Le bas du pantalon

Cet après-midi, je vais tenter d’énoncer les diverses manières de terminer un bas de pantalon, plusieurs lecteurs m’ayant questionnés sur le sujet suite à divers articles et prises de position. Comme à l’habitude sur Stiff Collar, restons encyclopédiques.

Bien ! le bas du pantalon, toute une histoire. Sa largeur d’abord est un grand sujet de questionnement, et l’histoire ne nous apprend pas grand chose justement, le pantalon long étant une invention relativement moderne. Autrefois, la culotte était préférentiellement utilisée et celle-ci s’arrêtait aux genoux. Avec, l’on portait soit des chausses hautes (bottes) soit des bas de soie finissant sur une chaussure à boucle ou un mocassin. Sauf pour la paysannerie, qui justement utilisait des sortes de culottes longues voire des braies. Mais depuis environ 1830, l’usage du pan-long s’est répandu. Il fut originellement ‘collant’, c’est à dire marquant les cuisses et les mollets. Il fallait agrandir une cuisse pour loger les choses de la vie et certains modèles possédaient une sous-patte passant en dessous de la chaussure et servant à tendre l’étoffe. Très esthétique, mais du dernier inconfort. De nos jours, il n’y a guère plus que les matadors qui utilisent la culotte (longue) et le bas de soie.

Puis, au tournant du siècle dernier, le pantalon s’est élargi. La coupe droite militaire, héritée des campagnes de 1870 en France est un fait notable. Vers 1910 / 1920, les pantalons devinrent plus actuels, mais avec des hanches marquées. Leur largeur en bas était assez similaire à ce que l’on trouve maintenant. En revanche, dans les années 30, le pantalon couvrait les trois quart de la chaussure, et les knickers (Knickerbockers) hérités des anciennes culottes avaient le vent en poupe. Certains étudiants, dans les milieux oxfordiens testèrent les ‘Oxford bags’, pantalons plus que patte d’eph’ faisant au moins 45cm de largeur en bas.

La coupe parfaitement droite subit encore des modifications dans les 70’s mais resta globalement inchangée jusqu’à nos jours. Actuellement, il est conseillé dans les ouvrages spécialisés de couvrir la moitié du soulier. C’est un jugement de valeur très personnel qui doit amener chacun à prendre position. Pour une conformation standard (taille 50, 1m80 par exemple), je pourrais conseiller 22cm pour un pantalon en laine de costume, 21 pour un pantalon en laine sport et pourquoi pas 19 dans un coton. Mais attention, plus vous serrez, moins le pli sera marqué.

Le bas du pantalon maintenant. Plusieurs options s’offrent à vous tant dans la forme que dans les mesures. Pour les formes hors du commun, il y a le pli fendu terminé par une abeille (broderie en triangle) (A) ou le bas fendu sans repli (B). Plus classiquement, il y a le revers (C). Il peut mesurer entre 3 et 5cm suivant votre goût, mais il est vrai que quitte à avoir un revers, autant qu’il se voit. (D) une option classique à Paris, le demi-revers uniquement positionné sur l’avant. Enfin (E), l’ourlet simple.

A propos du revers, nous noterons que son invention remonte à Edouard VII qui aurait fait des revers à son pantalon un jour de pluie et de boue à la campagne, pour éviter de tâcher ses bas. Et que le fils de ce monarque s’en est pris quelques années plus tard à un visiteur qui lui rendait visite dans son palais de Londres avec des pantalons à revers en lui demandant ‘trouvez-vous ma maison humide pour arborer un retroussis au pantalon ?’ Classiquement donc, le revers est plutôt connoté campagne, les pantalons de ville en étant dépourvus. De nos jours, c’est selon le goût. Et inutile d’en faire une règle absolue : ni le costume croisé, ni celui à rayures ou que sais-je encore ne s’accorde plus qu’un autre au revers.
La largeur du bas maintenant. En 1, nous visualisons un bas classique, de 24 ou 25cm typique du tombé des années 30 anglaises. Cette largeur est encore indiquée pour les pantalons formels comme celui de la jaquette par exemple. En 2, nous voyons l’erreur contemporaine. Le pantalon fait la même longueur que précédemment, mais sa largeur a fortement diminuée, il butte donc sur le haut de la chaussure et casse vingt fois ! Si l’on veut un bas étroit, il faut raccourcir le pantalon, comme en 3. C’est la mode anglaise, ou quand le pantalon tutoie le haut du soulier. Sur le continent, on aime les pantalons franchement plus longs, surtout sur l’arrière. Donc l’idéal chez un tailleur ou un bon retoucheur, c’est de faire exécuter le bas en biais. Pour cela, il existe deux méthode, le biais complet permettant d’effleurer l’avant du soulier et d’emboiter l’arrière (4). La seconde, à la manière de Smalto, consiste à obtenir un avant horizontal puis à partir en biais depuis la couture vers l’arrière (5). MàJ: il est possible de réaliser la (4) avec un revers, mais le biais sera moindre, car l’effet est plus dur à obtenir.

J’espère que ce rapide tour des possibles vous sera d’une grande aide lors de vos prochains achats ou commandes. La semaine prochaine, nous verrons le haut du pantalon.

Julien Scavini

18 réflexions sur “Le bas du pantalon

  1. Jules 27 février 2012 / 15:33

    Cher Julien,
    Merci pour ce billet, comme toujours très complet.
    J’ai deux questions :
    1- Y a-t-il un moyen de faire un ourler avec revers en biais ? (j’aime bien les revers, j’aime bien quand le pantalon ne casse pas, je n’aime pas quand on voit trop les chaussettes…) La seule solution est de faire en revers « jockey » (que je n’aime pas non plus) puis un biais Smalto ?
    2- Que faire avec les pantalons « sport » (velours côtelé, chino, etc) quand on les porte avec des Chukka ? Il faut réserver quelques pantalons plus courts (jusqu’ou ?) spécialement pour être portés avec des Chukkas ?
    Merci !

    • Julien Scavini 27 février 2012 / 16:23

      1- Absolument, c’est une erreur de ma part. On peut aussi bien exécuter l’ourlet et le revers en biais. Mais c’est plus dur pour le revers et on peu moins marqué le biais (sinon cela tire sur le pantalon devant).
      2- Bonne question. Il est vrai que je ne porte pas de bottines. Demandez peut-être aux rédacteurs de For The Discerning Few, je sais qu’ils affectionnent ces souliers. Sinon, en effet, il peut être bon de réserver quelques modèles plus court à certains souliers. Ou Inversement.

  2. Boutillier 27 février 2012 / 15:58

    Article très clair. Merci.

    Faîtes vous, vous-mêmes, uniquement des pantalons sur mesure?

  3. amator 27 février 2012 / 16:53

    Bravo Julien pour cet article qui met les point sur les i de manière bien agréable.
    Un repère simple était pratiqué, le bas de pantalon était sensé faire la moitié de la pointure de la chaussure, avec des tailles à la française; donc pour un soulier de taille 40, le bas de pantalon pouvait se « négocier » à partir de 20 cm…

    • Julien Scavini 27 février 2012 / 17:41

      Oui absolument, c’est ce que j’avais en tête. Ceci dit, pour 2, cela fait 21cm. Donc du coup, c’est un peu petit pour le costume… Mais c’est plutôt autour de cette mesure, absolument!

  4. Le chouan des villes 27 février 2012 / 18:55

    Sauf erreur de ma part, la remarque que vous attribuez à Edouard VII est de George V.
    Amitiés.

    • Julien Scavini 5 mars 2012 / 14:33

      Oui, en effet, la première idée de Bertie, la deuxième plus rigoriste, de son fils.

  5. Ramius 28 février 2012 / 14:35

    Qu’en est il alors des breeks ? Une survivance de la culotte dans les campagnes anglaises?

    • Julien Scavini 5 mars 2012 / 14:33

      Une sorte de Knickers en plus contemporain ?

    • Eudes-Marie Hartemann 5 mars 2012 / 18:39

      Peut-être les breeks sont-ils (elles?) des survivances de la culotte, je ne saurais dire. Cependant, tous ceux qui portent à la campagne un costume de tweed avec des bottes de caoutchouc (des Hunter, of course !) vous diront qu’il est infiniment plus pratique d’enfiler des bottes avec des breeks et des chaussettes hautes qu’avec un pantalon long. (Bien entendu, on porte souvent aussi les breeks avec des chaussures basses ou des botillons, je ne pense pas qu’il y ait quoi que ce soit d’interdit dans cette matière.)

  6. Le Chiffre 28 avril 2012 / 19:31

    Très intéressant et complet. J’ai quelques questions :
    1- Ou placez-vous la limite entre mensurations classiques et extrême, à propos de la hauteur du revers ? Plus de 5cm est excessif, à mon avis, à moins de mesurer 2m, et un revers entre 4 et 5 cm me semble bien, mais qu’en pensez-vous ?

    2- Dans les années 30-40-50, quand le pantalon était bien large et presque tout le temps porté avec de hauts revers, savez-vous si le bas du pantalon était le plus souvent en biais, ou simplement tout horizontal ?

    3- Etant grand et très mince, et aimant les pantalons assez haut et à pinces, doubles si possible, je me demande quelle longueur de bas de pantalon me conviendrait, sans me « noyer ». Bien sûr, la longueur classique, très années 30 serait de 24-25 cm, comme vous le précisez -et James Stewart en portait de pareils qui lui allaient parfaitement, malgré sa minceur. Cependant, la rareté de ce type de coupe aujourd’hui fait que porter un pantalon qui a un bas à 25 cm sans être assez carré fait que l’on coure le risque de voir des jeunes -mes pairs ^^- demander si l’on a emprunté le pantalon de papy, ou autres c… dans ce genre-là, parce qu’on ne porte pas le pantalon slim noir rentré dans les fesses que l’on voit partout ou presque. Quelle longueur de bas de pantalon maximale conseillerez-vous ? 23cm ? Je suis un peu perdu…

    Merci d’avance et bonne continuation pour votre blog.

    • Julien Scavini 30 avril 2012 / 08:24

      Bonjour,
      1- classique, 3cm à 3,5 cm. 4 est déjà synonyme d’une recherche d’élégance, que le monsieur a fait attention à ce détail. Indiqué si la personne est grande ! Ceci dit, la finesse n’est pas l’ennemi du raffinement…
      2- avec un bas revers, le plus classique est la coupe horizontale en bas, surtout lorsque le bas est large. Il n’y a alors aucune raison de faire un biais, le pantalon emboitant le soulier.
      3- Je ne sais, il faut voir de visu. Ce qui est certain, dans le coton, il est possible de faire serrer, la matière s’y prête. Dans la laine non à mon avis. Je fais 1m80 et ai comme habitude 22cm dans la laine et 19 à 20 dans le coton. 23, cela semble bien oui.
      Pour des bas de pantalons amples, il faut à mon avis des tissus lourds, typiques des années 30 et 40, pour que l’effet et le rendu soient corrects.
      Et en effet, les pantalons hauts à plis font passer pour un papy, on ne peut rien y faire. Mais le confort est tel que l’on passe outre, de même que la ligne resserrée à la taille donne de l’allure.

      • Le Chiffre 30 avril 2012 / 20:49

        Merci beaucoup pour vos réponses !
        1- « la finesse n’est pas l’ennemi du raffinement… » Exact. Je fais 1m83 mais les seuls pantalons de ville que j’ai ont des revers de 4.5 et de 5 cm. J’y suis peut-être allé un peu fort…

        3- Je ne saisis pas ce que vous voulez dire par faire serrer : serrer le pantalon ? (les pattes de serrage sont là pour ça, non ?)
        Pour les tissus lourds, j’imagine que c’est vers 340 gr et plus environ ? Enfin, juste par curiosité : faisant 1m83 et 60kg, me conseillerez-vous toujours un bas à 23 cm ?

      • Julien Scavini 1 Mai 2012 / 13:03

        3- comme moi pour la taille mais plus léger. 22 à 21 pour un costume, 20 pour un pantalon de laine. Essayez.

  7. nadjaspeck 2 Mai 2016 / 19:34

    Bonjour,
    Il m’arrive de modifier la longueur des pantalons de mon ami et j’aime l’effet du bas en biais. Cependant, selon le tissu, l’exécution n’est pas simple. Pourriez-vous nous donner quelques astuces?
    Merci.

  8. Ol 16 septembre 2016 / 09:08

    Bonjour
    Comment avoir un ourlet en biais qui tombe bien sur le talon sans remonter a chaque fois? Ce pb je ne l ai qu avec mon costume slim, sacree erreur, et mon retoucheur me dit qu e c est tjs comme ca avec les slim, a t il raison?
    Merci bcp
    Ol

    • Julien Scavini 18 septembre 2016 / 18:16

      En effet, un pantalon étroit va toujours faire un accordéon.
      L’ourlet en biais fonctionne uniquement dans les pantalons à bas de plus de 21cm et plus.

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