Beaucoup de jeunes gens doivent se poser la question : être élégant, est-ce se faire remarquer? A priori, la mythologie de l’élégance veut que précisément, la plus grande des élégances soit de ne pas se faire remarquer. Brummell dit-on l’aurait dit, repris par d’autres…
Seulement, la confrontation à la réalité oblige à reconnaitre qu’être élégant – dans ce monde assez moyen – oblige nécessairement à se faire remarquer. Mettez un jean moyen, une paire de basket moyenne, un caban moyen sur une chemise moyenne et vous serez… dans la moyenne, bingo. Au travail, mettez un costume passable et personne ne vous dira rien ; mettez une pochette sur le costume passable et certains vous traiteront de dandy ; mettez un gilet et tout le monde vous demandera si vous allez à un mariage…
La conclusion est donc assez rapide à trouver : oui, bien s’habiller, c’est se faire remarquer. Quand j’étais jeune, j’aurais dit « se taper l’affiche ». Toutefois, il est possible de distinguer deux niveaux d’élégance en costume.
Première strate. Le costume est bien coupé, dans une étoffe de qualité. Rien d’extravagant, juste de la qualité. La chemise est sobre et la cravate aussi. Finalement, pour le commun des mortels, peu de différence par rapport à une tenue passable. Mais pour vous, l’alliance de raffinement et de discrétion est idéale. C’est ainsi que je m’habille moi-même tous les jours. Costume marine, chemise rayée, cravate classique, une tenue digne et simple. Je suis ravi sans faire d’excès et sans me torturer mentalement pour savoir ce que je vais mettre avec quoi. Pourrait-on dire que cette approche mesurée est proche de la définition du gentleman?…
Seconde strate. Là, il y a une volonté d’en faire plus, de ne plus se contenter de la sobriété mais de sortir le grand jeu. Le costume est peut-être toujours sobre, mais le gilet est croisé, les revers immenses et la cravate très inspirée. En bref, une tenue qui pourrait faire la couverture de The Rake. Un pas vers le dandysme?…
Le premier niveau d’élégance discrète sera peut-être remarqué ça et là, mais rien de très impressionnant. Au second niveau, vous susciterez chez les gens que vous croiserez des commentaires divers. J’imagine aisément qu’Hugo Jacomet ou Alexander Kraft ne doivent pas passer inaperçus dans les cercles qu’ils fréquentent.
Si la première strate est à la portée de tout le monde – il suffit pour cela de lire les us et coutumes du vestiaire masculin sur Stiff Collar ou Parisian Gentleman – la seconde nécessite d’être sûr de soi. Il faut oser s’habiller avec panache!
A priori…
Car cette dernière phrase que j’ai longtemps posé comme axiome n’est en fait qu’une hypothèse assez gratuite. Je l’ai constaté bien souvent avec mes propres clients et amis.
Il n’est pas nécessaire d’être rempli d’assurance et d’être « un gagnant thatchérien » pour s’habiller avec une grande élégance !
Curieusement non. J’ai une bonne petite dizaine de connaissances qui font mentir cette idée. Certains d’entre eux sont si timides que je prends des pincettes pour converser avec eux. J’ai eu le plaisir d’avoir un stagiaire, qui se reconnaitra, qui osait à peine parler aux clients. Pourtant, les vestes napolitaines étaient sa grande passion et la sprezzatura italienne un travail de tous les jours. L’allure démonstrative ne leur fait pas peur du tout.
Ces connaissances, malgré une grande timidité et un sens aigu de la réserve, osent. Qu’importe que les regards se tournent vers eux, ils arrivent à être à la fois très élégants visuellement et très discrets par leur façon d’être. Deux expressions opposée pour une même forme. Réussir à s’habiller ostensiblement comme un milord et en même temps être extrêmement doux et retenu. C’est possible. Assez rare, mais possible. Comme quoi, la nature humaine arrive à allier les antonymes.
Le tailleur voit défiler beaucoup de messieurs et peut ainsi découvrir que contre tout attente, son client si réservé et qui osait à peine pousser la porte de l’atelier se révèle d’une extrême élégance. Qui l’eût cru.
Belle semaine, Julien Scavini
L’élégance sincère nait du pudique.
Difficile questionnement à rendre objectif. Je connais des très sincères qui ne sont pas pudiques en matière vestimentaire.
hum hum , oui je me posais aussi la question. En fait selon vous , quelqu’un ayant une garde robe axer sur le dépareiller mélangeant couleur urbaine et de campagne « gris,bleu,vert ,marron » de ton sobre principalement , mais sans accessoires , ni revers immense . Cela serait dans quel catégorie ?
belle article
Voici un sujet aussi intéressant que sans fin me semble-t-il. Car il y a bien la dimension personnelle, mélange de connaissance et de culture, d’audace et de réserve, d’âge et de moyens…
Et il y a aussi l’époque,. Porter un t-shirt sous une veste avec un Jeans et une paire de sneakers, n’a rien de surprenant et d’inhabituel. Porter une veste avec chemise et gilet, sur un pantalon en laine avec une paire de derbies, le tout avec une cravate un peu large, voilà qui fait non-conformiste aujourd’hui.
Mais il y a 20/30 ans lequel des deux aurait été le plus anti-conformiste et/ou considéré comme élégant par le plus grand nombre ?
Peut-être au fond, le mérite de l’époque est il de tolérer (Je ne dis pas »accepter ») une variété plus grande que nos aînés l’ont connu, disons jusqu’à début des années 70 ?
M. Jacomet est-il élégant ?
Oui =) On aime ou on aime pas le style, mais oui !
On est souvent élégant dans un costume à 6000 euros pour un peu que l’on sache assortir cravate, costume et chemise. Avoir du style, c’est aussi savoir s’habiller de manière plus décontractée et réussir à être élégant avec des pièces plus « basiques » et moins flamboyantes. Certains japonais photographiés au Pitti Uomo ont un style assez sophistiqué, mais ils restent toutefois très sobres et beaucoup moins démonstratifs. Personnellement, je trouve ce style ultra formel quasiment importable dans la vie de tous les jours et presque anachronique si l’on ne côtoie pas tous les jours des mondains…
Tout à fait, tout est une question de lieu et de fréquentation. On ne s’habille pas de la même manière sur la moquette feutrée et sur le macadam. A toutes époques.
Et que penser d’un Cédric Villani qu’on a vu hier à la télévision?
Ahah, il est hors jeu lui. Moi je trouve ça drôle. Pas intéressante, mais amusant. Il ose et c’est très bien !
Il m’a semblé que ses vestes sont de bien meilleure qualité desormais. Celle de l’autre soir avait des épaules bien faites.
Moi j’l’aime bien, a fortiori parce que c’est un des rares intellectuels qui soit « revenus » dans la sphère publique et politique. (Quoique je ne sois pas d’accord avec tout ce qu’il raconte sur les maths et l’enseignement, il vaut sans doute mieux quelqu’un de compétent avec qui je suis en désaccord que la tripotée d’incompétents jusqu’ici aux commandes.)
Par contre, pour la discrétion, on repassera. Et pas que pour ses vêtements.
Je porte des bretelles tres souvent (port du pantalon, confort incomparable), et ca ne passe pas inapercu quand je tombe la veste…j’aimerais ne pas eveiller l’attention mais impossible de revenir à la ceinture.