Wall Street

Voir des films au ralenti pour en extraire de belles tenues et les commenter devient habituel sur Stiff Collar, à la faveur des confinements qui donnent… du temps ! Récemment, je suis tombé à la télévision sur Basic Instinct que je n’avais jamais vu. Michael Douglas + looks années 90, il n’en faut pas plus pour m’épater et m’appâter ! J’ai commencé un mini cycle le soir, avec Liaison Fatale puis La Guerre des Roses. Quel plaisir. Évidemment, en cherchant dans la filmographie quels autres films regarder, j’ai trouvé Wall Street… ahhhh Gordon Gekko ! Un des meilleurs vilains du cinéma. On finit toujours pas oublier l’autre « noob » qui voulait grimper au sommet en refilant des tuyaux éventés. Et on retient involontairement le grand capitaliste aux bretelles éclatantes. On finit hypnotisé par cet avide personnage, reflet et résumé de son environnement. L’ère Reagan à son apogée. Un plaisir filmique, à voir et revoir ! On pourrait presque dire qu’il n’a pas pris une ride nonobstant une qualité d’image très variable et souvent médiocre.

Justement, l’autre « noob » , le film commence avec lui. Charlie Sheen est Bud Fox, petit agent de change qui harcèle quotidiennement des petits-porteurs au téléphone pour refiler ces titres XYZ. Le métier a du bien changer ! Ses costumes n’étaient pas terribles, mais ils avaient pour moi l’immense qualité d’être… à sa taille et pas lugubres comme aujourd’hui. Croisé gris clair fil-à-fil, droit anthracite à discrètes rayures craie. Bud Fox Fox porte des costumes fait pour vivre dedans. Pas des armures étriquées comme maintenant. Il est l’aise. Je remarque sur la deuxième image l’épingle pour tenir sa cravate. Je soupçonne que cela soit un pin’s. C’était courant dans les années 90 les pin’s . Son pote de salle des marchés porte une chemise aux rayures marron… espacées !

Dans le film, Bud Fox va à peine évoluer. Michael Douglas en Gordon Gekko lui dit au début du film d’aller s’acheter « des costumes décents« . On ne se rend pas tellement compte d’une évolution toutefois. Quatre choses ont retenu mon attention. Il se met aux chemises à col blanc, il adopte les bretelles voyantes de Gekko, ses cols de chemise sont plus variés (rond ou cut-away, et non plus boutonné) et ses épaules s’élargissent un peu.

Cette chemise à col blanc et rond, on l’a voit en gros plan un peu plus loin dans le film. Le tissu n’est pas uni rose, mais avec des rayures un peu à l’ancienne, très estompées.

Un peu enrichi par la situation, il arrive « à lever une poule de luxe ». Alors il s’habille smart décontracté. Tout un style les années 90.

D’ailleurs, en voilà d’autres des styles des années 90. Ça pique les yeux ! Ce cardigan over-size en pied-de-poule, hum… ! On parlait déjà des robots serveurs à l’époque.

Bud Fox va devoir suivre un magnat anglais des affaires, Terence Stamp jouant Sir Larry Wildman. Un personnage chic dont on aimerait voir plus que quelques bribes stylistiques. Il semble porter un costume croisé en prince-de-galles gris façon Steve MacQuenn dans dans l’Affaire Thomas Crown. Motif qu’il décline une veste droite. Du prince-de-galles pour un anglais, c’est subtil vous trouvez pas?

Cela dit, de Sir Larry Wildman, ce que j’ai le plus retenu, c’est sa Bentley S3… Une merveille mécanique qui joue encore un peu les stéréotypes, surtout avec les pneus à flancs blancs. Fin 80, c’est un véhicule assez out-dated, mais cela renforce l’idée de respectabilité du personnage. L’est-il tellement…? Oh… quelle beauté !

Passons sur un dernier personnage annexe avant d’attaquer le vif du sujet, un des agents de change de la bourse, avec son charmant papillon porté avec un col boutonné. J’adore.

Et passons à Gordon. Ce bon Gordon, qui ridiculisera son personnage dans la suite du film sortie en 2009. A ne pas voir. Quelle allure ce Michael Douglas ! Et quel charme. Large cravate médaillons, col blanc mais pas les poignets, pantalon à double pinces, et bretelles aux attaches de cuir blanc. Quelle chance il a de toujours avoir la même chevelure à presque 80 ans !

Ces fameuses bretelles, elles caractérisent beaucoup le personnage. Elles sont d’un confort particulier, n’importe quelle amateur le dira. C’est un confort pour le pantalon, mais un maintien particulier pour le corps. Et justement Gordon Gekko est particulier. La costumière Ellen Mirojnick va beaucoup insister sur les bretelles. Et ce gimmick va avoir une telle influence dans le monde que cette allure va s’ancrer dans l’esprit collectif. Voilà l’accessoire du financier honni. C’était le haut de forme au début du siècle.

Notez que même le bébé de Gekko porte des bretelles. Ce n’est pas anodin :

Dans cette scène, j’ai noté le pantalon, laine lin et soie gris. Complètement par hasard, c’est presque le même tissu vintage que j’ai choisi pour ma propre collection de cet été.

Le financier a les moyens. Il multiplie à la différence de Bud Fox les tenues et les motifs. Notez dans cette scène de restaurant les rayures horizontales de sa chemise :

Et ce somptueux costume droit aux revers en pointes et large rayure. Je remarque aussi que les vêtements de Gordon Gekko jouent beaucoup plus sur les contrastes. Les couleurs sont franches et opposées, là où Bud Fox porte des camaïeus beaucoup plus sourds. Même au sport. Gekko, c’est noir et blanc. Bud Fox, grisouille.

Si la chemise rose rayée en haut est simple, celle juste en dessous est plus osée, vichy à col blanc !

Allez, trêve d’analyse. Pour le plaisir, d’autres photos à l’envie… ! Coupes, couleurs, motifs, admirez le travail !

Justement ce travail, à qui le doit-on? La costumière Ellen Mirojnick fut aidée dans sa tâche, ultra pointu, masculine et opulente, par un grand prêtre de l’élégance masculine, l’auteur Alan Flusser. Il est cité dans les remerciements. Où l’on apprend également un peu plus sur l’origine des vêtements.

Avant de se quitter, un dernier regard vers Gordon, le col de chemise parfaitement pincé par une belle agrafe en or.

Belle et bonne semaine, Julien Scavini

12 réflexions sur “Wall Street

    • Julien Scavini 25 mars 2021 / 19:25

      Merci pour cette apport !

  1. Prigent 22 mars 2021 / 20:52

    Merci , cela nous pousse à l’observation !

    • Julien Scavini 25 mars 2021 / 19:25

      Merci à vous !

  2. VincentL 22 mars 2021 / 21:26

    Je vous conseille Ludwig de Visconti ou The Sting de Roy Hill si vous ne les avez pas vus.
    Ce sont des films splendides et les acteurs sont très bien habillés.

  3. Francoise W. 23 mars 2021 / 20:02

    Les chemises de Gordon me laissent perplexe et les cols en particuliers me semblent relever davantage de l’historicisme (les années 20 ?) que du témoignage de l’époque des yuppies. Quant aux bretelles…hum…que dire de plus ? Mais le but est atteint : on a envie de détester Gordon simplement en le voyant se pavanner dans des tenues improbables (de mon point de vue…)
    Merci pour cette leçon de (non) style !

  4. Henry Fraymouth 24 mars 2021 / 20:36

    Bravo pour cette recension. Prochaine étape dans la même veine/vaine: American Pyscho?

    • Julien Scavini 25 mars 2021 / 19:26

      Why not !

  5. Philippe 26 mars 2021 / 18:38

    Un film iconique des années Reagan-Thatcher et du capitalisme financier dans ce qu’il a de pire . Pourtant, il y a une morale et Gekko finit en taule …
    Le film qui m’a donné envie d’essayer les bretelles. Depuis , j’en porte régulièrement…

  6. francois muller 3 juin 2022 / 12:39

    belle analyse, il y a un personnage secondaire du film qui mériterait peut-être aussi un mot sur le travail de costumier, celui de Lou Mannheim. Ce type qu’admire Bud Foxx en arrivant chez Jackson Steinem, sauf que Lou … est fauché, il a tout perdu en 1971, nous apprend un collègue de Bud ! Et ça se voit : son costume trois pièce, veste à fente unique interminable, fait réellement penser à des costumes 70s’ type Kojack ou Oscar Goldmann (si ce n’est la largeur des revers et bas de pantalon, plus proche du début des 80s’). Bref, le costume pourrait presque faire déjà deviner ce qui est arrivé à l’homme. Beau travail!

  7. Francois 20 juin 2022 / 13:36

    le personnage de Lou Manheim mériterait peut-être aussi une mention : ses trois pièces gris lui donnent une allure plus 70s’, et c’est d’ailleurs le seul personnage du film à porter un chapeau, détail lui aussi daté à l’époque ; or, l’un des collègues du Bud lui apprend que Lou est en fait ruiné, qu’il a tout perdu lors du krach de …1971 ! En somme, le vêtement nous dit de lui déjà l’essentiel : il est resté figé dans la décennie précédente. Beau travail de costumier.

    • Julien Scavini 12 septembre 2022 / 21:29

      En effet, merci !

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