La chemise de bûcheron

La chemise à carreaux ou façon tartan est à la mode ces derniers temps. Elle est dans le coup, façon hipster. Les marques de chemises se sont toutes mises à en vendre.  Elle est très décontractée. Je n’imagine personne la mettre sous un costume.

Une rapide réflexion à son sujet me fait penser que finalement, cette chemise a toujours été à la mode. Plus ou moins. Dans les années 80, oversize et dans des coloris hors du commun, elle accompagnait les grandes stéréos K7 portées sur l’épaule. Dans les années 70, les jeunes la portaient façon bohème, après que les plus policés Beach-Boys l’aient popularisé dans les années 60. Dans les années 50, elle était encore en vogue aux Etats-Unis. C’est même un signe qui fait très ‘American University’, avec des penny-loafer et un pantalon de velours. En bref, elle est depuis longtemps appréciée pour le week-end. Mais suivant les époques, ce n’est pas par les mêmes populations. Dans les années 50, ce sont les papa américains qui l’apprécient, pour son côté ‘chasse, pêche, nature et traditions’. Dans les années 70, elle signe la contre-culture s’opposant au costume cravate. Maintenant, elle n’est pas du tout contre-culture, elle est hype! Portée par des jeunes trentenaires des villes, financièrement à l’aise, qui se font pousser la barbe, qui sont fans de belles motos ou de surf ou de photo-reportages et qui voyagent en premium-éco en buvant du jus de baobab. J’arrête là ma pique pour revenir à des faits, des vrais, sûrs!

L’histoire de la chemise écossaise se trouve au pays de l’once Sam. Et elle est ancienne. Elle a été développée pour habiller les nouveaux colons, explorateurs et agriculteurs ayant une vie dure. Chaude et résistante, elle est un complément du pantalon de denim, le fameux jean, depuis le milieu du XXème siècle environ. Ces tartans sont probablement arrivés aux USA par l’intermédiaire d’immigrés écossais ou irlandais qui ont importé soit le drap soit la manière simple de croiser les fils pour obtenir ce dessin. La firme Woolrich devient célèbre et produit dès 1850 un modèle qui fera florès : la chemise Buffalo, à carreaux rouges et noirs appelée « red plaid shirt », partout copiées depuis.

Elle trouve véritablement sa place dans l’imaginaire collectif américain lorsqu’en 1916, l’écrivain William Laughead inscrit sur le papier les histoires du super bûcheron Paul Bunyan, personnage du folklore oral. Ainsi née la figure du bûcheron vêtu d’une chemise à carreaux. De cette association née l’appellation chemise de bûcheron qui reste encore en vigueur de nos jours.

Originellement en laine, les tartans vont être réinterprétés en coton au fil du XXème siècle. Ce faisant et comme le jean, de vêtement utilitaire, la chemise à carreaux devient chemise de ville.

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Pour ma part, je n’ai jamais vu trop quoi en faire ni en penser. Lorsque j’étais adolescent dans les années 2000, les marques de surf très portées sur la Côte Basque d’où je viens, se sont mises en en vendre. Au début je trouvais cela un peu triste, comparé aux chemises hawaïennes et qui faisaient la part belle aux travaux graphiques sur les logos.

De nos jours, les chemises décontractées se répartissent en trois groupes : uni, comme l’oxford (quelque fois rayé) ; à motifs semés, petits points ou palmettes brodés ou imprimés ; à carreaux fin (comme les tattersall assez rares) ou à grands écossais. Je confesse posséder très peu de ces deux derniers types. Pour le week-end, je porte des chemises assez habillées en fait, rayées ou à carreaux vichy simples.

Pour tout dire, je ne possède qu’une chemise tartan, un modèle très ample, bleu et rouge. Je confesse ne la mettre qu’une fois par an. Avec un pantalon de laine fine bleue et un pull sans manche rouge, c’est ma tenue de Noël! Certains arborent des pulls amusants, moi j’ai ma chemise détonante! Je me vois mal la porter à un autre moment.

Là dessus, je vous souhaite de belles fêtes! Beaucoup de travail (dont un livre en préparation sur un sujet diamétralement opposé à la mode) m’oblige à donner un peu de repos à Stiff Collar jusqu’à janvier!

Belle semaine et joyeux Noël! Julien Scavini

12 réflexions sur “La chemise de bûcheron

  1. Capitaine Savignac 11 décembre 2017 / 20:43

    Oh voilà un sujet qui en appelle un autre, je me demande quel billet vous feriez sur le gilet sans manche que je trouve fort pratique pour se tenir au chaud et varier les couleurs.

  2. Camille Roy 12 décembre 2017 / 00:22

    Ahaha j’en ai commandé une à noël. 😉

    Envoyé depuis mon smartphone Samsung Galaxy.

  3. christiane 12 décembre 2017 / 08:21

    Bonjour Monsieur,
    Je vous souhaite de passer de très belles fêtes de fin d’année. Merci pour vos articles toujours si intéressants . E bientôt, à l’année prochaine
    bonne journée

  4. Corinne 12 décembre 2017 / 09:48

    Bonjour, depuis la saison 3 de cousu main, je me suis abonnée à votre newsletter et j’apprécie vos articles.
    Bonne fin d’écriture pour votre livre et bonnes fêtes de fin d’année à vous et à vos proches … à 2018 !!!

  5. Frédéric 13 décembre 2017 / 11:52

    Bonjour
    Je porte pour ma part mes chemises de bûcheron (qui ne coupe ras que les poils de sa barbe) sous un tweed Harris de Walker Slater, un caban dont je tairais la marque, ou ma parka fishtail.
    Avec un velours, un jean sombre Gustin ou un moleskine Scavini et une paire de Michael ou de boots Church’s, je suis fin prêt pour défier le bois de Vincennes ou les bosquets des Buttes-Chaumont.
    Bien entendu, travaillant dans l’idiot-visuel, je veille à garder une mise décontractée et de bon aloi qui me distingue de mes collègues celio-philes et de mes supérieurs costumés zara-thoustréens.
    Il faut bien trouver sa voie.
    De toute manière la vérité est tailleur.
    FV

    • Julien Scavini 13 décembre 2017 / 14:02

      Excellent !

    • Guillaume 19 décembre 2017 / 21:13

      Pensais que ca gagnait plus dans l audiovisuel ou du moins que ces gens faisait mine de gagner plus avec des marques pointues

  6. Xavier Simard-Dufour 13 décembre 2017 / 16:23

    Je crois que vous faites amalgame entre les chemises carreautées d’inspiration écossaise et celles qui tirent leur origine du madras indien et des sports équestres.

    Tandis que les tartans sont autrefois réservés aux travailleurs du début 20e, les chemies en madras font partie de la garde robe décontratée des intélectuels pendant les années 50 et 60.

    Le tartan est contre culturel pendant les années 70, et le madras disparait presque complètement pendant les années 90 pour effectuer un retour dans les tenues inspirées du skateboard et du surf.

    La mode « workwear » circa 2005 ravive nettement le tartan, et on ne le distingue plus facilement du madras.

    • Julien Scavini 18 décembre 2017 / 22:26

      C’est vrai que les marques de surf sont peut-être plus proches du madras. La distinction n’est plus aisée.

      Ceci dit, dans les années 50 et 60, c’est bien l’écossais qui fait florès aux Etats-Unis. Mais le madras aussi, il est vrai, façon Ivy League.

  7. Guillaume 19 décembre 2017 / 21:11

    Toujours un plaisir de vous lire monsieur Scavini
    Raison de plus pour vous reprendre sur la grammaire : après que est toujours suivi de l’indicatif ! Ce n’est pas si compliqué cher ami vous qui savez si bien accorder les couleurs 😀
    Bonnes fêtes

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