Cravate croate?

Le terme cravate viendrait d’une invention des mercenaires croates embauchés pour guerroyer par nos bons rois? Il semble que cela soit communément admis par les encyclopédies. Mais au delà de l’étymologie, nous pouvons constater sur les gravures qu’au travers des âges, le col, ou collet fut bien souvent fermé par un ruban de tissu, voire même quelques montages complexes comme les fraises. Celui-ci clôture l’encolure (les sens se télescopent), pour à la fois tenir les pans gauche et droit du vêtement et/ou tenir le cou au chaud et/ou soutenir une décoration et/ou servir d’objet d’apparat. Et c’est bien cette dernière fonction qui de nos jours prend le pas sur les autres, dernier bastion d’ornement pour l’ornement, d’inutile plaisir.L’ancêtre évident de la cravate, peu importe l’étymologie ici, est la lavallière (A). L’ancienne – pas l’actuelle qui tient plus de l’ascot – formée par un long ruban que l’on nouait sur le principe du nœud papillon – ou des lacets de chaussure – et dont les deux pans retombaient longuement de part et d’autre. Ce fin ruban entourait plusieurs fois le col avant d’être noué, parfois même sur le côté, et terminait parfaitement toutes tenues ‘ancien régime’. Il est souvent blanc, et a probablement conduit au nœud papillon blanc en coton marcella que l’on porte avec la queue de pie. C’est aux alentours du début du siècle que l’on inventa la ‘régate’ (B), ancien nom de la cravate actuelle. Cette proposition était elle-même issue des foulards que l’on se nouait négligemment autour du cou. La ‘régate’ était vendue nouée, enfin cousue, et se clipsait directement au bouton de col.

Jusqu’à nos jours, la cravate a bien évolué, en taille, en forme et en couleur. Étroites dans les 60’s, elle s’élargit dans les 70’s, se dilate et s’allonge dans les 80’s, se dénature dans les 90’s, sauf dans les bonnes maisons qui conservèrent leurs modèles. Aujourd’hui, une cravate classique fait 150cm de long pour 8 à 9cm au plus large. Il est possible de classer les cravates dans diverses catégories :

1- Les géométrales (tissées ou imprimées) : avec des pois, des losanges, des rayures horizontales, des petits carrés et autres petits motifs géométriques

2- Les régimentales (tissées) ou Club : inventés par les anglais, elles arborent les couleurs du club auxquelles elles correspondent. Les américains ont récupéré l’idée sous le nom Rep Tie, mais ont modifié l’orientation de rayures, pour ne pas froisser la perfide albion 🙂 Ce sont les préférées de Stiff Collar, dans les combinaisons les plus minimalistes possibles et des tons mats.

3- Les motifs (tissées ou imprimées) : avec des illustrations (Tintin, Milou, Winnie l’Ourson ou petits chiens, fer à cheval etc…), les écussonnées, les palmettes cachemires (paisley) etc…

4- Les imprimées ( donc imprimées) : souvent dans des soies fines, elles présentent plus de triplure que les régimentales qui sont en soie dure. Les motifs peuvent être peints dans l’esprit aquarelle. Les plus belles présentent d’importants motifs cachemires, souvent colorés, ou sinon des abstractions géométriques.

5- Les tricotines (donc tricotées et teintes) : sont souvent finies à l’horizontale en bas, elles sont très confortables en toutes saisons, très 60’s aussi.

Pour les bonnes maisons, il en existe une infinité. Citons Drakes of London, Brooks Brothers, Marinella, Charvet, Hermès évidemment, Hackett pour certains modèles estivaux lin et soie et Breuer qui est parait il le premier fabricant (sous-traitant) européen. Pour les amateurs de cravates en mailles, citons le travail d’un autre ami blogueur qui met en vente de beaux modèles vintages via le blog dédié Autour De Ton Cou. Et vous, quel est votre type préféré?

Enfin et d’une certaine façon, une cravate n’est pas brillante. Elle n’est pas en satin, elle n’est pas bling bling. Elle est mate car elle fuit le tape à l’œil. Elle est ornement sans être ostentation.

MàJ : le tailleur Alain Stark me signale qu’il organise le vendredi 10 juin 2011 une journée autour de la cravate. Des ouvrières spécialisées réaliseront sur demande et devant vous des cravates sur-mesure. Vous choisirez la soie ainsi que votre triplure, simple ou double épaisseur.

Julien Scavini

12 réflexions sur “Cravate croate?

  1. Guillaume 31 mai 2011 / 15:33

    « le tailleur Alain Stark me signale qu’il organise le vendredi 10 juin 2010 une journée autour de la cravate ».
    Je suppose qu’il s’agit du 10 Juin 2011. Quoiqu’il en soit, dommage de manquer un tel rendez-vous! Y aura-t-il d’autres dates prévues?
    Que pensez-vous de la cravate-foulard? Je trouve moi que c’est une bonne alternative pour les mises plus décontractées.

    • Julien Scavini 31 mai 2011 / 16:11

      En effet, je vais corriger.

      La cravate foulard, quelque fois appelée 7 plis si j’ai bien compris, peut en effet être agréable, surtout non doublé. Je lui en trouve en revanche un petit côté froissé (en particulier à la pointe, autour du rouloté couture) pas très esthétique. De plus, elles vieillissent assez mal, mais comme tous les vêtements non doublés…

  2. Guillaume 31 mai 2011 / 17:36

    Je ne sais pas si c’est bien de la même chose dont on parle (je vous charge de corriger mes approximations!): L’exemple est assez moche, mais voici ce à quoi je pense quand je parle de cravate-foulard:

    http://brieuc75.typepad.fr/.a/6a00d83451d39969e20120a4d615d5970b-300wi

    Pour moi une cravate 7 plis est classique, mais se démarque par sa qualité de confection (un foulard, effectivement, 7 fois replié et non doublé, terminé par une couture à la main).

    Merci de m’éclairer!

    • Guillaume 31 mai 2011 / 17:37

      Ou alors ceci:

  3. Vivien Garnes 1 septembre 2011 / 08:59

    Effectivement, je pense que la cravate 7 plis (sevenfold necktie) désigne plus une « méthode » de production, plutôt qu’un type de produit à part entière.
    http://sevenfoldties.reflexblue.org/neckties.php

    La différence de qualité de confection est par ailleurs palpable, surtout pour ceux qui s’aventureraient à retourner la dite cravate 🙂

    Il semblerait même que certains artisans cravatiers (je pense notamment au Napolitain Isaia) se soient aventurés aux cravates 9 plis (ninefold necktie) présentées au salon Pitti Uomo de Florence il y a quelques années.
    http://www.elitetraveler.com/news_detail.html?nid=216

  4. Kevin Creusy 1 septembre 2011 / 13:06

    E.marinella maitrise également l’art de la cravate 9 plis et va même jusqu’à 12 plis.

    Les napolitains n’ont rien à envier au reste du monde sur ce point là !

  5. Mourad 25 novembre 2012 / 21:22

    Cher Monsieur Scavini,
    Toutes les félicitations pour ce blog intéressant, sobre et instructif.
    J’aiemrai poser une question relative à un sujet inabordé jusque là dans votre blog, sauf si j’ai raté la page y relative : il s’agit de la pochette de soie. Je porte presuqe toujours une pochette pour éviter en quelque sorte la cravate, notamment que je vis dans une région à climat modéré à chaud. Ma question est la suivante : peut-on porter la pochette (en soie ou en lin) avec une veste poches en plaque ? un grand merci pour votre réponse.

    • Julien Scavini 26 novembre 2012 / 15:47

      Ah oui, tout à fait. Mais je vois votre inquiétude, car il est vrai que sur une poche plaquée de poitrine, cela fait gonfler fort la poche. Un détail je dois dire qui ne me dérange guère. Consultez les images d’Apparel Arts, vous trouverez peut-être des réponses à cette question, en image 😉
      Pour mes clients un peu gênés par l’idée, je leur conseille deux poches plaquées basses et une poche poitrine classique.

      • Mourad 26 novembre 2012 / 22:14

        Cher Monsieur Scavini, merci infiniment pour votre prompte réponse. Effectivement, ce sera une bonne idée de prévoir une poche de poitrine classique, car comme vous l’avez bien deviné, c’est ce « gonflage de la poche » qui gêne un peu. Voulant entrer dans la grande mesure, je ne manquerai pas à proposer cette alternative à mon tailleur local ici à Tunis, comme je ne manquerai pas de passer vous voir dans votre atelier dès mon premier passage à Paris. Je resterai d’ici là fidèle à votre blog et à vos précieux conseils. Mes amitiés.

  6. NicK 31 octobre 2013 / 12:36

    « Enfin et d’une certaine façon, une cravate n’est pas brillante. Elle n’est pas en satin, elle n’est pas bling bling. Elle est mate car elle fuit le tape à l’œil. Elle est ornement sans être ostentation. »

    Quand je vais à un entretien d’embauche pour un poste que je tiens à obtenir, je sors ma cravate Hugo Boss. Ostentatoire, elle est, mais elle me démarque des autres candidats. J’ai eu de bons résultats en la mettant. 😉

    • Julien Scavini 31 octobre 2013 / 22:25

      Avec un slip porte-bonheur? 🙂

      • NicK 12 novembre 2013 / 12:49

        Oui avec le caleçon porte-bonheur ! 😉

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