Nous vivons une époque de liberté importante concernant le vêtement. Chacun peut s’habiller comme bon lui semble. Les marques tentent de suivre en proposant des produits très divers. Il y en a pour tous les goûts. Cela sur l’autel d’une certaine forme d’harmonie peut-être. Il y a cinquante ans, la mode était plus homogène. Prenons l’exemple du pantalon. De toutes les formes, de toutes les ampleurs, de tous les goûts. La variété est si impressionnante qu’il est possible d’en perdre son latin actuellement.
La hauteur sur les hanches est un point qui a beaucoup évolué. La comparaison de la hauteur de l’ouverture du zip devant peut aller du simple au double. Les coupes modernes, de jean ou même de costume, peuvent présenter 12cm voire moins. Les pantalons classiques taille haute arrivent facilement à 20cm voire un peu plus sur demande. Le grand écart total.
La grande interrogation du moment consiste à donner un nom à telle ou telle hauteur. Est-ce taille haute ? Est-ce taille basse ? Est-ce taille naturelle ? D’autant que je le constate bien souvent, chaque personne a sa propre appréciation. Certains clients, quand je vais leur demander ce qu’ils veulent comme hauteur me répondent « taille haute, c’est sûr » et me montrent leur chino Uniqlo en me disant « comme celui la ». D’autres me disent « ah non moi, pas taille basse » et quand je leur fais essayer ce qui est « mon » taille basse servant à la prise de mesures, ils me disent « ah c’est super comme ça oui ». La confusion est donc totale.
On me parle souvent du nombril en référence. Mais le nombril, c’est très haut ! Quand on a le ventre plat, il correspond à peu près à l’endroit où le buste est le plus étroit, car creusé sur les côtés, au dessus des hanches. L’appellation « taille naturelle » me paraît le mieux convenir pour cet endroit. Et se confond avec la taille haute.
En revanche, porter le pantalon là n’a rien de naturel.
Il s’agit d’une partie molle du ventre. Pour que le pantalon tienne là, naturellement, il faut qu’il soit suffisamment bien ajusté à la ceinture. Or, lorsque l’on s’assoit, le ventre se détendant, le pantalon devient alors un vrai garrot. J’ai constaté que les hommes au ventre plat et très musclé, eux, ne ressentaient pas d’étouffement, car ils sont gainés. Il suffit de voir comment Sean Connery ou Roger Moore portent leurs pantalons dans James Bond. Voyez comme ils portent les pantalons hauts. Sans bretelles. Et les pantalons tiennent. Il faut des abdos en béton pour ça, car les pantalons leurs serrent le « bide », expression triviale mais réelle.


Pour moi par exemple, mon ventre mou se retrouve pincé affreusement. Et si ce n’est pas assez serré, alors le pantalon tombe tout le temps. Dilemme.
Deux solutions existent alors. La première est d’agrandir la ceinture et de recourir à des bretelles. Seules à même de garantir un pantalon haut mais confortable, qui ne tombe pas tout le temps. Un client avait défini qu’il fallait pouvoir placer le point entre le ventre et le pantalon pour être totalement confortable ainsi. Le pantalon flottait relativement, mais les bretelles tenaient. Je lui réalisais d’exquis pantalons avec mon atelier italien, voyez plutôt :
Autre solution, continuer d’endurer d’avoir le ventre serré au nombril… Oui, continuer. J’ai remarqué sur mes vieux clients qui portent ainsi – et exploit suprême, sans bretelles – qu’ils ont à cet endroit comme une habitude du corps. Une sorte de renfoncement où le pantalon se loge tout naturellement. Le corps s’est fait à l’usage. Ils ont souvent un peu de graisse au dessus et aussi en dessous. Ce qui rempli bien le haut du pantalon. Finalement, cette façon de porter qu’avait Chirac et dont tout le monde se moquait. Sans bretelles, son pantalon tenait grâce à l’habitude de son corps dont les bourrelets étaient soigneusement espacés ! Cette photo de Jacques Chirac est tout à fait caractéristique de ce pantalon qui trouve appui non sur les hanches, mais sur le petit bas ventre. Il faut le travail du temps pour en arriver à ce résultat :
3 à 5cm environ sous le nombril, les hanches commencent à se dessiner et le pantalon, là, trouve un appui intéressant. La ligne reste pour moi à « taille naturelle », visuellement taille haute, même si au sens strict, ce n’est pas tout à fait vrai. La ligne de jambe paraît toujours élancée lorsque le pantalon s’arrête au niveau des hanches.
Comment juger qu’un pantalon devient taille basse ? Pour moi, je dirais que c’est lorsque les lignes de l’aine (ces deux obliques dessinant les hanches et pointant vers le pubis) commencent à se voir. Le fait de voir ces deux lignes pour moi est caractéristique d’un taille basse. Le nouveau James Bond, Daniel Craig, porte ce que je qualifie de taille basse. Légère. Pas ultra. Mais taille basse déjà un peu :
Ces appellations je l’ai dit varient beaucoup d’une personne à l’autre, surtout suivant ses habitudes et son poids. Lorsque j’étais un peu plus corpulent il y a deux ans, j’avais tendance à commander des pantalons légèrement plus bas. Je m’y sentais mieux, moins serré, plus confortable. Maintenant que je suis revenu à un ligne plus mince, je suis revenu aussi à mon standard ancien de pantalon, 3cm sous le nombril environ.
Je crois beaucoup à la vertu d’un pantalon qui monte assez haut, pour donner de la jambe, mieux tenir la chemise et rendre une impression générale plus apprêtée. Mais je comprends aussi la demande et le confort de certain pour un peu plus bas. Tout l’intérêt pour moi est d’adresser au mieux la demande de mon client, de comprendre son envie.
Bonjour,
C’est marrant. Étant débutant dans le domaine, je pensais que le mou du ventre, au dessus de la hanche donc, permettait de bien serrer le pantalon et donc était le meilleur moyen pour que le pantalon ne tombe pas car maintenu par le dessous par l’os iliaque.
Malheureusement, malgré cela, il faut toujours le remonter plusieurs fois dans la journée. Peut-être est-ce une fatalité sans bretelles ?
Il y a plus grave, mais c’est agaçant cette histoire ! Merci pour votre article 🙂
Et oui, le ventre mou ne « supporte » pas assez le pantalon, qui tombera toujours un peu. A moins d’avoir une « bedaine » inférieure pour le soutenir 🙂 BRETELLES !
De loin je préfère Sean pantalon à la taille et poche cavalier à Daniel qui semble boudinet avec ses poches en biais qui baillent affreusement.
Pas faux ! J’aime bien les poches cavaliers de Sean Connery. J’ai envie d’essayer pour moi !
J’adore le pantalon taille haute. Je trouve que le revers est plus élégant sur ce genre de pantalon. Les ajusteurs latéraux aident beaucoup pour le maintien, mais oui on se sent serré.
Sur mon chino Uniqlo (taille basse), il y a un côté décontracté, choisir l’ourlet est comme une évidence, on se sent plus à l’aise pour faire une longue promenade…
Malheureusement, la taille haute (hors tailleur), ne semble pas avoir un grand avenir. Je pense que ceux qui ont découvert le pantalon taille haute pendant le 1er confinement, ont pu mesurer la difficulté de ce pantalon. Si on prend un peu trop de poids, ça peut être dérangeant, et le passage chez le retoucheur devient obligatoire.
Et comme vous le savez, la retouche dérange, on fait tout pour l’éviter, alors que c’est presque toujours (?) obligatoire pour un pantalon. C’est un peu la force d’aller dans votre boutique, les clients n’ont pas à se poser la question car c’est compris dedans.
Il est vrai que la taille haute est très sensible au poids. La taille basse beaucoup moins. C’est pour ça que, ventre ou pas, il tient mieux sur la hanche et la faveur du plus grand nombre.
La taille haute de feux Sir Sean et Sir Roger est aidée par les DAKS tops, cette ceinture élastique réglée par trois boutons de chaque côté et dissimulée à l’arrière par la ceinture qu’on trouve sur les smokings en PAP. Pour Sir Sean, la taille baissera après « Dr No » et encore plus après « On ne vit que deux fois » et surtout dans « les diamants sont éternels » quand le tour de taille suit le chemin inverse de la qualité des films. Pour une taille « équilibrée » sur un acteur gainé, la référence dans James Bond reste George Lazenby et ses superbes costumes et pantalons DAKS tops Dimi Major qui n’ont pas pris une ride.
Roger Moore poussera plus loin quand il passera du tailleur anglais de Cyril Castle à Angelo Roma en 1977. Pas de ceinture, pas de système de réglage de taille mais en plus même pas de poches ou de pinces (il faut avoir confiance en son tailleur et la stabilité de son poids le temps du tournage). Il y avait juste des « darts » sur le devant, sorte de pinces mais fermées (je n’ai pas le terme français).
Les boucles et « brides » latérales sur les pantalons taille basse Tom Ford de Craig ont le même rôle que les DAKS tops. Je suis moi-même adepte de la taille un peu haute vers 3 cm sous le nombril avec ces « side-adjusters » à boucle. J’ai banni la ceinture de cuir et donc ses passants avec mes pantalons de ville, le réglage n’est pas fin et la texture trop dure et coupe bien plus qu’une flanelle.
L’important est surtout l’harmonie avec la hauteur du boutonnage de la veste pour éviter le triangle de l’horreur où pourrait apparaître un bout de chemise sous le bouton (et pire, la cravate qui dépasse !).
Merci pour ces délicieuses précisions !
Au sujet des tailles hautes sans bretelles, il m’est arrivé une anecdote extrêmement drôle il y a peu !
Je porte assez régulièrement depuis quelques temps pendant la moitié froide de l’année un pantalon que j’ai fait faire chez Luxire : moleskine Brisane Moss (la même que vous proposez en pàp), coupe légèrement patte d’eph’ (car c’est le tissu parfait pour ce genre de coupe : souplesse du coton au niveau des cuisses et tenue rigide incroyable du tissu qui permet d’avoir de la largeur en bas), « taille haute » au nombril, ceinture allongée avec un passant (comme sur votre coupe « S3 »).
Il se trouve que j’ai pris ces derniers mois (comme souvent en hiver) un peu de gras autour de la ceinture abdominale. Et voilà qu’un matin, après avoir enfilé mon pantalon, je m’assois pour lacer mes chaussures… et c’est alors que je suis soudain pris d’un éternuement qui a littéralement envoyé les deux boutons de la ceinture s’envoler à l’autre bout de la pièce ! J’ai donc ressorti mon jean Uniqlo et pas encore recousu les fameux boutons. 😀
Excellent 🙂