Lors des essayages de costumes, j’aime toujours demander aux clients d’où viennent leurs chemises. Pour me forger une sorte de panorama du marché. N’ayant pas un goût toujours très arrêté sur les choses, j’aime voir différents goûts à l’œuvre, voir comment s’habillent les hommes, et où est leur budget. Il y a un peu de tout, du beau au moins bon.
Une chose m’a surpris dernièrement, et même marqué quand j’y ai repensé. Lorsque le client porte une chemise anglaise abordable, comme T.M.Lewin ou Charles Tyrwhitt, la réponse m’est toujours formulée très clairement. Le fait de dire que la chemise est peu onéreuse est fait sans frilosité aucune vis à vis de moi. C’est presque une revendication. Mais exactement à l’inverse, quand il s’agit d’une Café Coton, alors là, il y a beaucoup plus de pincettes, et presque immédiatement un complément de phrase du style « oh vous savez, cette petite qualité », comme pour dissimuler la bassesse de l’achat.
Cela à la fois m’amuse – je ne suis en aucun cas juge de quoi ce que soit – et m’attriste. Car mince, voilà bien une jolie réussite entrepreneuriale française. Mais parceque française, alors honteuse ? Ce serait dommage de penser ainsi.
Les chemises de grande qualité sont rares, mais pas impossibles à trouver. Elles valent un certain prix il est vrai, et de nombreux blogs et articles en font la réclame. Citons Howard’s, Hilditch & Key, Emanuel Berg entre autres. Citons en mesure Courtot, Swan, Daniel Levy, entre autres. Citons un peu moins onéreux le travail du Comptoir des Chemises et Accessoires à Madeleine. Bref, il y a de quoi faire. Mais de ces belles enseignes recueillant les suffrages, je ne vais pas parler là. Je vais parler de Café Coton.
Que mon profond mépris envers tous les snobismes et dénigrements me fait aimer. Au cours de ces dernières années, plus l’on m’a parlé en mal de Café Coton, plus mon estime grandissait.
Ma seule expérience avec l’enseigne remonte à fort longtemps, et encore, via une chemise achetée aux puces, que j’ai appréciée. Je ne suis donc qu’un humble spectateur de ce que je peux voir. Et ce que je peux voir, n’est en rien honteux. Les boutiques sont simples et élégantes, les chemises bien rangées. Les modèles nombreux. Très nombreux. La vente se fait sans chichi. On est là pour un produit, et un prix chez Café Coton.
Le produit n’est certainement pas honteux, car à chaque fois qu’un client a déballé une chemise Café Coton pour son essayage, je l’ai trouvé belle. Avec toujours un coton un peu lourd, de bon poids. Certes, il y a toujours cette gorge américaine devant que je n’aime pas trop. Mais c’est une question de goût personnel. Pour le reste, les coupes sont bonnes et les coloris sympathiques. Cet été, leurs lins pastels étaient de toute beauté. En bref, une jolie chemise. Et je peux vous dire qu’à côté des chemises honteuses sans surpiqures au col et coupées dans des popelines transparentes comme de l’étamine, vendues fort chères par l’autre grand nom français de la chemise que je ne nommerai certainement pas, les Café Coton n’ont pas à rougir. Certainement pas. Alors arrêtons le bashing.
L’autre grand point qui fait mon admiration, c’est la politique tarifaire pratiquée par Café Coton. Là, c’est ma toute petite fibre affairiste qui va parler. Vous avez tous remarqué que chez CC, il y a toujours une offre? Genre 3 chemises achetées, 2 offertes. Genre 4 chemises pour 100 euros. Genre tout à -60%. Genre etc…
En fait chez Café Coton, le prix facial de la chemise, autour de 140 euros, il n’est jamais respecté, soyons clair. Toutefois, à ce prix, il y a des gens qui achètent, je le vois très régulièrement à la boutique de Paris Beaugrenelle que je visite parfois. Tout le génie de l’enseigne, et ça, c’est vraiment du grand art, consiste à moduler le prix en permanence, suivant le volume des ventes, les périodes et fêtes et la météo. On sent le cash-management précis. Une horloge suisse. Les stocks sont hauts? Pas de problème, une offre promotionnelle. Les ventes ne sont pas encore assez bonnes, une offre plus forte. Le stock se vide et l’argent rentre, fin de la promotion. Et comme à la bourse, le prix de la chemise fluctue suivant l’offre et la demande. Avec autant de boutiques, de personnel et de stock, j’aime autant vous dire que la gestion de la trésorerie doit être diaboliquement âpre. Et apparemment, tout le monde y trouve son compte. Autour d’un produit relativement simple, ancestral même – rendez-vous compte, on trouve encore des rayures bâtons chez Café Coton !
Là où je trouve ce modèle économique lumineux, c’est que sur ce créneau du « pas cher », c’est beaucoup plus durable comme procédé que de chercher à imposer dans la tête du client un prix psychologique pas cher et permanent ; mais intenable sur le long terme. Ainsi, l’inflation des prix passera relativement inaperçue chez Café Coton. Quand les autres marques se bâtant sur le « pas cher » vont devoir expliquer leurs hausses de prix et leur passage de facto en segment premium.
Enfin bref, je vais arrêter ma petite analyse éco là. Quoiqu’il en soit, loin de snobismes, il faut se féliciter des réussites françaises. Et Café Coton, avec sa centaine de boutiques, est une réussite remarquable. On est pas obligé d’être client. On peut simplement applaudir le travail bien fait. Et reconnaitre que leurs chemises valent bien celles des nos amis anglais si connus.
Belle et bonne semaine. Julien Scavini
Stiff Collar 
Comme toujours une analyse fine et sans préjugé ! Sûrement pour cela que je vous lie depuis tant d’années.
@Emeric : je comprends votre désir de vous l’attacher mais j’espère que vous ne le liez pas trop fort 🙂
Concernant Café Coton c’est une marque que je n’avais jamais achetée jusqu’à très récemment. D’une part je n’éprouvais pas le besoin de changer de fournisseur, d’autre part je restais un peu bêtement sur l’avis d’un collègue, qui aux débuts de la marque avait trouvé la qualité très moyenne.
Et puis au milieu de l’été en passant devant une de leurs boutiques j’ai aperçu une chemise au motif Madras, visiblement en lin. Étant grand amateur à la fois de Madras et de lin (même si le vrai Madras doit être en coton et fabriqué à Chennai), je me décidais à entrer et regarder de plus près cette chemise, potentiellement idéale pour les périodes les plus chaudes. Le motif rendait bien et les couleurs un peu vives sur la chemise neuve laissaient présager un beau délavage au fil du temps. Le tissage du lin, très aéré, correspondait bien à un modèle d’été. Quant à la qualité de construction, rien de fou, mais tout à fait correcte. Elle était en plus quasiment à moitié prix (de mémoire j’ai dû la payer dans les 70/80 euros).
Au final une très bonne surprise, et une chemise que j’ai portée avec plaisir quand la température dépassait 35 degrés.
A porter avec un pantalon Scavini dans la même matière !
Merci !
Autant pour moi… ne pas se relire un défaut en effet. « Lis »
Quelques mots qui me touchent. Merci. Ce n’est pas facile de durer sans se bruler les ailes dans ce milieu.
J’ai longtemps porté des Café Coton il y a une bonne quinzaine d’années, avant de passer à un chemisier italien sur mesure (dont le prix est inférieur à 140 euros), mais votre article me donne l’envie de pousser à nouveau la porte de la boutique. Quant à l’autre marque nationale que nous ne nommerons pas, j’en avais deux ou trois dans mon garde-robe datant d’il y a quelques années. Ce printemps, cédant à la tentation d’un offre alléchante, j’en ai acheté deux… Déception ! Triste qualité par rapport au passé et col sans tenue. Bref, comment regretter 200 euros !
@GPP : pourriez-vous indiquer svp quel est ce chemisier italien sur mesure dont le prix est inférieur à 140 euros ?
Bonjour,
pour ma part j’avais été déçu lors de mon achat chez Café coton car jamais il n’est mentionné l’origine de la confection… chinoise. Tant bien même que la qualité est rendez-vous je trouve cela dommage de ne pas revendiquer le lieu de fabrication.
Chinoise, est-ce sûr? J’aurais dit Turquie ou Bengladesh, Sri Lanka ou Tunisie…? A mon avis ils en ont d’un peu partout vu les volumes. Et à ce prix hélas, aucun miracle, elles ne peuvent pas venir de plus près.
Je n’achète quasiment que chez Café Coton, quand une offre par emailing m’est proposée. Je trouve que les chemises sont correctes et tiennent relativement bien dans le temps. J’avais été déçu de la tenue dans le temps des Figaret par exemple, avec un prix beaucoup plus salé en plus
Au début, je pense que c’est bien de commencer par une marque comme Café Coton, mais quand on sait plus ou moins ce qu’on veut (taille de col etc…), n’est-il pas plus intéressant de se faire une belle chemise blanche en Super Hampton par exemple et de changer le col et les poignets quand cela est nécessaire ? C’est peut-être plus écologique et surtout plus rentable sur le long-terme.
Ah café coton,
J’adorais leur chemise, et j’en faisais bonne presse dans mon entourage, et ne portais quasiment que ça. Malheureusement, je trouve qu’elles sont de moins bonne qualité désormais, que ce soient les boutons, les tailles de col, etc.
J’ai commandé les dernières sur Internet, en boutique, je ne les aurais pas achetées.
En espérant qu’il lise votre blog… et retourne vers du plus qualitatif.
Merci pour les conseils ! Je remarque par contre que Café Cotton ne propose pas plusieurs longueurs de manches alors que Charles Tyrwhitt oui. De mon côté elles sont souvent trop longues mais j’irai voir en boutique à Paris quand je serai de passage
Trop longue, c’est facile à retoucher 🙂
Trop court, rien à faire, inutile d’acheter… alors…
Bonjour Julien,
Merci pour ce bel article sur les chemises.
J’ai récemment découvert La Chemise Française, une vraie chemise made in France dans une excellente qualité. Connaissiez-vous ? J’étais désespéré de trouver un jour une chemise fabriquée en France sans devoir passer par la case mesure à Paris. Je suis agréablement surpris de la qualité venant de chez CC, Figaret…et la
coupe est bonne. Elles sont un peu plus chères mais aucun regret + on voit les ateliers c’est passionnant.
A vous lire,
Antoine