Combien faut-il avoir de costumes?

C’est une question délicate, que me posent parfois les clients et devant laquelle je suis toujours très interrogatif moi-même. Car la réponse dépend grandement de la sensibilité du client au sujet vestimentaire. Il ne s’agit pas d’effrayer en disant quinze à quelqu’un qui pense trois. En même temps, parfois en disant cinq, on me répond, « je pensais dix! » Évidemment, la réponse la plus cartésienne serait beaucoup. Plus l’on possède, moins l’on use. Les riches le savent bien. Mais je ne voudrais pas  tomber dans une lutte des classes mal placée.

Il évident que de nombreux hommes perçoivent le costume comme une charge ennuyeuse et coûteuse. Et qu’ils n’en ont presque pas. Je repense à l’histoire d’un de mes collaborateurs, ancien employé de banque, dont le responsable à l’époque, n’avait qu’un costume et deux chemises blanches. Il tournait la semaine avec. Là, franchement, de qui se moque-t-on? Pourquoi pas venir en sabot et en braie?

Posséder quelques costumes est une question d’arbitrage personnel. Je rappelle qu’en 2016, il s’est vendu en France 22 200 000 Smartphones, pour une moyenne par an de 326€, moyenne montant pour les possesseurs de téléphones Apple à 529€ par an. Sans parler de l’abonnement. Trois petits points de suspension. A titre de comparaison, un bon costume Mario Dessuti, c’est un à dire un habit porté de 8h à 20h environ, coûte 190€… Il participe à l’esthétique et à l’image de la personne de manière plus qu’évidente. Mais nous sommes le pays des sans culotte, où le costume est plus vécu comme un asservissement que comme un signifiant social et courtois.

Revenons à la question. Être objectif n’est pas facile, moi qui ai la chance d’avoir de nombreux costumes. (Même si les mêmes sortent toujours).

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Je dirais que trois costumes tout à fait classiques est un bon départ. Si les costumes ont deux pantalons, alors, c’est remarquable. De quoi couvrir largement les cinq jours ouvrés de la semaine. L’idéal toutefois serait d’aller plus loin, avec un ensemble blazer pantalon, et pourquoi pas un costume plus hiver (une flanelle) ou un plus été (une laine froide, une laine-mohair ou de coton).

Une telle penderie me parait excessivement équilibrée. Les anglo-saxons diraient a genuine wardrobe , dans le sens de sincère. Trois costumes et trois bonus.

Évidement, le cran du dessus serait cinq costumes, un par jour ouvré. Trois bleus, deux gris par exemple. Bleu marine, bleu fil à fil, caviar bleu, gris anthracite, gris clair. Pourquoi pas un chevron? Ces cinq costumes pourraient être aussi complétés d’ensembles un peu plus saisonniers, un ou deux été, un ou deux hiver. Ainsi, ces cinq costumes de base s’useraient moins, relayés par saisons.

Construire un cœur de penderie compacte autour de trois à cinq classiques permet de ne plus penser au costume, qu’il devienne une facilité du matin, le bon vêtement que l’on met sans y réfléchir et sans se faire remarquer.

Car moins vous avez de costumes, moins il faut se faire remarquer. Avoir un costume gris à carreaux rouge est très bien. Vous passerez pour un élégant au bureau. Le mettre tous les deux jours et votre préciosité sera alors moquée (en même temps qu’un petit portefeuille évident et maladroitement révélé). Il est toujours délicat d’avoir les goûts d’un milord et le budget d’un curé de campagne.

Il faut de la patience pour bien faire. Et tout le plaisir consiste à se faire plaisir une fois de solides fondations établies. Il faut savoir équilibrer l’utile et l’agréable. Des classiques sobres sont utiles, il faut les rendre agréable par l’association de chemises et cravates variées. Le large prince-de-galles, l’authentique rayure craie, le très expressif carreau, brefs, les pures plaisirs viendront ensuite épauler la structure déjà bien en place. Mais ce n’est qu’un avis.

Au final, il est délicat de quantifier précisément les besoins. Ils dépendent de l’envie et de goût. Mais ce n’est pas prioritairement une question d’argent, ni de volume excessif, et peut-être même pas forcément de qualité. Il s’agit de volonté, une volonté de faire avec ordre et méthode, avec soin.

Belle semaine, Julien Scavini

11 réflexions sur “Combien faut-il avoir de costumes?

  1. Anil CIFTCI 17 septembre 2018 / 21:07

    Bonsoir Monsieur Scavini,

    Je lis avec attention vos chroniques que je trouve merveilleuses !

    Jeune cadre, il est vrai qu’acheter un jolie costume qui ne sort pas des grandes enseignes reste difficile niveau budget. Maintenant, je connais Mario Desuti grâce à vous !

    N’hésitez pas à partager vos conseils pour les jeunes cadres n’ayant pas forcément le même pouvoir d’achat que leur manager !

    Merci à vous.

    Anil

    *————–* *Anil Ciftci* Consultant 06 98 82 91 95

    PROCHES – Conseil en Influence & Marque 21, rue du Faubourg Saint-Antoine 75011 Paris

    http://www.agenceproches.com @agenceProches

  2. ERIC PIZZOLATO 18 septembre 2018 / 08:01

    FC

  3. ERIC PIZZOLATO 18 septembre 2018 / 08:04

    Encore et toujours des tissus unis. Quand allez vous Julien réhabiliter les carreaux, les lignes, les princes de Galles…….

    • Tiffy 18 septembre 2018 / 13:28

      Pour constituer la base de la garde robe de quelqu’un qui doit porter le costume de manière quotidienne dans un cadre professionnel, l’uni semble plus sûr. Un costume bleu ou gris uni conviendra à quasiment toutes les occasions professionnelles, alors qu’un costume à motifs pourra parfois paraître déplacé.

      Pour ma part j’aime aussi beaucoup les costumes qui font preuve d’une certaine originalité, mais dans le cadre professionnel la discrétion est souvent de mise.

      • chiffon 19 septembre 2018 / 14:38

        Pour débuter, je crois que tout le monde chez les spécialistes (dont Mr. Jacomet, et Mr. Scavini) s’accorde à dire qu’il faut de préférence commencer par un bleu et un gris (de teinte variable, ça peut aller de l’anthracite au gris clair, idem pour le bleu). Je crois préférer les signes d’élégance discrets (belle cravate, beaux souliers, pochette) sur un costume classique et bien coupé. Les costumes plus originaux (à rayures, prince de galles et consorts) ça peut ensuite venir sur un 3eme costume.

        A titre personnel, j’ai commencé par un bleu prêt-à-porter basique (parce que pas les moyens), puis un bel anthracite entoilé trouvé en fripes pour une bouchée de pain (que je dois aller faire retoucher), et j’ai concentré l’originalité sur des gilets portés en dessous, cravates, souliers et pochette. Cela permet de rester formel (modulo le cadre, à mon travail c’est costume ou costume) tout en s’amusant… et en conservant comme solution de repli une tenue sobre et formelle.

        C’est ce que j’apprécie beaucoup chez les amateurs de style masculin que je lis ici (chez Stiff-Collar comme PG), le fait de d’abord penser aux basiques, aux choses simples mais bien faites, et une fois les bases bien assises, se faire plaisir. Cela évite de confondre vitesse et précipitation.

  4. MONNIER 18 septembre 2018 / 08:33

    Pour ma part, je tourne avec un fond de 5 costumes. 1 par jour ouvré. Là-dessus avec le renouvellement de la garde robe, j’y ajoute 3 de plus. Du gris, du bleu, du marine, du caviar. Toujours rangé dans le même ordre. Du coup, chaque jour = le même costume. On ne  »se prend la tête » que lors de l’achat. Par contre, on se diversifie avec les chemises et surtout les cravates. Je précise que c’est pour le bureau. 2 paires de chaussure noires (différentes), une bordeaux, une marron. Et hop. Croyez moi mais ce n’est pas si ruineux car le fond tourne et ne s’use pas.

  5. Jules 19 septembre 2018 / 11:53

    Merci de cet excellent article, qui évoque très justement le rapport d’équilibre à trouver entre les formules « de base » et les formules plus osées, à ne pas sortir tous les jours.

    Un peu surpris cependant que la formule « blazer-pantalon » soit rangée dans la catégorie « costume » (c’est une tenue sport, donc dépareillée, non ?), ma question sera cependant liée à votre illustration, qui là encore ne traite guère du costume mais de la tenue « sport ».
    Vous présentez votre figure portant une chemise à carreaux « tattersall » multicolore assortie à une veste en tweed. Un grand classique, pas bien difficile à trouver, mais vraiment très typé campagne, peut-être un peu suranné, surtout avec un trait épais pour le carreau, solution la plus fréquente contrairement à votre illustration ou le bâton du carreau est très fin.

    Or, vous aviez évoqué dans un de vos anciens billets l’idée d’une chemise blanche ou blanc cassé à très fin carreaux marrons, plus « moderne », plus « jeune », qui serait portable à la ville comme à la campagne avec une veste de tweed. Je cherche un tel modèle en prêt-à-porter depuis longtemps, sans jamais l’avoir trouvé, surtout en coupe classique.

    Lorsque j’ai découvert votre nouvelle offre de chemises dans votre boutique en ligne, j’ai supposé qu’un tel modèle serait présent. Ma déception a donc été à proportion de mes attentes.

    Une idée pour élargir votre offre à l’avenir ?

    Bien sincèrement,

    Jules

    • Julien Scavini 19 septembre 2018 / 16:49

      Pour moi, avoir un blazer et un pantalon est essentiel et important. Il peut remplacer le costume sans problème. Je le classe alors moins dans la catégorie sport. Avec des souliers noirs, ou marron très foncés, pour le vendredi par exemple, c’est idéal, pour une soirée d’entreprise etc… C’est intéressant.

      Si le blazer et le pantalon sont foncés, c’est discret et ‘business’.

      Pour le dessin, sans rapport avec le texte, j’en conviens, j’ai mis un tattersall discret comme j’aurais pu mettre un ivoire. Mais pas facile à vendre la chemise ivoire. Il n’y a hélas – d’après tous les spécialistes que j’ai sondé – qu’un marché très réduit. Je n’ai pas assez de trésorerie au début pour lancer un programme de chemise très large.

  6. Jules 19 septembre 2018 / 17:52

    Un grand merci pour votre réponse. Je comprends votre prudence comme les difficultés liées à des produits un peu originaux.

    Quoiqu’il en soit, tous mes meilleurs voeux de succès pour votre nouvelle ligne de chemises !

    J.

  7. Drag. De T. 20 septembre 2018 / 09:36

    Bel article, comme d’habitude – mais à quand une nouvelle collection de costumes Ardillon ?

    Nous avons grande hâte de faire honneur à votre art, Julien !

    Bien à vous,

    Drag. de T.

  8. Marc L. 21 septembre 2018 / 17:10

    Un article intéressant comme toujours. La question me paraît en revanche restreinte aux personnes dont le métier exige le port du costume. Dans nombre de métiers, dont celui que j’exerce, celui ci n’est pas exigé voir trop apprêté. Dans cette situation, que proposeriez vous ? Ce vestiaire n’étant plus destiné qu’à certains grands événements, festivités et réunions protocolaires. J’ai personnellement un costume deux pièces bleu marie et un ensemble blazer bleu marine, pantalon beige réalisés dans votre boutique. Je trouve le duo efficace. Le costume deux pièces bleu marine étant parfait pour les événements protocolaires et le blazer plus adapté aux évènements décontractés. Ce même blazer, est d’ailleurs la pièce la plus utilisée, car facile à accorder avec des chinos de couleurs ou pantalons plus habillés. Une base agrémentée de papillons/pochettes et chemises.
    Concernant votre corollaire avec les smartphones, je partage votre avis et l’étendrais aux voitures. Et la, le budget vous permet aisément d’acheter de belles pièces.

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