Je n’étais jamais allé à Vienne auparavant et j’ai été tout à fait ravi de cette visite. La capitale autrichienne est charmante, élégante et bien ordonnée. De petite dimension, elle est facile à découvrir, du moins pour ce qui est du centre historique. Et puis surtout, elle n’est pas bruyante et encore mieux, elle est propre. Enfin à côté de Paris, c’est la Lune! Un bref, une ville idéale pour se reposer. Quand aux collections Habsbourg, elles sont renversantes d’intensité! L’aile Kunstkammer est délirante de beautés!
J’ai été tout à fait intéressé par les nombreuses boutiques pour homme. Évidemment, comme toutes les capitales mondialisées, on retrouve Zara pas loin de Vuitton, Hermès à deux pierres de Tommy Hilfiger. Mais là, j’ai trouvé que la concentration de belles boutiques indépendantes était plus importante. Et qu’elles vantaient bien souvent une belle et traditionnelle élégance masculine. La ville regorge de théatres, d’opéras et de salles diverses, y compris pour danser. La tradition du smoking et même de la queue de pie y est encore vivace. D’où un certain nombre de boutiques proposant de merveilleuses panoplies « white tie » ou « black tie« . Et il n’est pas rare de croiser de petits groupes ainsi vêtus à la nuit tombée. Encore une fois, un monde de différence avec Paris où beaucoup se rendent à Bastille en chemisette claquettes. Quel plaisir civilisé!
D’autant que les autrichiens semblent avoir de l’argent, ou du moins sont-ils peut-être moins avares que les parisiens. Les prix affichés dans les boutiques sont conséquents. Certes je n’ai jugé que sur l’hyper-centre, mais voir des vestes affichées en vitrine au dessus de 1500€ est bien rare à Paris. Les antiquaires étaient de très bon niveau aussi.
Je m’étais amusé il y a plusieurs années à prendre en photos les élégantes boutiques de Trévise, ville située à côté de mon fabricant italien que je visitais alors, Sartena. Du coup j’ai eu l’idée de faire de même. Pour montrer que le classicisme vestimentaire n’est pas un vain mot. Et qu’il est encore possible de faire du beau. Je m’excuse pour la qualité des photos, je n’avais pas amené le gros appareil de la boutique. Et mon iphone n’est pas jeune.
Je commence avec un première série diverse, dont le grand tailleur Knize. Et ensuite, je vous présenterai une boutique coup de poing. Un choc de style et d’allure. Un bonheur viennois!
Commençons par Stepanek Herrenmode, au 6 de la rue Kärntner Ring. De bon aloi et bien présenté.
Chez Gino Venturini, au 9 de la rue Spiegelgasse, les tenues de soirées sont superbes, comme du reste chez Alfred Müller au 7 de la rue Tegetthoffstraße. Un petit air d’Apparel Arts! Quel enchantement.
Chez House of Gentlemen, au 11 Kohlmarkt règne un petit air italien dans les accords. Une fantaisie légère et beaucoup d’allure dans les présentations!
Enfin, passons chez le tailleur Knize, prononcez « Knijé ». La maison est célèbre et reconnue depuis 1858. La boutique historique en marbre noire et l’intérieur qui se poursuit sur tout le premier étage a été entièrement conçu par l’architecte Adolf Loos dont j’aimais beaucoup le travail alors étudiant en architecture. C’est un moderniste qui refusait l’ornement mais qui paradoxalement travaillait tout de même beaucoup la matière et le langage architectural. L’ornement sans l’ornement…! Il y avait un peu d’Art & Craft chez lui. Il évoquait aussi beaucoup le ‘cosiness‘ anglais et ses intérieurs pouvaient être tout à fait intimes et vivables à l’inverse des grands modernistes. Il a construit à Paris la maison de Tristan Tzara à Montmartre. Un architecte curieux et tourmenté je crois. Les intérieurs de la boutique Knize que je n’ai pas pu prendre en photo sont sur google et présentent encore les menuiseries et le fond vert d’époque.
Longtemps présent à Paris, d’abord au 149, avenue des Champs Elysées puis au 10, avenue Matignon (fermé en 1972), Knize était aussi installé à New-York (fermé en 1974). Son parfum Knize 10 est un classique parmi les classiques pour hommes. La maison coupe encore sur-mesure mais vend surtout du beau prêt-à-porter, étiquetté maison ou de tiers de qualité, comme Brioni. Quelques beauté comme cette robe de chambre et cette queue de pie parfaitement coupée :
Pour information, quelques prix. Et une boutonnière cousue main sur une veste Brioni :
Voilà pour cette première partie.
Lorsque j’ai fait toutes ces photos, je croyais avoir tout vu et en avoir déjà assez. Et puis, un autre soir, au détour d’une place près de mon hôtel, j’ai été littéralement scotché par une dernière et très grande boutique. Wilhelm Jungmann & Neffe. Un choc total devant tant de beauté. J’avais devant moi le Charvet local. La maison ne vend pas de vêtement, seulement des accessoires pour homme et femme et du tissu à la coupe. Elle se fournit en draperie auprès des meilleurs tisserands mais refuse de dire lesquels. (J’ai bien vu du Loro Piana). Je ne vous parlerais pas de prix, ce serait offensant pour la maison, mais ils sont raisonnables. J’ai passé beaucoup de temps chez Wilhelm Jungmann & Neffe à prendre ces nombreuses photos, dont hélas je ne suis pas très content. Les décors très sombres et les globes lumineux sont difficiles à cerner photographiquement.
Je n’ai pu m’empêcher d’acheter un joli nœud papillon pour remercier cette institution de 1866 d’exister encore. Et j’en suis tellement heureux. L’atmosphère parfaitement surannée et les poêles au milieu de l’espace sont un ravissement. Une incongruité du monde moderne. Simon Crompton de Permanent Style avait aussi décrit sa surprise devant ce joyaux de l’ancien monde. Voyez plutôt! Admirez.
Déjà les vitrines disent qu’il se passe là quelque chose… :
Ensuite, on ose pousser la porte. Discrètement, on ne voudrait pas déranger.
Les yeux ne savent plus où regarder. Un paradis sartorial n’est-il pas?
Enfin, la collection de cravates et d’autres accessoires est une explosion de couleur. Un feu d’artifice gourmand. L’esprit n’en croit pas ses yeux. Le croyez-vous?
De grâce, si vous passez à Vienne, allez y acheter un petit quelque chose. Pour faire perdurer encore cette maison, qu’il serait bon de marier à Charvet je crois!
Voilà de quoi faire des rêves élégants! Belle et bonne soirée, Julien Scavini.
je pensais que vous alliez a Vienne principalement pour Wilhelm Jungmann & Neffe, j’ai failli vous envoyer un message en lisant votre dernier article, mais je me suis ravisé en me disant que vous devriez deja connaître. J’ai découvert la marque en demandant a quelqu’un dans l’eurostar d’ou venait sa cravate!
Il me semble que c’est vous qui m’aviez enseigné l’art du white tie notamment la nécessité impérieuse que le gilet de dépasse pas de la veste. Gino Venturini et Alfred Muller se seraient donc égarés alors que Knize affiche la perfection. Merci pour ce merveilleux voyage!
Tout à fait… Mais bon, je pardonne aisément à qui déjà fait l’effort d’un white tie 🙂
Cher Julien, merci pour cette promenade et cette galerie « sartoriale ». J’ai connu Vienne il y a 25 ans et… seulement à moitié aimé cette ville alors. Puis j’y suis retourné en 2016 et, comme vous, je suis tombé sous le charme. La ville a-t-elle donc tant changé en une génération ? Quoiqu’il en soit, j’ai consacré un article à Knize, qui vous amusera sûrement (à l’endroit habituel… http://www.meselegances.com/2016/12/08/knize-wien-osterreich/). Avez-vous lu le livre d’Adolf Loos : Comment doit-on s’habiller ? C’est pour vous, un architecte qui chronique sur l:’art de se vêtir… Au passage, les parfums Knize sont un peu distribués à Paris, dans une pharmacie de l’avenue Matignon, une pharmacie qui reste ouverte toute la nuit, ce qui est bien pratique : on peut aller y sniffer du Knize Ten en tout bien tout honneur à deux heures du matin (chérie, mes sels) et le personnel est accueillant. Cela dit, je m’aperçois que je n’avais pas mentionné Wilhelm Jungmann & Neffe, et là j’ai honte, vous avez bien fait de leur réserver une place de choix.
Bonjour Julien,
Vos lignes sur Vienne me font penser immédiatement à ma ville d’adoption Hambourg, Les belles boutiques, la propreté les gens courtois et souriants. Un plaisir de pousser chaque porte d’échoppe. De plus la qualité vestimentaire dans les rues de la vile fait aussi plaisir, hormis la jeune teen génération, vêtue de yogajeans, les gens y sont souvent raffiné et bien vêtus surtout hors « heure de pointe ». Idem dans le marché où nous allons faire nos courses le samedi matin où l’ancienne génération monte sur un 31 jamais vu en France.
Respectueusement,
Nicolas B.