Les hommes politiques et le vêtement, c’est toute une histoire ! Le désamour est de plus en plus profond entre eux et leurs costumes. Il n’y a qu’à ouvrir une page de magazine, politique ou people, pour le constater. Et je ne parle pas là que de notre seul président, qui le pauvre, n’a pas un physique facile et doit donner bien du fil à retordre à son tailleur, plutôt habilleur.
Nos présidents portaient l’habit sur les photos officielles… jusqu’à Valérie Giscard d’Estaing, qui fit souffler un vent de modernité sur la fonction. A la différence – c’est curieux – de son propre goût personnel pour la décoration très versé dans le 17ème français. Pour autant, il s’habillait chez le tailleur, à Londres dit-on. F. Mitterrand allait chez le tailleur à Paris, Cifonelli dit-on également. Aucune de ses tenues ne m’a laissé un souvenir éclatant. Au moins était il présentable. J. Chirac eut une démarche inverse. Élégant quand il était jeune et mince, il s’habilla assez rapidement comme un sac.
N. Sarkozy est un animal vestimentaire plus curieux. Avant de devenir président, il n’était pas extrêmement bien habillé. Mais il avait le goût classique des bourgeois du XVIème. Lors de son arrivé à Bercy en 2004, il rétablit la tenue des huissiers (habit noir et lourd breloques dorés) que Francis Mer son prédécesseur avait jugé bon d’abandonner. Un signe. Plus tard lors de son arrivé à l’Elysée, il fit progressivement évoluer son style. Style italien, trois boutons et épaule molle, style parisien, veston plus carré à deux boutons. Nina Ricci et Franck Namani ai-je souvent entendu dire. Nous ne le saurons jamais, mais au moins l’ensemble était bien coupé, si ce n’est le signe d’un goût, au moins le signe d’une conscience de la question.
François Hollande ne mérite même pas une ligne. Smuggler et Agnès B. dit-on coupent ses costumes. La tâche n’est pas facile. L’homme fait un bon 56 de tour de poitrine, a un peu de ventre, aucune hanche et une épaule franchement plus haute d’un côté. On est comme on est. Seulement, organiser un diner d’Etat en l’honneur de la reine de Suède en simple costume sombre est une injure à la culture et au bon goût, cf. Franck Ferrand du Figaro.
Plus généralement, les hommes politiques sont élus. Ils sont donc les représentants du peuple. Et il est amusant de constater qu’en l’occurrence, il n’existe pas un fossé énorme entre cette élite et la base de la pyramide sociale… Pour une fois, pas de fracture sociale, le mauvais goût est partout ! Certes le commun s’habille chez Décathlon et le député ou le conseiller général plutôt chez Armand Thierry ou Brice, mais au fond, peu de différence de goût. Un goût simple.
Comment expliquer cela ? Premièrement, les hommes politiques ne sont pas si différents des hommes normaux. L’éducation au vêtement étant tombé en désuétude, il n’est pas curieux de voir des maires, présidents de régions et sénateurs ventripotents habillés comme l’as de pique.
Au delà de cette explication, un client lui même dans la politique m’a raconté une anecdote amusante. Un député, ancien secrétaire d’Etat au goût prononcé pour la voute plantaire de ces dames adore les vêtements, les beaux vêtements italiens, Etro, Pal Zileri etc… et porte à Paris de magnifiques costumes bleu marine, avec des Lobb à double boucles et un manteau de cachemire l’hiver. Mais lorsque son chauffeur le ramène dans sa circonscription, il fait alors un détour par le coffre. Exit la magnifique cravate en reps, bonjour le nœud Kiabi. Exit le beau manteau, bonjour le vieux caban élimé.
Pourquoi un tel tour de passe-passe ? Tout simplement parce que les électeurs ne comprennent pas un tel goût. En latin, le commun ou l’ordinaire se traduit par vulgus, qui a donné vulgaire en français. Vous voyez où je veux en venir… Il ne faut donc pas heurter et rester très discret, voir carrément plouc. En bref, il faut savoir se mettre au niveau. Le concept peut tout à fait s’entendre ! C’est triste, mais si c’est obligatoire…
Regardez comment E. Balladur s’était fait moquer pour ses chaussettes rouges. Le Chouan des Villes n’a t il pas non plus démontré comment ses costumes étroits et bien coupés avaient été jugés sévèrement par ses communicants. Je n’irai pas prétendre qu’il fut battu à cause de cela. Mais ce détail n’a pas du aidé non plus. C’est ainsi que j’émets les plus sérieuses réserves sur l’avenir politique de Bruno Lemaire, qui adore beaucoup trop les pulls en cachemire et les beaux costumes Brioni.
Ce qui pour moi constitue un point fort passera un jour ou l’autre pour une marque d’affectation indigne d’un présidentiable. Pour moi, cela est au contraire une marque d’intelligence. Le vêtement demande une recherche, une patience, un goût synonyme d’intelligence, une intelligence du propos et de la mesure !
Sur ce, je vous souhaite d’excellentes fêtes de fin d’année! Je me retire quelques temps pour un repos bien mérité. Bonne semaine. JS.
Orazio Luciano n’avait pas hésité à tancer Matteo Renzi sur sa tenue; peut être est-ce à vous d’aller sermonner Hollande en face a face?
Dans tous les cas, je vous souhaite un joyeux Noël à vous ainsi qu’à vos proches
Monsieur,
Bonnes fêtes de fin d’année.
Les hommes politiques suscitent souvent la critique. Ainsi vous jugez ceux qui s’habillent mal et d’autres trop bien. Candidat pour ma part aux élections municipales de ma commune en mars dernier, je tente d’être « présentable », comme vous écrivez mais si j’aime les beaux vêtements, je n’ai cependant pas les moyens de m’offrir les services d’un tailleur. Je me fournis donc chez Celio, Brice et Devianne.
Bien à vous et heureuse année nouvelle.
Stéphane Mettetal.
Bonjour, toutes mes excuses si je vous ai heurté. J’ai bien conscience que la question de moyens est primordiale. Ceci dit, j’avais fait un billet au début du blog pour dire que l’élégance n’était pas une question d’argent, mais d’état d’esprit et d’un minimum de goût.
On peut tout à fait chez Burton ou Devred trouver quelques vêtements qui sont élégants.
Monsieur,
Je vous souhaite d’excellentes fêtes de fin d’année…
bonne journée
Tout cela est fort bien écrit, mais il faut veiller à ne pas tout condamner ensemble.
On peut regretter le mauvais goût de certaines de nos élites, mais c’est une affaire de goût personnel. Je vous suis lorsque vous exprimez l’idée que le goût et l’attention portée à la mise trahissent des qualités essentielles. Pour autant, nous connaissons tous des hommes de valeur qui ne cultivaient pas pour l’habit d’intérêt particulier.
Je condamnerai toutefois volontiers ceux qui, en situation de devoir représenter la France et la République, ne font pas, alors qu’ils disposent maintenant de tous les accès utiles aux meilleurs artisans et conseillers, le minimum d’effort pour ne pas porter préjudice à l’image de leur fonction et du pays. Cela trahit ce goût du négligé, du manque de respect envers soi-même et envers autrui, qui sont dans l’air du temps. Chacun sautille et se dresse sur ses ergots en quémandant du respect. Respect, respect, respect ! Voilà la nouvelle rengaine qu’on hurle à tout bout de champ, en oubliant trop souvent que le respect, il se gagne, il se mérite (car si la civilisation exige que l’on accorde à chacun une présomption de respectabilité, quand le comportement ou les faits viennent la démentirent, alors il est légitime de le retirer).
Ce qui est éminemment condamnable en revanche, c’est l’hypocrisie. C’est l’homme politique qui va savamment truquer sa mise pour se donner un genre « plouc », histoire d’abuser le français moyen. Cette forme d’hypocrisie sur une chose assez secondaire, on la retrouve sur le fond, lorsque ces mêmes hommes politiques s’avèrent incapables de défendre leur conviction pour peu qu’ils estiment ne pas avoir de bénéfice politique à en tirer, et adoptent plus volontiers le point de vue contraire s’il peut plus aisément leur garantir un gain politique. Il n’y a rien de plus risible et de plus méprisable qu’un Fabius qui monte sur une Harley pour se donner un côté « peuple », alors qu’en privé, le plus snob de nos hommes politique ne daignera pas vous accorder la parole à moins que vous ne possédiez un haras. Il n’y a rien de plus condamnable qu’un candidat à la présidentielle qui cultive son aspect négligé en affirmant ne pas aimer les riches, qui composent pourtant la quasi totalité de son entourage familial, professionnel et de ses fréquentations. Ou lorsque cet ancien Président faisait intentionnellement des fautes de français à la télévision pour se donner un genre plus proche du peuple. Tout cela alimente les travers les plus nauséabonds de l’opinion publique ainsi que le culte de la médiocrité en toutes choses qui est le mal du siècle.
Il y a sans doute un manque de culture du vêtement mais il y a aussi une sorte de confusion entre la fonction et la personne.
Ainsi un maire considère-t-il qu’il a été élu, sans cacher son appétence pour les cravates-mikey et les chaussettes blanches ? C’est donc que les électeurs souhaitent que le maire soit ainsi fagoté. Ce raisonnement est une erreur.
Maire est une fonction qui est incarnée successivement par différentes personnes mais cette fonction demande de la distinction et un respect des convenances.
C’est exactement le problème illustré par la féminisation des fonctions qui amène certaines à prétendre se faire appeler « madame la présidente » ou « madame la maire ».
Je ne suis pas fan du personnage mais je remercie Sarkozy d’avoir essayé de conserver un certain prestige à la fonction présidentielle. Prestige qui hélas ne lui aura pas survécu.
Bonjour Monsieur Scavini,
C’est effectivement un triste constat mais c’est probablement le reflet de notre époque, période où l’on méprise facilement ce que l’on ne connait pas. C’est assez paradoxal car alors que la médiatisation à outrance des images et des propos est devenue la norme et il semble que les médias compensent la faible qualité par la quantité.
Mais ce constat chez l’homme politique n’est-il pas symptomatique de la société d’aujourd’hui. Sans tomber dans la lutte des Classes, il fût une période où les différentes couches de la population partageaient les mêmes codes vestimentaires. L’ouvrier ou le paysan possédait un costume (peut-être un peu élimé) qu’il revêtait le dimanche et dont il prenait soin, des souliers qu’il entretenait. La qualité des tissus ou la modernité de la coupe trahissaient sans doute le niveau d’aisance.
Après la deuxième guerre mondiale, la société de consommation a ciblé les couches sociales populaires en leur faisant miroiter qu’en s’habillant moins cher et comme elles voulaient, elles allaient y trouver leur compte et leur liberté en s’affranchissant des codes. Car il faut les comprendre, le monopole était celui des petits commerçants, la concurrence n’était pas une institution, il fût facile pour ne pas dire normal de sauter le pas.
Hélas, les années ont passé, l’ouvrier ou l’ouvrière a perdu son travail, son pouvoir d’achat et sa dignité. Maintenant, il est tendance de s’habiller selon la mode, avec des vêtements de mauvaise qualité, fabriqués à bas coût car la marge doit rester conséquente. La plupart des gens ont perdu la notion même de qualité. De nos jours, le costume est devenu malgré lui un signe d’appartenance à une classe supérieure ou dirigeante, pour ne pas dire des profiteurs qui méprisent les petites gens!
Si l’ouvrier achète des chaussures de ville, elle seront à bas prix qui lâcheront au bout de six mois. C’est malheureusement une contrainte quand on dispose pas d’un budget plus important, j’en conviens. Pourtant dans ces mêmes tranches de la population, il y a des gens prêts à payer plus de 100€ pour des chaussures de sport de marque qui ne dureront pas vraiment plus longtemps mais heureusement un nouveau modèle encore plus tendance sera disponible l’année suivante.
Il suffit de regarder les films d’avant-guerre dans lesquels par exemple, Jean Gabin campait parfois des malfrats souvent des ouvriers, des gens modestes mais toujours élégants. J’avoue que depuis que je lis votre blog, je regarde ces films, et d’autres avec un autre œil.
https://greensleevestoaground.wordpress.com/2013/09/13/jean-gabin-gueule-damour-et-style-de-dingue/
Enfin, pour terminer ce long propos, il se peut que par votre notoriété médiatique récente, Monsieur Scavini, vous puissiez donner au public l’envie de regarder les matières et la confection d’une autre manière.
Attention à ne pas idéaliser le passé, surtout sur base des films de fiction. Dans le temps, dans les classes populaires, et il n’est pas nécessaire de remonter bien loin, on possédait une chemise, qu’on portait tous les dimanches, jusqu’à ce qu’elle soit totalement élimée, et avec laquelle on se faisait enterrer le moment venu, on possédait – au mieux – une paire de chaussures à peu près élégante qu’on pouvait porter le dimanche et pour les grandes occasions.
Le fait de posséder une belle chemise et une ou deux nappes ou draps étaient la marque d’une réussite dans nos campagnes et ces pièces de tissus étaient souvent volées par les cambrioleurs.
Nous sommes tout à fait fondés à critiquer les produits de mauvaise qualité, fabriqués à bas coûts dans des pays du tiers monde, dans des ateliers où les employés sont mal payés et dans des conditions de sécurité laissant à désirer. Mais n’oublions pas que c’est un peu grâce à cela aussi que de nos jours la quasi totalité de la population, y compris les classes les plus humbles, peuvent posséder de quoi se chausser et se changer tous les jours et de porter des vêtements propres (même si ce ne sont pas de beaux habits).
Les produits de qualité d’hier étaient parfois supérieurs aux produits moyens d’aujourd’hui et étaient effectivement conçus pour durer, mais il coûtaient très cher et n’étaient effectivement accessibles qu’à une frange de la population qui n’était pas dans le besoin.
Nous sommes bien d’accord. Loin de moi est la tentation d’un passéisme romanesque ou béat.
Tout n’était pas idyllique et comme je l’indiquais si les gens ont massivement changé c’est que la plupart y ont trouvé leur compte, tout du moins au début.
Aujourd’hui, le monopole est l’apanage des grandes marques et des grandes enseignes qui se comportent de la même façon. L’équilibre n’est pas chose facile et le profit l’emporte souvent sur la raison.
Monsieur,
Votre article est fort intéressant. J’en profite d’ailleurs pour vous remercier pour la qualité de l’ensemble de votre blog.
En ce qui concerne l’homme politique dont vous parlez, je pense que sa démarche est une erreur sur le fond. En effet, il faut adapter sa mise aux circonstances, c’est vrai, et donc, de ce fait, il parait clair qu’en province une personne vêtue d’un très beau costume aura souvent une apparence « over-dressed » aux yeux du grand public. Par conséquent, ne pensez-vous pas qu’il vaudrait mieux pour nos élus locaux se ré-approprier des mises dépareillées moins formelles (quitte même à sacrifier la cravate) composées de pièces bien coupées plutôt que de conserver un costume en le choisissant (plus ou moins volontairement) mal coupé pour paraître moins habillé? En résumé, d’après moi, le bon raisonnement serait de réduire la formalité des mises mais pas la qualité intrinsèque de chaque pièce. Mais pour cela, il faut un peu de culture vestimentaire que malheureusement beaucoup n’ont pas…
Tout à fait, les petits maires feraient mieux d’adopter le tweed et les cardigans plutôt que de continuer à porter hideux costumes Armand Thierry.
À Monsieur Julien Scavini.
Monsieur,
Vous m’avez donné une bonne leçon et je vous en remercie. Si, à l’endroit où vous vivez, le maire a suffisamment de « culture vestimentaire » pour s’habiller élégamment, en nos pays de province, l’homme public se doit de faire allégeance aux « grands maires » et de respecter une mise humble seyant bien mieux à leurs condition et statut.
Merci encore et félicitations pour vos articles.
Stéphane Mettetal.
Bonsoir Monsieur Scavini,
Lecteur assidu depuis longtemps, je franchi le pas pour vous remercier de votre blog passionnant et richement illustré.
Je ne résiste pas à la tentation, en commentaire à cet article, de poster un lien vers un site internet pas bien méchant sur notre président : http://www.francois-tacravate.fr
Merci encore, au plaisir de vous lire,
Luc
Bonjour,
Vous avez eu l’élégance de traiter ce sujet sans émettre de considérations politiques, ce qui n’est pas toujours évident et sans tomber dans le piège du « lynchage médiatique » (ou « bashing », pour utiliser le terme à la mode).
L’analyse est très pertinente, tant en ce qui concerne le rapport à l’élégance et à l’habit qu’en ce qui concerne l’image de l’élu. L’anecdote du député élégant qui enfile sa cravate polyester avant de rencontrer ses électeurs illustre parfaitement cette situation…
Félicitations pour cet article (et pour tous les articles précédents, évidemment), c’est un plaisir de vous lire!
Au-delà du ton méprisant de ce post qui tranche avec la bonhommie habituelle de vos publications, sachez que la correction dans l’usage de la langue française est aussi une forme d’élégance dont nul ne devrait se passer.
Ces détais mis à part, j’apprécie beaucoup votre blog, ainsi que votre livre, qu’on m’a offert à Noël.
Salutations distinguées (elles aussi !)
Bonjour, je me permet de profiter de cette entrée car j’ai une question. Dans cette vidéo http://vimeo.com/47244185, à la 28ieme seconde, on voit une veste avec un col, me semble-t-il particulier. Peut-on m’en dire plus? Merci
Un col classique de veste, type cran sport. Mais le feutre est coloré et des initiales sont réalisées dessous en feutre. Le col est montré relevé dans la vidéo.
Aujourd’hui, la Maison Blanche s’est sentie obligée de teaser le costume « tan » d’Obama. Gros débat aux US à grands coups de « yes he tan! ». Cela montre à quel point l’uniformité et la banalité est la norme chez les politiques. Triste situation.
Saviez vous qui habillait feu Raymond Barre?
Hélas non
On peut aussi s’interroger sur comment Bruno lemaire peut s’offrir des costumes Brioni.
Je crois qu’à l’épaule on reconnaît que l’actuel locataire de Matignon s’est taillé un costume en grande mesure à la Maison Smalto http://tinyurl.com/pjkcdfy 🙂
Oh que non, une affreuse veste de PàP bien thermocollée et qui vieillit mal. Rien à voir avec la pagode de Smalto 🙂
L’orthographe est l’élégance de l’écrit. Le président Giscard d’Estaing étant un homme, il se prénomme ValérY et non ValérIE.