En finissant mon article la semaine dernière sur Titanic, j’avais trouvé une photo de Leonardo DiCaprio lors d’une cérémonie ayant suivie le triomphe du film. Et je me suis dit que j’allais la garder sous le coude pour plus tard, pour ne pas gâcher la beauté évoquée dans l’article. Cette photo je l’ai trouvé tout à fait édifiante. Observez ce smoking avant-gardiste ! J’ai même tendance à penser que ce sont des mocassins aux pieds.
Qu’en dire sinon qu’elle prête largement à sourire. Ça pique les yeux. D’où cette réflexion. Comment peut-on travailler quotidiennement avec des costumiers de grands talents, dont certains raflent des oscars comme Deborah Lynn Scott, et s’attifer ainsi ? Normalement en toute chose l’homme apprend. A côtoyer des mélomanes, on cherche soit même à mieux écouter. A côtoyer un grand amateur de vin, on cherche soit même à mieux goûter. En côtoyant de beaux intérieurs, on cherche soit même à améliorer esthétiquement son logis. Et ainsi de suite.
DiCaprio est un californien pur sucre. Cela l’excuse de ne pas connaitre la beauté ancienne. Mais il venait de tourner moult séquences en habit. Comment raisonnablement se dire que c’était élégant, et que peut-être, ce serait aussi élégant en vrai?
Il fut un temps où les acteurs n’étaient pas habillés par un costumier, juste conseillés, pour leurs films situés dans le présent. C’est ainsi que Jean Gabin ou Jean Poiret en France, Carry Grant ou James Stewart aux Etats-Unis tournaient à l’écran comme ils étaient à la ville. Et leurs tailleurs étaient crédités au générique. De nos jours, ce serait bien impossible. L’appellation « rôle de composition » n’a jamais si bien portée son nom.
Ainsi, lorsque l’on fréquente quotidiennement des costumiers de talents qui peuvent avec grande précision et érudition créer de belles tenues, je ne comprends pas qu’en lui-même l’acteur ne cherche pas à faire mieux. Léonardo DiCaprio n’est bien sûr pas le seul. David Suchet, l’incarnation d’Hercules Poirot, n’est pas un monstre d’élégance dans le civil. Il a porté à l’écran des costumes bespoke et des souliers haut-de-gamme. Comment peut-il dès lors se contenter d’un costume Marks & Spencer aux manches trop longues et de richelieus aux semelles collées à Wenzhou.
Strictement sur le même schéma est la télévision. Elle déguise, elle crée des personnages. Mais parfois curieusement, c’est encore moins beau à l’écran qu’en vrai. Exemplaire est bien Stéphane Bern. J’apprécie énormément que France Télévision laisse à disposition sur Youtube des numéros de Secret d’Histoire. Durant ce confinement, je passe de bonnes soirées à regarder ces émissions. J’apprends des choses et surtout, le plus important, je régale mes yeux des splendeurs du passé, en particulier le beau et grand XVIIIème !
Si la musique un peu entêtante façon film à gros budget aide beaucoup à rendre époustouflants lieux et objets visités, il n’en reste pas moins que c’est beau. Les intérieurs, les façades, les jardins, les portraits peints renvoient une esthétique de permanence et d’aboutissement, de richesse et de magnificence. Et cela fait plaisir aux yeux et à l’âme.
Mais alors, en contrepoint est Stéphane Bern. Je passe vite sur la veste à peine trop petite et le pantalon trop serré. C’est la mode et je comprends qu’il veuille être à la page. Mais enfin, en dehors de cette coupe un peu chiche est le tissu, qui fait pauvre. Stéphane Bern à l’écran fait pauvre. L’émission serait tournée dans une ancienne république soviétique où 80ans de communisme auraient annihilé le goût, ce serait pareil. En fait même, je suis presque sûr que tournée dans n’importe quel pays avec moins d’épaisseur historique ou moins de richesse, ce serait peut-être mieux. Stéphane Bern ne fait pas prétentieux, c’est une chose sûre.
Mais pourtant qu’elle tristesse vis-à-vis de la si riche histoire qu’il narre. Ce serait presque un respect des lieux et des personnages historiques que de leur faire honneur par une toilette un peu plus précieuse. Sans tomber dans le tape à l’œil. De toute façon, les anti-bourgeois qui trouvent toujours à critiquer la préciosité vestimentaire ne regardent pas Secret d’Histoire, une émission que Jean-Luc Mélenchon trouve indigne du service public.
Quelques uns vont me trouver râleur à critiquer ainsi. Je le fais car en fait, je trouve cela parfaitement …. triste. Pourquoi devrait-on faire triste? Enfin regardez bien cette photo ci-dessous. Je sais que c’est difficile d’avoir du goût. Encore plus dur de l’exprimer. Mais à quoi sert d’être si calé en histoire ou étiquette pour ne pas pousser l’humanisme des savoirs jusqu’au… vêtement!
Enfin, le confinement pousse la télévision dans une démarche intéressante, les directs depuis l’habitation du présentateur. C’est plutôt mieux qu’une énième rediffusion de Rex le chien policier, en passant la série préférée du pape émérite ai-je appris récemment au détour du bon film Les deux Papes. En revanche, c’est relâchement total au niveau vestimentaire. Chassez le naturel, il revient au galop. Pas coiffé, pas maquillé, normal et logique. Vite habillé, c’est en revanche dommage. D’autant plus lorsque le présentateur a un peu d’âge et pas un corps d’athlète. Le t-shirt sur un jeune homme de 30 ans bien fait, c’est digne. Le même t-shirt sur un homme de 50ans qui veut en paraitre 30, c’est assez pathétique. La poitrine tombe et le jean skinny ne met plus rien valeur!
Tout cela me rappelle une histoire rapportée par un client de cet âge, Monsieur Ch. que je salue. Nous rigolions car il se faisait moquer par ses amis de la salle de sport qui ne comprenaient pas pourquoi il s’habillait chez un tailleur? Pourquoi en somme il s’habillait comme un vieux? Il leur rétorqua avec justesse qu’il ne s’habillait pas comme un vieux, ni cherchait à s’habiller comme un jeune. Mais que tout simplement, qu’il s’habillait comme un homme !
Bonne semaine, Julien Scavini
Quel bel article pour ne fois encore et qui donne matière à réflexion…
Alors qu’à 35 ans je portais au travail un costume 3 pièces, un très jeune collaboratrice m’a demandé avec un air de pitié « pourquoi est-ce que vous vous habillez comme vôtre grand-père »
Je lui ai répondu « mademoiselle c’est parce que mon grand-père était un homme élégant et sue l’élégance est atemporelle »
Bonne réponse !
vous auriez pu aussi demander à votre collègue pourquoi elle s’habille comme une collégienne .
C’était le cas, effectivement
Bonjour,
J’avais eu la même impression en regardant un entretien de Patrick Macnee dans sa maison de Californie. Dans ‘Chapeau melon et bottes de cuir’, il était impeccablement habillé par Pierre Cardin et avait un joli style gentleman. Mais dans cet entretien, il était dans un style plus… ‘californien’ dirons-nous.
C’est amusant votre titre, car j’ai écrit un livre (gratuit) sur le façadisme en architecture, où je dis notamment que la société dans son entier fait du façadisme, affichant une façade mais derrière détruisant tout. L’architecture aussi ‘habille’ notre quotidien. Ce livre est téléchargeable ici : https://lamesure.fr/FacadismeEtArchitecturesRER.pdf
Merci pour vos articles !
Une somme votre étude architecturale! Merci.
En parallèle, la chanteuse de » Quelqu’un m’a dit « , très belle mannequin, qui a porté tant de tenues excentriques ou pas, s’habille maintenant de façon extrêmement simple.
Dommage pour David Suchet, dont j’apprécie l’élégance et les bonnes manières en Hercule Poirot. Quant au minet Stéphane Bern …
Merci pour vos articles et votre enthousiasme.
Je viens de lire le magazine « le point Pop » consacré à James Bond.
L’un des articles corrobore les propos de monsieur Scavini en décrivant une des phases du recrutement de Sean Connery pour le rôle.
L’auteur raconte comment Terrence Young transforme l’enfant pauvre d’Edimburg que Ian Fleming décrit comme « un cascadeur qui à trop grandi » en « suited hero » en l’envoyant … s’habiller chez son propre tailleur à Londres.
MErci pour la référence !
Les canons de l’élégance et du PPK sont indissociables…
Mélenchon*
Permettez : que Secret d’Histoire soit indigne du service public, cela n’est pas du à Mélenchon, qui du reste a un rapport régulièrement intrusif à l’histoire (cf sa polémique sur l’édition de Mein Kampf qui a agacé les historiens), mais au fait que cette émission, sur deniers publics, propage des connaissances hasardeuses, et mêmes parfois fausses. Sans compter que les choix éditoriaux excluent de l’Histoire de grands pans de l’histoire. Mais cela est un autre débat.
Pour ce qui est du style vestimentaire, il n’est pas besoin d’être anti-bourgeois pour trouver Stéphane Bern mal habillé. Roland Barthes était très bien habillé. Et si la question de savoir pourquoi ce présentateur des codes de la bourgeoisie ne connaît pas les codes vestimentaires bourgeois est légitime, on peut penser que ces codes disparaissent, se déplacent, s’inversent. En d’autres termes, Stéphane Bern eût été bien habillé, son émission n’en aurait pas été meilleure.
Je tombe sur ce blog sympa.
Bon, faut pas trop s’attrister.
Le siecle demande qu’on ne se distingue en rien (l’exemple Bern est parfait: il faut s’habiller comme un plouc en toute circonstance pour le rallier); la surpopulation force toute connaissance manuelle et tout luxe a disparaitre. Ce sont des forces contre lesquelles nous ne pouvons strictement rien.
Au contraire, soyons joyeux d’avoir la chance de savoir en profiter, et soyons joyeux d’avoir encore acces a ces grandes vieilleries, qu’elles soient vestimentaires, artistiques, ou tout bonnement linguistiques.
Nos enfants inventeront un nouveau mode ou langage, appauvri sans doute, mais different. Transmettons leur la joie du monde qui les entoure, le plus possible de vocabulaire, mais sans trop les appesantir de l’ancien. Je sais de quoi c’est qu’je jacte.
En tout cas merci.
C’est là qu’on peut utilement se rappeler que ce sont des acteurs : des coquilles vides sur lesquelles on plaque une personnalité. Ce qui ne signifie pas qu’ils en ont une propre…
Et pourtant, certains d’entre eux, je pense en autres à Cary Grant, Jean Gabin, Steve McQueen, Philippe Noiret … ont une classe folle à la ville comme à l’écran
Prétendre donner des conseils vestimentaires et critiquer des hommes en costume tout en disant que le t-shirt est digne, c’est se foutre du monde !
Merci ! Je pense exactement la même chose, mais je ne l’exprime pas aussi bien !
Qu’est-ce qui ne va pas dans la tenue de Leonardo Di Caprio ? Il me semble très chic sur cette photo. Les mains dans les poches, en revanche …