une conversation animée à propos de nos hommes politiques, la plupart foutrement vêtus. Lors de petites recherches sur le sujet pour Le Figaro, j’ai ainsi découvert qu’Emmanuel Macron avait abandonné Lagonda pour un nouveau faiseur plus bas de gamme. … Car ses conseillers en images lui ont dit que le trois boutons, c’est ringard. Dommage pour l’honorable tailleur parisien, spécialiste de cette ligne classique.

Au cours de cette conversation, nous nous sommes interrogés sur notre propre expression vestimentaire. Mon client cherche un style italien, fait d’épaules tombantes et de tissus clairs, mais pas féroces. Pour ma part, j’ai tendance à affectionner les costumes classiques, marine et gris. Suivant les règles de Stiff Collar, je cherche à respecter des règles anglaises assez sobres, à la limite, presque pour me faciliter la vie, mais sans jamais renier le plaisir de trouver le bon accord chemise – cravate.

Le vestiaire classique et les usages qui le régissent cherchent avant tout à rendre son porteur discret. Les grands élégants anglais nous ont appris que la vraie élégance ne se remarque pas. C’est sur le principe vrai. Dans les faits, il est heureux que le vrai élégant se remarque. Mais alors, par quels signes? Comme Hugo Jacomet l’a récemment très bien dit, la personnalité mesurée du gentleman est d’abord importante : un homme sujet aux sautes d’humeurs et aux colères n’est pas élégant. Le gentilhomme est mesuré, sobre même s’il aime parfois boire des p’tits coups.

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Ainsi, nous arrivâmes à la conclusion suivante, en nous appuyant sur l’exemple des politiques et de François Fillon en particulier. Ce dernier, s’il reste d’un classicisme salué de beaucoup d’élégants (et cela hors de toute notion politicienne) sait faire remarquer son goût : chaussettes colorées, cravates aux petits motifs rehaussés, vestes forestières savamment portées. Il le fait avec raffinement, mais sans que cela devienne ostentatoire. C’est au fond le pari quotidien des élégants, il faut pour s’en convaincre regarder le blog de Dirnelli, What I’m Wearing Today.

La conclusion donc fut la suivante : un gentleman élégant cherche à être discret mais pas neutre ! Rien de pire d’ailleurs que vouloir être trop commun. Rappelons que le mot commun se traduit en latin par vulgus qui a redonné le mot vulgaire. Il faut donc chercher toujours et encore ce difficile équilibre, qui s’acquière très vite si l’on suit les modèles classiques et s’affine perpétuellement, la mode ne faisant que remodeler les contours sans toucher au fond.

Soyons donc sur la même longueur d’onde en 2017, discret mais pas neutre !

D’ailleurs à ce petit jeu, il y en a un qui a très bien compris ce principe parmi les politiques, c’est Jean-Luc Mélanchon, qui avec ses petites vestes à collet se fait passer pour un petit père du peuple, discret sans être neutre… Un homme intelligent qui a compris le pouvoir du vêtement. Ils sont si rares…

Juste une chose pour finir. Il est possible de ne pas être discret tout en étant classique. Porter des vestes très italiennes, aux carreaux bariolés du genre Pitti Uomo ne fera pas de vous un homme discret. Vous serez remarqué dans le métro et parfois moqué. Je me suis confectionné une petite veste de cachemire rouge que j’adore mettre quand je voyage, car elle rehausse un chino beige ou bleu magnifiquement. C’est pas discret et les gens la remarquent : wahou, quand même, etc… Pourtant, il existe une quantité de messieurs et de dames qui portent des doudounes The North Face franchement rouge, et cela n’est remarqué par personne… alors je m’interroge 🙂

Belle année. Julien Scavini

9 réflexions sur “La vraie élégance ne se remarque pas ?

  1. gentley 9 janvier 2017 / 20:26

    Bonjour chers élégants,

    Un très bon article, qui soulève une question des plus cruciales.
    Pour ma part, je pense sincèrement que dans le monde actuel, l’élégance se remarque. Un beau costume bien coupé, de beaux souliers, une belle chemise, chaussettes, cravate et un mouchoir sont des choses qui a priori ne sont pas ostentatoires mais qui finalement sortent de l’ordinaire. Et j’entends par là, différent de la masse.
    Il y a forcement une limite à ne pas franchir pour être considéré comme élégant, mais celle-ci est finalement plus large qu’au temps de Brummel. Il faudrait « seulement » la redéfinir. 🙂

  2. Vincent 9 janvier 2017 / 20:42

    Quel plaisir de lire cet article. Trop de personnes de mon entourage pensent qu’élégance rime avec voyance, ou tout le contraire.
    Après tout, n’est-il pas vrai qu’il y a fort longtemps, les vêtements formels masculins étaient sobres pour que l’on puisse remarquer les toilettes des dames? Et pourtant, chaque homme pouvait trouver une certaine marge de manoeuvre pour éviter d’être totalement neutre.

  3. François 9 janvier 2017 / 21:36

    La sobriété des uns n’est-elle pas l’excentricité des autres ? Venant de faire ma rentrée, par grands froids, à un poste d’associé dans un grand groupe international de communication, j’ai bien senti que les codes les plus classiques de l’élégance masculine ne laissaient pas indifférent. Costumes croisés bleu marine ou gris, souliers oxford noirs et glacés, cravates en gabardine de soie unies ou à doux motifs paisley, manteau chesterfield bleu marine, quoi de plus classique ? Et pourtant quelle effet ! Presque une provocation dans un monde vestimentaire où les tenues « décontractées », certes de (grand) prix, sont de mise. Il ne me reste plus qu’assumer et persévérer pour imposer ce troublant classicisme comme une pertinente originalité, mais qui n’aura jamais rien de discrète…

  4. kerloaz 10 janvier 2017 / 07:11

    A la lecture de votre billet, l’éternel distinguo entre allure et élégance refait surface, une fois encore. Je ne paraphraserai donc pas les lignes du feu Chouan sur le sujet.

    Cette fameuse élégance ne peut se résumer à un vêtement ou à une griffe, ce dont beaucoup trop de « sartorialists » demeurent persuadés.

    Le cas de Monsieur Fillon a toujours été à mes yeux une énigme: Est-t-il véritablement un homme de goût ? ou n’est-t-il qu’un fidèle consommateur d’un style emprunté à Arnys ? Quelle que soit la réponse, ses noeuds Windsor le trahissent.

  5. Drag. de T. 10 janvier 2017 / 10:52

    Cher Julien,

    Nous aimerions bien voir cette veste en cachemire rouge… !

    Serez-vous disposé à nous faire cet honneur ?

    Mes plus courtoises salutations,

    Drag. de T.

  6. Jean-Noël 10 janvier 2017 / 12:13

    Tout à fait d’accord avec vous Julien.
    Hélas! nous ne somme pas tous égaux dans ce domaine. Ainsi, dans certains milieux où on porte encore majoritairement le costume (sans toutefois être élégant pour autant), celui qui arbore un vêtement bien coupé peut encore passer pour discret (même si sa « différence » sera remarquée par certains).
    Mais la plupart d’entre nous, entourés de jeans et de t-shirts informes, passent pour extraordinairement extravagants avec un blazer marine et un pantalon gris ! Le simple port de la cravate (même la plus sobre) est jugé ostentatoire dans beaucoup de milieux. Dès lors, si élégance rime avec discrétion, nous sommes face à une situation inextricable…

  7. Emmanuel 10 janvier 2017 / 22:33

    Même si il connaît un regain certain il y a bien longtemps que le vestiaire masculin classique n’est plus le modèle dominant. D’autres vêtements -pour le meilleur et pour le pire- occupent le devant de la scène, et au fond un peu plus de diversité ne peut nuire, même si elle ne rime pas forcément toujours avec élégance.
    L’élégance, ce mot me semble aujourd’hui être autant dans les choix de ceux qui portent les vêtements que dans le regard de ceux qui les regardent.
    Un aficionado du style streetwear va t’il avoir un regard curieux et intéressé vers un porteur de costume croisé et inversement !? Et ce dernier, s’il débute dans cette recherche permanente, ne sera t’il pas rejeté avec dédain par un grand maître es élégance car le revers de son pantalon ne fait même pas 3cm, ou parce que sa cravate descend au dessous de la ceinture de son pantalon ?
    L’élégance aujourd’hui me parait être souvent accrochée à une notion de crédibilité.
    Etre élégant c’est être bien, être soi même dans ses vêtements. Je connais des gens très modestes qui sont bien plus élégants dans un Tshirt ou une chemise de 1er prix, avec un jean pas haut de gamme et une vieille veste en cuir, qu’un gandin ostensiblement habillé à grands coups de billets de 500 euros. Parce que le 1er a adopté ces vêtements comme étant vraiment siens, quand le second veut seulement paraître.
    J’ajouterai bien, enfin, que élégance rime aussi très bien avec indulgence (sans exclure le goût pour une certaine dérision).
    Merci d’avoir lu jusqu’au bout ce long commentaire.

    • L. M. 27 janvier 2017 / 08:07

      Bonjour,
      Je vous remercie pour votre commentaire qui retranscrit une vision que je partage et que je n’aurais su rédiger avec autant d’aisance. Personnellement l’élégance me semble une question de point de vue et la définition du dictionnaire Larousse en est la traduction. L’élégance représente de mon point de vue plutôt la définition rattachée aux sciences que celle destinée à l’ habituellement « Qualité de quelqu’un, de son comportement, qui fait preuve de distinction morale ou intellectuelle ; délicatesse ». Cette élégance n’ayant pas de prix et liée à une certaine humanité.
      Je vous souhaite une agréable journée

  8. Jules REDON 17 janvier 2017 / 08:46

    L’élégance, la frivolité, le narcissisme, et l’apparence.

    Comment parler d’apparence sans paraître superficiel et comment parler de superficialité sans parler d’apparence.

    Je suis de ceux qui considèrent l’apparence comme importance. J’accorde de l’importance à la mienne, et j’en accorde autant à celle des autres quand bien même eux ne s’y intéresseraient pas. Pour autant, je ne pense pas être superficiel. Je pense que le paraître représente volontairement ou non l’être. Une façon de marcher, une manière de parler ou un comportement instinctif démontre certaines choses de vous.

    Mais pourquoi élégance et frivolité ?
    Et bien parce qu’il n’y a nulle importance à l’élégance, mais que pour autant, il est bien agréable de s’y laisser aller.
    L’inutilité est aussi utile que possible pour s’apprécier et se faire apprécier, sinon pourquoi la politesse, la galanterie (n’en déplaise au féminisme) et autres futilités sociales.
    S’il y a bien une différence fondamentale entre l’Homme et les autres espèces, c’est bien son rapport à l’inutilité qu’il prend plaisir à faire évoluer à travers diverse pratique, pour quelques cités ci-dessus.

    Se vêtir est une chose formidable, qu’importe le vêtement tant qu’il y a l’ivresse, une chose puissante et facile pour n’importer qui. Une preuve de goûts, qu’il soit bon ou mauvais, l’important étant d’en avoir. Mais s’agit-il de le faire encore avec goût. Non par contrainte, mais par passion, par jeux, par plaisir, par superficialité, par narcissisme, par frivolité. Peu importe tant que ce n’est pas cette fameuse contrainte.
    Cherchez, le goût, le goût de tout et surtout le goût de vous.
    Qu’importe de plaire aux autres tant que vous vous plaisez, peut-être même plairez vous aux autres parce que vous vous plairez à vous-même. Poussez-vous à être beau pour que le monde vous semble beau et que le monde vous voit beau.

    Cela ne sera de toutes manières que plus agréable pour tout le monde.

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