L’entoilage des manteaux

Comme le faisait remarquer un lecteur récemment, est-ce que les manteaux sont entoilés ? Et si oui, pourquoi ? Car au fond, il se porte sur une veste qui, d’une certaine manière, réagit un peu comme l’entoilage du dit manteau. Autant de question pertinente auxquelles je vais essayer de répondre.

Tout d’abord, oui, il est aussi logique d’entoiler une veste qu’un manteau. Les deux sont construits de la même manière, avec les mêmes découpes, les mêmes morceaux de tissu. Il faut donner du corps à ces pièces en les soutenant, en les structurant. C’est à cela que sert l’entoilage. Pour éviter que le tissu ne drape et se balade. Historiquement donc, on entoile les manteaux de la même manière que les vestes. Un manteau des années 1950, large et opulent, ne pouvait pas se passer de renfort interne. Son épaule en dépendait !

Corollaire direct, lorsque le thermocollage s’est développé dans les années 1960, et à sa suite son dérivé direct et plus raffiné appelé semi-entoilage (ou semi-traditionnel), les fabricants y ont recouru. Pour la même raison que la fabrication d’une veste : rapidité, gain de temps et de main d’œuvre, donc coût abaissé. Idéal d’autant que les lainages à manteaux valent un certain prix, et qu’il en faut un bon métrage, mais que pour autant il est difficile de proposer un prix de vente trop élevé pour une pièce d’usage moins fréquent.

Et puis l’enjeu est, il faut bien l’avouer, moins grave. Autant une veste entoilée intégralement est plus agréable à porter au quotidien (rappelons pour sa souplesse, son naturel et sa respirabilité), autant un manteau l’impose moins. Pour trois raisons : 1- le tissu d’un manteau est lourd et se tient bien de lui-même. Et si le thermocollant se décolle un peu, cela ne se verra absolument pas. 2- on ne le met que quelques minutes par jour, rarement quelques heures. Il n’y a pas donc une franche mise en tension des structures internes. 3- on ne le porte que de manière très saisonnière. Autant de raison qui peuvent éventuellement inciter à jeter l’éponge du traditionalisme sur ce point.

Toutefois, il convient bien de préciser qu’un manteau entoilé est plus souple et plus confortable. Et plus raffiné. Et que bien évidemment, le meilleur est toujours préférable au moins bon ! De plus, peut-être que la couche de laine constituant l’entoilage intégral apporte un peu de chaleur en plus. C’est de la laine après tout !

J’ai plaisir à fabriquer des manteaux raglan avec mon atelier italien. Et dans cet atelier très artisanal, même le manteau raglan est entoilé intégralement. A l’ancienne. Là où 99.9% des raglans du commerce ont reçu un thermocollage voir rien du tout.

C’est vrai que c’est un peu baroque de se dire qu’un manteau est entoilé, et que la veste aussi. Mais c’est comme ça. L’entoilage, c’est la structure même du vêtement, indépendamment de l’autre vêtement. En revanche, il est vrai que les épaulettes du manteau (le fameux padding) sont très minces. C’est l’épaulette de la veste qui prime.

Corollaire immédiat : le manteau étant dépourvu de fortes épaulettes, lorsqu’on le porte sans veste, ses épaules ont l’air de s’effondrer. C’est tout à fait logique.

C’est pourquoi maintenant, beaucoup de manteaux sont conçus pour être portés très près du corps, à même un pull. Pour ne pas avoir l’air affaissés sans veste. Désagrément incontournable : un tel manteau est très serré avec une veste en dessous.

Plus le temps passe, plus les stylistes, modélistes et industriels ont tendance à épurer le manteau et à lui retirer l’entoilage (qu’il soit traditionnel ou semi-traditionnel). D’autant plus si le tissu est une de ces nouveautés techniques comme le « storm-system » de Loro Piana, une belle étoffe à membrane polyuréthane, coupe vente et imperméable, tout en étant respirante. Puisque le tissu est déjà lui-même enduit (d’une sorte de renfort), quel besoin d’en rajouter encore.

Enfin, les progrès très important fait par le modélisme (= l’art du patronage) notamment italien, permettent maintenant d’aboutir à des coupes qui se tiennent très bien sans entoilage. Avec un bon maintien de l’épaule et un aplomb du vêtement heureux. Maintenant, on y arrive beaucoup, d’autant plus que les modèles sont non doublés parfois, et ne permettent pas de camoufler de l’entoilage. Tout alors, repose sur l’art et la précision de la coupe. Et d’ailleurs, la plupart du temps, ce n’est pas la veste qui est prise en compte pour donner du maintien au manteau, c’est le corps lui-même, tout simplement. La veste étant en voie de disparition à l’échelle globale, elle n’est pas prise en compte comme jalon essentiel du travail de développement !

Belle et bonne semaine, sortez couvert, il fait bien moche ! Julien Scavini

3 réflexions sur “L’entoilage des manteaux

  1. Mathilde Létienne 6 décembre 2021 / 22:56

    Bonjour ! incroyable je dois justement réaliser un manteau pour mon grand-père d’après son vieux manteau d’origine du Corte Inglés datant des années 90 env. Je me posais pas mal de questions sur l’entoilage justement et je pensais que ça serait pas mal si vous faisiez un article la dessus !
    Je parts sur un merino cachemire de chez Carnet normalement dans les 500 gr au point de vue poids et je me demandais s’il était possible de thermocoller entièrement les devants puis de superposer ensuite un entoilage en crin que je picoterai à la main car je trouve le tissu quand même souple…
    Sinon merci grâce à vos cours j’ai eu mon CAP tailleur avec 19, 5 de moyenne au mois de Juin.

  2. Toutin 9 décembre 2021 / 12:43

    Bonjour Monsieur Scavini,

    Mon commentaire inclut évidemment cet article, mais je souhaiterais parler plus globalement du blog, et ne sachant où m’adresser pour écrire un petit message de remerciement, ma foi cet espace commentaire sera ma page blanche.

    Votre site est une vraie petit mine d’or de sartorialiste, que ce soit la diversité des sujets abordés, les images toujours de bon goûts pour illustrer le propos ou encore la qualité de l’écriture autant dans le style que dans l’humilité. En un mot merci et je souhaite pouvoir encore vous lire dans une décennie.

    Cordialement,

    Benjamin Toutin

    • Julien Scavini 13 décembre 2021 / 22:30

      Merci ,)

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