Ne commencez pas à vous arrachez les cheveux: c’est sur ce constat que commença le rapport de la Fédération nationale des fabricants français du vêtement envoyée aux Etats Unis, au début des années 50. Alors que sur la vieille Europe, l’habillement a toujours été considéré comme un marqueur social dont les codes étaient jalousement gardés par une élite aisée dont le magazine Adam se faisait le défenseur, les américains ont développé avec le New Deal une importante industrie du vêtement et renouvelé en profondeur les techniques du ready-to-wear.
Basée sur la coupe à l’anglaise développée dans les années 30, l’élégance d’outre atlantique culmina avec le cinéma hollywoodien des années 40 dont Gary Cooper ou Clarke Gable sont des exemples importants. Quelque fois appelée american cut, elle consiste surtout en une réappropriation du confort (toujours le même) et d’un naturel plus facile à porter. La veste croisée perd un rang de boutons hauts pour devenir tel que nous le connaissons (2×4), et les tenues et allures sont plus souples. Le tailleur français Michel Schreiber, cité par Farid Chenoune, ouvre dans les années 50 une veste d’un client américain pour comprendre une chose importante: « moins il y a de choses dans un vêtement plus on se sent bien dedans ». Ce fut un révolution par rapport aux vestes cartonneuses confectionnées par les tailleurs à la mesure.
C’est à cette époque que naquit également le célèbre magazine Apparel Arts dont les illustrations inspirent toujours nombres de stylistes, illustrateurs ou encore élégants inspirés. Préfigurant Esquire, il était à destination exclusive des professionnels, notamment des revendeurs, qui apprenaient à la fois l’aménagement et le renouvellement des boutiques mais aussi le goût du moment ou comment marier matières et couleurs, chemises et cravates. Tout un système industriel était à l’œuvre pour améliorer les coupes et les tissus et proposer au plus grand nombre des façons à la fois qualitatives et économiques.
Je regardais récemment la fameuse série Mad Men se déroulant dans les années 50 et me remémorait donc cette phrase en titre. Car il existait (et persiste toujours) chez nos amis américains une certaine idée du formalisme, même dans la classe moyenne, qui ne trouve plus guère d’échos chez nous. Le tuxedo y est encore, même s’il se retrouve souvent affublé de nœuds papillon de couleurs, un classique des soirées bon chic bon genre. De même que le respect des conventions vestimentaires entre semaine et week-end est une religion.
Le costume prêt-à-porter a, dit on, été inventé par Brooks Brothers. Sans savoir si la légende est vraie, notons que le sack-suit ou costume sac en français (costume en deux pièces tout de même, ou complet à veste courte dite tuyaux d’où le nom sac) fait véritablement parti de l’american way of life, avec sa pochette blanche horizontale, de même que l’inusable chino beige.
Comme vous avez grandement raison de mentionner le magazine américain « Apparels Arts » dans les pages duquel l’illustrateur Lawrence Fellows (1885-1964) donnera le meilleur de son art durant de nombreuse années. Ses habiles mises en scène demeurent de nos jours une incomparable référence en matière d’élégance masculine. Quel est l’éditeur courageux sur cette planète qui va enfin réunir ces illustrations, je suis sur de ne pas être le seul a attendre impatiement ce moment! Le styliste évoqué dans le feuilleton « Mad Men » fait plutôt référence aux années 1958-1961-63, costume plus ajustés et strictes, accompagnés de cravates minces. Le début de la décennie cinquante étant beaucoup plus débridée, encore fortement référencée au mouvement excentrique (mais pas inintéressant) du « Bold Look »
Tous mes encouragements pour la suite de votre aventure,
Bien cordialement
Patrick Lesueur.
Il fut un temps, aux EU, où il semble que le « surdimensionnement » des costumes se soit calqué sur celui des voitures ! Que vaut mon intuition ?
C’est vrai que la corrélation entre les deux mondes (mode et automobile) est intéressante. Le stylisme automobile américain des années 1950-1959 correspond pour reprendre votre expression à un « surdimensionnement » propre à l’époque. Soit une plastique pour le moins débridée, l’apothéose du genre étant par exemple une Cadillac millésime 1959 ou une Buick 1958. Tout se calme a l’orée de la décennie soixante (la génération Kennedy) avec (autre exemple) la magnifique Lincoln Continental 1961-1963 dont les lignes pures, sans motifs décoratifs ostentatoires et inutiles, demeurent de nos jours un formidable cas d’école. En toute logique la machine est grandement recherchée dans le monde de la collection.
Bien cordialement
Patrick Lesueur.
Il suffit de consulter les blogs amércains consacrés au style pour s’apercevoir que leur conception du vestiaire masculin est complètement différente du notre, beaucoup moins paillettes et podium, cette forme dégénérée et grotesque du vêtement pour homme qui domine ici, et plus tradition, plus formel aussi il est vrai. Les Américains restent les grands inventeurs du “casual” et de ses codes d’élégance.
Monsieur J.S , quand vous évoquez le tailleur Michel schreiber vous auriez pu citer la source de son recensement à savoir le livre de Farid Chenoune des » modes et des Hommes »….
Je vous trouve encore trop creux de vos connaissances , vous etes sans analyses heuristiques….
Erreur en effet, il eut été mieux de citer directement la source.
Quant à mon manque de connaissances, il revient à un blog de vulgariser une question de manière hebdomadaire, non d’en faire un mémoire scientifique. Mais que ceux qui souhaitent s’y lancer aillent sur wikipedia ou à la Sorbonne. Quant à l’inventivité, une myriade de blogs dans la mouvance ‘Colette’ sauront satisfaire cette lacune du classicisme.