L’une des mésententes principales entre anglais et français est bien celle de l’habit de diner que les français s’obstinent à nommer ‘smoking’, alors que précisément, cette pièce de la garde robe est tout autre. Parlons-en.
Il fut un temps, que l’on peut situer avant la première guerre mondiale en gros, où les anglais (suivis des français, ayant depuis longtemps abandonnés la culotte de cour) portaient pour diner l’evening dress ou cravate blanche ou queue de pie (décrit ici). Cette tenue était appropriée pour le soir et les dîners, formels ou intimes, urbains ou ruraux. De jour, c’était la jaquette ou morning dress que l’on utilisait. Après diners, les riches anglais, aristocrates ou grands bourgeois, avaient pour habitude de se retirer au fumoir, laissant les dames jouer au bridge voire même médire. L’ennui au retour du fumoir était la désagréable odeur de tabac froid qui tenait jusqu’au soir suivant.
Alors fut inventée, certainement aux alentours de 1850, la véritable smoking jacket. Il s’agit d’une veste plutôt courte (pour être assis avec), croisée avec des fermoirs à brandebourg (pour faciliter la fermeture après un repas trop arrosé). Le col, exclusivement châle était de satin ou de faille de soie matelassée alors que le veston lui même était en laine ou souvent en velours de soie, vert ou violet profond. Des passementeries terminaient de décorer cette pièce. De ce modèle est dérivé la veste d’intérieur, plus tardive. Il était donc d’usage de porter successivement une queue de pie (avec nœud papillon blanc) et une smoking jacket dans la même soirée.
Bien plus tard, dans les années 1880, la dinner jacket fut cette-fois inventée, dit-on à la demande du prince de Galles, futur Edouard VII. Il avait demandé à son tailleur une veste aussi courte que la smoking jacket qui puisse être portée cette fois-ci à table, dans un cadre intime, où la queue de pie était un attirail trop lourd à porter. L’idée fut simple et consista à conserver le corsage (partie haute) de l’evening dress (même si la version croisé du smoking parait plus historique), avec ses profonds revers satinés en pointes et son boutonnage unique.
Cette dernière idée se répandit comme une trainée de poudre et fut popularisée immédiatement aux Etats-Unis sous le nom de Tuxedo. Et en France, on ne sait toujours pas sur quel pied danser, où l’on appelle la dinner jacket (qui recouvre le pantalon et la veste) smoking quand la smoking jacket est traduite par veste de fumoir (et parfois d’intérieur, les deux idées ayant fusionnées). Cette légère confusion est aussi exprimée dans l’utilisation variable du col à pointe ou châle sur le smoking français (ou américain), ma préférence allant au premier, les cols châles du commerce étant désespérément étriqués!
Julien Scavini
Merci Julien,
une bien jolie illustration pour un article qui met (ou remet) les choses en place… l’origine éthylique des brandebourgs est amusante ; les légendes font souvent plus authentiques que la vérité mais celle là est vraiment jolie!
Merci Julien.
C’est mes yeux ou ton article n’apparait pas « en tête » de ton blog comme d’habitude? J’ai du cliquer sur « décembre 2010 » en bas de page afin d’y avoir accès…
Encore un (mauvais) tour de WordPress?
Je souscris. Le col châle doit être large et généreux. Mais si l’on ne possède qu’une seule dinner jacket, mieux vaut opter pour le col à pointes. Car après l’habit de soirée (frac) la dinnner jacket peaked lapels single breasted présente le plus haut degré de formalisme. Viennent ensuite le double breasted peaked lapels, et enfin le shawl collar single ou double breasted. Le col de la chemise permet également de jouer sur ces nuances : le col cassé (le vrai, haut, rigide et amovible, et pas ces horreurs vendues de nos jours même par certaines grandes maisons) est assurément le plus formel, même s’il passé de mode. Il convient à merveille au port de la dinner jacket single breasted. Quant au turnndown collar, il complète parfaitement le double breasted, peaked lapels ou shawl collar. Les Britanniques privilégient depuis quelques décennies le double breasted peaked collar qu’ils accompagnent de la chemise à col turndown. Même si je connais de jeunes diplomates qui se sont faits réprimander pour avoir porté le double breasted à une soirée officielle plutôt que le single breasted… 🙂
Formalisme mis à part, le croisement de la « dinner » avec la « smoking » a donnée quelques pièces sympathiques tout de même… veston droit, col chale (merci Edouard, le 8ème cette fois ci) et du velours… On est pas tous pour, mais j’aime bien!
Merci Julien. C’est vraiment intéressant l ‘histoire du vêtement (tiens, y a t il des livres de référence sur ce sujet ?), car c’est aussi le témoignage des moeurs en vigueur à une époque donnée.
Merci pour ce moment de culture historique et vestimentaire.
Je souligne aussi la qualité des figurines, dont je ne me lasse pas, notamment quand je me réfère aux pâmoisons que déclenchent les horreurs que l’on voit sur d’autres blog (je pense notamment à la dernière création « patinaroulistique » de son « arlequinesque » auteur)
Nicolas
Il faut de tout Nicolas.
Vous n êtes pas obligé de cliquer sur ces
2 blogs. Mais c est votre jour de dénonciation on dirait alors… Ca ira mieux demain.
Sinon, billet très intéressant Julien, comme souvent!
Salutations amicales.
Bien vu, pour le col châle étriqué. Pire, ridicule dans certaines vitrines.
Cela dit, si l’on regarde les «smoking jackets», elles le sont pas toujours «en laine ou souvent en velours de soie», mais aussi en coton, si on en croit le site de Favourbrooks. D’après le nom du lien, même le col serait en velours. Je pense m’en faire tailler une, prochainement. En fait, c’est une certitude.
Pour ce qui est de la «dinner jacket», je ne connais pas, hélas (car la sobriété de son élégance est unique) un seul endroit où la porter. Enfin, si, un seul, mais ces gens sont infréquentables.
Je me pose une question depuis que je me suis fait réalisé il y a peu une smoking jacket en demi mesure (industrielle). Enfin, du moins un compromis: pas de brandebourg chez ce faiseur, ce qui fait qu’il s’agit plus d’une diner jacket, mais en velours.
Vu la nature de ce compromis, je me demandais que mettre comme pantalon si je désirais l’utiliser « comme » une diner jacket?
Un pantalon de diner suit dans un barathea noir? Ou me faire faire un pantalon du même velours avec la bande de satin de soie sur le coté?
Bonjour,
Pour moi, la smoking jacket est une veste d’intérieur. En plus je ne fume plus. Donc, rentré chez moi, je quitte ma veste, mon gilet si j’en ai un, et j’enfile ma smoking jacket, quel que soit le pantalon que je porte. Ma veste est matelassée, croisée, en velours de coton bordeaux, avec col châle en soie et passementée en noir. Très confortable, mais trop chaude pour l’été. Peut-être devrais-je m’en faire faire une plus légère.
Pour ce qui est de la « dinner jacket », j’aime bien, c’est très élégant, ça laisse briller mos compagnes, mais à moins de virer franc-maçon, je me demande bien où porter ça aujourd’hui.
Hebe
Bonjour Hebe,
Je donne à ma veste la même utilisation, et en effet, qu’y a t’il de plus agréable pendant les mois d’hiver? Parfois quand je reçois des amis proches qui apprécient le cigare, j’associe cette veste à un pantalon en tartan, sinon elle accompagne le pantalon du jour, comme dans ton cas.
Cependant, j’ai prochainement un événement qui est « sensé » être Black Tie. Or il est assez difficile aujourd’hui de trouver une Diner Jacket qui respecte le canon traditionnel et qui rentre dans le budget d’un étudiant! (à vrai dire, quel que soit le budget, en PAP, il est quasiment impossible de trouver un tel Graal, même chez des marques pour qui j’ai énormément de respect).
Or comme je le disais, ma « smoking » jacket respecte cet aspect traditionnel de la Diner, sauf évidemment la matière. Alors autant rentabiliser cet achat, d’autant plus que je suis certain que tout les français qui participeront à cet événement seront en lounge suit.
Il me reste donc le dilemme du pantalon expliqué plus haut! Il me semble avoir compris dans l’article sur la diner jacket blanche qu’elle marchait comme un dépareillé. Si on applique ce principe à toute veste alternative, alors le choix du pantalon serait celui d’un barathea noir.
Cependant, il existe des Diner Suit Bleu Nuit – qui sont d’ailleurs parfois du meilleur effet tout en restant extrêmement discret – or dans ce cas, le pantalon reprend le schéma de couleur.
PS: oui j’ai oublié de précisé, mais ma veste est d’un velours ras bleu nuit.
Cher Julien et vous tous cher gentlemen,
Je crois avec vu des Smoking Jackets sous la dénomination Velvet Jackets. De belles vestes en velours vert ou bordeaux à revers de soir noir et à brandebourgs. Seulement il y en avaient croisés. Dites-moi si je me trompe, si c’est une pièce du vestiaire différente. Sur le site Internet de Favourbrook, l’intitulé est « Men Velvet Smoking Jacket », cela a-t-il un lien?
En tout cas, très bel article qui signe avec élégance une distinction des plus agréables. Avec toujours des figurines d’aussi belle qualité.
Bravo et encore merci,
Élégamment votre,
Gregoire
Bonjour !
Merci pour ce billet très intéressant que je découvre … avec 9 ans de retard ! Mais qu’importe le temps, les jolies choses sont intemporelles.
La « smoking jacket » est une très jolie veste d’intérieur mais auriez-vous des marques à conseiller pour un premier achat de ce type (de préférence en boutique, j’ai des proportions qui me déconseillent toujours d’acheter en ligne sans essayer).
Merci à vous ! 🙂