La plupart d’entre vous ne connait probablement pas le terme chemise popover! Et il faut bien avouer que moi-même, il y a cinq mois, je ne connaissais pas non plus le terme. Pourtant, cette chemise était à la mode cet été. L’occasion pour moi de mettre un nom sur un vieux concept que j’ai tant dessiné ici il y a quelques années.
La chemise popover décrit tout simplement une chemise qui ne s’ouvre pas complètement devant. Pas de haut en bas. La chemise popover s’enfile par la tête et possède devant une sorte d’ouverture boutonnée, comme le polo, un peu plus longue. L’ouverture va donc du col jusqu’au à la fin des côtes environ. J’aurais appelé cela une chemise tunisienne de mon côté. Et quelques techniciens auraient utilisés le terme de gorge leda.
A vrai dire, les chemises du siècle dernier que j’ai pu voir, étaient toutes pourvues de ce système de fermeture. Mais au niveau patronage, elles ressemblaient toutes à d’immenses chemises de nuit. Les proportions sont stupéfiantes, une ampleur incroyable d’après les canons actuels. En même temps, ces chemises étaient très cachées sous des gilets et des fracs. Par ailleurs, sur des clichés en noir et blanc des campagnes, il est possible d’apercevoir de temps à autre des paysans porter de tel modèle. Des liquettes d’ailleurs souvent dépourvues de col.
Dans mon esprit, cette ouverture partielle du devant revêt donc une sorte de goût ancien, vintage, qui fleur bon le coutil et autres toiles épaisses et résistantes. A mi-chemin entre l’échoppe du charretier et le bougnat. Une image d’Épinal charmante d’une époque où les vêtements avaient du sens et de l’endurance.
C’est la raison pour laquelle il y a plusieurs années, j’avais commissionné à mon fabricant de chemises un modèle ainsi. Un ami m’avait offert une coupe de lin lourd, rayé de larges bandes façon toile à matelas. Je ne savais d’ailleurs pas trop quoi faire de ce tissu un peu typé. Alors pour réaliser ma première chemise à gorge semi-ouverte, popover dirais-je maintenant, j’ai eu l’idée d’utiliser cette coupe curieuse.
J’ai été intéressé par le résultat. C’est une chemise que j’aime beaucoup. Par la matière, je ne la porte que l’été. Et lorsque je n’ai pas de veste. Car finalement, entre le tissu, le col ultra cut-away et ce détail de gorge particulier, je trouve que la pièce a une très forte expression. Elle se suffit à elle-même avec un pantalon de lin. Mais je n’en ai jamais refait d’autre. Les raisons sont les suivantes :
– pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué?
– avec la transpiration et sur une base ajustée par ailleurs, sans élasticité de la matière, il est aussi difficile de sortir de cette chemise que du module Apollo.
– c’est une plaie à repasser convenablement, car on est obligé d’enfiler la chemise sur la table à repasser.
En bref, que des bonnes raisons. Mais une fois que j’ai dit tout ça, et bien j’ai envie de rajouter, pourquoi pas! Et bien pourquoi pas. C’est le plaisir d’un goût libre. Comme les pantalons avec des fermoirs alambiqués. C’est amusant. La chemise popover est amusante. J’avais dans l’idée initialement d’écrire un article pour critiquer celle-ci. Je me retrouve finalement à écrire qu’il faut s’amuser dans la vie, surtout dans un environnement textile très standardisé. Amusez-vous alors avec la chemise popover. Attention toutefois, si vous la choisissez ajustée, vous déchirerez les coutures lorsque vous entrerez ou sortirez de la chemise!
Bonne semaine, Julien Scavini
Quelques enseignes de demi-mesure en proposent. Souvent limité à des liasses de tissus semblables à ceux des polos dont le tissage est un peu élastique pour faciliter l’enfilage… Ou l’enlevage !
Article intéressant sur cette pièce dont on parle peu et qui a comme vous dites vrai potentiel en matière de style. J’aime beaucoup ce type de chemise qui avait le vent en poupe il y’a quelques années lors de la période « New Preppy », on en trouvait chez feu Rugby RL (laboratoire stylistique intéressant bien que parfois « too much »), plus rarement en collection PRL ou encore dans les collections de Michael Bastian chez Gant. Ces modèles avaient ensuite un peu disparu des radars jusqu’aux dernières collections notamment chez Drake’s qui en a sortie de très réussies (par exemple les modèles à larges bandes non sans rappeler votre création dont je serais curieux de voir quelques clichés). Sinon en Espagne, on nomme ces modèles « camisas poleras », certaines marques comme Silbon en ont régulièrement dans leur catalogue.
Tiens, en Argentine, une ”polera” est un ”polo » en français, une chemise pour jouer au polo, donc.
Bonjour, vous avez raison au sujet de ce vêtement, mon grand père en portait .En effet elle était en coutil sans col et la fameuse ceinture extra large en flanelle par dessus…sans oublier la veste velours à grosses cotes été comme hiver….il était paysan …mot que l’on n’ose plus utilisé.
Merci pour votre site et vos commentaires, j’apprends beaucoup et c’est un vrai plaisir de vous lire..
Pour paysan est un très joli mot qui signifie : ‘celui qui fait la terre, le pays’. Plein de profondeur.
Quand vous parlez du siècle dernier, vous voulez dire le 19° ?
Bravo et merci pour vos billets.
Ces chemises sont pourtant d’un confort! Grand danseur, je m’en suis procurée une au début de l’été et je n’ai jamais été aussi confortable qu’en dansant avec ces chemises: même avec le tissu relativement épais, la coupe est ample et laisse bien circuler l’air, me donnant moins chaud et transpirant donc moins… Confortable autant pour moi que mes partenaires 😉