Confectionner une veste pour un client exige beaucoup de travail et des mesures précises. Cela demande aussi de comprendre ce dernier, et encore plus, d’arriver à le faire parler sur ses goûts, ses envies et son ressenti, peut-être le point le plus important.
Les longueurs sont un point crucial, longueur du corps d’abord, longueurs des manches ensuite. Mais ce sont des points stylistiques. Il y a ensuite le niveau de cintrage, un point stylistique qui mêle aussi le confort. Car il faut pouvoir respirer dans une veste, il faut aussi pouvoir la fermer. ll faut aussi prévoir les éléments que le client va mettre dans les poches intérieures. Qui plus est, les vestes entoilées supportent moins bien les cintrages forts que les veste collées. Le tissu n’étant pas rigidifié (par le thermocollant) mais seulement accompagné (par la toile), la nuance est importante, il a tendance à se comporter naturellement. Aussi, le fameux X décrit dans la documentation spécialisée se produit plus rapidement avec une veste entoilée, parfois même pour un simple cintrage. C’est plus souple ! Sauf à utiliser une flanelle de 400gr, mais ce n’est pas forcément l’envie commune. Et puis le corps gonfle dans la journée…
Attention aussi à votre physique. Si vous avez les épaules larges et hautes, ou la tête assez forte, une veste trop cintrée pourrait vous donner l’air d’un bilboquet !
Un peu plus haut que le cintrage, il y a la poitrine et le raccord des manches. Ici, l’étude doit être approfondie et le tailleur ne trouvera pas forcément le ton juste dès la première veste. Car devant, le long de l’emmanchure, au dessus du poitrail, le niveau de drapé du tissu peut-être modulé, c’est ce qu’on appelle l’emboitement ! La veste peut ainsi plus ou moins serrer le flanc pour tourner et passer sous la manche. Laisser un peu trop de tissu aura tendance a visuellement gonfler la poitrine. En retirer juste un peu trop pourra faire ouvrir le revers. Et ce point se commande difficilement, passant de trop à trop peu assez rapidement.
Les tailleurs s’écharperont tous sur le sujet. Certains aimeront laisser un peu de gras, d’autres préféreront tendre la ligne pour emboiter le flanc. Un travail spécifique de la toile et de la courbe d’emmanchure sera alors réalisé. La toile pourrait être par exemple piquée en même temps que la manche dans sa partie basse et courbée, et être bâti souplement dans sa partie haute avec l’épaulette. D’où une certaine rigidité au galbe mais une épaule qui avance souplement.
Se sentir tenu au bord du flan et sous la manche peut être ressenti comme un avantage (pour une majorité de clients actuels) ou une gêne (principalement pour les clients au delà de 50ans ou ceux n’ayant pas l’habitude).
Ce point de précision est complété par l’emmanchure haute. Plus elle est haute, plus le confort dans les mouvements est intense. Mais cela peut être ressenti comme une véritable gêne. Je ne joue pas trop avec ce point, préférant une version entre deux. Car l’emmanchure haute demande une réelle habitude. Elle se sent et peut faire transpirer plus. De là découle une usure rapide des doublures sous l’effet de l’humidité acide.
Les messieurs d’un certain âge préfèrent quant à eux une emmanchure profonde et un emboitement au large, pour ne pas sentir la veste. Ils y trouvent une plus grande liberté de mouvement, le tout soutenu par une épaulette cantilever. Tout l’inverse de l’affection italienne pour l’emmanchure haute et l’emboitement serré. Mais au fond, chacun ses goûts !
Bonne semaine, Julien Scavini
Bonsoir je lis vos leçons car pour moi ce sont des leçons de haute couture j ai les larmes qui me coulent car j aime ce metier et tout ce qui s y rapporte .merci merci .et dites moi pourquoi vous faites pas un livre de montage
Couture pour les tailleurs comme moi
Quand je vous lis je suis heureux.
Julien, ton article très intéressant me fait penser à un point que je ne m’étais pas encore bien formulé : le rapport contradictoire au vêtement pour un grand nombre de ces monsieur d’un certain âge dont tu parles. En effet, pour l’ancienne génération, porter une veste et un pantalon fait plus partie des habitudes vestimentaires que pour la jeune génération. Mais en même temps, leur prédilection a porter des vestes et des pantalons trop longs, mal ajustés et sans silhouette est en contradiction avec la mission même du tailleur, qui est de donner une belle silhouette bien proportionnée au client. Sinon, pourquoi aller chez un tailleur si c’est pour être aussi mal habillé qu’ en prêt-à-porter. Car il est indéniable qu’une silhouette ajustée, et une emmanchure haute, donnent beaucoup plus d’allure à la veste, quoi qu’en pensent ces vieux monsieur qui veulent privilégier le confort. Si ils sont tellement attachés à l’idée de s’habillet confortable, ils n’ont qu’a porter de survêtement et des baskets, c’est à se demander pourquoi ils font la démarche de retourner systématiquement chez des tailleurs, tels des saumons qui remonent à la source, sans trop se poser la question pourquoi. Pour les messieurs de l’ancienne génération , aller chez le tailleur est un acte tout à fait normal et banal, un geste que l’on fait depuis toujours dans la famille, mais on a comme l’impression qu’ils ont perdu le sens du pourquoi. Donc, pour le tailleur moderne, comme toi Julien, je pense qu’il est essentiel d’essayer de leur montrer à quel point ils seront mieux vêtues si ils acceptent justement tout ce que l’art tailleur peut faire pour eux en terme de silhouette ajustée. En tout cas, merci, tu viens de me donner une idée pour un futur article sur parisiangentleman.fr ou dirnelli.tumblr.com